Intervention de Dominique Bur

Réunion du 15 janvier 2015 à 9h00
Commission d'enquête sur les missions et modalités du maintien de l'ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens

Dominique Bur, préfet honoraire :

J'ai observé trois évolutions essentielles. La première tient à une baisse de l'encadrement. Lors des grandes manifestations syndicales des années soixante ou soixante-dix, il y avait des responsables et un service d'ordre. Ceux-ci avaient pris contact avec les forces de l'ordre, par l'intermédiaire des renseignements généraux, et il était facile de leur faire passer un message. La situation est très différente lors des manifestations spontanées. À Lille, les sans-papiers manifestaient presque chaque semaine sans cadre juridique et sans que nous ayons d'interlocuteurs, puisqu'il n'existait même pas d'association. On a vu également des manifestations spontanées éclater dans les entreprises.

Une autre évolution tient à l'apparition de personnes mues par d'autres intentions que celle d'exprimer un point de vue ou une revendication. Le but des autonomes est de casser. On l'a mesuré à Toulouse. Certains éléments, parfois venus d'ailleurs, s'infiltrent dans la masse des manifestants paisibles.

Une dernière évolution tient au lieu et à la durée des manifestations. Il est très difficile de maintenir l'ordre dans le milieu rural, qui est très ouvert, et dans la durée. Peut-on même parler de manifestation pour désigner non le regroupement de personnes qui se réunissent un jour pour déposer des revendications à la préfecture ou à la mairie, mais l'attaque dans la durée – jour et nuit – de positions tenues par les forces de l'ordre ?

Des mesures sont prises, en cours de manifestation, pour que les agents de la police judiciaire puissent établir des constats, qui seront ensuite transmis aux juges. Ceux-ci ont besoin d'éléments d'informations tangibles – procès-verbaux et photos – pour déterminer les responsabilités, par exemple si une devanture est brisée ou un local saccagé. Il existe des incriminations spécifiques en cas de manifestation violente ou quand les manifestants passent outre une interdiction. Reste qu'il est très difficile de sanctionner les responsables, à moins que l'on ait décidé en amont d'accentuer fortement le dispositif.

Je le répète, il est exceptionnel qu'une manifestation soit interdite. Du fait de la médiatisation, une telle mesure devient aussitôt nationale et remonte au ministère de l'intérieur. Le juge peut vérifier si, compte tenu des moyens dont elle dispose, la préfecture est en mesure de faire face à la situation. Il n'est jamais agréable à un préfet de voir sa décision cassée par une décision de justice.

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