Intervention de Philippe Doucet

Séance en hémicycle du 22 janvier 2015 à 9h30
Faciliter l'exercice par les élus locaux de leur mandat — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Doucet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, deux ans quasiment jour pour jour après la première lecture de ce texte par le Sénat, nous allons conclure aujourd’hui la deuxième lecture de la proposition de loi visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat.

Après avoir été adopté en première lecture à l’unanimité au Sénat, puis dans un très large consensus dans notre assemblée, ce texte a de nouveau été adopté à l’unanimité de la commission des lois la semaine dernière.

Nous avons réussi à dépasser bon nombre de réflexes et de postures pour apporter des réponses pratiques à des enjeux réels pour les élus de nos territoires.

Le premier défi que nous sommes en mesure de relever avec ce texte est celui du juste équilibre entre les droits et les devoirs dans l’exercice de leurs responsabilités par les élus locaux.

Le travail de la mission d’information conduite avec notre collègue Philippe Gosselin a démontré l’absolue nécessité de redéfinir ce point d’équilibre pour insuffler une nouvelle vigueur démocratique dans l’exercice des mandats locaux et d’encourager, en amont, les vocations de nos concitoyens qui veulent s’engager pour leur territoire. C’est le sens de la charte de l’élu local, ce nouveau rite républicain solennel, introduit par notre commission des lois en première lecture et dont le principe a été validé au Sénat. L’exigence en matière de présence des élus procède elle aussi de ce même mouvement d’exemplarité, qui doit redonner du sens à l’exercice d’un mandat local.

Le deuxième défi auquel cette proposition entend répondre consiste à donner aux élus locaux les moyens d’accomplir pleinement leurs mandats. Tout au long de nos travaux, les élus locaux, par leurs associations représentatives, nous ont alertés sur un certain nombre de manquements et de freins au plein exercice de leurs responsabilités. À celles et ceux qui s’investissent et qui servent leur collectivité, la loi doit accorder des compensations justes et de nature à permettre à chaque élu de concilier vie privée, vie professionnelle et engagement public. Rappelons que 80 % des élus ne perçoivent pas d’indemnités de fonction. De même, l’existence d’un droit à la formation des élus demeure vaine si les pouvoirs publics ne se préoccupent pas des modalités pratiques de sa mise en oeuvre, c’est-à-dire du financement et des conditions de l’offre de formation destinée aux élus.

Or, depuis le vote des premières lois de décentralisation en 1982, le rôle des élus locaux n’a cessé de se complexifier au fur et à mesure de l’attribution de nouvelles compétences aux différents niveaux de collectivités. La présente proposition de loi apporte des réponses concrètes et fournit un cadre clair pour l’établissement réel de la formation des élus.

Le temps qui nous a été imparti n’a pas été inutile : il nous a permis de soupeser les dispositions du présent texte tout en progressant dans la recherche d’un consensus entre les deux assemblées.

La proposition de loi fait en effet l’objet d’une assez large convergence de vues entre le Sénat et l’Assemblée nationale. J’en veux pour preuve 1e nombre important de dispositions déjà adoptées conformes. Or, ces dispositions revêtent un caractère essentiel si nous voulons apporter des améliorations concrètes à la condition d’élu local.

Il s’agit en premier lieu du régime indemnitaire des élus : par le vote conforme des assemblées, le montant de l’indemnité de fonction des maires et des présidents de délégation spéciale sera désormais fixé par principe au montant maximal qui résulte de l’application du taux prévu par la loi.

En deuxième lieu, le Sénat et l’Assemblée nationale ont convenu de la nécessité d’étendre le champ des dispositifs existants concernant les garanties accordées dans l’exercice d’une activité professionnelle. Cette orientation commune se traduira demain par l’extension du nombre d’élus susceptibles de bénéficier du congé électif, du crédit d’heures, du droit à suspension du contrat de travail, du droit à la réintégration professionnelle ou encore de l’application du statut de salarié protégé.

Il convient enfin de signaler les dispositions relatives au remboursement des frais exposés dans l’accomplissement des fonctions électives, ainsi que celles qui concernent les conditions de réinsertion professionnelle des élus ou de leur formation. Avec l’accord du Sénat, nous disposons d’un texte qui permettra aux élus de bénéficier d’une allocation différentielle de fin de mandat rénovée : c’est une allocation plus protectrice grâce au doublement de sa durée de versement, mais aussi une allocation qui incite à la reprise d’une activité professionnelle dans un délai raisonnable, compte tenu de son caractère dégressif. Les élus pourront exercer le droit individuel à la formation que le texte leur reconnaît, et bénéficieront en outre d’un système de dépenses obligatoires pour la formation des élus, ou encore de l’organisation obligatoire d’une formation au cours de la première année de mandat.

Nous faisons ici un grand pas vers l’égal accès aux fonctions électives. Souvenons-nous qu’en 2012, notre pays ne comptait que 14,4 % de femmes parmi les maires et 7,2 % parmi les présidents de structures intercommunales, seulement cinq femmes présidentes de conseils généraux et une seule présidente de région ! Et que dire des phénomènes de surreprésentation de certaines catégories socio-professionnelles ? Les élus ne reflètent pas la diversité de la société française. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que, même s’il ne s’agit pas d’un « grand soir », nous entamons tout de même, avec cette proposition, une discrète révolution.

Il va de soi que le diable se niche souvent dans les détails, et le Sénat ne s’est pas fait faute de revenir ici ou là – parfois de manière substantielle – sur certaines dispositions auxquelles l’Assemblée nationale avait pourtant souscrit ou qu’elle avait étoffées. Ainsi, tout en approuvant notre projet de charte de l’élu local, le Sénat a choisi d’en resserrer la portée en limitant le nombre de principes qu’elle rappelle.

Cela étant, il me semble qu’il existe, sur le plan des principes, une réelle communauté de vues concernant les voies – sinon les moyens – d’une réelle amélioration des conditions d’exercice des fonctions électives locales. Bien souvent, nous le verrons, les modifications apportées par les sénateurs ne reflètent pas une divergence d’objectifs. Elles traduisent plutôt un choix différent concernant les moyens employés pour les atteindre. En tout état de cause, elles n’hypothèquent en rien la possibilité d’un accord. À cet égard, il convient de saluer le rôle joué par le rapporteur du texte au Sénat, M. Bernard Saugey, qui a su faire la preuve d’une certaine bienveillance dans l’analyse et la présentation des apports de l’Assemblée nationale.

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