Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des lois, mesdames et messieurs les députés, votre assemblée entame ce matin l’examen en deuxième lecture de la proposition de loi visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat. Le Sénat avait lui-même voté ce texte le 22 janvier 2014, il y a un an, jour pour jour. Vous connaissez l’ambition et l’économie générale de ce texte ; je souhaite donc simplement en rappeler quelques principes.
Nos élus locaux accomplissent une tâche noble et difficile. Chaque jour, ils mettent leur énergie au service de l’intérêt général. Dans une société de plus en plus individualiste et dématérialisée, où le lien social se distend, ils restent les premiers garants de la continuité républicaine. Ils doivent de surcroît faire face à des contraintes de plus en plus lourdes. L’argent public est rare, les normes sont multiples et nos concitoyens de plus en plus exigeants.
Le choix de représenter ses concitoyens et de se mettre au service de l’intérêt général, vous le savez comme moi, n’est pas un choix facile, d’autant plus que tout le monde ne concourt pas à égalité dans la compétition démocratique.
À cela, il y a d’abord des raisons financières. Faut-il rappeler que 80 % des élus municipaux ne perçoivent aucune indemnité ? Leur engagement, de jour comme de nuit, la semaine comme le week-end, est donc le plus souvent bénévole. Cet engagement est lourd. Cela explique que les élus soient souvent des agents de la fonction publique, qui bénéficient d’un statut leur offrant la possibilité de retrouver leur emploi au terme de leur mandat. Quand ils ne sont pas fonctionnaires, ils sont retraités ou exercent une profession libérale.
Parce qu’ils incarnent l’autorité publique, les élus locaux doivent aussi être exemplaires en tous points, et ils le sont.
Le Président de la République a fait le choix clair d’une refondation profonde de notre vie politique. Grâce aux réformes relatives à la transparence de la vie publique, à la lutte contre l’évasion fiscale, à l’instauration de la parité dans les conseillers départementaux et à la fin du cumul des mandats, nous avons déjà beaucoup fait pour moderniser la vie politique de notre pays. C’est un texte important qu’il vous revient d’examiner aujourd’hui car les dispositions qu’il apporte permettront à de nouveaux citoyens de s’engager dans la vie publique sans pour autant devoir renoncer à leur carrière professionnelle.
Cette proposition de loi des sénateurs Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, issue des travaux des états généraux de la démocratie territoriale, organisés au Sénat en octobre 2012, offre en effet de nouvelles garanties aux élus qui exercent une activité professionnelle et améliore leur droit à la formation.
Ainsi que l’a souligné le président Jean-Jacques Urvoas lors de vos débats en commission, le rapport intitulé Renouer la confiance publique, remis le 6 janvier dernier par le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, M. Jean-Louis Nadal, au Président de la République, fait amplement référence au rapport d’information déposé par les députés Philippe Doucet et Philippe Gosselin sur le statut de l’élu, ainsi qu’aux travaux sur la présente proposition de loi, en soulignant en particulier l’intérêt de la charte de l’élu local.
Je saisis cette occasion pour saluer la qualité d’un travail parlementaire exemplaire qui a su rassembler au-delà des clivages partisans, car vous êtes tous députés de tous les territoires de la République. Lorsqu’il s’agit de la vie démocratique locale, les clivages s’estompent pour permettre d’avancer.
La navette parlementaire dure depuis désormais près de deux ans et le Premier ministre s’était engagé lors du dernier congrès de l’Association des maires de France, en novembre dernier, à faire inscrire rapidement cette proposition de loi à l’ordre du jour de votre assemblée. C’est maintenant chose faite.
Les quelques divergences qu’exprime le texte adopté par le Sénat en deuxième lecture ne portent en rien sur l’amélioration nécessaire des conditions d’exercice des mandats locaux. Elles traduisent seulement, sur certains points, des choix différents quant aux moyens d’atteindre cet objectif.
Les articles que vos deux assemblées ont votés dans les mêmes termes apportent une réponse aux principales préoccupations des élus locaux.
Ces demandes ou inquiétudes ont trait au régime indemnitaire, à l’accès aux prestations sociales soumises à condition de ressources, aux garanties accordées dans l’exercice d’une activité professionnelle, au remboursement des frais exposés par les élus dans l’accomplissement de leurs fonctions, aux conditions de réinsertion professionnelle et à la formation.
Votre commission des lois a introduit des précisions et des coordinations nécessaires afin que l’application du texte n’entraîne aucune charge supplémentaire pour les collectivités territoriales.
Sur l’initiative de son rapporteur, M. Philippe Doucet, dont je souhaite saluer la qualité du travail mené tout au long de la navette parlementaire, la commission a constaté l’absence de consensus et de nécessité juridique immédiate à faire évoluer la définition de la prise illégale d’intérêts. En conséquence, elle a supprimé l’article 1er A. Sur ce point particulier, je tiens à vous dire que le Gouvernement partage votre point de vue. En effet, modifier cette définition n’est sans doute pas la meilleure solution. En dix ans, la jurisprudence s’est stabilisée et un changement législatif pourrait susciter de nouveaux débats et bouleverser la jurisprudence, que les élus connaissent bien désormais. Ajoutons que, chaque année, moins de trente condamnations concernent des élus, lesquels sont au nombre de 618 384.
Par ailleurs, en adoptant deux amendements de votre rapporteur, la commission a rétabli, au sein de la charte de l’élu local, la disposition selon laquelle les élus s’abstiennent de s’octroyer des avantages personnels futurs, qu’ils siègent en vertu de la loi et agissent, à tout moment, conformément à celle-ci.
Elle a rétabli l’article 1er bis A qui vise à sanctionner financièrement l’absence sans motif valable des élus aux séances plénières et aux réunions des commissions dont ils sont membres. Votre commission des lois, tenant compte des avancées contenues dans ce texte, a voulu affirmer, en imposant cette règle plus stricte, le nécessaire équilibre entre les droits et les devoirs. Elle a rétabli le financement de l’allocation différentielle de fin de mandat par une cotisation obligatoire assise sur les indemnités de fonction des élus ainsi que le financement du droit individuel à la formation des élus locaux par une cotisation obligatoire de ces derniers, au taux d’au moins 1 % du montant de leurs indemnités.
Sur l’initiative de votre rapporteur, elle a fixé l’entrée en vigueur des dispositions financières applicables aux conseillers régionaux au prochain renouvellement des conseils régionaux, prévu en décembre 2015, et aux conseillers municipaux et conseillers départementaux à la date du 1er janvier 2016.
Le texte qui vous est soumis aujourd’hui intègre donc des dispositions pragmatiques répondant aux attentes de nos élus locaux.
La France a besoin d’élus responsables et compétents – ils le sont –, de toutes professions et de tous horizons – ils ne le sont pas assez –, animés par la seule passion du bien public – c’est le cas – et pourvus de la capacité matérielle d’exercer leurs fonctions. Cette proposition de loi les y aidera en leur donnant les moyens de remplir la plus belle des missions : celle de servir la République.