Intervention de Thierry Mariani

Séance en hémicycle du 22 janvier 2015 à 9h30
Accord france-azerbaïdjan relatif à la création et aux conditions d'activités des centres culturels — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani, suppléant M édouard Courtial, rapporteur de la commission des affaires étrangères :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’accord qui nous est soumis a été conclu avec l’Azerbaïdjan. Il concerne, vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, les conditions de fonctionnement des centres culturels établis, de façon bilatérale, dans nos deux pays.

Il existe depuis 2004 un centre culturel français à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan. Ce centre a pris en 2011, dans le cadre de la réforme de notre réseau culturel, l’appellation d’Institut français d’Azerbaïdjan. Cet Institut français est certes assez modeste, avec un budget d’environ 350 000 euros et 25 employés, à temps plein ou partiel. Son activité principale consiste à dispenser des cours de français.

Cet institut joue un rôle significatif dans la promotion de la francophonie à Bakou, puisque y ont été dispensés à plusieurs centaines de personnes, en 2013, des cours de français. C’est en partie grâce à lui que le français demeure, encore aujourd’hui, la troisième langue étrangère enseignée en Azerbaïdjan, après le russe et l’anglais, mais devant l’allemand.

Cet institut gère également une médiathèque qui comporte plus de 7 500 titres et organise des examens, des manifestations culturelles ainsi que des actions d’information sur les études en France.

Avec le lycée français de Bakou – qui a été créé plus récemment, grâce à l’aide et au financement de l’Azerbaïdjan –, l’Institut français d’Azerbaïdjan est un élément essentiel de notre présence culturelle et éducative dans ce pays.

Cette présence est d’autant plus nécessaire qu’à Bakou, comme ailleurs, nous nous trouvons, en quelque sorte, en concurrence avec les autres grands pays. Y sont en effet également implantés l’Agence des États-Unis pour le développement international, l’USAID, le British Council, l’Institut Confucius, un centre culturel russe, ainsi que, en ce qui concerne la Turquie, l’institut Yunus Emre. Bref, l’Azerbaïdjan se situe véritablement au confluent de toute une série d’influences et de cultures.

Il est donc important d’être présent en Azerbaïdjan, car ce pays constitue un partenaire intéressant, tant au niveau économique que politique et culturel.

Il présente d’abord un intérêt économique, du fait de ses ressources en hydrocarbures et de sa position géographique. L’Azerbaïdjan n’est certes ni le Qatar, ni la Russie. Il ne détiendrait en effet qu’à peine 0,5 % des réserves mondiales d’hydrocarbures. Il a en outre peut-être dépassé son pic de production pour le pétrole, qu’il exploite depuis le XIXe siècle. Il n’en restait pas moins, en 2013, le vingt et unième producteur mondial de pétrole, ainsi que le huitième fournisseur de la France. Plus de 5 % de nos importations de brut proviennent toujours aujourd’hui d’Azerbaïdjan. S’agissant du gaz, ce pays conserve des perspectives significatives avec la mise en exploitation prochaine du gisement de Shah Deniz 2. GDF Suez s’est engagé à écouler une partie de la production qui en sera issue.

Dans l’hypothèse où le gazoduc transcaspien serait réalisé, l’Azerbaïdjan se situerait par ailleurs également sur la route de transit du gaz en provenance du Turkménistan.

Ces ressources pétrolières font de l’Azerbaïdjan un pays prospère, qui a connu, dans les années 2000, une croissance très rapide. Il a bien traversé la crise de 2008 et affiche, encore aujourd’hui, une croissance enviable. Elle devrait en effet approcher les 5 % en 2015.

Il s’agit donc d’un pays solvable qui attire les entreprises françaises, et pas seulement Total ou GDF Suez, qui sont là pour d’évidentes raisons. Je pense en particulier au groupe CNIM, qui a fourni l’usine d’incinération de Bakou, à Alstom, qui finalise actuellement le contrat de fourniture des voitures du métro de Bakou, ou encore à Danone, à Lactalis ainsi qu’à Air Liquide.

Il représente également un marché où les exportations françaises, tirées par les ventes d’Airbus, sont en forte augmentation, même si le commerce bilatéral reste à ce jour fortement déficitaire en notre défaveur.

L’Azerbaïdjan constitue également un partenaire politique qui compte, avec lequel nous avons d’ailleurs des relations de haut niveau très suivies. Uniquement au cours de l’année 2014, le Président Hollande s’est rendu à Bakou au mois de mai et le Président Aliyev à Paris au mois d’octobre. Ces relations de haut niveau ne sont pas seulement justifiées par les enjeux économiques.

Elles sont également liées, en effet, au rôle joué par la France dans les tentatives de règlement du principal problème international auquel l’Azerbaïdjan est confronté, celui du conflit avec l’Arménie, dans la région séparatiste du Haut-Karabagh.

Sans revenir longuement sur ce conflit, qui n’a rien à voir avec l’accord dont nous débattons aujourd’hui, je rappellerai que, depuis le cessez-le-feu de 1994, une grande partie du territoire de l’Azerbaïdjan – à peu près 20 % –, allant bien au-delà du Haut-Karabagh à proprement parler, est occupé par les forces arméniennes. Cette occupation a été condamnée par l’ONU comme par le Conseil de l’Europe, car elle est contraire au droit international. En effet, en 1993, le Conseil de sécurité a successivement adopté à ce sujet plusieurs résolutions très claires.

Aux termes de la résolution 884 par exemple, il était « exigé » un retrait unilatéral des forces arméniennes des divers territoires occupés en Azerbaïdjan, ces forces étant qualifiées de « forces d’occupation ».

En 2005, de même, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté une résolution 1416, où elle « rappelle que l’occupation d’un territoire étranger par un État membre constitue une grave violation des obligations qui incombent à cet État en sa qualité de membre du Conseil de l’Europe, et réaffirme le droit des personnes déplacées de la zone du conflit de retourner dans leur foyer dans la sécurité et la dignité ». Ce conflit a en effet eu pour conséquence un nombre important de réfugiés.

La France copréside avec la Russie et les États-Unis ce que l’on appelle le groupe de Minsk, lequel n’a certes pas réussi à régler le conflit. Il a néanmoins évité, jusqu’à présent, une nouvelle escalade, malgré des incidents très fréquents sur la ligne de démarcation.

Dans ce dossier, les deux parties sont cependant reconnaissantes à la France de sa mission de bons offices. Cette mission a notamment été à l’origine de la rencontre organisée à Paris, au mois d’octobre dernier, entre les Présidents azerbaïdjanais et arménien.

L’intérêt des relations politiques avec l’Azerbaïdjan tient également à la position prudente et équilibrée de la diplomatie de ce pays. De plus en plus, on assiste en effet dans l’ancien espace soviétique à une sorte de bipolarisation entre les différents pays qui en font partie. Certains d’entre eux se trouvent en conflit avec la Russie et cherchent le soutien occidental : je pense à l’Ukraine, à la Géorgie, et à la Moldavie. D’autres ont accepté, avec quelques réticences par moments, d’entrer dans l’Union eurasiatique avec la Russie : je pense au Belarus, au Kazakhstan, et à l’Arménie.

Dans ce contexte, l’Azerbaïdjan a, nous le reconnaîtrons, une position originale et indépendante. Ce pays est effectivement parvenu à maintenir, jusqu’à présent, de bonnes relations aussi bien avec la Russie qu’avec l’Occident, en affirmant sa volonté d’indépendance. Il n’est candidat ni à une entrée dans l’OTAN, ni à une entrée dans l’Union européenne, ni à une entrée dans l’Union eurasiatique.

Dans ce tableau général, l’accord que nous étudions aujourd’hui a, vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, une portée assez limitée. Son impact sera en réalité très faible, j’allais dire presque nul. Au point que, lorsque j’ai contacté notre conseiller de coopération et d’action culturelle à Bakou, il était étonné car il pensait que l’accord dont nous discutons avait déjà été ratifié.

Je suis convaincu que cet accord ne posera aucun problème. C’est pourquoi je serai bref quant à son contenu.

Tout d’abord, il prend acte formellement de l’existence du centre culturel français à Bakou, lequel n’a pas eu besoin de cet accord, je l’ai dit, pour exister puisque les autorités azerbaïdjanaises n’ont fait jusqu’à présent aucun problème. Cependant, grâce à cet accord, cet institut verra son statut consolidé en droit international. L’accord autorise aussi, par réciprocité, l’ouverture éventuelle d’un centre culturel azerbaïdjanais à Paris. Il n’existe pour le moment qu’une section culturelle au sein de l’ambassade, qui a été inaugurée en 2012 par le Président Aliyev en personne.

L’accord comprend ensuite des dispositions relatives aux missions et aux activités des centres culturels. Ces mentions peuvent apparaître triviales, mais elles sont importantes. Elles visent en effet à garantir la liberté des centres culturels visés – en l’espèce, pour le moment, le seul Institut français d’Azerbaïdjan – en matière de programmation de leurs activités, dès lors que celles-ci sont visées par cet accord.

Enfin, cet accord garantit aussi la liberté des centres culturels en matière d’organisation d’activités hors de leurs locaux, ainsi que le libre accès du public à ces activités.

Il comprend, enfin, des dispositions classiques dans ce genre d’accords, telles que des exemptions fiscales pour l’importation de biens, notamment culturels, par lesdits centres, ainsi que des dispositions relatives aux personnels.

À cet égard, cet accord permet notamment au centre culturel de Bakou de se voir, conformément à la pratique dans notre réseau culturel, dirigé par un diplomate, en l’espèce le conseiller de coopération et d’action culturelle. Ce statut diplomatique du directeur concourt aussi à garantir le libre fonctionnement du centre. Ce dernier ne bénéficie pas, en tant que tel, de la même immunité.

Mais, je le redis, le conseiller de coopération et d’action culturelle en poste m’a confirmé que notre centre culturel ne rencontrait, depuis sa mise en place, strictement aucune difficulté avec les autorités locales.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à approuver cet accord, qui a été négocié à la demande de la France. Il consolide juridiquement l’existence d’un outil de notre politique d’influence dans un pays stable et francophile, qui est, pour des raisons économiques, mais aussi politiques, un partenaire important de la France.

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