Intervention de François Brottes

Réunion du 17 janvier 2015 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance et l'activité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes, président :

Je défendrai également mes amendements SPE1956 et SPE1957.

Les industriels électro-intensifs sont confrontés à de grandes difficultés, qui entament leur compétitivité internationale. Elles ne sont pas seulement dues à l'essor du gaz de schiste aux États-Unis et au Canada, dont on sait les conséquences pour l'industrie chimique, mais aussi à la concurrence de nos voisins européens. Des pays comme l'Espagne, l'Italie ou l'Allemagne apportent, en effet, des aides significatives à leurs industries électro-intensives. En France, si l'énergie nucléaire contribue à assurer des tarifs de l'électricité relativement bas aux ménages, il n'en va pas de même pour les industriels.

Depuis longtemps, la commission des affaires économiques s'intéresse à ces industriels, que notre collègue Clotilde Valter étudie aussi dans le cadre de la commission d'enquête sur les tarifs de l'électricité. Les électro-intensifs bénéficient de tarifs bas grâce à des contrats conclus antérieurement à l'ouverture du marché à la concurrence. Or, ceux-ci vont arriver à échéance dans les mois qui viennent. Il y a donc urgence à régler ce problème, car si leur facture d'électricité double, ils seront tentés de se délocaliser. Ces industriels ne sont pas seulement confrontés à la concurrence internationale à l'export, ils subissent aussi la concurrence de produits importés, fabriqués avec une énergie beaucoup moins chère.

Les pays voisins ont recours à plusieurs leviers, plus ou moins opaques, mais la transparence commence peu à peu à se faire. Nous avons récemment pu rencontrer des industriels allemands au Bundestag, dans le cadre d'une réunion commune des deux commissions des affaires économiques consacrée à l'énergie. Nous avons appris qu'ils ne sont pas obligés de contribuer aux énergies renouvelables et qu'ils n'ont pratiquement pas à acquitter de frais de transport. Par ailleurs, une rémunération forfaitaire annuelle leur est versée en échange de leur faculté à interrompre instantanément leur consommation d'électricité. En Europe, la rémunération par mégawatt de cette interruptibilité s'élève à 10 000 euros en France, 105 000 euros en Italie, 30 000 euros en Allemagne – auxquels s'ajoute l'exonération des coûts de transport – et 294 875 euros en Espagne.

Les pressions très fortes qui s'exercent, à l'exportation comme à l'importation, sur nos industriels électro-intensifs nous obligent à prendre des dispositions partout où cela est possible pour leur permettre de rester en France. Peut-on se réjouir que la consommation d'énergie diminue car certaines de nos industries ferment ? Certainement pas, car cette décroissance est d'abord une décroissance d'emplois. Certains craignent que les aides aux électro-intensifs viennent peser sur les ménages : ce n'est pas impossible ; simplement, si ces industries sont délocalisées à l'étranger, les conséquences pèseront plus encore sur les ménages. Il y a un peu le feu à la maison, il faut bien le dire.

Le projet de loi relatif à la transition énergétique s'est attachée à réduire la facture du transport : le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) va être réduit d'environ 60 % pour les électro-intensifs – rappelons que cette réduction atteint 90 % en Allemagne. Pour ma part, je présente l'amendement SPE1956, qui tend à déverrouiller le dispositif de rémunération pour contribution potentielle à l'interruptibilité, en laissant le soin au Gouvernement d'en fixer les modalités par décret.

Pour ce qui est de l'amendement SPE1678, il tend à élargir le nombre de sites industriels bénéficiaires des dispositifs à destination des électro-intensifs en allant vers une sorte d'Exeltium II. Je suis prêt, monsieur le ministre, à examiner avec vous quelques aménagements. Mais je crains que si nous ne prenons pas en compte le cas des industriels grands consommateurs d'électricité sans être hyper électro-intensifs dans ce projet de loi, nous ne disposions plus d'occasion de le traiter dans un autre cadre législatif d'ici à l'année prochaine, lorsque les contrats que j'évoquais arriveront à échéance.

Toutes sortes de dispositifs ont été imaginés par le passé – certains se souviennent sans doute du tarif réglementé et transitoire d'ajustement au marché (TARTAM) – mais « ajouter du sparadrap à du sparadrap » ne nous fera pas rattraper nos voisins européens dans la course.

Bernadette Laclais a déposé un amendement portant sur ces mêmes questions, et c'est bien volontiers que je retirerai l'un des miens en sa faveur, lui demandant par avance de rectifier le sien de façon à le rattacher au code de l'énergie et de supprimer une disposition qui figure déjà dans le projet de loi relatif à la transition énergétique.

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