Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 18 janvier 2015 à 10h15
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance et l'activité

Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique :

Avis défavorable à ces amendements de suppression.

Je rappelle à M. Roumegas et à Mme Berger que j'ai donné dans mon propos liminaire des éléments sur le commerce électronique et la notion de zone de chalandise.

Je prends un exemple : la notion de zone de chalandise, telle qu'elle est habituellement utilisée dans le droit de la concurrence, ne peut pas s'appliquer au secteur culturel, du fait que ce secteur voit le passage massif de plusieurs millions de visiteurs par an sur des durées réduites. Leurs flux momentanés transforment de facto la zone de chalandise. On peut analyser de la même façon l'impact du commerce en ligne : les effets de déport de la vente directe sur la vente en ligne sont massifs – je tiens les chiffres à votre disposition. Le Printemps a créé son propre site de commerce en ligne, qui réalise presque 50 % de son chiffre d'affaires le dimanche. Ceux qui ne peuvent pas physiquement consommer le dimanche dans les grands magasins ont donc plébiscité la stratégie de contournement du Printemps. C'est une réalité qu'il ne faut pas nier.

S'il faut traiter ces zones touristiques internationales de manière différente, c'est tout simplement parce qu'elles font l'objet de flux spécifiques. La France, première destination touristique du monde, n'est que la troisième en montant des recettes liées au tourisme et la neuvième en montant des recettes par visiteur. C'est bien la preuve que notre organisation actuelle ne nous permet pas d'optimiser les potentialités du secteur touristique. Et lorsque l'on n'offre pas aux touristes les moyens de consommer sur place, ils s'en vont consommer ailleurs.

Les magasins réalisent entre 30 % et 50 % de leur chiffre d'affaires hebdomadaire le dimanche lorsqu'ils sont ouverts ce jour-là.

À Mme Fraysse et à Mme Mazetier j'indique que le projet de loi prévoit des compensations beaucoup plus importantes que celles qui ont jamais été octroyées dans aucun texte, puisque l'ouverture dépend d'un accord. Hier au soir, vous avez donné lecture d'un tract émouvant. Le grand magasin dont il était question était ouvert le dimanche parce que c'était la période des soldes : la loi actuelle n'empêche pas l'incivisme de certaines enseignes, qui refusent de donner du temps à leurs salariés pendant une telle période pour aller manifester. Mais demain, une telle situation ne sera plus possible : jamais une enseigne comme le Printemps, compte tenu de l'équilibre syndical qui est le sien, ne parviendra pas à un accord dans des conditions aussi peu satisfaisantes. Or, je le répète : pas d'accord, pas d'ouverture…

On peut toujours créer de nouvelles PUCE dans lesquelles la loi prévoit le doublement du salaire et un jour de compensation : une telle démarche créerait immédiatement des effets de bord majeurs pour les salariés. Le plus intelligent est de renvoyer à des accords de territoire, de branche ou d'entreprise, dont la signature conditionnera l'ouverture et qui définiront les termes de la compensation.

La ville de Paris n'est pas seule concernée. À Nice, 53 % des nuitées sont le fait d'étrangers. Ouvrir le dimanche et en soirée permettra de prendre en compte la réalité du commerce international dans ces zones spécifiques.

S'agissant du commerce en soirée, madame Berger, j'ai déjà indiqué les compensations prévues : doublement du salaire entre 21h00 et minuit, raccompagnement du salarié à son domicile à la charge de l'employeur, volontariat explicite, capacité de rétractation, protection des femmes enceintes.

S'agissant des effets de bord, personne n'arrivera à me faire croire que c'est l'ouverture dominicale et en soirée qui explique le prix du foncier d'ores et déjà constaté aux Champs-Élysées ! Ce prix élevé est un vrai problème, je vous l'accorde, mais il n'est pas lié à la réforme que le Gouvernement veut conduire. Qui plus est, en aucun cas le texte ne prévoit l'ouverture des commerces vingt-quatre heures sur vingt-quatre, même dans les zones touristiques internationales.

C'est vrai : permettre aux salariés de voter lorsqu'ils travaillent le dimanche est une préoccupation civique. Mais il faudrait y réfléchir non seulement pour les salariés des commerces, mais également, par exemple, pour les ambulanciers ou les conducteurs des transports en commun.

Au-delà de ces arguments, je suis conscient que la rédaction proposée peut causer un certain inconfort. Pour quelques zones – la Riviera, Paris ainsi que certaines gares très fréquentées –, ce sont les problématiques locales qui ont bloqué l'ouverture. Je ne pense pas que l'expérimentation soit une piste intéressante, car les acteurs économiques ont besoin de visibilité pour s'organiser et réorienter les flux. Il serait plus judicieux de définir des critères chiffrés objectifs, tels que le volume de détaxe. On montrera ainsi que les zones spécifiques et les types de commerce visés par le projet de loi ne concurrenceront pas les zones de chalandise classiques. Dès lors nous aurons mieux défini le contour des ZTI, zones très fréquentées par les touristes et dédiées au commerce de luxe, l'inconfort que vous pouvez encore ressentir disparaîtra. Je suis tout à fait prêt à avancer sur cette question d'ici à la séance.

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