La commission poursuit l'examen du projet de loi pour la croissance et l'activité (n° 2447) (M. Richard Ferrand, rapporteur général, MM. Christophe Castaner, Laurent Grandguillaume, Denys Robiliard, Gilles Savary, Alain Tourret, Stéphane Travert, et Mmes Cécile Untermaier et Clotilde Valter, rapporteurs thématiques).
Mes chers collègues, nous allons entamer une séance qui devrait entrer dans les annales, puisqu'elle est apparemment sans précédent. Lors de la séance précédente, nous avons engagé la discussion sur l'ouverture dominicale des commerces de détail : seize orateurs se sont d'ores et déjà exprimés. Nous allons maintenant entendre la réponse de M. le ministre.
Je vous remercie toutes et tous d'être présents ce dimanche matin, après une semaine intense et très intéressante. La discussion qui a eu lieu lors de la séance précédente a soulevé nombre de questions intéressantes qui, par le débat qu'elles suscitent, vont permettre d'éclairer ce projet de loi et nous montrer de quelle manière nous pourrions l'améliorer.
Je commencerai par souligner que le fait pour notre majorité de défendre ce texte est cohérent, et n'est en rien contradictoire avec les réactions qu'elle a pu montrer face à la loi Mallié de 2009. Cette loi a eu trois effets essentiels : repousser de douze heures à treize heures la fermeture des commerces alimentaires le dimanche, élargir la définition des commerces éligibles aux zones touristiques, instaurer les périmètres d'usage de consommation exceptionnel – PUCE –, ce qui revenait pour l'essentiel à régulariser des situations de fait, illégales, dans des zones commerciales. Ce faisant, la loi Mallié a amélioré la situation des grandes surfaces au détriment des commerces de centre-ville, puisque son principal apport a résidé dans l'ouverture dominicale au sein des quarante et une PUCE ; mais ce faisant, elle a déstabilisé les écosystèmes des centres-villes. Elle n'a en revanche rien réglé des inégalités géographiques et sectorielles ni de la problématique de compensation : elle a donc laissé perdurer des situations d'injustice entre les différentes zones.
Aujourd'hui, quand on dit que 30 % des Français travaillent le dimanche, il est bien évident que le commerce de détail n'est pas le seul secteur concerné. Dans le commerce de détail, plusieurs dispositions prévoient le travail dominical : les « dimanches du maire », cinq dimanches possibles, sans volontariat mais payés double ; l'ouverture dans les zones touristiques, sans volontariat ni compensation – il y en a plus de 600 ; l'ouverture dans les PUCE, selon un principe de volontariat et avec des heures payées double en l'absence d'accord – les accords, quand ils existent, pouvant prévoir d'autres formes de compensation ; l'ouverture dérogatoire de droit pour les commerces alimentaires jusqu'à treize heures, sans compensation prévue par la loi ; enfin, l'ouverture en vertu de dérogations sectorielles, dont la liste est loin d'être négligeable. Face à une situation très complexe, pour ne pas dire illisible, et injuste, la réforme de 2009 a essentiellement consisté à régulariser, au prix de certaines fragilités juridiques, de grandes zones commerciales. S'opposer à la loi Mallié, c'était s'opposer à un modèle basé sur le consumérisme dans les hypermarchés et les grandes zones commerciales, préservant des formes d'inégalité en termes de compensation réelle et fragilisant les centres-villes.
Pourquoi rouvrir le dossier aujourd'hui ? Parce que plusieurs choses ont changé depuis 2009, à commencer par le commerce en ligne, qui a pris un essor considérable – il enregistre chaque année une croissance à deux chiffres. Le Printemps, qui a créé son site de commerce en ligne, réalise 20 % à 25 % de son chiffre d'affaires le dimanche ; Amazon réalise également environ 20 % de son chiffre d'affaires le dimanche. On peut toujours affirmer que l'on ne veut pas d'une société où l'on consomme le dimanche, mais il faut savoir regarder la réalité : les Français consomment déjà le dimanche. Dès lors, la vraie question est de savoir si l'on préfère que cela se fasse dans de vrais commerces, ou sur des sites internet qui créent beaucoup moins d'emplois et de richesse en France, et présentent une base taxable très différente. Quant au développement des drive, qui s'est largement accéléré ces dernières années, il est une autre preuve de la mutation des modes de consommation. Les chiffres montrent d'ailleurs que, lorsque ces fenêtres d'ouverture supplémentaires que sont les soirées ou les dimanches sont perdues, cela n'entraîne pratiquement pas de report de la consommation : ainsi, quand l'enseigne Monoprix a ramené sa fermeture de vingt-deux heures à vingt et une heures, 85 % du chiffre d'affaires réalisé durant cette heure s'est perdu. Le report sur les autres plages horaires n'a été que de 15 %.
Parallèlement, les différences sectorielles sont devenues intenables. Les enseignes de bricolage n'ont eu de cesse d'alimenter la chronique à coup d'épisodes parfois croquignolesques ; c'est du reste à l'issue d'une énième chronique de ce genre que le gouvernement précédent, appuyé par l'actuelle majorité, avait demandé à M. Jean-Paul Bailly un rapport destiné à clarifier la situation. Les injustices croissantes et de plus en plus visibles en matière de compensation justifiaient également une action de notre part. Enfin, le consensus social français, évoqué hier par Mme Berger, a évolué. En 2008, 52 % des Français étaient favorables au travail dominical ; fin 2014, un sondage réalisé à la demande de la ville de Paris a montré que 75 % des Français étaient favorables à l'ouverture des commerces le dimanche et que 57 % n'étaient pas opposés à l'idée de travailler eux-mêmes le dimanche ; fin 2013, selon un sondage IFOP, 69 % des Français adhéraient à l'idée d'une ouverture des commerces le dimanche. Les Français ont donc un nouveau rapport au travail du dimanche, qu'ils perçoivent déjà comme une réalité. Ils exigent cependant qu'il soit encadré dans des conditions justes et ayant du sens.
Le nouveau modèle de consommation et le fonctionnement de nos villes le requièrent également, et nous devons collectivement en prendre conscience. Pour l'heure, entre les cinq dimanches du maire et les cinquante-deux dimanches des PUCE ou de la zone touristique, il n'y a pas d'alternative : c'est tout de suite le grand bain. À l'évidence, ce système avantage les grands centres commerciaux implantés dans les PUCE, et désavantage les centres-villes. Plusieurs dizaines de villes, dont dix-huit grandes agglomérations – Orléans, Vichy, Reims, Troyes, Dieppe, Le Havre, Rouen, Limoges, Nancy, Toulouse, Lille, Amiens, Beauvais, Marseille, Antibes, Cannes, Lyon et Annecy –, qui avaient adopté le système des cinq dimanches, ont déjà demandé des zonages. Les villes de Bordeaux et Avignon ont obtenu d'être considérées comme des zones touristiques en totalité, parce que les cinq dimanches ne leur suffisaient plus. Mais du coup, elles sont immédiatement passées à cinquante-deux dimanches.
M. Hetzel soulignait hier qu'ouvrir tous les dimanches n'avait aucun sens dans les communes proches de l'Allemagne, où les commerces sont fermés à ce moment-là ; M. Vercamer estimait à l'inverse qu'ouvrir cinquante-deux dimanches pour les communes voisines de la Belgique est pratiquement une nécessité ; pour M. Savary également, cela aurait beaucoup de sens dans les zones voisines de l'Espagne. Nous avons en fait besoin de plus d'intelligence au niveau des territoires, afin de sortir de ce dualisme « cinq – cinquante-deux ».
M. Poisson a indiqué hier que certaines grandes enseignes s'étaient déclarées sceptiques sur l'utilisation de ces cinquante-deux dimanches, dont elles n'ont pas forcément besoin. Les grandes enseignes de bricolage elles-mêmes considèrent que cela leur coûte trop cher d'ouvrir cinquante-deux dimanches par an, car tous les dimanches ne sont pas rentables ; une dizaine suffiraient. À Bordeaux, où certains enseignes ouvrent tous les dimanches de l'année, la ville estime qu'un dimanche par mois constituerait une bonne régulation : instituer un dimanche sans voitures par mois en ouvrant les commerces de centre-ville, c'est la rentabilité garantie. Offrir aux élus locaux la possibilité d'ouvrir, en fonction du lieu où ils vivent, jusqu'à douze dimanches par an, c'est leur rendre une liberté, celle de trouver leur propre modèle, le plus adapté à leur écosystème, sans basculer dans l'ouverture à tous crins.
Les grandes surfaces sectorielles, celles qui se sont retrouvées dans les PUCE, ont intérêt à travailler le dimanche. Mais pour nombre d'hypermarchés, ouvrir tous les dimanches de l'année n'est pas rentable, car cela les oblige à compenser. Passer à douze dimanches par an n'entrainera donc pas un détricotage du commerce de centre-ville : la plupart du temps, les hypermarchés et les surfaces moyennes de périphérie n'ouvriront pas, dissuadés par les compensations massives qui leur seraient demandées en contrepartie.
Face à ces évolutions, la réforme propose de rendre aux élus la liberté de s'adapter aux spécificités de leurs territoires. Dans ce contexte, le système incitatif de cinq dimanches par an peut sembler paradoxal – pour certains territoires, je pense même que c'est déjà trop – et le chiffre de douze dimanches n'a pas été choisi au hasard : il résulte de la concertation approfondie menée par M. Bailly. On ne saurait le soupçonner d'être un crypto-libéral à la solde de la grande distribution : c'est un ancien haut fonctionnaire et grand dirigeant d'entreprise qui a été à la tête de La Poste et de la RATP, et il n'a fait que prendre note du consensus qui se dégageait sur ce chiffre de douze dimanches par an. Ce n'est donc pas un hasard si l'on voit ce chiffre réapparaître spontanément dans des villes telles que Bordeaux ou dans le secteur du bricolage, qui déclare y voir ce qui correspond à ses besoins réels.
Sans doute faut-il mieux définir le rôle de l'intercommunalité et des métropoles, trouver les bonnes régulations. Pour l'heure, tout se passe comme si l'on avait peur de donner cette liberté aux élus : et, de fait, ces douze dimanches par an, c'est bel et bien de la liberté donnée aux élus. Certes, il faudra peut-être chercher à corriger les comportements non coopératifs ou déstabilisants, mais ce ne peut être que le fruit d'un consensus. Pour ce qui est des règles de compensation, donc de justice, très justement pointées par Mme Fraysse, j'ai dressé tout à l'heure le tableau clinique des inégalités existant de fait selon les zones et les situations. Avec notre réforme, que va-t-il se passer ? Les dimanches du maire seront par définition payés double, tandis que tous les autres dimanches – que ce soit en zone touristique, en zone commerciale ou en ZTI – feront l'objet d'un accord ; à défaut d'accord définissant la compensation, il n'y aura pas d'ouverture.
Nous avons beaucoup travaillé sur cette question. Pour ma part, je suis assez hostile à l'idée de définir un niveau de compensation dans la loi car ce système, qui découle des dispositions actuellement en vigueur, est très paradoxal. Si l'on sait qu'en l'absence d'accord, les heures travaillées le dimanche seront payées double, quelle incitation y a-t-il à trouver un accord ? Si vous imposez par la loi de les payer double, qui allez-vous tuer ? Les petits commerces de centre-ville, incapables de compenser à plus de 30 %. Les secteurs ouvrant traditionnellement le dimanche – la boulangerie, la boucherie – s'alignent d'ailleurs tous peu ou prou sur ces 30 %. Il faut donc laisser les accords – de branche, d'entreprise ou de territoire – définir les règles de compensation. Et si l'on ne trouve pas d'accord, il n'y a pas d'ouverture. Dans les 600 zones touristiques, qui ne sont pour l'instant couvertes par aucune règle de compensation, on laisse trois ans de délai pour conclure ces accords. Comme l'ont dit M. Hetzel et M. Vercamer, il faut éviter l'effet couperet de délais trop courts, six mois ou un an, qui obligeraient certains commerces à fermer faute d'avoir trouvé un accord. Grâce au nouveau système, plus simple et plus juste, on va dans de nombreuses zones sortir d'une situation où il n'y avait jusque-là aucune compensation. Et la compensation va donner du pouvoir d'achat.
Les zones touristiques internationales – ZTI – constituent un dispositif spécifique, assumé et très circonscrit. La réforme proposée par notre texte n'est en rien comparable, madame Mazetier, à celle que le Conseil constitutionnel avait censurée en 2009 au motif qu'il n'était pas acceptable de traiter différemment certaines collectivités dans le cadre d'un régime commun : en l'occurrence, nous créons un régime à part. Sans doute est-il possible d'ajouter d'autres critères, mais en l'état actuel des choses, le dispositif répond à notre principale préoccupation : favoriser l'activité. Dans certains quartiers – essentiellement à Paris et sur la Riviera –, ainsi que dans une quinzaine de gares françaises à gros trafic, ouvrir le dimanche crée, on le sait, de l'activité, engendrée par le passage de touristes et d'hommes d'affaires français et étrangers. Ne pas ouvrir le soir et le dimanche dans ces zones très spécifiques se traduit forcément par une perte d'activité, dans la mesure où il n'y a aucun report possible.
Je me méfie un peu des chiffres ; au demeurant, une étude d'impact sur le travail du dimanche de droit commun n'aurait aucun sens, puisque notre préoccupation première est de donner dans ce domaine une plus grande liberté aux élus. On peut toutefois relever qu'en ce qui concerne les ZTI, l'ouverture d'une quinzaine de gares le dimanche en France créerait environ 2 000 emplois directs et indirects, et l'ouverture des quatre grands magasins parisiens – le Printemps, les Galeries Lafayette, le BHV et le Bon Marché – autant, ce qui correspond à une augmentation de 5 % du chiffre d'affaires. Et l'on sait que, ce faisant, on crée de l'emploi, on crée de l'activité.
Le travail en soirée dans les ZTI soulève un problème très spécifique. Nous proposons de repousser la fermeture des magasins situés dans ces zones de vingt et une heures à minuit. La question qui se pose est celle des gens qui, dans ces zones, vont travailler le dimanche et en soirée. Actuellement, il s'agit en majorité de femmes et de jeunes à qui l'on proposera des contrats courts. Je sais qu'on a du mal à accepter l'idée que des étudiants prennent un job d'appoint, mais le fait est que les étudiants travaillent, parfois même durant leurs heures de cours ou tous les soirs, au risque de compromettre leurs études. Or, de ce point de vue, travailler le dimanche en bénéficiant de compensations est beaucoup moins nocif en termes de réussite scolaire.
Il est prévu que le travail effectué dans les ZTI entre 21h00 et minuit soit payé double, qu'il fasse l'objet d'un accord obligatoire – pouvant donner lieu à rétractation –, que les transports effectués en toute sécurité soient pris en charge par l'employeur – sujet important, plusieurs amendements de M. Travers viendront en préciser les détails. Le volontariat fait d'ores et déjà l'objet d'un formalisme prévu par la loi : il nécessite un document écrit et signé, reconfirmé tous les ans. Un dispositif spécifique aux femmes enceintes sera prévu par amendement, afin qu'elles puissent bénéficier d'une protection similaire à celle qui les couvre pour le travail de nuit. Transport et garde d'enfant doivent également faire partie des accords collectifs qui protégeront les femmes appelées à travailler en soirée. Quand Sephora ouvrait le soir sur les Champs-Élysées, les accords collectifs prévoyaient des compensations sous la forme d'heures payées double et de repos supplémentaires, ainsi qu'un retour en taxi payé par l'employeur : c'est un exemple de ce que pourront prévoir les accords collectifs à venir.
Défendre cette réforme n'a rien à voir avec le fait de défendre la loi Mallié en 2009, car notre texte constitue une réforme de justice sociale, qui ne traite pas uniquement des grandes zones commerciales, mais rend aux élus locaux la capacité d'adapter leur territoire à la réalité de la société. Il s'agit aussi de répondre aux évolutions de la société, dont nous devons tirer les conclusions – en disant cela, je pense à la « chronique d'un dimanche normal » que nous a détaillée hier Mme Capdevielle de manière très pittoresque. Permettre davantage de respiration, de liberté locale, garantir davantage de compensations et de justice, s'adapter à la réalité : tels sont les objectifs que nous poursuivons.
Cela ne nous exonère pas d'un vrai débat sociétal – ouvert hier par M. Poisson dans l'une de ses interventions – qui, dépassant largement le cadre du travail dominical, concerne toute l'organisation du travail dans notre pays, et qu'il serait tout à notre honneur de conduire de manière transpartisane : comment resynchroniser les temps au sein de la famille ? Comment conçoit-on et vit-on le travail dans ce pays ? Autant de questions qu'il faudra se poser. On travaillera plus longtemps, on arrive plus tard sur le marché du travail, on travaille différemment. De fait, la vraie question n'est plus celle du travail le dimanche ; c'est celle de la désynchronisation des temps au sein de la famille. D'ores et déjà, avec les 30 % de Français qui travaillent de manière occasionnelle ou régulière le dimanche, la synchronisation de la vie familiale soulève des questions. Pour dire les choses de manière triviale, mieux vaut être à deux à travailler dans un commerce de détail le dimanche, être payé double et bénéficier du même jour de repos compensateur dans la semaine, que ne jamais se voir parce que l'homme travaille le dimanche et la femme en semaine !
Justement, il est plus facile de s'occuper de ses enfants quand on a le même jour de repos compensateur dans la semaine, et la garde de semaine est d'ores et déjà un problème pour de nombreux parents. La vraie question qui se trouve derrière tout cela, et que vous vous posiez légitimement, c'est celle de la synchronisation des temps au sein de la famille.
Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir permis ce rappel des faits et de la philosophie de cette réforme, dont l'objectif est de nous adapter à la réalité sans verser dans la libéralisation excessive, afin de rendre les choses meilleures.
Avant l'article 71
Après avoir entendu les orateurs et la réponse que vient de leur apporter le ministre, nous en venons à l'examen des amendements portant articles additionnels avant l'article 71.
La Commission est saisie de l'amendement SPE1241 de M. Alain Tourret.
La solution proposée par le ministre – pas d'accord, pas d'ouverture – va constituer un levier extraordinairement efficace, qui va tout emporter. J'ai eu à connaître de la modulation du temps de travail, en particulier dans de grandes entreprises telles que le Crédit Lyonnais. Alors que tous les syndicats y étaient défavorables, un référendum a donné aux salariés l'occasion d'indiquer qu'ils étaient à 85 % favorables à la modulation du temps de travail – ce qui a, au passage, provoqué l'explosion de la CFDT au Crédit Lyonnais : les salariés ont pris le pouvoir contre les syndicats ! Et je ne doute pas que d'autres épisodes similaires se reproduiront.
Par ailleurs, à titre personnel, j'ai toujours eu tendance à considérer que c'était bien davantage au travail que devant sa télévision que l'on trouvait son épanouissement personnel. Mon amendement SPE1241 a pour objet de mettre en conformité les dispositions du code du travail relatives aux dérogations au repos dominical, et notamment les dérogations permanentes de droit, avec les stipulations de la Convention OIT n° 106 sur le repos hebdomadaire.
En effet, l'article 7 de la Convention précise que pour mettre en place les dérogations permanentes ou non, il faut tenir compte de toute considération sociale et économique pertinente. Il est également rappelé au préalable que le Conseil constitutionnel a affirmé, dans sa décision n° 2009-588 du 6 août 2009, le caractère constitutionnel du principe du droit au repos hebdomadaire, tout en excluant le caractère constitutionnel du repos dominical.
Nous avons donc estimé qu'il était impératif de mettre en conformité l'ensemble des dérogations au repos dominical avec les stipulations de la Convention OIT n° 106 en rappelant les principes suivants : principe de volontariat, principe de compensation en salaire ou en repos, report du repos hebdomadaire un autre jour de la semaine, mise en oeuvre de ces principes soumise à négociation collective. Mais, je le répète, le principe essentiel est bien celui-ci : pas d'accord, pas d'ouverture.
Nous sommes tout à fait d'accord avec la philosophie de cet amendement, identique à celle de notre texte. Nous reviendrons, lors de l'examen d'un amendement à venir, sur le volontariat du dimanche du maire – qui, en l'état actuel, est payé double justement parce qu'il n'est pas anticipable par le salarié. Plus généralement, les différentes dispositions prévues par votre amendement, qui seront satisfaites par ce qui va suivre, présentent l'inconvénient de ne pas correspondre à l'architecture de notre texte. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
L'amendement SPE1241 est retiré.
La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements SPE1219 de M. Jean-Yves Caullet et SPE1868 des rapporteurs.
Cet amendement vise à remédier à une situation rappelant la chauve-souris de La Fontaine, qui se faisait passer tantôt pour un oiseau, tantôt pour une souris, en fonction des circonstances. En l'occurrence, les dérogations accordées par nature aux commerces alimentaires le dimanche sont également accordées aux grandes surfaces dites « principalement alimentaires ». D'un côté, les grandes surfaces disent être alimentaires afin de bénéficier du même régime que les petits commerçants ; de l'autre, elles mettent en avant le même motif pour refuser d'accorder des compensations à leurs salariés, ce qui induit une inégalité. Je précise qu'il s'agit d'un amendement d'appel, que je suis disposé à retirer une fois que M. le rapporteur nous aura présenté son amendement portant sur la même question.
L'amendement SPE1868 a pour objet de répondre à la difficulté existant dans le cadre du régime applicable au commerce alimentaire, qui bénéficie d'une dérogation permanente et de droit au repos dominical jusqu'à treize heures. Nous entrons ici véritablement dans l'esprit du texte : le but est de redonner des contreparties et de la justice sous forme de compensations salariales à un certain nombre de salariés.
La convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, étendue par l'arrêté du 26 juillet 2002, prévoit aujourd'hui que les salariés qui travaillent habituellement le dimanche bénéficient d'un jour et demi de repos consécutif dans la semaine ou, le cas échéant, d'une majoration de 20 % de leur salaire. Autrement dit, les contreparties salariales ne sont ni obligatoires ni systématiques et nous avons tous, sur nos territoires, des exemples de salariés éprouvant des difficultés dans la relation sociale qu'ils ont avec leur employeur, du fait de l'absence de compensations. Il s'agit souvent de femmes isolées, de familles monoparentales, pour qui le travail du dimanche matin est devenu une véritable épreuve, en raison des difficultés que pose la garde des enfants – le tarif de l'assistante maternelle étant souvent supérieur au salaire que les intéressés vont gagner en allant travailler le dimanche matin.
La convention collective actuellement applicable dans le secteur du commerce de détail ne prévoyant pas de contrepartie salariale systématique, l'amendement SPE1868 propose que de telles contreparties s'imposent dans les commerces dont la surface de vente excède 400 mètres carrés, et disposant de la surface financière suffisante pour offrir de telles contreparties – ce qui n'est pas le cas des petits commerces. L'amendement fixe le plancher de contrepartie à 30 % de la rémunération normalement due, et se place ainsi au-delà de la majoration actuellement prévue par la convention collective.
Les données de l'INSEE montrent qu'au cours des dernières années, les grandes surfaces ont beaucoup progressé au détriment des petits commerces alimentaires. Il y a donc ici un enjeu très fort, que l'on ne peut ignorer, en termes de protection du petit commerce et de garantie d'une concurrence à armes égales qui n'est pas totalement assurée aujourd'hui. Notre amendement vise à contribuer à la préservation du petit commerce de centre-ville sur nos territoires, mais aussi à garantir la mixité de notre tissu commercial.
Il y a ce matin une chose que j'ai un peu de mal à comprendre. Monsieur le ministre, vous avez indiqué à plusieurs reprises que le fait de doubler les salaires dans les petits commerces allait pénaliser ceux-ci ; j'entends bien ce discours, ainsi que le dispositif du présent amendement, qui n'a vocation à s'appliquer qu'aux commerces de plus de 400 mètres carrés. Mais qu'en est-il actuellement dans la loi ? En vertu de l'article L. 3132-27 du code du travail, « chaque salarié privé de repos dominical perçoit une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps. » Votre projet de loi n'abrogeant pas cet article, il va avoir pour conséquence de créer une inégalité entre les personnes travaillant dans les grandes surfaces, qui seront augmentées de 30 %, et celles travaillant dans les petits commerces, qui vont bénéficier d'un doublement de salaire. Cet amendement ne me semble donc pas aller dans le sens de ce qui est dit depuis le début de la séance.
Je précise qu'il s'agit des commerces alimentaires bénéficiant d'une dérogation pour l'ouverture dominicale de neuf heures à treize heures. Il ne s'agit pas des dimanches du maire, mais des dérogations s'appliquant aux supermarchés de chefs-lieux de canton.
Il ne vous aura pas échappé, cher collègue, que cette inégalité existe déjà, et de manière beaucoup plus criante.
Je partage la préoccupation exprimée par les députés du groupe socialiste, mais aussi par le ministre, me semble-t-il, d'assurer une égalité des compensations accordées. À ce titre, j'appelle votre attention sur le fait que vous n'excluez pas, monsieur le ministre, en l'absence d'accord au bout de trois ans – délai que je juge bien long –, un accord unilatéral avec référendum. Je ne fais de procès d'intention à personne, mais un chef d'entreprise peut en trois ans avoir renouvelé une bonne partie de son personnel afin de s'assurer de la réussite du référendum visant à proposer des compensations d'un montant très modeste.
L'actrice Marion Cotillard vient d'être nominée pour l'Oscar de la meilleure actrice pour son rôle dans le film Deux jours, une nuit, des frères Dardenne, où elle incarne cette jeune femme qui dispose seulement d'un week-end pour convaincre ses collègues de renoncer à leur prime afin qu'elle puisse garder son travail. Ce film illustre de façon frappante l'inégalité du rapport de forces entre l'employeur et ses salariés, et la grande difficulté dans laquelle peuvent se trouver certains salariés dans le contexte de crise économique, de licenciements et de plans sociaux. En tant que législateur, nous devons veiller à protéger ceux qui n'ont pas les moyens de faire jouer le rapport de forces.
Il n'y avait rien, dans ce que j'ai évoqué précédemment, au sujet du commerce alimentaire, que la loi Mallié a autorisé à ouvrir le dimanche jusqu'à 13h00 au lieu de 12h00, sans imposer de compensation légale – nombre de compensations, sous forme de repos ou de majorations salariales de 20 % à 30 %, étant cependant négociées branche par branche, comme le veut l'usage dans ces professions. Ce qui est proposé ici, c'est de restaurer un avantage au profit du commerce de centre-ville, en considérant qu'au-delà d'un certain seuil, les acteurs économiques concernés ont la capacité de payer une compensation de droit commun un peu supérieure sans que cela mette en péril leur équilibre financier – à moins que cela ne les incite à ne pas ouvrir, ce qui favorisera également le commerce de centre-ville.
Il y a là une réflexion intéressante à mener, étant précisé que les conséquences des dispositions proposées doivent, elles aussi, être soigneusement examinées au regard des critères d'égalité, en veillant notamment aux effets de bord. En tout état de cause, je suis ouvert à la discussion, car le seul secteur où aucune compensation n'est prévue serait celui du commerce alimentaire. Comme je l'ai déjà dit, prévoir une compensation par la loi ne correspond pas à la philosophie de notre texte. Je suggère donc au rapporteur et à M. Caullet de retirer leurs amendements, en leur donnant l'engagement du Gouvernement à travailler sur la question avant la séance, l'objectif étant de mettre au point des éléments de compensation s'inscrivant dans une approche aussi homogène que possible.
Une réflexion mérite d'être menée pour les commerces situés entre 1 000 mètres carrés et 400 mètres carrés. Et M. Carré a raison de souligner que l'amendement proposé ne prévoit pas de compensation légale pour les commerces alimentaires de centre-ville – dans lesquels une telle compensation est très souvent prévue dans les accords de branche.
Réfléchir, au-delà d'un certain seuil, à des éléments de compensation – ou à l'obligation de conclure un accord – me paraît pertinent, et je suis disposé à ce que nous examinions ensemble la question de manière constructive. Pour le moment, je demande donc à M. Caullet et au rapporteur thématique de retirer leurs amendements, en l'invitant à redéposer le sien d'ici à la séance.
Stéphane Travers et moi-même travaillons depuis deux ans sur cette question, et j'avais été étonnée par le décalage qu'avait produit la loi Maillé en assimilant, dans le dispositif qu'elle introduisait, les commerces à dominante alimentaire aux commerces alimentaires au sens strict. Cet amalgame a eu pour conséquence une injustice sociale que nous allons corriger, car il nous paraît insupportable de voir les salariés de ces grandes surfaces, le plus souvent des femmes, condamnés depuis à travailler tous les dimanches jusqu'à treize heures sans aucune compensation – je dis bien « condamnés », car la notion de volontariat est dans leur cas parfaitement illusoire. D'où la nécessité impérative d'introduire une compensation en leur faveur, le repos dominical restant la règle de droit commun.
Le dispositif qui va permettre aux maires d'autoriser jusqu'à douze ouvertures le dimanche par an ne les amènera pas à faire un usage systématique de cette prérogative, dont l'application ne serait pas justifiée pour certains territoires. Par ailleurs, les grandes enseignes que nous avons consultées nous ont indiqué ne pas être intéressées par l'ouverture du dimanche en milieu rural et, si un système de compensation était mis en place, nombre d'entre elles considéreraient certainement qu'il n'est pas intéressant de travailler le dimanche.
Enfin, les commerces pratiquant exclusivement le détail alimentaire souffrent beaucoup de ce dispositif d'ouverture dans les territoires ruraux non touristiques. Ils perdent quasiment 30 % de leur chiffre d'affaires à raison de l'ouverture excessive de commerces à dominante alimentaire. La loi Maillé a introduit une rupture d'égalité entre les grandes surfaces et les commerces alimentaires de détail, condamnant les salariés des grandes surfaces à travailler jusqu'à treize heures tous les dimanches sans aucune contrepartie. Le projet de loi s'efforce de restaurer un tant soit peu de justice sociale.
Il me semble important que le ministre, qui a évoqué à plusieurs reprises les commerces alimentaires, rappelle que ce qu'il dit est en rapport avec l'amendement. Chacun sait que les petits artisans qui ont trouvé leur équilibre d'exploitation seraient extrêmement fragilisés s'ils avaient l'obligation d'augmenter les salaires de leurs employés.
Par ailleurs, j'entends bien ce qu'a dit Cécile Untermaier au sujet des salariés, mais il faut réaliser que le dimanche est, pour certaines personnes, le seul moment possible pour faire leurs courses de première nécessité. Il faut, à tous points de vue, trouver un équilibre entre les intérêts des uns et des autres dans la vie quotidienne, ce qu'avait fait la loi Maillé en son temps – mais je conçois que les choses aient évolué depuis et qu'il soit devenu nécessaire de trouver un nouvel équilibre.
Je n'ai rien contre l'instauration de contreparties dans les commerces alimentaires d'une certaine taille – qui, la plupart du temps, ne sont pas strictement alimentaires. Cela dit, je ne vois pas ce qui peut justifier une rupture d'égalité entre ces magasins et les autres, par exemple ceux situés dans les PUCE, où les salariés bénéficient d'un doublement de leurs heures travaillées.
Par ailleurs, nous ne sommes pas dans une économie administrée : ce n'est pas parce qu'il est permis de travailler le dimanche que tous les employeurs vont ouvrir leur magasin le dimanche – en tout état de cause, ils ne le feront pas si ce n'est pas rentable.
Nous avons été particulièrement touchés par l'audition de salariés, souvent des femmes, qui travaillaient dans le secteur alimentaire le dimanche matin. On pourrait penser que, dans des entreprises de cette taille, les syndicats disposent d'un poids suffisant pour faire aboutir des accords satisfaisants. Or, la plupart du temps, le travail du dimanche n'ouvre droit à aucune compensation, ni financière, ni sous la forme d'une journée de repos compensateur à choisir dans la semaine. Sans aller jusqu'à parler d'esclavage, nous étions en présence de situations pénibles et imposées. L'amendement qui nous est soumis vient donc à point nommé pour exprimer notre souhait de voir les salariés de ce secteur être traités comme les autres. Ce n'est pas parce qu'une situation perdure depuis plusieurs années que l'on ne peut y remédier.
Je souffre vraiment quand j'entends parler, dans des discussions sur le travail le dimanche, d'esclavage ou de personnes « condamnées à travailler ». Cela montre que nous avons en France un rapport compliqué à la notion de travail. Paradoxalement, plus on a encadré le travail au fil des années – le code du travail ne fait que s'alourdir –, plus on a protégé l'emploi, et plus il y a de chômage : nous en sommes à 5 millions de demandeurs d'emploi et de précaires. Prenons conscience que le plus pénible, ce n'est pas de travailler, mais bien de ne pas avoir de travail ou de perdre son emploi. Certains mots employés ici contribuent à adresser un message bien négatif, particulièrement aux jeunes qui peuvent nous écouter.
L'amendement soutenu par les rapporteurs et le groupe socialiste me paraît très important pour rétablir l'égalité. Je ne suis pas d'accord avec Francis Vercamer lorsqu'il affirme que la décision d'ouvrir ou non un commerce obéit à un équilibre social et de marché. Dans ma ville de Gap, sitôt qu'une ou deux boutiques décident d'ouvrir durant un des cinq dimanches autorisés par le maire, toutes les autres boutiques s'empressent de faire de même, de peur de se faire prendre du chiffre d'affaires par le voisin. Il n'y a donc pas de décision individuelle en la matière : si vous donnez la liberté d'ouvrir, vous créez inévitablement des phénomènes de chalandise, c'est-à-dire des comportements de nature collective : ce ne sont jamais des boutiques isolées qui ouvrent, mais toutes les boutiques situées dans une zone de chalandise donnée. C'est l'une des raisons qui justificie l'amendement du groupe socialiste rétablissant l'égalité, et qui va dans le bon sens économique et social.
Si cet amendement me paraît tout à fait intéressant, encore faudrait-il clarifier les objectifs que nous poursuivons. Il subsiste en effet certaines ambiguïtés, notamment celle relative à la compensation salariale. Comme le ministre, j'estime que celle-ci doit, aussi souvent que possible, être renvoyée à la négociation et au dialogue social.
Une autre question est celle de la grande distribution par rapport au petit commerce. La loi Mallié ayant autorisé l'ouverture le dimanche de commerces à dominante alimentaire, un supermarché vendant des produits alimentaires, mais aussi de l'électroménager et des vêtements, pourra lui aussi ouvrir jusqu'à treize heures le dimanche. J'ai cru comprendre que l'amendement pourrait avoir pour effet de dissuader certains commerces d'ouvrir le dimanche en raison du coût induit par les compensations salariales, ce qui ne me paraît pas tout à fait correspondre à l'objectif poursuivi. Si véritablement la loi Mallié crée une distorsion de concurrence avec le petit commerce, posons-nous la question de savoir s'il faut revenir sur ce critère actuel de vente d'au moins 50 % de produits alimentaires, et d'autoriser l'ouverture aux seuls commerces strictement alimentaires, et non aux commerces hybrides, si vous me passez l'expression.
Sébastien Huyghe s'est étonné hier de nous voir rouvrir la boîte de Pandore. Les échanges que nous venons d'avoir montrent, à eux seuls, la nécessité de revoir cette question, tant nous avons de mal à comprendre, entre nous, de quoi nous parlons exactement. Il faut bien distinguer ce qu'il est convenu d'appeler les « dimanches du maire » et les ouvertures dérogatoires constantes des commerces dits à dominante alimentaire. Ces deux cas de figure montrent bien la complexité de l'entrelacs réglementaire dans lequel nous nous débattons, et qui empêche l'application de droits homogènes à l'ensemble des salariés.
Évidemment, la solution la plus commode eût été de cacher la poussière sous le tapis… Nous avons choisi de faire l'inverse et profité de cette affaire du nombre de possibilités d'ouverture dominicale pour nous préoccuper de situations sociales que le groupe de travail auquel ont pris part nos collègues Cécile Untermaier, Élisabeth Pochon et Stéphane Travers avait mises au grand jour.
J'entends dire que l'on ne peut laisser perdurer des inégalités. Nous en sommes bien d'accord, et c'est la raison pour laquelle nous avons rouvert le chantier, étant précisé que nous devons, du fait de la multiplicité des dispositions régissant les compensations – ici un accord d'entreprise, là un accord de branche, ailleurs un article du code du travail –, organiser des convergences et susciter des accords afin de tendre vers une réduction des inégalités de traitement des salariés concernés par le travail dominical, à défaut d'aboutir à l'égalité parfaite. Nous devons donc nous interroger sur la meilleure façon d'harmoniser et de corriger les règles en vue de la meilleure homogénéisation possible, afin de sortir d'un système de travail dominical imposé, subi et coûteux, notamment dans les commerces à dominante alimentaire, tout en mettant en oeuvre l'objectif du projet de loi tel que le ministre l'a rappelé tout à l'heure. Les amendements que nous examinons constituent une première base d'approche pour ces deux chantiers, qu'il serait intéressant d'affiner d'ici à la discussion en séance publique.
Jean-Charles Taugourdeau, nous explique que l'encadrement du travail excessif à ses yeux serait à l'origine d'un chômage important, encore aggravé par les effets nuisibles d'un rapport au travail qui serait spécifique à la France. Mais le chômage, malheureusement, n'augmente pas qu'en France : son appréciation est donc erronée.
« Le pire, c'est le chômage », a-t-il déclaré : c'est vrai, quoiqu'à mes yeux, le pire, c'est la mort. Mais si l'on suivait son raisonnement, ceux qui ont la chance d'avoir un travail devraient accepter les pires conditions, même en termes de pénibilité ou de santé.
Jean-Charles Taugourdeau n'a pas dit cela, mais c'est à cela que conduit son raisonnement, que je ne saurai soutenir. Du reste, si on le poussait jusqu'au bout, il n'y aurait plus qu'à supprimer le code du travail, qu'il trouve trop épais ! Il est vrai que s'il ne faisait que deux pages, cela faciliterait considérablement les choses, mais en portant atteinte aux droits et à la vie des salariés. Aller dans cette voie aurait des conséquences catastrophiques.
Nous avons reconnu unanimement qu'il fallait résoudre les problèmes d'injustice sociale, de concurrence déloyale et de calage de seuils, en articulant les régimes et en corrigeant certaines des situations existantes. J'ai été convaincu par l'engagement du ministre à travailler sur ces questions d'ici à la séance publique dans l'esprit de l'amendement SPE1219 que j'ai défendu au nom de mon groupe ; c'est pourquoi je le retire.
Le texte sur lequel nous travaillons ce matin ne touche pas aux dérogations dont bénéficie le commerce alimentaire. Les magasins à dominante alimentaire pourront continuer d'ouvrir le dimanche dans le cadre actuel. Il nous est toutefois paru nécessaire de revenir sur la question des compensations, dont la plupart des salariés ne bénéficient pas. Je tiens à saluer la volonté du ministre d'aboutir avec nous à une solution d'ici à la séance publique, car il s'agit d'un véritable problème de justice sociale qui concerne un grand nombre de salariés. Je retire également mon amendement.
Les amendements SPE1219 et SPE1868 sont retirés.
Article 71 : Fixation à trois ans de la durée de l'autorisation dérogatoire individuelle ou sectorielle d'ouverture dominicale
La Commission examine les amendements identiques SPE103 de M. Gérard Cherpion et SPE431 de M. Patrick Hetzel, qui tendent à supprimer l'article.
La loi Mallié, c'est vrai, n'est pas parfaite : j'ai même sans doute été plus sévère que vous hier au soir à son sujet. Je pense en revanche que ceux qui soutiennent que cette loi a, non pas créé des droits, mais produit des injustices, ne l'ont pas lue avec précision. Je vous rappelle en effet que son premier article dispose que chaque salarié qui travaille le dimanche a droit à une rémunération double et à un repos compensateur équivalent, dans les PUCE comme dans les zones touristiques.
En revanche, ce que n'a pas traité la loi, c'est effectivement la question du commerce de détail. Monsieur le ministre, je vous souhaite bon courage pour trouver une solution équilibrée, qui ne mette personne en difficulté : nous n'avons pas réussi. Sans doute n'étions-nous pas mus par la force du progrès autant que vous l'êtes, par définition et par posture !
Je rappelle que la loi Mallié s'était cantonnée à un seul objectif : mettre du droit là où il n'y en avait pas : c'est ainsi que l'ouverture le dimanche des commerces des zones touristiques ou des zones commerciales situées autour des grandes villes n'était pas encadrée par le droit. Les arrêtés préfectoraux autorisant les ouvertures étaient systématiquement attaqués par les syndicats, notamment Force ouvrière, qui ont récupéré des sommes considérables devant les tribunaux qui leur ont toujours donné raison.
En revanche, je le répète, s'agissant du commerce de détail, nous n'avons pas réussi à régler les problèmes que l'ouverture le dimanche pose en termes de capacité financière des commerçants et des artisans ou de volontariat des salariés. Que le texte fasse le choix final de l'accord d'entreprise ou celui de l'accord de branche, peu importe au fond : vous ne pourrez jamais être assuré que le salarié qui travaille le dimanche est volontaire et n'a pas cédé à des pressions. Comment peut-on être sûr qu'il est réellement volontaire ? On ne peut pas.
J'ai bien entendu l'intervention – souriante – de Colette Capdevielle hier soir. Nous avons à peu près le même à Rambouillet, sauf que nous, nous avons même l'électricité… Et il faut bien que des gens pédalent dans la cave pour qu'il y ait du courant toute la journée ! Qui a dit qu'il fallait interdire le travail dominical ? Personne. Il s'agit simplement de veiller à ne pas élargir de manière disproportionnée des systèmes socialement contraignants pour les familles, car toutes les compensations du monde n'y changeront rien. Oui, les maires ont raison de penser qu'ouvrir cinquante-deux dimanches, ce n'est pas la même chose qu'ouvrir cinq dimanches. D'ailleurs, l'autorisation d'ouvrir tous les dimanches aurait de telles conséquences sociales qu'elle engendrerait sa propre limitation.
Je le répète : aucune mesure salariale ne viendra compenser la perte, en termes de richesse humaine, engendrée par le travail du dimanche. Telle est ma clé d'entrée dans ce débat depuis bientôt sept ans. Il est bien de penser au consommateur et à l'activité, à condition, toutefois, de ne pas oublier ceux qui seront contraints, même contre une compensation financière, de se lever tôt le dimanche pour aller travailler et qui rentreront tard.
Telles sont les raisons pour lesquelles je propose, par mon amendement SPE103 de supprimer l'article 71.
Le travail du dimanche existe déjà pour un nombre important de salariés, mais également de fonctionnaires ou de travailleurs libéraux.
Or l'article 71 modifie l'équilibre existant et c'est la raison pour laquelle mon amendement SPE431 vise à le supprimer. Karine Berger a eu parfaitement raison de souligner qu'il fallait raisonner non à l'échelle d'un commerce, mais en termes de zone de chalandise : la question de la distorsion de concurrence entre les grands magasins et le petit commerce de détail apparaîtra alors dans toute sa réalité. Bien que nous ne disposions d'aucune étude d'impact sur le sujet, il y a fort à penser que le nombre des emplois créés par l'ouverture le dimanche ne compensera pas celui des emplois détruits.
De plus, quelle sera l'incidence de cette mesure, en termes de précarité, sur les enfants, sur les femmes, et plus généralement la vie familiale, sociale et culturelle ? Il est tout de même surprenant que le texte ignore ces aspects-là. Certes, le projet de loi est centré sur les questions économiques : devons-nous pour autant accepter de déconnecter le volet économique de la vie sociale de nos concitoyens ? Le législateur doit prendre en considération l'ensemble des aspects touchés par le texte. Or ni l'exposé des motifs ni l'étude d'impact n'apportent de réponse à ces questions. Monsieur le ministre, vous voulez faire bouger les lignes sans avoir préalablement étudié l'impact réel que cette modification des équilibres aura sur la vie de nos concitoyens et sur l'activité économique.
Monsieur Hetzel, je ne répéterai pas mon intervention liminaire : j'y ai décrit le monde dans lequel nous vivons et expliqué en quoi la situation avait changé depuis cinq ans.
Monsieur Poisson, vous vous trompez : la loi Mallié n'a prévu aucune compensation pour les salariés dans les zones touristiques. Si elle a prévu un doublement du salaire dans les PUCE à défaut d'accord, ce qui a permis de régulariser quarante et une zones, elle n'a en revanche prévu aucune compensation pour les Français qui travaillent dans les 600 zones touristiques. Je vous confirme donc bien que la loi Mallié a créé en matière de compensation des distorsions importantes et donc des injustices et qu'elle a favorisé les grands formats aux dépens des commerces de centre-ville en régularisant des PUCE où les salariés étaient payés double à défaut d'accord.
Non, la loi Mallié n'a rien à voir avec la philosophie qui est au coeur de ce projet de loi. Oui, celles et ceux qui se sont battus contre la loi Mallié ont eu raison. Le texte que nous vous présentons aujourd'hui, qui vise à homogénéiser les dispositifs, prévoit des compensations pour tous. Il s'inscrit de plus dans un souci de juste mesure entre cinq ouvertures et cinquante-deux ouvertures le dimanche.
L'article 71, quant à lui, vise à encadrer les autorisations préfectorales au titre du préjudice au public ou à l'atteinte au fonctionnement normal de l'établissement. Quant aux dimanches du maire, qui seront traités à l'article 80, ils doivent être perçus comme des instruments de flexibilité à l'échelon local.
Avis défavorable aux amendements de suppression.
Monsieur Poisson, le salaire double n'est prévu aujourd'hui que dans le cas des dimanches accordés par le maire et en cas de décision unilatérale de l'employeur. Comme l'a souligné le ministre, la loi Mallié ne prévoit aucune compensation pour les salariés travaillant le dimanche dans les zones touristiques.
S'agissant des amendements de suppression de l'article 71, je tiens à souligner que le texte ne modifie en rien la procédure applicable aux dérogations préfectorales, qu'elles soient accordées à titre individuel, pour assurer la continuité du fonctionnement d'un établissement, ou dans l'intérêt du public. Avis défavorable.
Les dispositions de la loi Mallié ne s'appliquent pas en Alsace-Moselle où prévaut le code professionnel local. En sera-t-il de même des dispositions du présent texte ? Si tel n'était pas le cas, nous aimerions le savoir, car cela ne serait pas sans incidence sur le cours des débats en séance publique.
Je vous répondrai, monsieur Hetzel.
Je vous ferai remarquer que la loi Mallié elle aussi avait fait l'objet d'une étude d'impact assez réduite…
Deux logiques coexistent : la logique des dérogations de plein droit et permanentes, sans contrepartie spécifique pour les salariés – elle concerne le commerce alimentaire, le commerce de consommation immédiate comme les boulangeries, les commerces de certains secteurs non alimentaires comme l'ameublement, le bricolage ou les buralistes, et les commerces de détail dans les zones touristiques –, et la logique des dérogations temporaires avec contreparties. La difficulté est de réussir à trouver un système mixte : le retrait des deux amendements SPE1219 et SPE1868 révèle la complexité de la question, car il est difficile de résoudre la distorsion existant entre ces deux logiques.
En les mêlant, les mesures que vous voulez instaurer risquent de mettre en difficulté les commerces qui bénéficient de dérogations permanentes.
L'article 71, qui concerne toutes les ouvertures dominicales, est un article de respiration qui vise uniquement des autorisations individuelles temporaires, par exemple pour réaliser un inventaire, autorisations qui sont à la main du préfet. Les consultations qu'il prévoit visent bien à pallier les effets pervers dus au zonage.
La Commission rejette les amendements SPE103 et SPE431.
Puis elle examine l'amendement SPE520 de M. Jean-Louis Bricout.
Il convient, en logique commerciale, de raisonner en termes de zones de chalandise, que les périmètres administratifs des communes et intercommunalités ne recouvrent pas nécessairement. On ne saurait ignorer les interactions entre les commerces du centre des bourgs et les zones commerciales périphériques des petites villes où, à l'intérieur d'une même zone de chalandise, entre les petites villes dont les commerces assurent un service de premier niveau et la plus grande ville qui satisfait des services de deuxième niveau – je pense notamment aux commerces d'équipement de la maison. Le samedi après-midi, les centres des bourgs sont siphonnés par la plus grande ville située à une distance raisonnable, où les consommateurs profitent de leur temps libre pour s'équiper en biens de deuxième service. J'ai peur que l'ouverture du dimanche n'ait le même effet.
C'est pourquoi mon amendement SPE520 vise à introduire le critère de la zone de chalandise en prévoyant la consultation des commissions départementales d'aménagement commercial.
Les commissions départementales d'aménagement commercial – CDAC – jouent un rôle important en matière d'urbanisme commercial. Mais le champ de l'article 71 couvre des autorisations qui ne concernent pas seulement le commerce ; votre amendement concerne plutôt les dimanches du maire, qui sont traités à l'article 80. Par ailleurs, si votre souci d'une instance délibérative qui ne soit pas seulement municipale est légitime, les CDAC ne sont peut-être pas les instances les mieux adaptées à cette fin. Il convient en tout cas de prévoir une régulation des territoires évitant des comportements non coopératifs ou les effets de bord.
C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement à ce stade du texte.
L'amendement SPE520 est retiré.
La Commission examine ensuite les amendements SPE752 et SPE755 de M. Francis Vercamer.
Comme vous l'avez souligné, l'article 71 concerne non seulement les commerces mais tous les établissements qui, pour assurer un fonctionnement normal, doivent travailler le dimanche. Les contraindre à déposer une demande d'autorisation tous les trois ans au maximum n'est pas un signe de simplification administrative, compte tenu, en plus, du nombre de pièces justificatives que ces établissements devront joindre à leur demande.
C'est la raison pour laquelle l'amendement SPE752 vise à supprimer la nécessité de devoir demander une autorisation tous les trois ans et l'amendement SPE755, qui est de repli, à accorder une autorisation minimale de trois ans.
Je le rappelle : l'article 71, qui cible des autorisations individuelles, vise à corriger les effets pervers liés au zonage en accordant localement, de manière flexible, un ou plusieurs dimanches, tout en prenant en considération les nuisances occasionnées et tous les autres effets possibles. Je tiens à vous rassurer : le formalisme qui accompagnera la demande sera léger.
Ces demandes concerneront, par exemple, des magasins souhaitant faire travailler leurs salariés un ou deux dimanches par an pour faire l'inventaire. Il s'agira de cas très individuels. Le délai de trois ans est celui qui est apparu le plus raisonnable à l'issue de la concertation.
Avis défavorable aux deux amendements.
La proposition de Francis Vercamer ne va pas dans le bon sens. Les autorisations sont aujourd'hui données en moyenne pour trois ans, certaines pour un an seulement.
Je me suis moi-même demandé s'il ne convenait pas de fixer la durée de l'autorisation à trois ans dans tous les cas : en effet, les commerces qui n'obtiennent qu'une autorisation annuelle sont contraints chaque année de redéposer une nouvelle demande.
Quoi qu'il en soit, supprimer toute référence à une durée ne permettra pas d'assurer une sécurité juridique suffisante aux établissements concernés car rien n'interdira de prendre des arrêtés pour une durée inférieure. Fixer une durée maximale autorise un réexamen à une échéance raisonnable des autorisations qui ont été octroyées.
Avis défavorable aux deux amendements.
La Commission rejette successivement les amendements SPE752 et SPE755.
Puis elle examine l'amendement SPE1064 de M. Alain Tourret.
La décision de l'ouverture dominicale doit s'entendre à un échelon pertinent, à savoir l'intercommunalité. Tel est l'objet de l'amendement SPE1064.
J'ai déjà répondu sur le sujet : l'article 71 cible des autorisations individuelles liées à des effets de zonage. Le niveau communal me semble le plus pertinent : l'intervention du préfet relève parfois du chirurgical et il ne faudrait pas exagérément l'alourdir. Votre amendement vise davantage les dimanches du maire, où se pose effectivement la question de la régulation intercommunale, que le texte a omis de mentionner.
C'est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement à ce stade du texte.
Je ne suis pas opposé à la consultation des EPCI pour des autorisations qui ont un impact sur l'intercommunalité. Je me demande toutefois si une telle consultation est pertinente pour des dérogations qui concernent des situations non commerciales, telles que des poursuites de chantier, des déménagements d'entreprises et de bureaux ou des autorisations qui n'ont pas d'impact particulier en dehors du territoire de la commune.
C'est pourquoi je vous propose de rectifier l'amendement en faisant précéder les mots : « le cas échéant, » par le mot : « et, ». En effet, dans la rédaction actuelle de l'amendement, les mots « le cas échéant, » portent également sur les autres acteurs consultés dans ce cadre, à savoir la chambre de commerce et d'industrie, la chambre de métiers et de l'artisanat et les syndicats d'employeurs et de salariés intéressés de la commune.
Je m'en remets à la sagesse de la Commission.
Je m'en remets également à la sagesse de la Commission.
La Commission adopte l'amendement SPE1064 ainsi rectifié.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel SPE1685 des rapporteurs.
En conséquence, l'amendement SPE634 de M. Gérard Cherpion tombe.
La Commission examine ensuite les amendements SPE1135 et SPE1137 de M. Joël Giraud.
L'amendement SPE1064 rectifié ayant déjà introduit à l'article 71 la consultation, le cas échéant, des EPCI, prévoir en sus la consultation de la Commission paritaire interprofessionnelle départementale – CPID – alourdirait exagérément le dispositif.
Les amendements SPE1135 et SPE1137 sont retirés.
Puis, la Commission adopte l'article 71 modifié.
Article 72 : Création des zones touristiques internationales
La Commission examine les amendements SPE432 de M. Patrick Hetzel, SPE843 de Mme Jacqueline Fraysse, SPE1355 de M. Jean-Louis Roumegas et SPE1403 de Mme Sandrine Mazetier, qui tendent à supprimer l'article.
L'amendement SPE432 vise à supprimer l'article 72 qui traite des exceptions au repos dominical et en soirée dans les zones touristiques internationales.
Le projet de loi, qui va au-delà des équilibres définis en 2009 par le Parlement, suscite des interrogations jusque dans les rangs de la majorité, puisque Mme Hidalgo, maire de Paris, a fait part de sa désapprobation tant sur la méthode que sur le contenu. Je partage son regret de voir réduire les pouvoirs du maire dans le seul but d'accroître ceux de Bercy.
Nous ne disposons d'aucun chiffre nous permettant d'évaluer les effets du départ supposé de touristes étrangers le week-end à Londres pour y faire leurs achats. Pouvez-vous nous apporter des données statistiques probantes sur ce point, monsieur le ministre ?
Les dérogations prévues dans les zones touristiques internationales auront les conséquences sociales les plus lourdes pour les salariés, puisqu'elles prévoient l'ouverture tous les dimanches et tous les jours en soirée.
Qui plus est, les critères de délimitation de ces zones sont très flous. Le texte évoque, pour les définir, leur rayonnement international ainsi que l'affluence exceptionnelle de touristes notamment résidant hors de France. Mais à quoi mesurera-t-on ce rayonnement international ou cette affluence exceptionnelle ?
Enfin, la décision finale de la création de ces zones reviendrait aux ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce et non aux élus locaux. Ceux-ci seront consultés, certes, mais n'auront pas le dernier mot. Pourtant, ce sont bien les territoires que les élus locaux administrent qui subiront les conséquences, en termes d'aménagement, de ces décisions ministérielles. Une telle démarche va à l'encontre de l'objectif affiché d'un texte qui prétend s'inscrire dans une logique prospective d'aménagement du territoire.
Si la loi Mallié mérite à coup sûr de nombreuses critiques, plusieurs de ses dispositions sont à bien des égards meilleures que certaines de ce projet de loi. Ainsi, alors que la loi actuelle prévoit, dans les PUCE, le doublement du salaire à défaut d'accord, si le projet de loi est adopté, les PUCE deviendront des zones commerciales et les salariés n'auront plus aucune certitude de toucher un salaire double le dimanche. Les compensations seront subordonnées à un accord dont le texte ne fixe pas le plancher.
Voilà pourquoi je propose par mon amendement SPE843 de supprimer l'article 72.
C'est l'extension du travail du dimanche qui, à nos yeux, pose problème.
Le ministre, pour justifier cette extension, argue que nous avons changé d'époque et qu'il faut désormais tenir compte de la concurrence du commerce en ligne. Or le commerce en ligne étant accessible de jour comme de nuit, si l'argument du ministre était pertinent, pour rétablir une concurrence équitable, il faudrait ouvrir les commerces de nuit comme de jour, sept jours sur sept, 365 jours par an… De plus, le commerce en ligne ne permet pas d'obtenir immédiatement ses achats : il implique un délai de livraison. Ce n'est donc pas la fermeture des magasins le dimanche qui aggrave la concurrence que ceux-ci subissent de la part du commerce en ligne, puisqu'elle est permanente : l'ouverture du dimanche ne rétablira donc pas l'équilibre.
L'ouverture du dimanche pose un autre problème, celui de l'exacerbation de la concurrence entre les magasins eux-mêmes. Les petits commerces s'en trouveront encore affaiblis par rapport à la fois aux grandes enseignes et au commerce en ligne, auquel les grandes enseignes, qui ont les moyens de réagir, se sont déjà mises, vous le savez fort bien.
Il convient de s'interroger plus particulièrement, à l'article 72, sur la pertinence de la création de ces zones touristiques internationales : quelles sont, en France, les zones très touristiques qui ne sont pas déjà ouvertes le dimanche ? Paris compte déjà sept zones dont les commerces sont ouverts le dimanche. Les touristes qui visitent le Mont-Saint-Michel le dimanche peuvent y faire leurs achats. Le seul enjeu posé par la création de ces zones touristiques internationales est celui de l'ouverture des grands magasins parisiens. Pourquoi décider leur ouverture sans respecter les règles de la décentralisation, c'est-à-dire en passant par-dessus le maire, d'autant qu'une telle décision risque de détruire des équilibres locaux, notamment, à Paris, de déstabiliser le petit commerce situé dans d'autres secteurs ? Le maire de Paris a raison de s'en inquiéter. Pourquoi le Gouvernement devrait-il avoir le dernier mot en la matière ?
Quel est, de plus, le potentiel économique réel de l'ouverture le dimanche dans les zones touristiques internationales créées par le texte ? Les arguments avancés ne sont pas convaincants. Les touristes étrangers, en particulier extracommunautaires, ne viennent pas à Paris pour une seule journée. Leur tour est organisé de façon à leur permettre d'effectuer leurs achats. La concurrence avec Londres est loin d'être crédible, d'autant qu'il faut un visa spécifique pour s'y rendre puisque le Royaume-Uni est en dehors de l'espace Schengen. La création de ces zones touristiques internationales, au seul profit de quelques grands magasins parisiens, nous semble d'un intérêt limité : nous y sommes donc opposés.
C'est pourquoi notre amendement SPE1355 vise à supprimer l'article 42.
J'ai déposé l'amendement SPE1403 pour ouvrir un débat sur la création des zones touristiques internationales.
Tel qu'il est actuellement rédigé, le texte autorisera, dans les zones touristiques internationales qu'il crée, l'ouverture des commerces vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. L'étude d'impact cite les Champs-Élysées comme exemple de ce que pourrait être une de ces zones touristiques internationales.
Selon les données du dernier salon international de l'immobilier commercial, le prix du mètre carré des baux commerciaux sur les Champs-Élysées s'élève en moyenne à 13 255 euros – il peut atteindre 18 000 euros. Des enseignes capables d'assumer un tel prix du mètre carré sont également capables d'assumer, au profit de leurs salariés, des contreparties et, surtout, un plancher de contreparties, en termes financiers et de repos compensateur, clairement fixé par le législateur. En effet, si le législateur ne peut tout maîtriser, il a au moins la possibilité d'inscrire dans la loi des contreparties.
Au demeurant, même si ces contreparties sont accordées, elles n'effaceront en rien l'effet dévastateur, en termes de prix du foncier, de la création de ces zones, y compris à leur périphérie. On parlait de services publics qui fonctionnent le dimanche : il n'y a plus de bureau de poste sur les Champs-Élysées. La Poste l'a fermé, car elle n'a plus les moyens de payer le loyer.
Comme Jacqueline Fraysse, je pense que le législateur doit préciser les critères présidant à la création de ces zones touristiques internationales. Sinon, rien n'interdira à une autre majorité ou à un autre Gouvernement d'élargir le périmètre de ces zones sans consulter le Parlement. Le risque est que, demain, tout Paris, voire le Grand Paris, ne devienne une zone touristique internationale, où les commerces seront ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Les contreparties fondront alors comme neige au soleil.
Nous devons également mettre des bornes à l'ouverture des commerces vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, trois cent soixante-cinq jours par an. J'ai déposé un amendement pour permettre aux salariés du commerce de remplir leur devoir civique les jours d'élections. Il faut garantir la possibilité de participer à la vie de la société : une société a besoin non seulement d'activités économiques mais également de la participation de tous les citoyens aux choix collectifs lors de temps communs.
Cet article soulève une question qui est au coeur du chapitre Ier du titre III : la définition de la zone chalandise, qui fait l'objet d'une jurisprudence importante et très claire des juges français et européens. Les décisions relatives au commerce, qu'il s'agisse notamment des autorisations de fusion-acquisition ou des abus de position dominante, s'appuient en effet sur trente années de jurisprudence qui précisent la notion de concurrence au sein des zones de chalandise.
L'adoption de ce chapitre provoquera assurément une grande évolution. Je tiens toutefois à signaler que le commerce électronique n'a jamais été assimilé à une zone de chalandise comme zone de concurrence, et ce pour une raison très simple : cette zone de chalandise serait mondiale et le commerce texan y entrerait en concurrence avec la petite épicerie des Hautes-Alpes… Il n'est donc pas possible d'intégrer dans une zone de chalandise précise la concurrence du commerce électronique, faute de références possibles permettant de déterminer la concurrence instaurée par ce commerce. C'est pourquoi il convient d'oublier l'argument du commerce électronique pour véritablement s'interroger sur ce qui fait concurrence et ce qui ne le fait pas.
L'adoption en l'état de l'article 72 entraînera la création de zones de chalandise européennes à l'intérieur desquelles des quartiers de Paris seront mis en concurrence avec des quartiers de Londres ou de Bruxelles : je ne suis pas convaincue par la pertinence d'une telle démarche, qui justifierait, en tout cas, un niveau exceptionnel de protection des salariés. Or le texte ne prévoit rien de ce genre, s'agissant notamment du travail entre 21h00 et minuit. Sans doute suis-je un cas un peu spécial, mais ma nuit à moi commence avant minuit…
Le Gouvernement doit préciser la définition de la zone de chalandise recouverte par ces zones touristiques internationales en répondant à ces deux questions : quelles capitales européennes le Gouvernement entend-il mettre en concurrence à l'intérieur de Paris et quelles mesures exceptionnelles de protection à la fois des salariés et de l'équilibre des zones périphériques compte-t-il proposer ?
Le moment me semble venu pour la France de tirer les conclusions d'une évolution profonde du tourisme international, de plus en plus lié à la question commerciale. Les tour-opérateurs organisent les séjours en fonction de l'ouverture des commerces. Alors que d'autres métropoles européennes ont déjà pris ce tournant, le régime de Paris est un des plus restrictifs, comme le montre l'étude d'impact.
Voulons-nous valoriser l'atout économique que constitue l'afflux en France de touristes à haut pouvoir d'achat ou ne le voulons-nous pas ? Qui plus est, cette question ne concerne pas seulement les emplois créés dans les zones touristiques concernées : la France – dois-je le rappeler ? – fabrique encore sur son territoire les produits de luxe qui seront vendus dans ces zones touristiques. L'ouverture de ces magasins favorisera donc l'emploi non seulement au plan local mais également dans toute la France.
Le Gouvernement va dans la bonne direction, d'autant que les déclarations des dirigeants des grands magasins, que vise en premier lieu cette disposition, ne peuvent que nous rassurer : ils sont prêts à accorder d'importantes compensations à leurs salariés. Les fonctionnaires qui travaillent le dimanche à Paris seraient heureux de bénéficier des compensations salariales que les Galeries Lafayette sont prêtes à offrir à leurs employés ! Soyons lucides : puisque les grands magasins voient dans cette mesure une possibilité d'améliorer très significativement leur chiffre d'affaires, il est évidemment normal qu'une partie des bénéfices supplémentaires qu'ils en retireront aille aux salariés. Il est tout à fait possible de mettre en place un dispositif qui permette à chacun de s'y retrouver.
Avis défavorable à ces amendements de suppression.
Je rappelle à M. Roumegas et à Mme Berger que j'ai donné dans mon propos liminaire des éléments sur le commerce électronique et la notion de zone de chalandise.
Je prends un exemple : la notion de zone de chalandise, telle qu'elle est habituellement utilisée dans le droit de la concurrence, ne peut pas s'appliquer au secteur culturel, du fait que ce secteur voit le passage massif de plusieurs millions de visiteurs par an sur des durées réduites. Leurs flux momentanés transforment de facto la zone de chalandise. On peut analyser de la même façon l'impact du commerce en ligne : les effets de déport de la vente directe sur la vente en ligne sont massifs – je tiens les chiffres à votre disposition. Le Printemps a créé son propre site de commerce en ligne, qui réalise presque 50 % de son chiffre d'affaires le dimanche. Ceux qui ne peuvent pas physiquement consommer le dimanche dans les grands magasins ont donc plébiscité la stratégie de contournement du Printemps. C'est une réalité qu'il ne faut pas nier.
S'il faut traiter ces zones touristiques internationales de manière différente, c'est tout simplement parce qu'elles font l'objet de flux spécifiques. La France, première destination touristique du monde, n'est que la troisième en montant des recettes liées au tourisme et la neuvième en montant des recettes par visiteur. C'est bien la preuve que notre organisation actuelle ne nous permet pas d'optimiser les potentialités du secteur touristique. Et lorsque l'on n'offre pas aux touristes les moyens de consommer sur place, ils s'en vont consommer ailleurs.
Les magasins réalisent entre 30 % et 50 % de leur chiffre d'affaires hebdomadaire le dimanche lorsqu'ils sont ouverts ce jour-là.
À Mme Fraysse et à Mme Mazetier j'indique que le projet de loi prévoit des compensations beaucoup plus importantes que celles qui ont jamais été octroyées dans aucun texte, puisque l'ouverture dépend d'un accord. Hier au soir, vous avez donné lecture d'un tract émouvant. Le grand magasin dont il était question était ouvert le dimanche parce que c'était la période des soldes : la loi actuelle n'empêche pas l'incivisme de certaines enseignes, qui refusent de donner du temps à leurs salariés pendant une telle période pour aller manifester. Mais demain, une telle situation ne sera plus possible : jamais une enseigne comme le Printemps, compte tenu de l'équilibre syndical qui est le sien, ne parviendra pas à un accord dans des conditions aussi peu satisfaisantes. Or, je le répète : pas d'accord, pas d'ouverture…
On peut toujours créer de nouvelles PUCE dans lesquelles la loi prévoit le doublement du salaire et un jour de compensation : une telle démarche créerait immédiatement des effets de bord majeurs pour les salariés. Le plus intelligent est de renvoyer à des accords de territoire, de branche ou d'entreprise, dont la signature conditionnera l'ouverture et qui définiront les termes de la compensation.
La ville de Paris n'est pas seule concernée. À Nice, 53 % des nuitées sont le fait d'étrangers. Ouvrir le dimanche et en soirée permettra de prendre en compte la réalité du commerce international dans ces zones spécifiques.
S'agissant du commerce en soirée, madame Berger, j'ai déjà indiqué les compensations prévues : doublement du salaire entre 21h00 et minuit, raccompagnement du salarié à son domicile à la charge de l'employeur, volontariat explicite, capacité de rétractation, protection des femmes enceintes.
S'agissant des effets de bord, personne n'arrivera à me faire croire que c'est l'ouverture dominicale et en soirée qui explique le prix du foncier d'ores et déjà constaté aux Champs-Élysées ! Ce prix élevé est un vrai problème, je vous l'accorde, mais il n'est pas lié à la réforme que le Gouvernement veut conduire. Qui plus est, en aucun cas le texte ne prévoit l'ouverture des commerces vingt-quatre heures sur vingt-quatre, même dans les zones touristiques internationales.
C'est vrai : permettre aux salariés de voter lorsqu'ils travaillent le dimanche est une préoccupation civique. Mais il faudrait y réfléchir non seulement pour les salariés des commerces, mais également, par exemple, pour les ambulanciers ou les conducteurs des transports en commun.
Au-delà de ces arguments, je suis conscient que la rédaction proposée peut causer un certain inconfort. Pour quelques zones – la Riviera, Paris ainsi que certaines gares très fréquentées –, ce sont les problématiques locales qui ont bloqué l'ouverture. Je ne pense pas que l'expérimentation soit une piste intéressante, car les acteurs économiques ont besoin de visibilité pour s'organiser et réorienter les flux. Il serait plus judicieux de définir des critères chiffrés objectifs, tels que le volume de détaxe. On montrera ainsi que les zones spécifiques et les types de commerce visés par le projet de loi ne concurrenceront pas les zones de chalandise classiques. Dès lors nous aurons mieux défini le contour des ZTI, zones très fréquentées par les touristes et dédiées au commerce de luxe, l'inconfort que vous pouvez encore ressentir disparaîtra. Je suis tout à fait prêt à avancer sur cette question d'ici à la séance.
Avis défavorable, mais je pense comme le ministre qu'il faut préciser les critères permettant de définir les zones concernées.
La Commission rejette les amendements SPE432, SPE843, SPE1355 et SPE1403.
Elle étudie l'amendement SPE1459 rectifié de Mme Sandrine Mazetier.
Il n'y a aucune raison de ne pas mener le débat sur l'expérimentation jusqu'à son terme. L'hypothèse sur laquelle repose le texte – à savoir que l'ouverture des commerces le dimanche dans les ZTI fera augmenter le montant dépensé en France par chaque touriste – mérite à tout le moins d'être vérifiée.
J'ajoute qu'il y a probablement moyen de faire participer davantage les touristes étrangers aux sacrifices que consent la collectivité pour les accueillir dans de bonnes conditions. Les feux d'artifice sont gratuits pour tout le monde à Paris, sauf pour le contribuable parisien. À Londres, il faut payer : le feu d'artifice, c'est un business, ce n'est pas le contribuable londonien qui finance. Même gratuité pour la visite de l'église Saint-Sulpice qui a attiré des flots de touristes, intrigués par un succès de librairie mondial, le Da Vinci code, alors que la restauration de la tour Nord a coûté très cher aux Parisiens, puisque l'église appartient au patrimoine de la ville de Paris, et même au contribuable tout court, puisqu'elle est classée. En un mot, l'attractivité de la France, dont les Français supportent le coût, ne tient pas uniquement au shopping. Au demeurant, en dépit d'une législation que certains observateurs étrangers n'hésitent pas à qualifier de marxiste ou de communiste, les Champs-Élysées sont la troisième artère la plus chère du monde. Il y a tout de même matière à s'interroger, et peut-être à trouver d'autres moyens de faire participer davantage le touriste étranger à ce que la collectivité met en oeuvre pour l'accueillir dans de bonnes conditions. Un an, je le reconnais, monsieur le ministre, c'est un peu court pour vérifier si les objectifs que vous assignez à votre texte sont atteints, mais cela ne remet pas pour autant le bien-fondé d'une évaluation.
Avis défavorable. Votre argumentation porte moins sur l'évaluation du dispositif que sur le juste retour que les Parisiens doivent pouvoir en attendre. Mais vous avez vous-même répondu à la question que vous posez : le prix élevé du foncier à Paris est déjà un retour pour la collectivité. Quant à l'idée de mieux faire contribuer les touristes, elle est légitime : nous nous sommes posé la question à propos de la taxe de séjour. Mais cela n'a rien à voir avec l'expérimentation.
Je serai en revanche tout à fait à vos côtés sur l'évaluation. Mieux vaut que la loi prévoie une évaluation régulière, tous les deux ans par exemple, qu'une expérimentation qui serait facteur d'instabilité : si nous limitons le dispositif à dix-huit mois, les acteurs ne feront pas l'effort de se réorganiser, d'autant que la ZTI est un dispositif national, certes, mais très spécifique.
Avis défavorable à l'amendement, qui procède de la même logique que le SPE1959 et le SPE1960; cela étant, il serait bon de prévoir une évaluation du dispositif, dans un délai de deux ans.
Sensible au fait que le ministre accepte le principe d'une évaluation, je retire mon amendement. Je souligne cependant que, quand les prix du foncier sont élevés mais qu'il n'y a plus de ventes, les collectivités ne perçoivent plus guère de droits de mutation à titre onéreux – DMTO –, qui ne constituent d'ailleurs pas les ressources les plus souhaitables.
L'amendement SPE1459 rectifié est retiré.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel SPE1686 des rapporteurs.
Elle examine, en discussion commune, les amendements SPE1419 et SPE1430 de Mme Sandrine Mazetier, et SPE1114 de M. Alain Tourret.
Alors que la création comme l'évolution du périmètre des zones touristiques ou commerciales fait l'objet de concertations avec les élus locaux, ceux-ci ne sont pas associés à la délimitation des ZTI. L'amendement SPE1419 vise à corriger cette anomalie et avant tout à lancer le débat : ces zones sont d'intérêt national, me dit-on ; mais à mes yeux, tout ce qui dans la loi touche au moindre mètre carré de territoire, qu'il soit métropolitain ou ultramarin est d'intérêt national – c'est en tout cas la vision que j'ai de mon rôle de législateur.
L'amendement SPE1430 propose que les zones touristiques internationales soient délimitées par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, après avis conforme – et non un simple avis – du maire, le cas échéant du président de l'établissement public de coopération intercommunale et des syndicats d'employeurs et de salariés.
Avis défavorable aux amendements SPE1419 et SPE1430. Nous pourrions inscrire dans la loi le principe d'une évaluation régulière de l'efficacité et de la pertinence du dispositif, au vu de critères à définir, ce qui permettrait de mieux le gérer ; les décrets seraient ainsi contraints par l'évaluation. Nous rechercherons une rédaction appropriée au cours des prochains jours. Avis favorable à l'amendement SPE1114.
Les amendements SPE1419 et SPE1430 sont retirés.
La Commission adopte l'amendement SPE1114, puis l'amendement rédactionnel SPE1687 des rapporteurs.
Elle examine, en discussion commune, les amendements SPE1959 de Mme Sandrine Mazetier et SPE1688 des rapporteurs.
L'amendement SPE1959 est encore un amendement d'appel. Il faut définir plus précisément ce qu'est une ZTI, en mesurant ou en évaluant les notions de rayonnement international et d'affluence exceptionnelle. Je me félicite que le ministre soit prêt à aller dans ce sens et je retire.
L'amendement SPE1959 est retiré.
La Commission adopte l'amendement SPE1688.
Elle en vient à l'amendement SPE1866 des rapporteurs.
Puisque nous sommes en train de réfléchir à la définition de nouveaux critères, je propose au rapporteur général de retirer son amendement, que nous examinerons en séance publique.
L'amendement SPE1866 est retiré.
La Commission étudie les amendements SPE1470 et SPE1960 de Mme Sandrine Mazetier.
Le régime tout à fait dérogatoire qui prévaudra dans les zones touristiques internationales – ouverture durant les cinquante-deux dimanches, travail de nuit – impose, outre un plancher de compensations, que celles-ci soient très précisément caractérisées. Je propose de caractériser les ZTI par le fait que 60 % du chiffre d'affaires constaté y sont effectués par des acheteurs internationaux. Ce critère pourra être vérifié par l'analyse de deux éléments d'information : le montant de la détaxe, calculé par les douanes, et les paiements par carte bancaire, qui permettent d'identifier le lieu de résidence des acheteurs. J'ai proposé de cumuler ces deux informations, car la seule détaxe ne permettrait pas d'identifier les touristes européens, qui ne bénéficient pas du régime d'achat en duty free.
Je trouve la démarche excellente. Nous ne pouvons rouvrir le débat sur la définition de la zone de chalandise, qui aboutira à modifier profondément l'équilibre du commerce français, qu'en nous fondant sur des critères chiffrés et précis. En fonction de quelles données le Gouvernement envisage-t-il de caractériser les ZTI ? Considère-t-il, par exemple, que la moitié du chiffre d'affaires doive y être réalisé avec des touristes ?
La délimitation des ZTI est un réel problème. Même à Paris, leur définition n'est pas très claire. Montmartre et le Marais, que visitent chaque année de millions de touristes, répondent aux critères de l'amendement. Nous devrons travailler, y compris avec la ville de Paris, si cela est possible, à la mise au point de critères de délimitation qui permettent aux zones de fonctionner le mieux possible. En tant qu'élu du XVIIIe arrondissement, je regrette que la ville ne soit pas favorable à une extension de la zone touristique de Montmartre. Reste à trouver des critères satisfaisants, et qui ne soient pas nécessairement redondants.
Je regrette de n'avoir pas pu intervenir sur les amendements que Sandrine Mazetier a retirés, mais je me réjouis que le débat ait permis d'avancer et que le ministre ait accepté de retravailler sur les critères permettant une définition précise des ZTI.
Comme Sandrine Mazetier, je considère qu'une évaluation est indispensable, car nous devons pouvoir revenir en arrière si le dispositif n'apporte pas les résultats escomptés. En revanche, je suis plus réticente sur la façon dont sera pris en compte de l'avis des élus, qui ont naturellement tendance à défendre leur chapelle… Leur avis conforme doit être fondé non sur leur ressenti, mais sur des critères précis et sur l'évaluation des résultats obtenus, qui permettra d'apprécier l'intérêt général. Même si cela ne leur fait pas plaisir, les élus doivent être capables de prendre une décision répondant objectivement à une nécessité d'intérêt général.
On peut caractériser une ZTI par le nombre de touristes qui la fréquentent, mais il faut aussi réfléchir au moyen de les attirer ; auquel cas, pour définir la zone, on pourrait prendre en compte le désir de développer l'offre de shopping souvent liée aux produits du luxe, particulièrement attractifs.
La définition de critères objective la délimitation, donne un support à l'évaluation et ménage la possibilité d'une évolution. C'est dans ce triptyque que doit se nouer un dialogue constructif entre l'État et les élus de la collectivité.
Dans la capitale, l'ouverture des commerces le dimanche ne se réduit pas au strict aspect commercial. Elle a également une dimension de sécurité publique, qui incombe à l'État comme à la ville. Chacun retrouve ses prérogatives dans le dossier de l'attractivité touristique.
Je le répète : je suis favorable à ce que nous inscrivions dans la loi des critères. Ceux-ci ne doivent pas être strictement quantitatifs, car l'approche chiffrée risque d'être biaisée, les touristes étant nécessairement moins présents dans les zones où les commerces ne sont pas ouverts le dimanche. Dans le Marais, l'ouverture dominicale fait mécaniquement augmenter la proportion de touristes étrangers, que la détaxe permet facilement d'évaluer. Je propose donc de retenir également un critère qualitatif ou encore un troisième critère : le prestige de la zone. Si l'on fait du seul commerce de luxe un critère, on retiendra peut-être les Champs-Élysées, mais on exclura le Marais. Le cas de Montmartre est également particulier.
C'est surtout pour le travail en soirée que le problème s'y pose. Quoi qu'il en soit, il faut associer l'approche quantitative et qualitative. On pourrait inscrire dans la loi l'avis conforme de la collectivité locale, liée aux résultats de l'évaluation. On me pardonnera le côté un peu jésuite de cette association, mais c'est un moyen de lui redonner une place… En attendant que je retravaille la rédaction en ce sens, je vous suggère de retirer votre amendement.
Je remercie le ministre de son engagement et je retire l'amendement SP1470. J'insiste sur la nécessité, dans les zones où l'on travaillera cinquante-deux dimanches par an, ce qui dégagera des profits importants, de fixer dans la loi un plancher de contreparties en termes de salaire et de repos. Cette précision étant apportée, je retire également l'amendement SPE1960.
Je ne sais si cela est lié au fait que nous travaillons un dimanche, mais je me félicite de la tonalité et de la qualité de nos échanges.
Les amendements SPE1470 et SPE1960 sont retirés.
La commission adopte l'article 72 modifié.
Article 73 : Création des zones touristiques
La Commission examine les amendements identiques SPE104 de M. Gérard Cherpion, SPE433 de M. Patrick Hetzel et SPE846 de Mme Jacqueline Fraysse.
L'amendement SPE104 tend à supprimer l'article 73. Le ministre soutient que la véritable inégalité a été créée par la loi Mallié de 2009, qu'il entreprend de corriger. Certes, celle-ci n'impose pas de condition de volontariat ni de compensation. Elle prévoit du moins que les organisations professionnelles ou les employeurs et les organisations syndicales représentatives engagent des négociations en vue de signer un accord déterminant les contreparties accordées aux salariés privés de repos dominical lorsque la branche ou l'entreprise ne sont pas couvertes par un accord spécifique. À défaut, aucune ouverture dominicale n'est possible.
À Saint-Malo, dont je suis maire, nous avons créé une zone touristique, comme l'ont fait les élus de Cancale et de Dinard. Toutes trois fonctionnent très bien. Je crains que le texte ne compromette cet équilibre et n'entraîne une dévitalisation des zones touristiques. Si les employeurs hésitent à recruter, par peur des complications qu'entraînera votre projet de loi, vous aboutirez à l'effet inverse de celui escompté.
Contrairement à la loi Maillé, qui dans les PUCE a imposé un doublement de la rémunération et un repos compensateur, le projet de loi ne prévoit rien de ce genre et marque par conséquent un recul. J'insiste sur la nécessité de prévoir un plancher en termes de rémunération et de repos, pour le travail dominical, ainsi que d'autres protections. Et ce seuil supérieur devra être supérieur aux dispositifs applicables aux autres zones, car le régime des ZTI ne se limite pas au travail du dimanche, et le doublement du salaire sera vite englouti dans les frais de garde des enfants tous les soirs. Même pour les zones commerciales, il faut fixer un minimum de compensation dans la loi, en laissant bien sûr aux accords collectifs la possibilité d'aller un peu plus loin.
Avis défavorable. Les auteurs de ces amendements reprochent au texte de ne pas proposer de critères de définition objectifs des zones touristiques alors que la détermination de ces zones relève jusqu'à présent du pouvoir réglementaire, qui ne met en avant aucun critère de ce type. Par ailleurs, ils s'opposent à l'obligation de conclusion d'un accord collectif, à la mise en place de contreparties sociales et à la protection du volontariat des salariés dans ces zones, autant de principes auxquels, pour notre part, nous sommes extrêmement attachés.
Je vous propose de considérer l'articulation de l'article 73 avec les articles 76 et 77. La loi Mallié, que j'ai sous les yeux, ne prévoit pas d'accord obligatoire prévoyant compensation : elle mentionne seulement la possibilité de conclure des accords. D'ailleurs, dans bien des zones touristiques, il n'y a ni accord ni compensation. À Saint-Malo comme à Marseille, c'est un accord territorial qui a été conclu, option que les articles suivants présentent comme une des possibilités permettant l'ouverture le dimanche.
L'article 73 permet de toiletter la loi Mallié et de définir les zones touristiques. Les articles 76 et 77 introduisent dans celles-ci l'obligation du volontariat, jusqu'alors non obligatoire en zone touristique, qu'ils formalisent en prévoyant un accord du salarié, écrit et réitéré chaque année. Ils prévoient enfin un mécanisme de compensation, actuellement absent dans les zones touristiques. La grande différence de notre texte avec la loi Mallié, c'est qu'il oblige à conclure un accord, en laissant dans zones touristiques un délai de trois ans pour le conclure. Saint-Malo, où a été conclu un accord territorial, est une exception : dans de nombreuses zones touristiques en France, on travaille le dimanche sans aucune compensation.
N'en déplaise à Jacqueline Fraysse, je ne suis pas favorable à l'instauration d'un seuil dans la loi. Si vous dites aux partenaires sociaux : « Mettez-vous d'accord, sinon c'est payé double », vous faussez d'emblée le jeu. Mieux vaut leur faire confiance pour qu'ils s'entendent. Qui plus est, dans bien des zones touristiques, personne n'a les moyens de payer double. Je serais surpris que l'accord de Saint-Malo prévoie un doublement de la rémunération : le supplément envisagé se limite généralement à 30 % ou 40 %.
Si dans les PUCE, la loi Mallié a prévu le « payer double », c'est parce que les acteurs pouvaient le supporter. Ce n'est pas le cas dans les zones touristiques peu intenses, où les petits commerces en sont incapables. Voilà pourquoi nous renvoyons à un accord, de territoire, de branche ou d'entreprise. Le grand apport de ce dispositif, c'est que s'il n'y a pas d'accord, il n'y a pas d'ouverture. Et pour préserver l'existant et éviter l'effet couperet, il laisse un délai de trois ans en zone touristique pour conclure un accord.
Le point mérite d'être vérifié. Le texte de l'accord conclu à Saint-Malo, renvoie expressément à l'article 2, chapitre IV de la loi Mallié.
Parce que c'était un accord de territoire.
J'entends l'argument du ministre. Certains commerces peuvent soutenir la dépense, d'autres non ; mais il appartient au législateur de protéger les salariés en prévoyant un minimum de compensations. Puisque le ministre nous assure que son texte apporte un progrès, qu'il aille au bout de son raisonnement ! Au reste, quelles que soient les règles que nous fixions, il est certain que le texte nuira aux intérêts des petits commerçants, qui, contrairement aux grandes enseignes, ne pourront pas ouvrir en soirée et le dimanche.
Madame Fraysse, en posant le principe « Pas d'accord, pas d'ouverture », nous donnons une main très forte à ceux qui demandent des compensations par rapport à ceux qui seront intéressés à ouvrir le dimanche. Si en revanche nous imposons un seuil dans la loi, de deux choses l'une : ou bien nous fixons un seuil relativement élevé, ce qui sera bon pour les garanties, mais économiquement dévastateur pour les petites structures ; ou bien nous le plaçons à un niveau plus soutenable au risque de tirer l'accord de sortie vers le bas. Je fais le pari que la solution proposée sera plus favorable aux salariés.
C'est juste. Le principe même « Pas d'accord, pas d'ouverture » est plus protecteur pour les salariés. Du reste, Jacqueline Fraysse parle elle-même d'un minimum de compensations, alors que précisément, nous voulons amener les partenaires sociaux à s'accorder sur un maximum de compensations…
Il me semble difficile d'annoncer aux salariés des grandes surfaces à dominante alimentaire, qui ne perçoivent actuellement aucune contrepartie, qu'ils devront attendre trois ans avant que leur situation ne puisse s'améliorer.
Le critère de surface me semble pertinent pour caractériser les commerces à même de verser une compensation minimum.
Il faudrait prévoir un délai différent selon que le régime actuel prévoit ou non le versement d'une compensation. Là où aucune compensation n'était prévue jusqu'alors, et où la loi laissera un délai de trois ans, une des parties aura tout intérêt à faire durer la négociation au moins deux ans et demi. Dans les zones où il y avait déjà une compensation, on peut concevoir un délai de montée en charge ; mais là où il n'y en avait pas, il faudrait pouvoir non seulement provoquer l'engagement immédiat de négociations, mais également pousser à l'aboutissement de la discussion.
Il est bon de sanctionner l'absence d'accord de branche par l'interdiction d'ouvrir le dimanche, car il n'est pas rare que des blocages surviennent au niveau des branches. Nous le constatons aujourd'hui avec la délivrance de dérogations à la durée minimale de vingt-quatre heures du temps travail hebdomadaire à temps partiel, qui devait faire l'objet d'accords de branche ; on constate de nombreux blocages, qui mettent bien des entreprises en difficulté.
Je conviens que trois ans représentent un délai relativement long, mais dix-huit mois se sont écoulés depuis l'adoption de la loi de sécurisation de l'emploi, et très peu d'accords ont été signés. Qu'arrivera-t-il si l'on constate un blocage ? Des alternatives sont-elles prévues ? Avez-vous envisagé des solutions de substitution ?
Nous reviendrons sur le point lors de l'examen des articles 76 et 77. Nous devons trouver un équilibre qui, dans un souci de justice, protège tout le monde, et, dans un souci de pragmatisme, évite la fermeture des commerces. C'est ce qui nous a amenés à ne pas fixer un délai trop court.
Il me semble difficile de distinguer selon les cas au risque de créer une distorsion de concurrence entre des commerces voisins. Peut-être pourrait-on raccourcir le délai à deux ans. L'essentiel est que nous ouvrions la porte à trois types d'accords – accord territorial, accord de branche ou d'entreprise –, ce qui n'a pas été le cas pour le temps partiel. Sur le sujet qui nous occupe, l'accord territorial, à l'exemple de celui de Saint-Malo, ne manque pas de pertinence. Il permet à une ville de sortir de l'impasse d'une négociation de branche bloquée en raison de considérations d'équilibre syndical ou polluée par d'autres sujets.
La commission rejette les amendements SPE104, SPE433 et SPE846.
Elle adopte l'amendement rédactionnel SPE1689 des rapporteurs.
Elle en vient à l'amendement SPE635 de M. Gérard Cherpion.
La notion d'affluence ne me semble pas un critère suffisant pour définir les zones touristiques. Je propose de prendre également en compte des caractéristiques naturelles, artistiques, historiques, ainsi que la capacité d'accueil d'une population touristique importante à certaines périodes.
Il existe actuellement 640 zones touristiques telles que définies par les critères figurant à l'article R. 3132-20 du code du travail. Nous cherchons à clarifier le dispositif, mais il n'est pas question de réduire le périmètre actuel. Le décret maintiendra l'existant et permettra à toute collectivité précédemment éligible à demander, si elle le souhaite, à passer en zone touristique.
L'amendement SPE635 est retiré.
La Commission adopte l'article 73 modifié.
Membres présents ou excusés
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance et l'activité
Réunion du dimanche 18 janvier 2015 à 10 h 15
Présents. - M. Luc Belot, Mme Karine Berger, M. Yves Blein, M. Jean-Louis Bricout, M. François Brottes, Mme Colette Capdevielle, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Christophe Castaner, M. Jean-Yves Caullet, M. Gérard Cherpion, Mme Corinne Erhel, M. Richard Ferrand, Mme Jacqueline Fraysse, M. Jean-Patrick Gille, M. Jean Grellier, M. Patrick Hetzel, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Dominique Lefebvre, M. Arnaud Leroy, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, Mme Sandrine Mazetier, Mme Martine Pinville, Mme Elisabeth Pochon, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Denys Robiliard, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gilles Savary, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Alain Tourret, M. Stéphane Travert, Mme Cécile Untermaier, M. Francis Vercamer, M. Philippe Vigier
Assistait également à la réunion. - Mme Valérie Rabault