Nous avons en effet débattu de ce sujet dans le cadre de l'article 20 du projet de loi relatif à la formation professionnelle, l'emploi et la démocratie sociale. À l'époque, nous avions indiqué qu'il s'agissait à nos yeux d'un véritable cavalier législatif. Le vote négatif au Sénat, venant de tous les bords, a confirmé cette analyse et le ministre Michel Sapin a renoncé à maintenir l'article.
Le Gouvernement est revenu sur le sujet de manière quelque peu masquée, en le scindant en deux parties. Une première partie relative à l'organisation interne de l'inspection du travail a fait l'objet d'un décret du 21 mars 2014, deux semaines à peine après la promulgation de la loi relative à la formation professionnelle, ce qui fut perçu comme un véritable déni de démocratie. Une deuxième partie prit la forme de la proposition de loi examinée en commission des affaires sociales, inscrite à l'ordre du jour de la séance publique de l'Assemblée nationale, mais finalement jamais débattue.
Aujourd'hui, le Gouvernement veut revenir sur ces sujets par voie d'ordonnance. Reconnaissez, monsieur le ministre, que le Parlement se trouve de cette manière complètement dessaisi de son rôle, alors qu'il avait été invité par deux fois à débattre. Il y a quelque chose d'iconoclaste dans ce cheminement. Par certains aspects, c'est même une véritable provocation à l'égard des partenaires sociaux et des parlementaires.
Sur le fond, il semblerait que l'ordonnance puisse reprendre différents dispositifs et procédures contenus dans la proposition de loi relative aux pouvoirs de l'inspection du travail signé par les députés du groupe SRC. Nous en sommes inquiets, estimant que le texte de la proposition de loi est dangereusement déséquilibré : préconiser l'intrusion et la suspicion ne rend pas service aux entreprises et porte immanquablement atteinte à la volonté d'entreprendre.
Nous sommes notamment inquiets en ce qui concerne l'articulation des niveaux de compétence au sein de l'inspection du travail et le respect de l'indépendance des agents de contrôle. La disparition du corps des contrôleurs est envisagée. Dans ce cas, les contrôleurs et inspecteurs du travail seront appelés à exercer le même métier avec les mêmes compétences. Or les premiers sont assermentés, pas les seconds, ce qui pose un réel problème de cohérence et d'application.
Nous nous inquiétions également, dans cette proposition de loi, du niveau des amendes administratives. S'il est vrai que l'amende répond à un souci d'efficacité, un niveau excessif peut la transformer en arme de destruction massive. Il faut donc faire preuve de pragmatisme. Le texte proposait le principe d'un montant maximal de 2 000 euros appliqué autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés par le manquement, ce qui nous paraît tout à fait excessif.
Enfin, nous nous inquiétons du pouvoir exorbitant qu'il était prévu de donner aux agents de contrôle en matière d'accès aux documents. Les agents pourraient se faire communiquer tous les documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission et en prendre copie sans que soit définie une liste exhaustive de la nature de ces documents. Cette latitude laissée à l'appréciation subjective présente un véritable risque en matière de secret professionnel. Dans l'univers très concurrentiel où évoluent les entreprises, les « fuites » peuvent être extrêmement préjudiciables. Mon propos n'est nullement de faire un procès d'intention aux contrôleurs, il est d'attirer l'attention sur la rédaction de la proposition de loi.