Vous avez souhaité débattre ce matin du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Azerbaïdjan relatif à la création et aux conditions d’activités des centres culturels.
Cet accord est important pour les relations franco-azerbaïdjanaises pour plusieurs raisons. Il vise d’abord à doter les centres culturels des deux pays d’un véritable statut, tout en définissant leurs missions et leurs obligations vis-à-vis du droit local. Côté français, l’Institut français est actif à Bakou depuis 2004. Créé avec le soutien du Parlement sous le nom de Centre culturel français George-Sand, ce centre joue un rôle majeur dans la diffusion de la langue française, dans la formation des élites mais aussi dans le débat d’idées.
Cet institut a pu exister et fonctionner avant la signature de cet accord, en 2009, mais il nous faut maintenant consolider son statut en droit international. Vecteur d’influence important, participant au rayonnement de la France, de sa culture et de ses valeurs, il contribue à la mise en oeuvre de notre politique culturelle – avec une programmation « dans et hors les murs » – et de coopération, non seulement à Bakou mais aussi dans l’ensemble du pays.
L’apprentissage de la langue française y tient une place essentielle : plus de 500 étudiants y sont inscrits chaque année. Cet institut est aussi un centre d’examen et d’information sur les études en France. En tant que secrétaire d’État chargée de la francophonie, permettez-moi de souligner cet aspect essentiel, notamment au regard des événements récents. La France défend des valeurs universelles, en particulier la solidarité internationale, valeurs qu’il nous faut, à plus d’un titre, rappeler. Faire connaître notre langue, attirer les étudiants étrangers, n’est-ce pas le meilleur moyen de transmettre ces valeurs de tolérance, de solidarité, de fraternité ? Qui seront nos meilleurs ambassadeurs demain, si ce n’est les étudiants que nous aurons formés ? C’est une question que nous devons nous poser régulièrement.
L’Institut français est aujourd’hui reconnu comme une référence qui compte dans le paysage azerbaïdjanais. L’accord que je soumets à votre approbation permettra de lui donner une dimension supplémentaire. En effet, en l’absence d’un accord fixant son statut, il reste largement dépendant de la bonne volonté des autorités locales pour poursuivre ses missions. En revanche, l’Azerbaïdjan ne dispose pas pour l’instant d’un centre culturel à Paris, même si son ambassade possède un service culturel très actif. Cet accord pourrait rendre envisageable que Bakou ouvre un centre culturel en France, ce que justifierait le dynamisme de nos échanges culturels. Il est donc important que cet accord puisse être ratifié sans plus tarder et entrer pleinement en vigueur.
Deuxièmement, la France a conclu des accords similaires avec un grand nombre d’États, afin de définir les conditions de fonctionnement des instituts français à l’étranger. L’accord avec l’Azerbaïdjan s’inscrit dans ce cadre. Parce que la France croit aux vertus du dialogue et des échanges culturels, parce qu’elle affirme les valeurs de la diversité et de la solidarité, elle a initié il y a plus d’un siècle la création d’un vaste réseau d’établissements culturels à travers le monde. Ce réseau est le plus ancien et le plus important dispositif de ce type. Il s’inscrit dans le cadre de la diplomatie française d’influence. Les importants moyens qui lui sont consacrés témoignent de la volonté de la France de promouvoir la diversité culturelle. L’apprentissage de la langue française y tient une place essentielle, mais aussi la participation au débat d’idées, le dialogue entre les cultures, la coopération culturelle, ainsi que la documentation sur la France et les études en France. Des priorités spécifiques ont été définies pour chaque grande région du monde.
Troisièmement, cet accord intervient dans le contexte d’un important développement de nos relations bilatérales. La visite officielle du Président de la République à Bakou en mai 2014, comme première étape d’une tournée dans le Caucase du sud, a illustré la dynamique de nos relations. Cette visite a notamment permis un renforcement de nos relations économiques, grâce à la signature de plusieurs contrats dans le domaine des transports, ainsi qu’une relance de la coopération universitaire pour encourager les étudiants azerbaïdjanais à venir se former plus nombreux en France. Les grands contrats signés ou en cours de négociation permettront de rééquilibrer un commerce bilatéral structurellement déficitaire au détriment de la France, avec, en 2013, 266 millions d’euros d’exportations contre 1 688 millions d’euros d’importations, du fait de nos achats d’hydrocarbures à ce pays important producteur de pétrole et de gaz.
La France est par ailleurs co-médiatrice, avec les États-Unis et la Russie, sur le conflit du Haut-Karabagh, qui oppose l’Azerbaïdjan à l’Arménie. À ce titre, le Président de la République a accueilli, le 27 octobre dernier à Paris, un sommet arméno-azerbaïdjanais, pour faire avancer la recherche d’un règlement pacifique à ce conflit. À l’issue du sommet de Paris, les Présidents arménien et azerbaïdjanais ont décidé de procéder à des échanges de données sur les disparus du conflit, sous l’égide du Comité international de la Croix-Rouge – le CICR. Il s’agit là de la première mesure de confiance que les deux pays aient accepté de mettre en oeuvre. C’est un geste important de leur part, alors que, comme le prouvent les soixante tués recensés en 2014, ce conflit continue de faire des victimes, plus de vingt ans après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu.
Les Présidents arménien et azerbaïdjanais sont convenus en outre de poursuivre leur dialogue, notamment lors d’une nouvelle rencontre en septembre 2015, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, à New York. La France entend, quant à elle, continuer son travail de médiation, en honnête courtier bénéficiant de l’amitié et de la confiance des deux parties.
Quatrièmement, cet accord nous permet, à plus long terme, de promouvoir nos valeurs. Je suis consciente des critiques émises contre l’Azerbaïdjan en matière de droits de l’homme, et j’imagine que ces critiques, davantage que l’accord en tant que tel, expliquent la tenue de ce débat ce matin. Je tiens à cet égard à assurer la représentation nationale que le Gouvernement suit de très près la situation des libertés individuelles dans ce pays. La France a ainsi marqué publiquement sa préoccupation à la suite des arrestations de la défenseure des droits de l’homme Leyla Yunus à la fin du mois de juillet dernier, puis de la journaliste Khadija Ismayilova, début décembre. Nous soutenons les démarches européennes en cours sur le cas de Mme Yunus et les questions de droits de l’homme sont régulièrement évoquées lors de contacts bilatéraux avec les autorités azerbaïdjanaises. Par ailleurs, la France s’est à plusieurs reprises exprimée publiquement sur les arrestations et les condamnations de défenseurs des droits de l’homme ou de membres de l’opposition, parmi lesquels Ilgar Mammadov. La France ne ménage pas ses efforts dans ce domaine.
À vos interrogations légitimes, que vous ne manquerez pas d’exprimer tout à l’heure, je vous réponds sans ambiguïté : maintenir le dialogue avec Bakou, y compris sur les droits de l’homme et la liberté de la presse, est indispensable.