La commission poursuit l'examen du projet de loi pour la croissance et l'activité (n° 2447) (M. Richard Ferrand, rapporteur général, MM. Christophe Castaner, Laurent Grandguillaume, Denys Robiliard, Gilles Savary, Alain Tourret, Stéphane Travert, et Mmes Cécile Untermaier et Clotilde Valter, rapporteurs thématiques).
Mes chers collègues, jusqu'à présent, nous avons discuté 1 521 amendements, dont 417 ont été adoptés, presque tous sur l'avis favorable du Gouvernement, qui s'en est remis à notre sagesse pour les autres : c'est-à-dire dans un climat de dialogue constructif. Nous entrons donc dans la dernière ligne droite…
Chapitre II
Droit du travail
Section 1
Justice prud'homale
Article 83 : Réforme de la justice prud'homale (suite)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'interviendrai, à ce stade, que sur la partie du texte relative à la réforme prud'homale, qui fait l'objet de l'article 83. Nous aborderons plus tard diverses dispositions qui ont trait au droit du travail : le licenciement, le délit d'entrave, l'inspection du travail.
La France compte 210 conseils de prud'hommes et quelque 15 000 conseillers prud'hommes. Il s'agit de juridictions paritaires au sein desquelles employeurs et employés ont le même nombre de représentants, et qui sont composées de deux collèges. Les conseillers sont aujourd'hui élus et seront prochainement désignés, au terme de leurs mandats de cinq ans qui ont été prorogés par deux fois, pour deux années chacune, par le Parlement, et auront donc duré neuf ans.
Les conseils de prud'hommes ont une longue histoire, dont les racines remontent au Moyen Âge. Le plus connu est le conseil de prud'hommes de Lyon, institué par Napoléon Ier le 18 mars 1806. Le 27 mai 1848, sous la IIe République, la parité est instituée. Dès 1907, les femmes y deviennent électrices, puis, en 1908, éligibles, ce qui prouve la modernité de cette institution, généralisée comme juridiction du travail par la loi Boulin du 18 janvier 1979.
L'article L. 1411-1 du code du travail dispose que le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation et, à défaut, par jugement, les litiges individuels du travail – ceux qui opposent, à propos du contrat de travail, un salarié à un employeur. Dans 99 % des cas, ils sont saisis par des salariés. Dans près de 98 % des cas, le contrat de travail a déjà cessé, soit qu'il ait été rompu, soit qu'il soit arrivé à son terme : en 2013, seules 4 332 affaires, sur un total de quelque 200 000, ont impliqué des salariés encore sous contrat. 92 % des affaires ont trait à la rupture du contrat de travail. Une petite minorité de saisines, 3 493 au total, concernaient un licenciement économique ; les autres portaient sur un licenciement disciplinaire ou pour une autre cause, telle que l'aptitude ou la compétence du salarié. Bref, le conseil de prud'hommes, aujourd'hui, est surtout le juge de la rupture du contrat de travail.
L'idée communément admise est que la conciliation fait la spécificité du conseil de prud'hommes. À une certaine époque, en effet, elle aboutissait dans quelque 90 % des affaires. Cette époque est depuis longtemps révolue, puisqu'aujourd'hui ce taux est inférieur à 6 %. Le jugement, qui ne devait intervenir que par défaut, est donc devenu la règle. Certains s'interrogent, dès lors, sur le bien-fondé de la procédure de conciliation, et c'est ce qui motive la réforme.
C'est le paritarisme qui fait la grandeur de cette institution. Pour ma part, j'y vois une formidable université populaire, et il n'est pas indifférent que ce soient des salariés et des employeurs qui rendent la justice au nom du peuple français, au sujet des relations qui les lient. Comme vous le savez, devant le bureau de jugement, leurs représentants sont deux contre deux, et le juge départiteur intervient dans 20 % des cas, ce qui signifie qu'une fois sur cinq ils ne se mettent pas d'accord. On peut estimer que c'est beaucoup, mais on peut aussi souligner, de façon plus optimiste, qu'il y a accord dans 80 % des cas, ce qui n'est pas rien, s'agissant de juger des situations individuelles qui sont forcément conflictuelles.
Il faut cependant se méfier des statistiques et des moyennes. Dans certains conseils, le taux de départage est très faible, parfois inférieur à 3 % ; dans ma circonscription, à Blois, il est de 10 %, il en est de même à Tours, mais ailleurs il peut dépasser les 30 %. C'est alors l'essence même de l'institution, le paritarisme, qui est en cause, puisqu'en cas de départage on a recours à un juge dit départiteur, magistrat professionnel attaché au tribunal d'instance du ressort du conseil concerné.
Le problème majeur est celui des délais, de plus en plus longs et en constante augmentation. En 2004, lorsque l'affaire s'arrêtait en première instance au bureau de jugement, il fallait en moyenne 12,8 mois pour juger une affaire ; en 2013, il fallait 15,1 mois, soit 2,3 mois de plus, ce qui est considérable. Il faut plus de temps, donc, pour obtenir une décision du conseil de prud'hommes que du tribunal d'instance, du tribunal de grande instance – TGI – ou du tribunal de commerce. Lorsque l'on en vient à la départition, c'est-à-dire lorsque l'on fait appel au juge, ce délai s'accroît encore, et de façon significative. Il fallait 22,10 mois en 2004, et 29,7 mois en 2013, soit un allongement de 7,5 mois en neuf ans. Cela signifie que le délai est aujourd'hui de 14 mois entre le passage devant le bureau de jugement et le départage, alors même que la loi prévoit l'intervention du juge dans un délai d'un mois. On observera au passage que, dans les bureaux de jugement, les délais ont augmenté de 18 %, tandis que les délais d'intervention du juge départiteur se sont allongés de 34 %.
J'ai entendu Patrick Hetzel dire que ces délais ne sont pas imputables aux conseillers prud'hommes mais aux conseils des parties, avis que je partage partiellement. Il y a un problème d'organisation et les conseillers ne sont pas en cause, la preuve étant que les délais augmentent davantage lorsque le juge intervient. Ce n'est donc pas le non-professionnalisme des conseillers qui est cause de l'allongement des délais. Cependant, si M. Hetzel a eu la délicatesse d'évoquer les « conseils » plutôt que les avocats – je le suis moi-même de profession –, ces derniers, avec leurs qualités et leurs défauts, ne sont pas à l'origine du problème : ils sont les mêmes aujourd'hui qu'hier. Je crois fondamentalement qu'il s'agit d'un problème de moyens et qu'il faut intégrer le juge dans l'institution. La seule explication rationnelle à l'augmentation des délais en ce qui concerne les bureaux de jugement, c'est l'insuffisance des moyens de la justice, qui a été frappée au même titre que les autres administrations par la révision générale des politiques publiques – RGPP.
Une autre motivation de la réforme est le taux d'appel, très important : 67 % en 2013, soit les deux tiers, pour les jugements rendus en premier ressort. En comparaison, ce taux est de 13,2 % dans les tribunaux de commerce, de 5,3 % dans les tribunaux d'instance et de 19,7 % dans les tribunaux de grande instance. Cela est-il dû au non-professionnalisme des conseillers ? Je ne le pense pas, puisque, entre les tribunaux d'instance et les TGI, composés les uns et les autres de magistrats professionnels, la différence est du simple au quadruple. La comparaison avec une juridiction entièrement échevinée est parlante : s'agissant ainsi des décisions des tribunaux paritaires des baux ruraux, qui ne traitent que 1 500 affaires par an et sont présidés par un magistrat professionnel, le taux d'appel est de 50 %, soit plus du double que pour les décisions des TGI. J'ajoute que le taux d'appel des décisions des conseils de prud'hommes est supérieur de 6 points quand le juge départiteur intervient. Ce n'est donc pas la qualité du magistrat professionnel qui est en cause, mais la complexité de l'affaire qui nécessite son intervention, puis conduit à l'appel plus fréquemment que dans les autres cas.
Le taux de réformation des décisions constitue un autre motif de préoccupation. On distingue la confirmation totale, cas dans lequel la cour d'appel valide complètement la décision du premier juge, de la confirmation partielle, qui est également, dans les faits, une infirmation partielle, portant sur certains chefs de demande, et cette infirmation partielle se distingue également de l'infirmation totale. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : le taux de confirmation totale était de 35,20 % en 2007, de 29,44 % en 2013 ; le taux de confirmation partielle était, quant à lui, de 44,25 % en 2007, de 49,04 % en 2013 ; le taux d'infirmation totale, enfin, était de 23,64 % en 2007, de 21,5 % en 2013.
Je propose de raisonner à partir de deux chiffres que l'on peut juger terribles : le taux de réformation partielle ou totale était de l'ordre des deux tiers en 2007, de 70 % en 2013. Mais, l'infirmation partielle étant aussi une confirmation partielle, on peut considérer, à l'inverse, que ce sont, en 2007 comme en 2013, 80 % des affaires qui donnent lieu à une confirmation partielle ou totale. Il me semble que l'honnêteté commande de donner les deux chiffres : dans la mesure où j'ai mentionné le taux d'appel en cas d'intervention du juge départiteur, il faut dire que le taux de réformation est alors supérieur à 20 %. Lorsque tous les chefs de demandes sont confirmés, le taux est de 1,2 fois supérieur lorsque le juge départiteur est intervenu ; on voit là la marque du professionnalisme.
Tel est le tableau de la situation. Il présente des nuances, des difficultés de lecture, mais il convient d'être objectif au sujet de juges qui font leur travail et s'estiment injustement dénigrés. Il faut reconnaître aussi que la non-conciliation n'est pas une bonne chose et que le taux de recours au départage est à améliorer, de même que le taux d'appel, car l'esprit de l'institution, qui est le paritarisme, n'est pas respecté lorsque les affaires sont jugées, in fine, par des magistrats professionnels : c'est un constat d'échec.
Quelles sont les réponses proposées par le projet de loi ?
Une partie de la magistrature considère que l'échevinage est la bonne solution. C'est ce que le rapport de M. Didier Marshall sur « la justice au XXIe siècle » propose clairement. Le ministre de la justice a toutefois commandé à M. Alain Lacabarats, président de la chambre sociale de la Cour de cassation, un rapport, rendu au mois de juillet dernier, dont la lettre de mission indiquait de ne pas recommander l'échevinage. J'ai auditionné M. Lacabarats, et il a en effet considéré que cette juridiction paritaire pouvait fonctionner sans échevinage. Par ailleurs, beaucoup de ses propositions, susceptibles de réduire considérablement les délais, concernent la procédure. Relevant du domaine réglementaire, elles ne figurent pas, par définition, dans le projet de loi.
La première de ces propositions consiste à formaliser davantage la saisine, qui ne l'est pas assez aujourd'hui. Un bordereau de communication de pièces serait établi et adressé à l'employeur, qui est le défendeur dans 99 % des cas. La deuxième consiste en un premier échange avant la conciliation. L'employeur remettrait ses pièces au greffe du conseil de prud'hommes, ce qui permettrait à la conciliation d'avoir lieu non pas à dossier clos, comme aujourd'hui, mais à dossier ouvert sur la base des pièces communiquées par les deux parties. La troisième proposition concerne l'oralité de la procédure, qui a d'ailleurs été réformée pour le tribunal d'instance. Le souhait du ministère de la justice est d'instituer une clôture, c'est-à-dire une date au-delà de laquelle pièces et conclusions ne peuvent plus être échangées. Cela permettrait de limiter le nombre des renvois devant les bureaux de jugement.
Sur le plan législatif, il faut réformer l'amont de la saisine des prud'hommes – ce qui n'est pas l'ordre dans lequel nous discuterons ces propositions, mais je souhaite respecter l'ordre logique dans ma présentation. Il s'agit d'éviter autant que possible la judiciarisation. Le Gouvernement souhaite – ce qui est contesté par les conseillers prud'hommes – que les techniques de la médiation et de la procédure participative soient désormais ouvertes aux litiges individuels du travail.
Une autre mesure importante vise à améliorer l'image d'indépendance et d'impartialité des conseillers prud'hommes par la réforme de leur statut, de leur déontologie et de leur discipline. Une formation commune d'une semaine sera instituée, qui portera sur la procédure, le contradictoire, la façon de rédiger les jugements et, éventuellement, les techniques de conciliation. Actuellement, les conseillers sont formés par des instituts de droit du travail, proches de telle ou telle organisation syndicale ou patronale. Cette partie commune aux deux collèges serait dispensée par l'École nationale de la magistrature, éventuellement par l'École nationale des greffes, enfin par les cours d'appel. En revanche, les six semaines de formation continue dont disposent ou peuvent disposer les conseillers prud'hommes seraient maintenues. Sur les trente jours de formation proposés, seuls treize, en moyenne, sont utilisées ; c'est l'un des rares domaines où les crédits prévus, qui s'élèvent à huit millions d'euros par an, ne sont pas consommés entièrement – le taux est de 87 %.
Un autre élément de la réforme concerne les suites de la conciliation. Il faut, pour réduire les délais, que le juge départiteur puisse intervenir plus vite : il deviendrait président de bureau de jugement dans les cas où il n'y a pas recours au départage. Actuellement, il y a trois modes de saisine du juge sans départage : sur décision du bureau d'orientation et de conciliation ; sur demande des deux parties ; sur demande de l'une des parties avec l'accord de l'un des deux conseillers du bureau de conciliation. Je présenterai tout à l'heure un amendement qui vise à supprimer le troisième mode.
Par ailleurs, l'affaire pourrait être renvoyée, avec l'accord des deux parties, devant une formation restreinte, composée d'un représentant de chacun des deux collèges, ce qui permettrait d'obtenir une décision dans les trois mois.
Reste la réforme, d'ailleurs contestée, du statut de ce que l'on appelle aujourd'hui le délégué syndical, et qui serait désormais dénommé défenseur syndical, qu'il assiste le salarié ou l'employeur. Il faut cependant reconnaître que, dans les faits, cette assistance est exercée le plus souvent par un avocat : les salariés ne sont assistés que dans 13 % des cas par un délégué syndical, les employeurs dans 3 % des cas.
Merci, monsieur le rapporteur, pour la clarté de votre exposé, qui répond par avance, j'en suis sûr, à bon nombre des questions que vos collègues souhaitaient poser…
Le rapporteur a effectivement été exhaustif, ce qui me permettra d'être plus bref. Pour répondre aux préoccupations de M. Cherpion, je rappelle qu'il y a bien eu concertation avec les partenaires sociaux. Le Conseil supérieur de la prud'homie s'est réuni le 26 novembre dernier, et chacune des organisations syndicales et patronales a été reçue par le ministre du travail dans les semaines qui ont suivi. La procédure prévue a donc été respectée. Cela n'implique pas que les partenaires sociaux soient d'accord avec la réforme mais, compte tenu des constats établis, il appartient aux pouvoirs publics de faire leur devoir, l'accord des partenaires sociaux ne constituant pas un préalable.
Cette réforme préserve le paritarisme, elle tend à réduire les délais de jugement et à rendre la procédure plus efficace. Elle ne remet pas en cause la qualité des conseillers prud'hommes, bien au contraire. Il s'agit d'une réforme organisationnelle, mais aussi, pour une partie, d'une réforme de moyens, qui permet de mieux structurer la phase de conciliation, dont les résultats sont parfois médiocres : il est possible de les améliorer, même si, dans 98 % des cas, le contrat de travail est déjà rompu.
Le débat est très ouvert, et l'on constate un accord général sur la nécessité de réduire les délais. Le rapporteur thématique a fourni honnêtement tous les éléments, mais j'ai un doute quant à la méthode. Le taux d'appel, tout comme le taux de rupture des contrats doivent nous interpeller. Il y a dans le texte un non-dit à ce sujet : le fait que l'employeur fasse appel dans deux cas sur trois et que le taux d'infirmation soit plus élevé en cas d'intervention du juge départiteur posent problème. Il est paradoxal, dès lors, de limiter la procédure de conciliation.
Les modifications d'ordre réglementaire évoquées par le rapporteur thématique sont bienvenues. Il est vrai que, généralement, les deux parties souhaitent aller vite et arrivent mal préparées ; il est vrai aussi que les conseils ont tendance à demander des délais pour gagner du temps, au détriment de la conciliation. Celle-ci n'est donc plus guère prise au sérieux, et ce d'autant moins que, si le litige porte sur une somme inférieure à 4 000 euros, l'appel n'est pas possible.
Je comprends la logique des propositions qui tendent à recourir plus vite au juge, mais cela conduit à l'échevinage, qui est contraire à la culture et l'esprit des prud'hommes. Le risque, en outre, est de se heurter au manque de juges départiteurs.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel SPE1579 des rapporteurs.
L'amendement SPE816 de M. Jean-Louis Roumegas est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement SPE919 de Mme Jacqueline Fraysse et de l'amendement SPE1616 des rapporteurs.
Cet amendement vise à supprimer une rédaction qui risque de limiter le droit des conseillers prud'hommes à exercer une activité militante. Il est certes légitime que les devoirs d'indépendance, d'impartialité et de dignité des conseillers soient réaffirmés, et qu'ils ne puissent intervenir dans aucun mouvement concernant l'entreprise sur laquelle ils auraient à statuer. Mais il n'y a aucune raison de les brider dans leurs activités militantes, d'autant qu'ils sont souvent délégués syndicaux.
Je comprends votre position, madame Fraysse, et je reconnais une possible ambiguïté, dans la rédaction, quant à la compatibilité entre l'exercice du mandat et une activité syndicale. Je vous propose cependant de retirer votre amendement au profit de l'amendement SPE1616 des rapporteurs, qui propose une rédaction plus précise.
Dans sa formulation actuelle, la seconde phrase du troisième alinéa, qui reprend celle de l'ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature, pourrait avoir pour effet de restreindre l'activité syndicale des conseillers prud'hommes, ce qui n'est nullement dans l'esprit de la réforme. Je propose donc de supprimer les mots « la réserve que leur imposent », qui sont inappropriés à leur situation.
La proposition du rapporteur thématique est intéressante et je la soutiendrai si mon amendement, que je maintiens néanmoins, n'est pas adopté.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur thématique, la Commission rejette l'amendement SPE919.
Elle adopte l'amendement SPE1616.
L'amendement SPE830 de M. Jean-Louis Roumegas est retiré.
La Commission examine l'amendement SPE921 de Mme Jacqueline Fraysse et l'amendement SPE1920 des rapporteurs.
Cet amendement vise à supprimer une rédaction qui interdirait aux conseillers prud'homaux tout mouvement de grève. C'est en effet la nature syndicale de leur engagement qui fait la richesse du paritarisme.
Le texte reprend la rédaction de l'article 10 de l'ordonnance précitée du 22 décembre 1958, qui a son âge, il est vrai, et qui doit être prochainement modifié. Il est arrivé, du reste, que des magistrats professionnels observent des mouvements de grève.
L'amendement SPE1920 que j'ai déposé précise toutefois que l'action concertée en question ne serait pas possible « lorsque le renvoi de l'examen d'un dossier risquerait d'entraîner des conséquences irrémédiables ou manifestement excessives pour les droits d'une partie ».
La formation de référé qui connaît des demandes pour des paiements de salaire, des remises de certificats de travail ou d'attestations Pôle emploi doit, même en cas de mouvement de grève, pouvoir fonctionner pour que les salariés puissent obtenir un titre afin de faire valoir leurs droits. En cas de prise d'acte de rupture, il peut y avoir une urgence particulière à faire reconnaître qu'elle était bien fondée. Ce ne sont là que des exemples et une jurisprudence se développera, encore que je n'espère ne pas voir les actions concertées se multiplier.
Ces explications répondent partiellement à mes préoccupations, mais je maintiens l'amendement, ne serait-ce que pour que ce débat ait lieu en séance publique.
La rédaction de l'amendement du rapporteur m'inquiète, car les termes sont très subjectifs : que signifient des « conséquences irrémédiables ou manifestement excessives » ? Le rapporteur thématique a donné des exemples pour, ensuite, nous dire de façon peu rassurante que la jurisprudence allait « se développer ». Je crains surtout que ce soient les contentieux qui se développent, car la définition est beaucoup trop large, et ne permet pas de répondre aux questions soulevées par Jacqueline Fraysse. Les juges des prud'hommes agissant dans le cadre d'un mandat, le droit de grève, qui concerne les salariés, leur est-il applicable ? Je suis très dubitative.
Je constate que les mouvements de grève existent chez les magistrats et que ceux-ci ont toujours réussi à s'organiser pour qu'une permanence soit assurée, notamment afin de préserver les libertés individuelles. Je pense que les conseils de prud'hommes sauront faire preuve du même esprit de responsabilité. Le statut que nous construisons se fonde sur celui des magistrats, en aménageant certaines de ses dispositions.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur thématique, la Commission rejette l'amendement SPE921.
Elle adopte l'amendement SPE1920.
Elle examine ensuite l'amendement SPE1374 de M. Jean-Louis Roumegas.
Le texte prévoit la possibilité de renvoyer directement les affaires au juge départiteur, ce qui n'est pas dans l'esprit de l'institution des prud'hommes. Par ailleurs, les magistrats sont en nombre insuffisant et nous n'avons pas de garanties du Gouvernement, loin de là, quant aux moyens qui seront consentis pour accompagner la réforme.
Au demeurant, il est curieux que cette réforme figure dans un texte consacré à la croissance et l'activité. Le sujet mériterait de faire l'objet d'un projet de loi ad hoc, défendu par le ministre de la justice.
Pour ces raisons, nous demandons la suppression des alinéas 6 et 7, 15 et 16, 63 à 72.
J'ai exposé le sens de cette réforme, et l'amendement SPE1933 rectifié que j'ai déposé, et qui viendra en discussion tout à l'heure, en reprend l'architecture.
En fonction de la nature de l'affaire, et lorsque les juges estimeront qu'elle est prête à être jugée, ils pourront proposer aux parties de passer devant une formation restreinte à deux conseillers. Il est vrai que cette réforme suppose une réorganisation, puisque ce ne sera plus un juge d'instance qui interviendra, mais un juge du TGI. Cela permettra de bénéficier de la spécialisation plus grande de cette juridiction, ainsi que d'une gestion plus souple de l'effectif de magistrats en son sein. L'étude d'impact montre que la réforme ne peut réussir sans moyens supplémentaires, et j'ai reçu toutes assurances sur ce point. Je suis donc défavorable à l'amendement.
Je partage l'avis du rapporteur thématique, d'autant que l'amendement auquel il vient de faire allusion supprime plusieurs procédures existantes et simplifie le dispositif. L'économie de la réforme, c'est la simplification et la sécurisation des procédures. Le but est de rendre une meilleure justice pour les salariés, en particulier les plus fragiles, et pour les entreprises, notamment les plus petites. Il s'agit d'accélérer la procédure tout en conservant les fondamentaux de l'institution.
La Commission rejette l'amendement SPE1374.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels SPE1622 et SPE1580 des rapporteurs.
Elle étudie ensuite l'amendement SPE922 de Mme Jacqueline Fraysse.
Cet amendement vise à supprimer les alinéas 15 et 16 qui prévoient, pour les litiges portant sur un licenciement ou sur une demande de réalisation judiciaire, la constitution d'un bureau réduit à deux conseillers au lieu de quatre aujourd'hui. Cette juridiction restreinte risque de placer les juges dans un face-à-face conflictuel susceptible d'aboutir à encore plus de demandes de départage.
Ce qui nous gêne le plus est la mise en cause de la collégialité, qui risque de porter atteinte à la qualité des décisions. Le fait d'avoir quatre juges issus d'autant de milieux professionnels et d'organisations syndicales différentes, constitue une garantie de richesse et d'impartialité des débats. Accepter ce « un contre un », c'est se résigner à ce qu'il y ait un fort et un faible, et des décisions déséquilibrées.
La collégialité commence à deux, madame Fraysse… J'ajoute qu'il n'y a pas, au sein du conseil de prud'hommes, le rapport de subordination qui existe entre un salarié et son employeur. Mon avis est donc défavorable.
Si le fait que les conseillers ne soient que deux était une atteinte à l'impartialité, cela vaudrait aussi pour les bureaux d'orientation et de conciliation et pour les formations de référé, où ils siègent actuellement à deux. Il y a bien, comme vient de le dire le ministre, une collégialité, restreinte certes, mais avec des garanties puisque c'est le bureau de conciliation et d'orientation qui demandera le renvoi en formation restreinte et qu'il faudra, en outre, que les deux parties soient d'accord. Mon avis est donc défavorable.
La Commission rejette l'amendement SPE922.
Elle est ensuite saisie de l'amendement SPE1785 des rapporteurs.
Il s'agit de préciser clairement que les six semaines de formation actuelle sont maintenues et qu'on y ajoute simplement cinq jours de formation spécialisée, organisée par la magistrature.
La Commission adopte l'amendement SPE1785.
Elle adopte également l'amendement rédactionnel SPE1562 des rapporteurs.
Elle est ensuite saisie de l'amendement SPE823 rectifié de M. Jean-Louis Roumegas.
La Commission adopte l'amendement SPE823 rectifié.
Elle adopte l'amendement rédactionnel SPE1581 des rapporteurs.
Elle étudie ensuite l'amendement SPE924 de Mme Jacqueline Fraysse et l'amendement SPE1563 des rapporteurs.
Nous proposons de supprimer l'alinéa 29, qui prévoit que le président de la cour d'appel peut sanctionner par un avertissement un conseiller prud'homme, sans aucune procédure. Cette absence de procédure, contraire au principe du contradictoire ainsi qu'aux droits de la défense, s'inscrit dans une gestion autoritaire des conseillers prud'hommes. Par notre amendement, nous voulons souligner qu'aucune sanction, même mineure, ne peut être mise en oeuvre en dehors d'une procédure disciplinaire permettant à la personne accusée d'entendre ce qu'on lui reproche et de s'expliquer.
Vous avez raison, madame Fraysse, le terme d'« avertissement » est impropre, mais je vous suggère de vous rallier à l'amendement SPE1563 du rapporteur, qui emploie l'expression, préférable, de « rappeler à leurs obligations ».
Le mot « avertissement », sans être impropre en soi – c'est là ma divergence avec le ministre – prend une résonance particulière, il est vrai, dans le contexte prud'homal, car il s'agit, en droit du travail, d'une sanction disciplinaire, alors qu'il revêt, s'agissant de magistrats, un caractère seulement pré-disciplinaire. La rédaction de mon amendement vise à lever toute équivoque.
L'amendement SPE924 est retiré.
La Commission adopte l'amendement SPE1563.
La commission examine, en discussion commune les amendements SPE1875 des rapporteurs et SPE1468 de M. Jean-Yves Caullet.
Mon amendement est la réécriture d'un amendement proposé par la délégation aux droits des femmes, qui tend à rendre la commission de discipline paritaire, non pas au sens que prend ce terme dans le contexte prud'homal, mais au sens de la parité entre hommes et femmes. Je propose donc d'écrire, par exception, « un magistrat et une magistrate » et « un représentant et une représentante ».
L'amendement SPE1468 est retiré.
La Commission adopte l'amendement SPE1875.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels SPE1564 et SPE1778 des rapporteurs.
L'amendement SPE831 de M. Jean-Louis Roumegas est retiré.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels SPE1565 et SPE1771 des rapporteurs.
Elle en vient à l'amendement SPE449 de M. Patrick Hetzel.
La représentation obligatoire exercée par l'avocat garantit aux justiciables un déroulement optimal du règlement du contentieux. Le recours à un défenseur syndical les priverait des garanties offertes par l'auxiliaire de justice qu'est l'avocat. Le dispositif proposé, qui privilégie le défenseur syndical, est un peu réducteur. Nous proposons de le supprimer.
En pratique, les parties sont souvent représentées en première instance et en appel, bien que la procédure ne l'impose pas. Le Gouvernement souhaite renforcer, dans les règles de représentation prud'homales, la place des représentants syndicaux et leur donner un statut pour professionnaliser cette fonction. Plusieurs articles du texte développent les garanties nécessaires qui seront attachées à ce statut.
En outre, il est proposé que l'appel des décisions des conseillers des prud'hommes soit jugé selon la procédure avec représentation obligatoire. Afin de tenir compte de la spécificité de ce contentieux, le Gouvernement souhaite que cette représentation obligatoire soit assurée par un avocat ou un défenseur syndical, ce qui est conforme à l'esprit paritaire de la réforme. En conséquence, avis défavorable à la suppression de ces alinéas.
En l'état, la représentation n'est pas obligatoire : elle est du domaine de la représentation facultative ou de l'assistance. Mais il est question de la rendre obligatoire, par voie réglementaire, au stade de l'appel, et les avocats s'en inquiètent. Cela dit, la défense syndicale est une pratique très ancienne des syndicats de salariés. Il serait inconcevable de la remettre en cause. Elle s'exerce aujourd'hui devant les conseils des prud'hommes et a connu une diminution, passant de 16 % à 13,5 % en cinq ans. Les avocats ont toute leur place dans la défense prud'homale mais ils n'ont pas toute la place.
Je maintiens l'amendement, d'autant que ce nouveau statut engendre des dépenses nouvelles qui n'ont pas été inscrites dans la loi de finances pour 2015.
Les dispositions entreront en application dans un an. C'est donc le projet de loi de finances pour 2016 qui devra les intégrer. Le coût sera modeste, puisqu'il s'agit de financer dix heures par mois et par défenseur syndical – ces défenseurs, précisons-le, ne sont pas des permanents syndicaux. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement SPE449.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels SPE1786 et SPE1566 des rapporteurs.
Elle en vient à l'amendement SPE927 de Mme Jacqueline Fraysse.
Ce texte crée enfin un statut pour les défenseurs syndicaux et nous nous en félicitons. Cependant, il ne précise pas que le défenseur syndical est un salarié protégé au même titre que les représentants des salariés dans l'entreprise, les conseilleurs prud'homaux ou les conseillers du salarié. Cette protection spécifique définie aux articles L. 2411-1 et suivants du code du travail est pourtant justifiée, dans la mesure où ces salariés sont amenés à prendre la parole publiquement pour défendre d'autres salariés, s'exposant ainsi à d'éventuels actes de rétorsion de la part des employeurs. Cet amendement vise donc à faire du défenseur syndical un salarié protégé.
L'activité du défenseur syndical n'étant pas exercée au sein de l'entreprise, en faire un salarié protégé n'aurait guère de sens. En outre, les dispositions de droit commun sur la nullité de toute mesure discriminatoire en raison de l'exercice d'activités syndicales sont très larges et permettent de couvrir les cas de figure que vous évoquez. Le statut de salarié protégé serait, de ce point de vue, exorbitant. Par ailleurs, les articles 225-1 et 225-2 du code pénal renforcent encore la protection contre d'éventuelles discriminations. Je suggère donc le retrait de l'amendement, faute de quoi mon avis sera défavorable.
Sur le fond, je suis sensible à l'amendement. L'activité du défenseur syndical s'exerce certes en dehors de l'entreprise, mais c'est également le cas du conseiller du salarié, qui bénéficie, lui, d'une protection.
En revanche, je ne pense pas que la rédaction de l'amendement soit adaptée. Ne pourrions-nous réfléchir à une rédaction commune, madame Fraysse, que nous présenterions en séance publique ? En l'état, je suggère le retrait.
Je suis d'accord pour y retravailler. C'est un amendement auquel je tiens d'autant plus que l'argumentation du ministre ne me convainc pas. Nous en reparlerons en séance publique.
J'y suis tout disposé.
Il est plus facile pour le rapporteur thématique d'être soutenu par un retrait pour remonter au front sur des amendements auxquels le Gouvernement n'est pas favorable, madame Fraysse. Le maintien affaiblit sa position.
Denys Robiliard a l'habitude de travailler avec moi en commission des affaires sociales. Il sait que je soutiendrai farouchement toutes ses initiatives pour peu qu'elles aillent dans le bon sens !
La Commission rejette l'amendement SPE927.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels SPE1787et SPE1788 des rapporteurs.
Elle est saisie de l'amendement SPE584 de Mme Laure de La Raudière.
L'article 83 du projet de loi crée un statut de défenseur syndical chargé d'assister le salarié et pouvant le représenter. Il instaure également un maintien du salaire pendant les heures d'exercice de ses fonctions, dans la limite de dix heures par mois remboursées à l'employeur par l'État. Or nous ne disposons d'aucune estimation du coût de cette mesure dans l'étude d'impact, ce qui est d'autant plus étonnant que le budget consacré à l'aide juridictionnelle est déjà dépassé chaque année. Devons-nous considérer que l'on recourra au fonds de péréquation que nous avons créé pour financer l'aide juridictionnelle et les maisons de justice ?
C'est aussi une nouvelle complexité pour les entreprises, qui vont devoir avancer ces fonds pour se les faire rembourser ensuite – dans les délais que l'on sait – par l'État.
Rappelons que les salariés peuvent déjà se faire assister par un représentant syndical ou par un délégué du personnel, notamment lors d'un entretien préalable à un licenciement. En outre, les syndicats disposent de moyens financiers de la part de l'État, et ces fonctions d'assistance entrent dans les attributions qui justifient leur existence.
Pour ces raisons, nous proposons de supprimer cette rémunération assurée par l'employeur et remboursée ultérieurement par l'État.
Ces sommes, mobilisables à partir de 2016, sont relativement réduites. Le dispositif de maintien du salaire et de remboursement par l'État est déjà bien connu des employeurs, puisqu'il s'applique pour les conseillers prud'hommes et les conseillers du salarié. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement SPE584.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel SPE1567 des rapporteurs.
Puis elle examine l'amendement SPE928 de Mme Jacqueline Fraysse.
Le nouveau statut prévoit un droit à une formation spécifique pour laquelle le détenteur d'un mandat de défenseur syndical pourra demander des autorisations d'absence. L'amendement vise à préciser que cette autorisation lui est accordée automatiquement : il doit être clair – et c'est le sens du texte – que l'employeur a l'obligation d'accorder ces congés pour formation.
Cette précision n'est pas utile dans la mesure où l'alinéa 47 ne prévoit aucune possibilité, pour l'employeur, de refuser lesdites autorisations d'absence. L'adverbe « automatiquement » n'apporterait rien ; il introduirait au contraire des incohérences rédactionnelles au sein du code du travail.
En droit, l'indicatif vaut impératif. Il n'est laissé aucune possibilité à l'employeur de refuser. Il ne faudrait pas aller jusqu'à assortir tous les verbes à l'indicatif de la mention « et sans refus possible » !
L'amendement SPE928 est retiré.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel SPE1770 des rapporteurs.
Elle en vient à l'amendement SPE930 de Mme Jacqueline Fraysse.
L'alinéa 60, que nous proposons de supprimer par cet amendement, prévoit que le défenseur syndical « est tenu à une obligation de discrétion à l'égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par l'employeur ».
Nous ne contestons pas, bien entendu, que le défenseur soit tenu de ne pas divulguer les secrets de fabrication dont il aura eu connaissance du fait du dossier qu'il traite. Il n'en va pas de même pour les autres informations. Or, tel que l'alinéa est rédigé, c'est l'employeur qui décide seul du caractère confidentiel ou non des informations, donc, in fine, de ce que le défenseur pourra ou ne pourra pas dire.
On constate d'ailleurs que le patronat utilise de plus en plus l'argument de l'obligation de discrétion face aux représentants du personnel, et qu'il s'agit trop souvent d'un moyen de freiner, voire d'entraver, l'action syndicale : les représentants des salariés finissent par ne plus savoir ce qu'ils ont le droit de communiquer ou non. Pour une action efficace, le défenseur syndical ne doit pas être dans la crainte permanente de violer telle ou telle information au gré des humeurs patronales !
Il serait inopportun de supprimer cette obligation de discrétion, d'autant que, dans le dispositif proposé, le défenseur syndical peut se substituer à l'avocat. Ne pas le soumettre à une telle obligation ruinerait notre argumentation en faveur de la préservation de son rôle y compris en empiétant sur le monopole théorique de l'avocat. Avis défavorable.
L'obligation de discrétion est aussi dans l'intérêt du défenseur syndical. Celui-ci intervenant par définition dans un litige prud'homal, les éléments que l'employeur donne pour sa défense sont publics. Il ne peut les rendre confidentiels. Mais d'autres éléments doivent être confidentiels : d'abord ce qui se dit devant le bureau de conciliation – sans confidentialité, personne ne dira plus rien, ce qui est un des problèmes de la conciliation aujourd'hui – ; ensuite, en cas de négociation pour arriver à une transaction hors conciliation, la teneur des discussions qui ont conduit à la transaction. Cette confidentialité est exigée par les règles professionnelles des avocats. Par ailleurs, un protocole de confidentialité peut être rédigé au préalable, ce qui permet de sécuriser le cadre de la discussion. L'obligation de discrétion renforce donc, sans qu'il soit besoin d'établir un tel protocole, la capacité du défenseur syndical à assister le salarié dans la négociation.
Je reconnais néanmoins que je n'avais pas perçu ainsi cet alinéa à la première lecture et que l'on aurait peut-être pu le rédiger un peu différemment.
Pourquoi le texte ajoute-t-il : « et données comme telles par l'employeur » ? Si l'objectif est de sécuriser le cadre de la discussion, pourquoi l'employeur décide-t-il de ce qui est confidentiel ou non ? Le cadre est confidentiel pour tout le monde ! Cette rédaction est insatisfaisante et doit être retravaillée.
Peut-être faut-il en effet la retravailler. Puisque le défenseur syndical peut assister aussi bien un employeur qu'un salarié, la règle devrait être bilatérale.
Je vous propose de retirer l'amendement et que nous en rédigions ensemble un nouveau pour la séance publique.
L'amendement SPE930 est retiré.
La Commission examine ensuite l'amendement SPE1789 des rapporteurs.
L'amendement SPE1789 est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement SPE1933 rectifié des rapporteurs.
J'ai déjà défendu cet amendement dans ma présentation de la réforme. La possibilité, pour une des parties, d'imposer son point de vue à l'autre avec l'accord d'un seul conseiller n'est pas conforme au paritarisme.
La Commission adopte l'amendement SPE1933 rectifié.
En conséquence, les amendements SPE1777 des rapporteurs, SPE120 de M. Gérard Cherpion, SPE450 de M. Patrick Hetzel, SPE932 de Mme Jacqueline Fraysse, SPE1584, SPE1728 et SPE1583 des rapporteurs, SPE135 de M. Gérard Cherpion, SPE451 de M. Patrick Hetzel et SPE1772 des rapporteurs tombent.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel SPE1773 des rapporteurs.
Elle en vient à l'amendement SPE1466 de M. Jean-Patrick Gille.
Il s'agit de maintenir l'alinéa 2 de l'article 2064 du code civil, qui dispose que les procédures à l'amiable ne peuvent concerner les contrats de travail.
Aujourd'hui, lorsqu'un contentieux relatif au contrat de travail survient entre un employeur et son salarié, le conseil des prud'hommes a l'exclusivité de son règlement, qui ne peut se résoudre, aux termes dudit alinéa, par l'intervention d'une « convention de procédure participative ». Ce dispositif, inspiré du droit collaboratif anglo-saxon, consiste en la conclusion d'une convention entre les parties à un conflit, assistées de leurs avocats, en vue de rechercher ensemble une solution constructive dans une démarche de discussion. Il a été introduit dans le code civil par l'ancienne majorité en 2010.
Je rappelle que la procédure de rupture conventionnelle est déjà très usitée : il y en a actuellement 240 000 par an. Dans les autres cas, les conflits du travail doivent se résoudre soit par le dialogue social dans l'entreprise, soit par la conciliation, avec le dispositif du bureau de conciliation et d'orientation que nous venons de voter. Si l'alinéa 79 était voté, nous sortirions de ce cadre et nous rallierions à la conception, très anglo-saxonne, selon laquelle le contrat de travail est un contrat comme les autres où tout peut être négocié. Je ne crois pas que ce soit dans notre culture des relations sociales.
La proposition du Gouvernement fragilise l'exclusivité des conseils des prud'hommes au profit d'une procédure qui, de surcroît, n'a pas montré son efficacité – jusqu'à présent, très peu de conventions de ce type ont été passées – et qui a un coût pour le justiciable. Le risque est que des pressions s'exercent sur le salarié pour qu'il accepte de passer par cette procédure plutôt que d'aller aux prud'hommes.
Le contrat de travail, qui établit un lien de subordination, est un contrat spécifique. C'est bien pour cela qu'il y a un code du travail !
Je suis sensible à cette argumentation qui veut réserver aux conseils des prud'hommes les litiges relevant du droit du travail. Cela dit, j'ai lu dans la presse des considérations qui me dépassent. Comment peut-on imaginer que la possibilité d'un recours à la médiation ou à la procédure participative mette en péril la nature même du droit du travail ?
La procédure participative a été instituée par une loi du 22 décembre 2010 et la médiation par une ordonnance du 16 novembre 2011. Il ne s'agit pas d'alternatives à la conciliation, mais d'alternatives à la judiciarisation. Elles se situent en amont de la saisine judiciaire.
Faut-il les interdire en matière prud'homale au motif que l'on renforce la conciliation ? Gardons quand même à l'esprit qu'elles sont très peu utilisées. Nous ne disposons de statistiques que pour le nombre d'homologations – facultatives – par les juridictions : en 2013, 46 procédures participatives, 71 médiations et 5 621 transactions ont été homologuées. C'est donc la transaction qui est le principal mécanisme opératoire auquel recourent les parties.
Pourquoi refuser l'élargissement de la palette dont celles-ci peuvent disposer ? Personne n'est obligé de conclure ces procédures, qui ont un coût et ne garantissent pas forcément, de ce point de vue, l'égalité entre l'employeur et le salarié. Avis défavorable.
La procédure participative exige la présence d'un avocat. Dans la mesure où les parties sont l'une et l'autre assistées, il est concevable que des pressions s'exercent.
Je souscris aux arguments du rapporteur thématique. Ces modes alternatifs de règlement des conflits sont utiles et participent de la philosophie de la réforme : encourager la conciliation, dont les résultats sont aujourd'hui médiocres, et développer les nouveaux modes de résolution amiable. Cela n'enlève rien aux conseils de prud'hommes, qui pourront d'ailleurs apprécier la teneur de ces accords puisqu'ils seront seuls compétents pour leur donner force exécutoire. De telles procédures ne constituent pas une menace : au contraire, elles peuvent aider, en amont, à désengorger le système et à réduire les délais. Avis défavorable.
Je remercie le ministre pour sa franchise. Ce n'est donc pas une petite ligne du code civil qui se serait égarée comme ça, c'est une mesure qui s'inscrit pleinement dans la logique de la réforme.
Mais, comme le rapporteur thématique l'a reconnu à demi-mot, il est pour le moins maladroit de proposer cette forme coûteuse de conciliation au moment même où l'on essaie d'améliorer et de relancer la conciliation dans le cadre des prud'hommes. Ce que l'on voit se dessiner et qui confirme mes craintes, c'est une conciliation à deux vitesses.
Personnellement, je ne vois pas la différence entre une procédure participative et une discussion visant à parvenir à une transaction, chaque partie étant dans l'un et l'autre cas assistée par son avocat, à ceci près que la transaction est définie depuis 1804 et que les avocats continueront de la privilégier. Si certains veulent suivre la procédure participative, au nom de quoi peut-on leur interdire de le faire ? C'est plutôt la médiation – avec l'intervention d'un tiers, d'un maïeuticien cherchant les conditions de l'accord – qui s'inscrit dans une forme de concurrence par rapport au bureau de conciliation. Je maintiens mon point de vue et vous invite à retirer votre amendement.
La Commission rejette l'amendement SPE1466.
Elle examine l'amendement SPE1790 des rapporteurs.
Dès lors que l'on réintroduit la possibilité, pour un employeur et un salarié, de conclure une convention de procédure participative, il est nécessaire de préciser ce qu'il advient en cas d'échec de la procédure et de saisine du conseil des prud'hommes. La dispense de conciliation prévue en général ne doit pas s'appliquer en matière prud'homale, puisque le bureau de conciliation a, en l'espèce, la double fonction de rapprocher les parties et, à défaut de conciliation, de se transformer en bureau de mise en état. Tel est l'objet de cet amendement.
La Commission adopte l'amendement SPE1790.
Elle est saisie des amendements identiques SPE121 de M. Gérard Cherpion et SPE452 de M. Patrick Hetzel.
Reconnaissez, mes chers collègues, que ces amendements sont quelque peu perfides ! (Sourires.)
L'allongement des délais est dû avant tout au manque de moyens de la justice prud'homale. Nous proposons donc que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, un rapport sur le lien entre l'allongement des délais du rendu de la justice prud'homale et les moyens humains et financiers dont dispose cette juridiction.
Je ne vois pas comment le ministre pourrait s'opposer à des amendements qui apportent un tel soutien aux fabricants de bibliothèques !
La loi impose déjà au Gouvernement de remettre un tel rapport. L'amendement est satisfait.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur thématique, la Commission rejette les amendements SPE121 et SPE452.
Puis elle adopte l'article 83 modifié.
Article 84 : Modalités d'entrée en vigueur des dispositions relatives à la justice prud'homale
La Commission est saisie des amendements identiques SPE122 de M. Gérard Cherpion et SPE454 de M. Patrick Hetzel.
Cet amendement de cohérence avec l'amendement de suppression de l'article 83 est devenu caduc. Je le retire.
Les amendements sont retirés.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels SPE1568 à SPE1572 des rapporteurs.
Puis elle adopte l'article 84 modifié.
Section 2
Dispositif de contrôle de l'application du droit du travail
Article 85 : Habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de renforcement du système d'inspection du travail et de révision des sanctions en matière de droit du travail
La Commission est saisie des amendements identiques SPE456 de M. Patrick Hetzel, SPE933 de Mme Jacqueline Fraysse et SPE1361 de M. Jean-Louis Roumegas, tendant à supprimer l'article.
En janvier de l'année dernière, le Gouvernement voulait faire passer une réforme de l'inspection du travail dans son projet de loi relatif à la formation professionnelle. Devant les problèmes soulevés au sein même de l'inspection du travail, il décida finalement de retirer les articles de son projet de loi.
En mars 2014, c'est le groupe socialiste de l'Assemblée nationale qui déposait une proposition de loi relative aux pouvoirs de l'inspection du travail. Après avoir passé l'examen en commission, ce texte ne fut pas inscrit à l'ordre du jour de la séance publique.
Cela nous conduit à nous interroger sur les orientations de la majorité et du Gouvernement, et à considérer que l'article 85 est singulièrement prématuré.
Nous sommes extrêmement préoccupés par la forme et par le fond de cet article. La réforme de l'inspection du travail n'est pas un détail. Que vient-elle faire dans ce texte sur l'activité et la croissance ? Et, pour comble, le Gouvernement veut la mener par ordonnance !
L'article 85 tend à autoriser le Gouvernement à modifier, par ordonnance, les prérogatives de l'inspection du travail et le régime des sanctions applicables en cas d'entrave aux institutions représentatives du personnel. Il est pour nous inacceptable que des modifications sur des points aussi importants se fassent sans que nous ayons connaissance de ce qu'il est prévu de mettre en place et sans possibilité de débat démocratique.
Il s'agit, je le rappelle, de rien de moins que de « renforcer le rôle de surveillance et les prérogatives du système d'inspection du travail, d'étendre et de coordonner les différents modes de sanctions et de réviser l'échelle des peines en matière de droit du travail, notamment de santé et de sécurité au travail », et de « réviser la nature et le montant de peines et des sanctions applicables en cas de délit d'entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel ». Sur tous ces points essentiels, le Gouvernement fixerait donc les nouvelles règles sans débat au Parlement. Sans doute aura-t-il la courtoisie de nous en informer, et nous sommes sensibles à cette attention, mais cela ne saurait nous détourner du fond de l'affaire. Si, parmi les modifications proposées, certaines peuvent constituer un progrès, beaucoup d'autres, comme le déclassement du délit d'entrave, sont extrêmement préoccupantes. Toutes méritent, en tout cas, un débat de fond. L'entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel est une infraction grave qui revient à priver les salariés de leur expression collective et qui renforce le caractère inégalitaire lié à la subordination de la relation de travail.
On nous refuse de débattre sérieusement de ces sujets, comme nous le faisons ce soir sur d'autres points. C'est incroyable !
Dans le projet de loi relative à la formation professionnelle de 2014, les articles concernant la réforme de l'inspection du travail ont soulevé de vives polémiques. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'ils furent supprimés à la faveur de la navette parlementaire.
Par la suite, en mars 2014, le ministère a fait passer certains éléments de réorganisation de l'inspection du travail par décret. Là aussi, le contenu a suscité beaucoup d'émoi dans la profession.
Le reste de la réforme portait sur les sanctions à la disposition des inspecteurs du travail. Nous avions commencé à y travailler en commission, dans le cadre de la discussion de la proposition de loi de Denys Robiliard, que nous aurions votée si elle avait été menée à son terme.
L'actuel projet de loi vient donc enterrer cette proposition de loi et prévoit d'en traiter les sujets. Dans le cas où les ordonnances seraient conformes à ce texte, pourquoi ne pas l'avoir tout simplement repris dans le projet de loi ? Cela nous aurait permis de poursuivre notre procédure d'amendement.
Par ailleurs, le délit d'entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel soulève de nombreux problèmes et recouvre des situations très différentes. De telles entraves sont inacceptables, surtout de la part de ceux qui se réclament du dialogue social. Nous devons aussi y revenir.
L'inspection du travail est un sujet trop important pour que nous acceptions ce refus du débat. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article d'habilitation.
D'une certaine manière, nous avons déjà eu le débat en commission et dans l'hémicycle lors de l'examen en première lecture du projet de loi relative à la formation professionnelle. Les articles en question ont été supprimés par le Sénat. Cela relativise la brutalité que certains voient dans le recours à l'ordonnance…
Nous avons en effet débattu de ce sujet dans le cadre de l'article 20 du projet de loi relatif à la formation professionnelle, l'emploi et la démocratie sociale. À l'époque, nous avions indiqué qu'il s'agissait à nos yeux d'un véritable cavalier législatif. Le vote négatif au Sénat, venant de tous les bords, a confirmé cette analyse et le ministre Michel Sapin a renoncé à maintenir l'article.
Le Gouvernement est revenu sur le sujet de manière quelque peu masquée, en le scindant en deux parties. Une première partie relative à l'organisation interne de l'inspection du travail a fait l'objet d'un décret du 21 mars 2014, deux semaines à peine après la promulgation de la loi relative à la formation professionnelle, ce qui fut perçu comme un véritable déni de démocratie. Une deuxième partie prit la forme de la proposition de loi examinée en commission des affaires sociales, inscrite à l'ordre du jour de la séance publique de l'Assemblée nationale, mais finalement jamais débattue.
Aujourd'hui, le Gouvernement veut revenir sur ces sujets par voie d'ordonnance. Reconnaissez, monsieur le ministre, que le Parlement se trouve de cette manière complètement dessaisi de son rôle, alors qu'il avait été invité par deux fois à débattre. Il y a quelque chose d'iconoclaste dans ce cheminement. Par certains aspects, c'est même une véritable provocation à l'égard des partenaires sociaux et des parlementaires.
Sur le fond, il semblerait que l'ordonnance puisse reprendre différents dispositifs et procédures contenus dans la proposition de loi relative aux pouvoirs de l'inspection du travail signé par les députés du groupe SRC. Nous en sommes inquiets, estimant que le texte de la proposition de loi est dangereusement déséquilibré : préconiser l'intrusion et la suspicion ne rend pas service aux entreprises et porte immanquablement atteinte à la volonté d'entreprendre.
Nous sommes notamment inquiets en ce qui concerne l'articulation des niveaux de compétence au sein de l'inspection du travail et le respect de l'indépendance des agents de contrôle. La disparition du corps des contrôleurs est envisagée. Dans ce cas, les contrôleurs et inspecteurs du travail seront appelés à exercer le même métier avec les mêmes compétences. Or les premiers sont assermentés, pas les seconds, ce qui pose un réel problème de cohérence et d'application.
Nous nous inquiétions également, dans cette proposition de loi, du niveau des amendes administratives. S'il est vrai que l'amende répond à un souci d'efficacité, un niveau excessif peut la transformer en arme de destruction massive. Il faut donc faire preuve de pragmatisme. Le texte proposait le principe d'un montant maximal de 2 000 euros appliqué autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés par le manquement, ce qui nous paraît tout à fait excessif.
Enfin, nous nous inquiétons du pouvoir exorbitant qu'il était prévu de donner aux agents de contrôle en matière d'accès aux documents. Les agents pourraient se faire communiquer tous les documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission et en prendre copie sans que soit définie une liste exhaustive de la nature de ces documents. Cette latitude laissée à l'appréciation subjective présente un véritable risque en matière de secret professionnel. Dans l'univers très concurrentiel où évoluent les entreprises, les « fuites » peuvent être extrêmement préjudiciables. Mon propos n'est nullement de faire un procès d'intention aux contrôleurs, il est d'attirer l'attention sur la rédaction de la proposition de loi.
En matière de délit d'entrave, le Gouvernement demande une habilitation à procéder par ordonnance pour mener la réforme annoncée par le Président de la République lors du dernier Conseil stratégique de l'attractivité.
Les procédures pour délit d'entrave, très dissuasives, sont très peu utilisées dans leur forme actuelle, mais leur impact en termes d'attractivité est extraordinairement négatif. En effet, la peine d'emprisonnement telle qu'elle figure aujourd'hui dans les textes paraît disproportionnée par rapport aux faits visés. L'intention du Gouvernement n'est pas de supprimer le caractère pénal du délit d'entrave – rien ne sera donc retranché du caractère dissuasif réel de la peine – mais de supprimer la peine de prison qui, je le répète, apparaît disproportionnée, en particulier pour des investisseurs ou des employeurs internationaux, par exemple lorsque c'est une mauvaise information des partenaires sociaux qui est en cause.
Compte tenu du fait que l'emprisonnement n'est jamais pratiqué, cette modification serait un élément de clarification et ne changerait en rien le caractère dissuasif du dispositif, puisque le délit d'entrave restera de nature pénale.
Si nous arrivons à élaborer le texte de l'ordonnance d'ici à la séance publique, je m'engage à ce que ce soit fait « en dur ».
S'agissant de la réforme de l'inspection du travail, M. Robiliard, rapporteur de la proposition de loi que vous avez évoquée, est le plus à même d'en tenir la chronique.
Je voudrais là aussi dissiper d'éventuels malentendus concernant le recours aux ordonnances. L'idée est bien de repartir du texte des parlementaires. Mais, précisément pour les raisons avancées par Mme Louwagie, ce texte n'est pas évident. L'exécutif a estimé qu'il était nécessaire de procéder à une concertation avec les partenaires sociaux pour effectuer les dernières vérifications et, éventuellement, les derniers ajustements.
Conscients des arguments que vous avez mis en avant, nous avons souhaité prendre du temps, nullement pour contourner le Parlement ou pour travestir ses travaux mais parce qu'une phase de décantation du texte parlementaire avec les organisations syndicales et patronales nous a semblé nécessaire. Accessoirement, quelques sujets juridiques justifient aussi cette décantation.
Comme pour les autres articles d'habilitation à prendre des ordonnances, je répète que ces textes, une fois prêts, seront évidemment soumis aux commissions parlementaires compétentes. Une discussion sur le texte abouti aura donc lieu avec les parlementaires avant qu'il ne soit soumis à la signature du Président de la République puis à la ratification.
Espérant avoir levé certaines des inquiétudes très légitimes qui ont été exprimées, j'émets un avis défavorable aux amendements de suppression.
L'habilitation proposée ne porte que sur une partie du délit d'entrave : il ne s'agit que des cas d'entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel – IRP –, et non d'entrave à leur constitution ou d'atteinte à la protection dont bénéficient les représentants du personnel.
Quand un employeur porte atteinte au statut d'un salarié protégé ou le licencie sans demander l'autorisation administrative de licenciement, il le fait de façon intentionnelle et prend un risque dont il sait qu'il est pénalement sanctionné. De même, lorsqu'il reçoit une lettre recommandée réclamant l'organisation de l'élection de délégués du personnel ou d'une autre instance représentative et qu'il ne le fait pas, il est dans l'intentionnalité de façon caractérisée.
S'agissant du fonctionnement, les choses sont un peu plus délicates. La jurisprudence de la chambre criminelle déduit l'intention de l'absence de diligence suffisante. En d'autres termes, manquer le délai de convocation d'une institution est un délit. Même chose lorsque l'on ne donne pas aux IRP toute l'information nécessaire, bien que le périmètre de cette information ne soit pas parfaitement établi par la jurisprudence. Il s'agit donc de délits formels. Même s'il peut y avoir, pour certains employeurs, une intention de les commettre, cette intention est beaucoup moins caractérisée que dans les autres cas. Il y a clairement une différence de degré entre l'entrave au fonctionnement et l'entrave à la constitution ou l'atteinte au statut d'un salarié protégé.
Les textes actuellement en vigueur relatifs au délit d'entrave sont rédigés institution par institution. Figurent dans un seul et même texte et sont assortis d'une seule et même peine les trois types d'entraves : à la constitution des instances représentatives du personnel, à leur fonctionnement et à la personne du salarié protégé. Il n'est donc pas inopportun d'introduire entre elles une distinction et de ne plus sanctionner par une peine d'emprisonnement l'atteinte au fonctionnement des instances représentatives du personnel, les délits commis en la matière n'étant souvent que d'ordre formel.
L'habilitation prévue par le projet de loi laisse entièrement le choix au Gouvernement entre dépénaliser ce délit ou maintenir son caractère pénal et dans ce cas, en conserver le caractère délictuel ou en faire une contravention. Compte tenu de la simplicité des mesures à prendre, j'ai demandé au Gouvernement que l'on parvienne à un accord en séance publique sur le choix à retenir. Si aucun accord n'a encore été trouvé à ce jour, il semble qu'on s'oriente plutôt vers le maintien du caractère délictuel de l'entrave au fonctionnement, quand bien même ce délit ne serait plus puni d'une peine d'emprisonnement.
S'agissant de l'inspection du travail, sans doute est-il nécessaire d'apporter des explications supplémentaires afin de lever tout malentendu. Contrairement à ce qui est indiqué dans l'exposé sommaire de l'un des amendements de suppression de cet article, en aucune façon nous n'avons de suspicion à l'égard des entreprises. Si nous avons besoin d'une police en France, ce n'est pas que l'on soupçonne le peuple français dans son entier, mais bien parce que des infractions sont commises. Nous avons besoin, auprès des entreprises, d'un corps de contrôle qui exerce notamment, mais pas uniquement, une mission de conseil. Certains employeurs, après avoir été dûment conseillés, persistent dans certaines attitudes, parfois de façon délibérée. Les phénomènes de travail dissimulé et de contournement des règles qui encadrent le détachement international constituent des infractions qu'il importe de pouvoir réprimer.
Si les inspecteurs du travail disposent déjà d'un arsenal de mesures, il reste que, lorsqu'ils dressent un procès verbal, celui-ci est classé sans suite dans quatre cas sur cinq. Il fallait donc que nous mettions à sa disposition d'autres moyens d'action. Tel était le sens de l'article 20 du projet de loi relatif à la réforme de la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale. Cet article 20 ayant été supprimé par le Sénat, il n'a pas été réintroduit dans le texte en commission mixte paritaire afin d'éviter l'échec de cette dernière, car nous souhaitions que la réforme de la formation professionnelle entre en vigueur rapidement. Puis a été déposée une proposition de loi reprenant les dispositions de l'article 20 précité : nous en avons débattu au sein de la Commission des affaires sociales. Et si l'UMP n'avait pas fait durer la discussion du projet de loi relatif à la famille, la proposition de loi précitée aurait pu être discutée en séance publique.
Pourquoi, aujourd'hui, ne pas reprendre cette proposition de loi par amendement ? D'abord parce que, comme l'a souligné le ministre, il est nécessaire de rediscuter de ces mesures afin de dissiper tout malentendu et éventuellement de les améliorer. D'autre part, l'état du droit international a évolué. La Cour européenne des droits de l'homme a rendu le 20 mai 2014 – soit juste après que nous avons discuté en Commission des affaires sociales de la proposition de loi précitée – quatre arrêts concernant la Finlande, dans lesquels elle a fait évoluer l'interprétation qu'elle faisait auparavant de la règle non bis in idem, s'agissant notamment du cumul entre sanctions pénales et administratives. La question de savoir dans quelle mesure ces arrêts nous concernent n'est pas parfaitement claire. C'est pourquoi il nous faudra peut-être modifier cette proposition de loi.
Sur ces deux sujets, des évolutions doivent évidemment être apportées à la législation en vigueur. Mais ne pourrait-on, à cette occasion, graduer les sanctions applicables ? L'envoi d'une lettre recommandée en plein mois d'août et la convocation d'élections en dehors du délai légal ne sauraient être sanctionnés de la même manière que la volonté délibérée de ne pas constituer d'instances représentatives du personnel.
Il nous paraît essentiel de maintenir le caractère pénal du délit d'entrave dans la mesure où le respect par l'employeur des instances représentatives du personnel revêt quasiment un caractère d'ordre public social. Mais si la peine d'emprisonnement en vigueur n'est jamais appliquée, autant la supprimer, surtout si elle effraie les investisseurs étrangers.
Pour revenir sur l'intervention de notre collègue Véronique Louwagie, l'instauration, au profit de l'inspecteur du travail, d'un droit sans limites de quitter les locaux de l'entreprise avec tous les documents de son choix, sous prétexte qu'il considère qu'ils pourraient lui être utiles, nous paraît fort dangereuse. La rédaction de l'article 20 issue du projet de loi initial du Gouvernement, ne comportait aucune limitation quant aux documents concernés mais les dispositions que nous avons adoptées hier ici même en matière de secret des affaires devraient constituer une limite aux pratiques de l'inspection du travail. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous confirmer que c'est le cas ?
Ainsi que l'a parfaitement souligné Denys Robiliard, nous ne contestons nullement le principe même de la nécessité d'une inspection du travail. Et compte tenu des missions qui lui sont imparties, chacun comprendra la nécessité que ce corps d'inspection soit indépendant. Mais si l'on pouvait déterminer un équilibre plus marqué entre ses missions de contrôle et de conseil, personne ne s'en porterait plus mal. En dehors des cas de brigandage caractérisés, il importe de faire la distinction entre employeurs de bonne foi et de mauvaise foi. Alors qu'il est inique que ces deux catégories de personnes soient traitées de la même manière en droit et en fait, telle est pourtant la pratique des inspecteurs.
Bref, compte tenu de l'incertitude pesant encore sur contenu des ordonnances qui seront un jour soumises à notre ratification, nous maintenons nos amendements de suppression de l'article 85.
M. le ministre affirme que la sanction applicable au délit d'entrave porterait atteinte à l'attractivité de notre pays du point de vue des investisseurs étrangers. Or, ceux-ci ont le moyen de vérifier que cette peine de prison n'est pas appliquée et qu'ils ne risquent donc pas grand-chose. Dans le même temps, il me semble qu'un allègement excessif de cette sanction lui ôterait son caractère dissuasif. Il est essentiel que les investisseurs étrangers sachent que la France accorde une importance particulière au délit d'entrave. Enfin, quels que soient les arguments avancés, la suppression de la peine de prison aujourd'hui en vigueur et la question du maintien ou non du caractère pénal de la sanction applicable sont des points essentiels qui devraient être débattus au sein du Parlement. Ainsi que l'a souligné Denys Robiliard, le Gouvernement aura le choix entre plusieurs options possibles, et l'on ignore laquelle il retiendra. Je suis surprise que le Gouvernement procède de la sorte car cela ne correspond pas à la tradition de cette maison.
D'après ce que j'ai compris, non seulement un débat parlementaire a eu lieu, mais en outre une concertation sera organisée, qui portera sur le texte adopté par le Parlement en première lecture ; enfin, le ministre s'est engagé à nous présenter l'ordonnance en amont de sa ratification.
Le bref échange que nous venons d'avoir nous aura permis de nous rendre compte que le Gouvernement est incapable de nous dire ce qu'il va décider. Nous ne pouvons nous contenter d'un débat au rabais : on nous propose une simple concertation alors que le Parlement dispose d'un droit d'amendement et de discussion. Le Gouvernement ne peut continuer à nous demander de lui faire confiance et nous accuser de suspicion alors qu'il s'agit d'une question de principe, sauf à transformer le Parlement en instance de concertation et à donner les pleins pouvoirs au Gouvernement. Il me semble que l'on dépasse les bornes !
S'agissant du délit d'entrave au fonctionnement des instances représentatives du personnel, l'objectif n'est pas de remettre en cause le caractère pénal de la sanction encourue, mais de trouver un substitut à la sanction en vigueur, qui constitue un répulsif inutile : inutile parce que jamais appliqué, répulsif parce que donnant l'impression que les conflits du travail en France se régleraient nécessairement par des peines de prison. L'intention du Gouvernement est donc claire. Le ministre nous a d'ailleurs indiqué sa volonté de nous présenter un texte consolidé lors du débat dans l'hémicycle. L'affaire étant circonscrite, ne faisons pas un incendie de ce qui n'est qu'une adaptation.
La Commission rejette les amendements identiques SPE456, SPE933 et SPE1361.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel SPE1840 des rapporteurs.
Elle en vient aux amendements identiques SPE123 de M. Gérard Cherpion et SPE457 de M. Patrick Hetzel.
Plutôt que de stigmatiser l'entreprise, mieux vaudrait repenser le rôle de l'inspecteur du travail. Celui-ci doit être le premier soutien et conseiller du chef d'entreprise. Si cette peine d'emprisonnement est un « répulsif », il y en a d'autres dans le code du travail !
Suivant l'avis défavorable du rapporteur thématique, la Commission rejette les amendements SPE123 et SPE457.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel SPE1841 des rapporteurs.
Elle examine ensuite, en discussion commune, l'amendement SPE1842 rectifié des rapporteurs et l'amendement SPE826 de M. Jean-Louis Roumegas.
L'amendement SPE1842 rectifié a pour objet d'aménager le champ de l'habilitation afin d'y inclure une révision de l'échelle des peines en matière de santé et de sécurité au travail.
L'amendement SPE826 est retiré.
Avis favorable à l'amendement des rapporteurs.
La Commission adopte l'amendement SPE1842 rectifié.
Elle aborde ensuite les amendements identiques SPE124 et SPE638 de M. Gérard Cherpion et SPE455 de M. Patrick Hetzel.
Les sanctions pénales constituent un instrument de dissuasion. Même si elles ne sont jamais appliquées, il convient de les maintenir. Mais dès lors que le ministre s'engage à nous présenter un texte précis en séance publique, je retire mes amendements.
Les amendements sont retirés.
Puis la Commission adopte successivement les amendements rédactionnels SPE1724 et SPE1725 des rapporteurs.
Elle adopte l'article 85 modifié.
Après l'article 85
La Commission est saisie de l'amendement SPE565 de M. Francis Vercamer.
Cet amendement vise à adjoindre aux agents de contrôle de l'inspection du travail des collaborateurs bénévoles susceptibles de jouer le rôle de conciliateurs du travail, à l'image du rôle de conciliateur de justice. En liaison avec les inspections du travail, ils pourraient jouer un rôle de filtre des demandes adressées aux agents de contrôle, un rôle de médiateur entre salariés et employeurs, tout particulièrement pour les petites et moyennes entreprises, et un rôle dans la transmission d'informations à l'inspection du travail.
Le Gouvernement partage la philosophie de votre amendement qui vise à instaurer des modes alternatifs de règlement des conflits. Cela étant, les différends entre employeurs et salariés ne relèvent pas de la compétence de l'inspection du travail, mais bien des conseils de prud'hommes.
La conciliation est un élément important. Les dispositifs complémentaires dont nous avons débattu participent de cette philosophie, mais toute évolution de ces dispositifs nécessiterait que l'on révise le livre Ier du code du travail, ce qui suppose un dialogue social préalable. La préoccupation sous-jacente à cet amendement étant partiellement satisfaite à l'article 85, et compte tenu des contraintes de procédure que je viens de citer, je vous invite à retirer votre amendement.
Loin de se situer dans le contexte d'un litige, cette proposition vise précisément à l'éviter en favorisant le dialogue.
À la lecture de votre amendement, il me semble que je peux considérer comme un litige ce que vous appelez « différend », d'autant que vous y évoquez un « préalable » à une démarche contentieuse. C'est pourquoi je m'associe aux propos du ministre.
À vrai dire, je m'étais posé la question de savoir si le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes ne pouvait pas être saisi avant tout litige, à l'image de la procédure suivie par les juges consulaires : dans le cadre de cette dernière, lorsqu'une entreprise est confrontée à des difficultés mais qu'elle n'est pas en état de cessation de paiement, intervient une cellule de prévention des difficultés des entreprises – présente dans la plupart des tribunaux de commerce de France. Les entreprises ont ainsi la possibilité de s'adresser à une juridiction afin de recueillir ses conseils. Cela étant, la formalisation de la conciliation pré-litigieuse est presque impossible car, pour qu'il puisse y avoir conciliation, il faut nécessairement qu'il y ait litige. C'est pourquoi je maintiens mon avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement SPE565.
Article 86 : Modification du régime des impatriés
La Commission aborde l'amendement SPE934 de Mme Jacqueline Fraysse.
Pour recruter de hauts cadres étrangers, les entreprises françaises leur proposent des primes d'« impatriation » en sus d'une rémunération élevée. Quant à l'État, il a instauré un régime fiscal favorable à ces cadres en les exonérant d'impôt sur une partie de leur rémunération. Toutefois, en l'état du droit, ce régime plus avantageux n'est pas maintenu lorsque, bien que résidant toujours en France, l'impatrié change d'employeur ou d'entreprise. L'article 86 vise donc à maintenir ce régime fiscal plus favorable en cas de mobilité et ainsi à élargir cette niche fiscale. À l'heure où nous réclamons une fiscalité plus juste et plus lisible, il ne nous paraît pas judicieux de multiplier les dérogations. C'est pourquoi nous proposons de supprimer cet article.
Vous avez bien rappelé la nature du dispositif, dont l'enjeu budgétaire est extrêmement réduit : le régime d'impatrié, qui ne concerne que quelques cadres dirigeants de haut niveau, permet aux entreprises de leur offrir des rémunérations compétitives à l'échelle internationale. Le dispositif consiste en effet à exonérer d'impôt, pendant cinq années, 30 % des primes d'impatriation.
La mesure ici proposée consiste à simplifier le régime en vigueur en permettant aux salariés impatriés, lorsqu'ils changent de fonction au sein d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises établi en France, de conserver le bénéfice dudit régime. Objectivement, cela n'altère en rien sa nature ni sa philosophie. Il s'agit simplement de mettre fin aux situations aberrantes auxquelles les impatriés ont pu être confrontés. Annoncée par le Président de la République lors du Conseil stratégique de l'attractivité, cette mesure est particulièrement attendue par les groupes internationaux qui opèrent en France. Elle s'accompagnera de dispositions complémentaires qui seront soutenues dans les prochains mois par d'autres ministres, tel le « passeport talents » qui sera présenté par le ministre de l'intérieur.
Institué en loi de finances, ce régime, qui relève du code général des impôts, a une durée de validité de cinq ans. L'article 86 ne vise qu'à simplifier son application dans l'hypothèse où un impatrié déjà en poste en France changerait d'employeur au cours de ces cinq années. Je vois donc mal comment on pourrait justifier le traitement fiscal différencié d'un tel impatrié, compte tenu du principe d'égalité.
La Commission rejette l'amendement SPE934.
Puis elle adopte l'article 86 sans modification.
Après l'article 86
La Commission examine l'amendement SPE555 de M. Francis Vercamer.
Cet amendement vise à favoriser le recours au télétravail, enjeu important pour la modernisation de notre pays. Je rappelle que le télétravail peine à se développer en France : seuls 16 % des salariés sont concernés, contre 40 % au Royaume-Uni. Créer de nouvelles possibilités en la matière permettrait de renforcer l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle, d'améliorer les conditions de travail des salariés et de désengorger les transports.
Je partage l'objectif poursuivi dans cet amendement. Les chiffres cités par M. Zumkeller sont tout à fait justes et le télétravail doit être développé, surtout dans certaines régions. Néanmoins, le dispositif proposé paraît déroger au système actuel. Je considère plutôt cette proposition comme un amendement d'appel nous incitant à réfléchir au sujet. Nous pourrions d'ailleurs envisager dans les prochaines semaines de commander un rapport à cet effet, car aussi bien les centres d'appel que les centres de service partagé et le télétravail permettraient de relancer l'activité dans certaines régions.
Il s'agissait effectivement d'un amendement d'appel, que je retire dans l'espoir que le sujet soit retravaillé.
L'amendement SPE555 est retiré.
Section 3
Le dialogue social au sein de l'entreprise
Article 87 : Suppression de la compétence administrative en matière préélectorale
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels SPE1574, SPE1576 et SPE1577 des rapporteurs.
Puis elle adopte l'article 87 modifié.
Article 88 : Congés de formation économique, sociale ou syndicale
La Commission adopte l'article 88 sans modification.
Après l'article 88
La Commission est saisie de l'amendement SPE990 rectifié de M. Jean-Frédéric Poisson.
La rédaction qui nous est soumise pose des difficultés juridiques et techniques. Le site de vote retenu doit en effet permettre d'assurer à la fois la confidentialité des données transmises et une stricte égalité de traitement en matière d'accès au vote électronique des salariés au sein de l'entreprise. La loi prévoit d'ores et déjà l'instauration du vote électronique par le biais d'un accord d'entreprise ou de groupe mais non par le biais d'un accord d'établissement, ce afin de garantir l'égalité de traitement entre les salariés d'une même entreprise. Il ne nous paraît donc pas opportun de permettre, au sein d'une même entreprise, le recours au vote électronique d'une manière qui ne soit pas uniforme pour l'ensemble des salariés.
Le ministre n'ayant pas d'objection de principe à ce sujet, nous essaierons de trouver une rédaction idoine d'ici à l'examen du texte en séance publique. En attendant, je retire mon amendement.
L'amendement SPE990 rectifié est retiré.
Article 89 : Transmission du procès-verbal des élections aux organisations syndicales
La Commission adopte l'article 89 sans modification.
Article 90 : Inscription d'office à l'ordre du jour du CHSCT des consultations obligatoires
La Commission adopte l'amendement rédactionnel SPE1578 des rapporteurs.
Puis elle adopte l'article 90 modifié.
Article 91 : Banque de données unique
La Commission examine l'amendement SPE936 de Mme Jacqueline Fraysse.
La loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi prévoit la création d'une base de données comprenant de nombreuses informations à destination des représentants du personnel. L'article 91 du projet de loi vient en préciser les modalités d'utilisation. Cependant, lorsque l'employeur doit fournir des informations obligatoires au comité d'entreprise, il n'est pas précisé qu'il doit en informer les salariés. Il peut donc se contenter de publier ces informations dans la base de données. Mais, s'il n'en prévient pas les salariés, ceux-ci ne pourront le deviner. Notre objectif est de faire en sorte que l'employeur en informe les représentants du personnel.
Cette base de données a été conçue comme support d'un dialogue de proximité devant permettre aux élus d'exercer utilement leurs compétences respectives. Le Gouvernement comprend l'esprit de votre amendement, qui vise à assurer au salarié une information pertinente en temps utile. Néanmoins, cela relève de la négociation entre partenaires sociaux. La négociation relative à la modernisation du dialogue social ou la réflexion menée dans le cadre du bilan de la loi relative à la sécurisation de l'emploi en sont le bon cadre. C'est pourquoi je vous propose de ne pas faire figurer ces dispositions dans la loi et, à ce stade, de laisser les partenaires sociaux négocier.
Cet amendement me semble satisfait par l'article R. 2323-7-3 du code du travail, aux termes duquel l'employeur informe les représentants du personnel de l'actualisation de la base de données précitée selon des modalités qu'il détermine et en fixe les modalités d'accès.
Dans ces conditions, je retire mon amendement. Cela étant, monsieur le ministre, la nécessité pour l'employeur d'informer les salariés du fait qu'il vient de modifier les informations présentées dans cette base de données ne devrait pas relever du dialogue social mais du bon sens.
Je partage votre préoccupation. Mais s'il s'agit d'une disposition de bon sens, alors il est inutile de la faire figurer dans la loi. Je souhaitais simplement souligner que l'évolution de ces normes suppose le recours au dialogue social.
L'amendement SPE936 est retiré.
La Commission adopte l'article 91 sans modification.
Après l'article 91
La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques SPE253 de M. Jean-Frédéric Poisson et SPE420 de M. Patrick Hetzel, ainsi que les amendements SPE1043 et SPE1044 de M. Jean-Christophe Fromantin.
Puisque le projet de loi vise à relancer la croissance et l'activité dans notre pays, nous proposons de supprimer les dispositions de la loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, dite loi « Florange » qui entravent celles-ci.
Ainsi, je le précise, qu'un article de la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, adaptant aux PME l'une des dispositions de la loi « Florange ». En effet, ces dispositions jettent le discrédit sur l'ensemble des chefs d'entreprise et instaurent un climat de méfiance, alors que le Gouvernement a exprimé le souhait de relancer la croissance et l'activité.
La loi du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle a instauré l'obligation pour le chef d'entreprise de chercher un repreneur en cas de projet de fermeture d'un établissement. Cette disposition étant circonscrite à un nombre limité de cas, elle ne me semble pas de nature à inquiéter outre mesure les chefs d'entreprise. Elle a d'ailleurs déjà permis, dans plusieurs cas, de sauver une centaine d'emplois. Elle contribue plutôt à améliorer le dialogue social au sein de l'entreprise. Elle assure un équilibre entre la nécessité de maintenir une liberté de gestion de l'entreprise et celle de préserver l'emploi sur le territoire concerné. En outre, elle comporte une disposition prévoyant qu'un rapport sera remis au Parlement dans un délai d'un an à compter de sa promulgation. Ce sera l'occasion d'établir un premier bilan de ces mesures.
À titre personnel, je considère que ce dispositif rejoint la philosophie des dispositions que vous avez adoptées il y a un peu plus de vingt-quatre heures s'agissant des procédures collectives. Celles-ci consistent à permettre de trouver un nouveau projet d'entreprise lorsque le projet existant n'est plus poursuivi.
Les dispositions de la loi « Florange » ne sont pas aussi anxiogènes qu'on a pu le dire, même si elles ont crispé certaines organisations patronales. Le législateur ayant prévu que ce texte soit évalué, j'émets un avis défavorable à ces amendements.
Cette loi tend à favoriser les entrepreneurs qui souhaitent continuer à entreprendre sur le territoire national. Les dispositions que vous visez ne concernent que ceux qui, ayant décidé de se délocaliser afin de supporter des coûts moins élevés ailleurs, refusent absolument que leur activité soit reprise par tout autre entrepreneur, alors même qu'elle a encore un avenir.
Il nous paraît trop facile de quitter le territoire en laissant à d'autres le soin de payer les cotisations patronales et les indemnités de licenciement des salariés qu'on a mis au chômage, et cette loi nous semble parfaitement compatible avec l'esprit d'entreprise. C'est bien parce que nous avons constaté dans de nombreux cas que l'on avait fermé la porte à des repreneurs potentiels que nous l'avons adoptée.
Nous nous apprêtons à examiner une série d'amendements portant sur des sujets qui nous opposent régulièrement. Or je ne suis pas favorable à ce que l'on rouvre systématiquement des débats ayant déjà eu lieu. La discussion de la loi « Florange » ayant déjà été tranchée, j'émets un avis défavorable à ces amendements.
Nous allons les retirer. Je comprends que vous vous lassiez de nous voir revenir constamment sur des dispositions qui nous paraissent défavorables à l'économie française. Si nous nous répétons, c'est parce que c'est là une des lois de la pédagogie. Nous redéposerons donc cet amendement en séance publique.
Les amendements SPE253 et SPE420 sont retirés.
Quant aux amendements défendus par M. Zumkeller, ils relèvent d'une logique similaire, même s'ils concernent un autre dispositif, au sujet duquel le Premier ministre a confié une mission à une députée afin de dissiper les inquiétudes qui ont pu apparaître. Avis défavorable, donc.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements SPE1043 et SPE1044.
La Commission examine ensuite les amendements SPE1069 rectifié et SPE1062 rectifié de M. Jean-Luc Laurent.
Ces amendements visent à améliorer la gouvernance des entreprises et à constituer l'« alliance des producteurs », indispensable à la croissance et à l'activité. Il s'agit de renforcer la présence des salariés dans les instances dirigeantes des entreprises. La loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, qui a transposé l'accord national interprofessionnel – ANI – du 11 janvier 2013, a ouvert à deux représentants des salariés les conseils des entreprises comptant plus de 5 000 employés. Le premier amendement propose d'augmenter ce nombre de deux à quatre ; le second a pour objet la suppression de conditions restreignant cette présence – implantation du siège social en France et existence d'un comité d'entreprise – et d'abaisser le critère de taille de 5 000 à 1 000 salariés.
Mes propositions suivent les recommandations du rapport de M. Louis Gallois sur la compétitivité, et je regrette que la loi de transposition de l'ANI soit restée en retrait des préconisations de l'ancien commissaire général à l'investissement.
Vous avez raison, monsieur Laurent, sur le degré d'ambition élevé du rapport Gallois par rapport à la loi de juin 2013. J'émets néanmoins une réserve sur le seuil, car il convient de mener progressivement ces évolutions et nous ne disposons pas de suffisamment de recul pour évaluer les effets de ce texte législatif. La rédaction de ce dernier permet d'ailleurs à beaucoup d'entreprises, selon leur forme juridique, de contourner cette obligation. J'ai exprimé cette préoccupation devant le Haut Comité de gouvernement d'entreprise, organe indépendant qui rend des avis à la demande de l'Association française des entreprises privées – AFEP – et du Mouvement des entreprises de France – MEDEF –, et à qui j'ai commandé un rapport sur le sujet.
Je partage la philosophie de votre premier amendement, mais nous devons réfléchir à sa bonne traduction juridique sachant que nous souhaitons limiter le nombre total d'administrateurs. Je vous demande de retirer votre amendement et m'engage à préparer avec vous d'ici à la séance un amendement qui serve votre ambition tout en étant sûr juridiquement. En revanche, j'émets un avis défavorable à l'adoption du second amendement.
Nous devons stimuler l'« alliance des producteurs », comme nous l'avons déjà fait à l'occasion de la réforme de l'actionnariat salarié et de l'épargne salariale.
Je retire les deux amendements et forme le voeu que nous pourrions aboutir en séance à l'adoption d'une disposition permettant d'élargir la représentation des salariés dans les instances de gouvernance des entreprises. Les salariés doivent en effet être associés à la définition des intérêts stratégiques des entreprises.
Les amendements SPE1069 rectifié et SPE1062 rectifié sont retirés.
Les amendements identiques SPE254 de M. Jean-Frédéric Poisson et SPE421 de M. Patrick Hetzel sont retirés.
La Commission étudie les amendements SPE835 et SPE829 de M. Francis Vercamer.
L'examen des données fiscales met en lumière le grand nombre d'entreprises dont les effectifs se situent juste en dessous des seuils sociaux ; ceux-ci pourraient donc expliquer les difficultés rencontrées par les entreprises françaises à atteindre une taille critique pour leur positionnement international. Sans ces seuils, la probabilité qu'une entreprise employant neuf salariés en embauche un supplémentaire passerait de 24 % à 29 % et augmenterait respectivement de neuf et de quatorze points pour celles comptant 19 et 49 salariés. Sans remettre en cause l'organisation des institutions représentatives du personnel, le présent amendement vise à porter le seuil de 11 salariés à 21 et celui de 50 salariés à 60, le franchissement de ce dernier déclenchant la mise en oeuvre de trente-cinq obligations nouvelles.
Le Gouvernement partage votre raisonnement puisque nous avons ouvert une négociation relative à la modernisation du dialogue social dont l'un des thèmes porte sur la réforme des seuils sociaux. Néanmoins, si votre proposition pourrait certes créer des emplois, j'émets un avis défavorable à son adoption car la discussion entre les partenaires sociaux a lieu actuellement. Ceux-ci se réunissent d'ailleurs le 22 janvier prochain et s'ils parvenaient à un accord, le Gouvernement vous le soumettrait pour le transcrire dans la loi.
Je retire mes amendements, mais nous suivrons de près les résultats de cette négociation, car on nous dit depuis des années qu'un accord va intervenir sur ce sujet et tel n'est toujours pas le cas.
Les amendements SPE835 et SPE829 sont retirés.
La Commission en vient à l'amendement SPE585 de Mme Laure de La Raudière.
Cet amendement propose de geler les seuils sociaux à titre expérimental et pour une durée de trois ans dans les entreprises employant de onze à cinquante salariés. Il serait procédé à une évaluation du dispositif au bout de cette période.
Pour les raisons que je viens d'évoquer, je vous demande de retirer votre amendement.
L'amendement SPE585 est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement SPE683 de M. Francis Vercamer.
Cet amendement concerne le financement des organisations syndicales de salariés qui doit reposer sur la représentativité issue des élections professionnelles pour que la démocratie sociale soit plus efficace et plus transparente.
La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale fixe un cadre au financement des organisations syndicales de salariés et professionnelles d'employeurs. Les dotations de l'État concernent la formation syndicale, économique et sociale et la participation de ces organisations aux politiques publiques. Vous proposez de revoir les principes posés par ce texte législatif, alors que la négociation sociale en cours pourrait avoir un impact sur les critères de représentativité ; les organisations syndicales et professionnelles étudieront le fonctionnement et les conséquences de la représentation au sein de l'entreprise. Puisque nous avons voté récemment une loi sur ce sujet, j'émets un avis défavorable à l'adoption de votre amendement.
Comme vient de l'expliquer le ministre, la loi est très récente et le fonds paritaire de financement des organisations syndicales et professionnelles n'existe que depuis le 1er janvier dernier. Il s'avérerait donc singulier de modifier une règle à peine entrée en vigueur. Si les partenaires sociaux souhaitent la faire évoluer, nous prendrions en compte cet élément nouveau, mais notre majorité n'a pas à agir si peu de temps après avoir adopté une loi. J'émets donc un avis défavorable à l'adoption de cet amendement.
S'agissant des seuils, attendons de voir ce qu'en pensent les partenaires sociaux.
La Commission rejette l'amendement SPE683.
Puis elle aborde les amendements identiques SPE701 de M. Charles de Courson et SPE705 de M. Francis Vercamer.
Ces amendements visent à rendre toute sa place au dialogue social en précisant qu'une convention ou un accord collectif professionnel ou interprofessionnel peuvent déroger aux dispositions du code du travail, à l'exception de celles touchant aux principes fondamentaux.
Plusieurs économistes et juristes, comme MM. Jacques Barthélémy et Gilbert Cette, portent cette proposition consistant à inverser l'ordre public social. Cela supposerait toutefois que le législateur définisse le socle minimal commun à la suite d'une négociation approfondie et ambitieuse – celle qui se déroule en ce moment pouvant en constituer l'indispensable premier pas ; nous ne pouvons pas adopter cette mesure par un amendement à ce texte et j'émets donc un avis défavorable à son approbation.
Les amendements SPE701 et SPE705 sont retirés.
Article 92 : Acquittement partiel de l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés pour les travailleurs indépendants handicapés
La Commission est saisie de l'amendement SPE1369 de Mme Barbara Pompili.
Je retire notre amendement, mais je souhaite pointer le danger d'un effet aubaine pour des entreprises faisant appel à des travailleurs handicapés indépendants.
Monsieur Roumegas, je vous remercie de retirer votre amendement. Cet article 92 transcrit dans la loi la mesure décidée le 25 septembre 2013 par le Comité interministériel du handicap, visant à soutenir l'activité indépendante de personnes handicapées, les collaborations suscitées par les contrats de sous-traitance pouvant favoriser des recrutements.
Monsieur Roumegas, je ne vois pas pourquoi il devrait exister un traitement discriminatoire entre travailleurs handicapés selon qu'ils sont salariés ou indépendants. C'est le handicap qui compte, pas le régime juridique ! Cet article répond à une demande d'associations de travailleurs handicapés indépendants souhaitant bénéficier des mêmes avantages que les entreprises employant des salariés handicapés.
L'amendement SPE1369 est retiré.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels SPE1816 et SPE1817 des rapporteurs.
Puis elle adopte l'article 92 modifié.
Article 93 : Acquittement partiel de l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés pour les périodes de mises en situation en milieu professionnel
La Commission examine les amendements identiques SPE937 de Mme Jacqueline Fraysse et SPE1370 de Mme Barbara Pompili, ainsi que l'amendement SPE1895 des rapporteurs.
L'article L. 5212-7 du code du travail prévoit que l'accueil des stagiaires en situation de handicap permet à un chef d'entreprise de remplir partiellement son obligation d'employer des travailleurs handicapés, même si le pouvoir réglementaire a encadré cette possibilité. L'article 93 du projet de loi propose d'étendre cette dérogation pour l'ouvrir aux périodes de mise en situation en milieu professionnel ; nous contestons cette disposition qui permettrait aux entreprises de se dédouaner davantage de leurs obligations d'emploi de personnes handicapées. Il s'avérerait plus judicieux d'élaborer des mesures incitatives à l'embauche de personnes handicapées. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
La loi pose une obligation d'emploi des personnes handicapées, et les stages ne sont pas des embauches. Cependant, le rapporteur thématique a présenté un amendement réglant le problème que nous pointons, si bien que je retire mon amendement.
Je ne partage pas votre inquiétude, madame Fraysse. En effet, cet article vise à aider les personnes reconnues comme handicapées qui ont perdu le contact avec l'emploi, et à qui les périodes de mise en situation en milieu professionnel permettront de renouer avec le monde de l'entreprise. Les employeurs peuvent déjà contourner leur obligation de compter 6 % de salariés handicapés en contribuant à l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (AGEFIPH) ; tout ce qui permet de favoriser l'insertion d'une personne handicapée dans l'emploi me paraît préférable au versement d'une somme d'argent. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable à l'adoption de votre amendement.
En revanche, comme l'objectif réside dans le développement d'emplois stables pour les travailleurs handicapés, je propose, par l'amendement SPE1895, que les stagiaires handicapés et que les personnes handicapées bénéficiant de périodes de mise en situation en milieu professionnel ne puissent représenter que 2 % des salariés de l'entreprise.
Cet article incitera les entreprises à accueillir des personnes handicapées car elles pourront constater, lors des stages, l'intérêt de les embaucher.
Tel que rédigé, l'article 93 favorise l'insertion professionnelle des personnes handicapées.
Cependant je souhaite améliorer la rédaction de mon amendement ; je le retire et je le redéposerai en séance publique.
Les amendements SPE937, SPE1370 et SPE1895 sont retirés.
La Commission adopte l'article 93 sans modification.
Article 94 : Habilitation à prendre par ordonnance des mesures pour remplacer, outre-mer, le contrat d'accès à l'emploi par le contrat initiative emploi et pour y abroger le contrat d'insertion par l'activité
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels SPE1818 et SPE1924 des rapporteurs.
Puis elle adopte l'article 94 modifié.
Après l'article 94
La Commission aborde l'amendement SPE568 de M. Francis Vercamer.
Cet amendement vise à inscrire l'intérêt social de l'entreprise dans la loi, afin de permettre aux administrateurs et aux partenaires du dialogue social de se saisir des sujets liés aux impacts économiques, environnementaux et sociétaux de l'activité de leur entreprise.
Je partage l'ambition portée par cet amendement, et nous avions d'ailleurs essayé d'introduire une mesure analogue dans ce texte, la définition de l'entreprise dans le code civil s'avérant inadaptée puisqu'elle n'évoque que le capital et ne reflète donc pas la vie de l'entreprise ni l'ambition que portent ce projet de loi et nos débats.
S'il importe d'introduire la notion d'intérêt social dans le code civil, ce sujet éminemment complexe a soulevé beaucoup d'observations du Conseil d'État car elle engendrerait des conséquences non négligeables pour les entrepreneurs et pour la définition de l'abus de bien social. Nous n'avons donc pas retenu une telle disposition dans le projet de loi et j'émets un avis défavorable à l'adoption de votre amendement, mais le Gouvernement continuera de travailler sur ce sujet afin de présenter un projet au Parlement dans quelques mois.
L'amendement SPE568 est retiré.
La Commission étudie les amendements identiques SPE125 de M. Gérard Cherpion et SPE458 de M. Patrick Hetzel.
Cet amendement vise à abroger l'article L. 124-8 du code de l'éducation. La loi du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l'encadrement des stages et à l'amélioration du statut des stagiaires a mis en place un quota maximal de stagiaires par entreprise, ce qui tarira l'offre de stages alors que ceux-ci constituent une étape importante dans la validation d'un cursus. Les entreprises innovantes engagent beaucoup de jeunes stagiaires qu'elles forment avec une haute valeur ajoutée.
La loi encadrant les stages a d'ores et déjà entraîné une contraction de l'offre de stages.
Le Parlement a encadré les stages en votant une proposition de loi du groupe SRC qui était en fait, à mon humble avis, une fausse bonne idée engendrant de nombreux effets pervers. Pour autant, multiplier le nombre de stagiaires dans une entreprise n'est pas une bonne solution, et il convient de réfléchir aux moyens d'endiguer ce phénomène, mais la loi récente ne s'avère pas satisfaisante. En tant que membre du Gouvernement, je dois néanmoins émettre un avis défavorable à l'adoption de votre amendement.
Mon avis est également défavorable. Des universités et des établissements d'enseignement supérieur ont élaboré des dispositifs visant à adapter les stages à la nouvelle réglementation ; ces solutions nous dispenseront de modifier la loi du 10 juillet 2014.
La Commission rejette les amendements SPE125 et SPE458.
Puis elle en vient à l'amendement SPE570 de M. Francis Vercamer.
Chacun connaît l'importance de la formation et cet amendement vise à accroître le volume de formation continue en encourageant par une incitation fiscale toute personne salariée ou en recherche d'emploi souhaitant abonder son compte personnel de formation – CPF.
Le CPF n'est en vigueur que depuis le 1er janvier et les représentants des cadres estiment que la mise en oeuvre de la mesure proposée par cet amendement constituerait une mauvaise idée, car elle inciterait les entreprises à laisser les salariés financer leur formation plutôt que de négocier l'abondement du CPF. Attendons le plein déploiement du CPF et évaluons-le dans quelques années.
Nous ne souhaitons pas créer de nouveaux dispositifs fiscaux alors que le CPF vient juste d'entrer en application. J'émets donc un avis défavorable à l'adoption de votre amendement.
Je suis du même avis, d'autant que nous ne disposons pas d'étude d'impact évaluant les conséquences financières de cette incitation fiscale.
La Commission rejette l'amendement SPE570.
Puis elle est saisie de l'amendement SPE561 de M. Francis Vercamer.
Le groupe UDI est très attaché aux emplois de service à la personne, qui sont l'une des mesures phare du plan de cohésion sociale de M. Jean-Louis Borloo, si profitable pour l'économie de notre pays. Depuis deux ans, le secteur des services à la personne connaît une dégradation inédite et une recrudescence du travail au noir. En 2013, 29,5 millions d'heures de moins ont été déclarées que l'année précédente, soit près de 16 500 emplois équivalents temps plein – ETP – détruits ; pour la première fois, la masse salariale nette du secteur des particuliers employeurs a reculé, à hauteur de 2,2 %. L'allègement du coût du travail de 75 centimes d'euros par heure s'avère insuffisant et nous proposons de l'amplifier pour redonner du souffle à ce dispositif créateur d'emplois.
Un dispositif en faveur des particuliers employeurs a déjà été adopté en décembre : vous le jugez insuffisant, mais il a un coût pour les finances publiques. Il convient de dynamiser ce secteur, important pour la croissance et l'emploi, non plus en subventionnant davantage la demande par des mécanismes de défiscalisation mais en réfléchissant aux moyens de mieux organiser l'offre. Je porterai cette ambition, en lien avec la Commission nationale des services – CNS.
Monsieur Zumkeller, nous avons déjà eu ce débat en décembre dernier lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale – PLFSS – pour 2015, et il s'avère prématuré de revenir sur le dispositif proposé alors par M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget.
Un rapport de la Cour des comptes a fait état des incertitudes portant sur les effets des aides aux services à la personne. Parmi ces derniers, nous pourrions soutenir davantage ceux liés à l'enfance et aux personnes âgées, tout en veillant à ne pas encourager la reconstitution d'une abondante domesticité comme au XIXe siècle. J'émets un avis défavorable à l'adoption de votre amendement.
Le plan de cohésion sociale de M. Jean-Louis Borloo était très novateur et a porté ses fruits, si bien que nous n'avons aucune leçon à recevoir en termes d'inventivité. Quant à la domesticité, je ne pensais pas que vous en étiez encore là, car ces dispositions permettent à des gens de travailler, ce qui est le plus important.
La Commission rejette l'amendement SPE561.
Puis elle aborde l'amendement SPE550 de M. Francis Vercamer.
Cet amendement vise à lancer un débat, celui du contrat de travail unique. Nous devons étudier ce système, car le contrat de travail à durée indéterminée – CDI – se trouve à la dérive aujourd'hui.
Le contrat de travail unique est un vrai et ancien sujet. Plusieurs ministres de la majorité précédente ont tenté de le mettre sur la table et des lauréats du prix Nobel d'économie ont défendu son instauration.
Les quatre cinquièmes des contrats sont, en France, des CDI, mais les embauches se font à 90 % en contrats à durée déterminée – CDD. L'économie s'est adaptée à la rigidité du CDI, contrat très protecteur.
Le contrat de travail unique répond moins à une préoccupation de création d'emplois que de résolution des problèmes causés par le dualisme du marché du travail. Le CDD rend difficile l'accès au crédit et à une vie familiale stable. Une époque de chômage de masse comme la nôtre n'est pas adaptée à la mise en oeuvre du contrat de travail unique car, si nous lançons une négociation pour en définir les critères, ceux-ci s'avéreront plus exigeants que l'actuel CDD ; un tel contrat serait aujourd'hui plus contraignant en termes de création d'emplois. Il conviendra d'ouvrir cette réflexion, utile au regard de la justice sociale, en période de croissance et de chômage faible.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur thématique, la Commission rejette l'amendement SPE550.
Puis elle examine les amendements identiques SPE117 de M. Gérard Cherpion et SPE447 de M. Patrick Hetzel.
En vue de soutenir la croissance et l'activité, ce qui devrait plaire à M. le ministre, cet amendement propose de simplifier la procédure de signature des accords d'aménagement du temps de travail. Comme actuellement, ceux-ci pourront être collectifs, mais nous proposons qu'ils puissent également être signés par l'employeur et les représentants du personnel de l'entreprise après une négociation au sein du comité d'entreprise ou une ratification par une majorité des deux tiers du personnel d'un projet présenté par l'employeur.
Nous avons déjà débattu cette idée à l'occasion du dépôt de votre proposition de loi, monsieur Cherpion, et je n'ai pas changé de position. Les personnes pouvant signer un accord d'aménagement du temps de travail doivent être qualifiées et disposer d'une culture syndicale, car il s'agit d'un acte important. J'émets un avis défavorable à l'adoption de votre amendement.
La Commission rejette les amendements SPE117 et SPE447.
Puis elle étudie, en discussion commune, les amendements identiques SPE116 de M. Gérard Cherpion et SPE446 de M. Patrick Hetzel, ainsi que les amendements identiques SPE558 de M. Francis Vercamer et SPE681 de M. Philippe Vigier.
La loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi a instauré une durée minimale de temps de travail de 24 heures par semaine. Cette idée semblait intéressante, mais son application se solde par un échec que vous avez-vous-même reconnu à demi-mot, monsieur le ministre ; il convient donc d'abroger cette disposition.
Cette disposition résulte d'un accord entre les partenaires sociaux, si bien qu'il est difficile de revenir sur son existence. Les accords de branche permettent de déroger à l'obligation légale définissant le temps partiel à vingt-quatre heures ; plusieurs branches rencontrent des difficultés pour signer des accords, et seules quarante en ont conclu dont trente-trois sont d'ores et déjà étendus. Les négociations se poursuivent dans une trentaine de branches.
La loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises a permis de sécuriser juridiquement le refus éventuel de l'employeur en cas d'impossibilité d'accéder à la demande d'un salarié de revenir à vingt-quatre heures de travail. Par ailleurs, le Conseil d'État examine actuellement une ordonnance qui sera bientôt publiée et qui sécurisera la procédure de dédit du salarié afin de lui accorder une priorité d'accès aux vingt-quatre heures s'il travaille actuellement moins longtemps.
Pour mettre en oeuvre ce dispositif ambitieux, il convient de trouver les mécanismes d'application capables d'atteindre les objectifs fixés et de tirer les leçons de ces difficultés. Le Gouvernement continue d'identifier les obstacles empêchant la signature d'accords et à réfléchir à l'adaptation progressive du système, par exemple dans le domaine des soins à domicile. Nous ne souhaitons pas son abrogation et j'émets donc un avis défavorable à l'adoption de ces amendements.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur thématique, la Commission rejette successivement ces amendements SPE116, SPE446, SPE558 et SPE681.
Puis elle en vient à l'amendement SPE557 de M. Francis Vercamer.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur thématique, la Commission rejette l'amendement SPE557.
Puis elle examine les amendements identiques SPE126 rectifié de M. Gérard Cherpion et SPE459 rectifié de M. Patrick Hetzel.
Une mission conduite par M. Michel de Virville réfléchit actuellement à l'application du compte personnel de pénibilité ; dans le même temps, M. Gérard Huot, chef d'entreprise, et votre collègue Christophe Sirugue se penchent sur les critères de ce compte. Les quatre premiers d'entre eux sont entrés en vigueur le 1er janvier dernier et les six autres seront mis en oeuvre le 1er janvier prochain. L'ouverture des droits individuels a eu lieu, et l'enjeu réside dans la conciliation entre l'avancée sociale constituée par la prise en compte de la pénibilité et l'absence de contraintes trop lourdes pour la vie quotidienne des entreprises. Il convient à la fois de ne pas recréer des mécanismes de préretraite et de régimes spéciaux, de ne pas bâtir un système suradministré qui serait insoutenable pour les entreprises, et de faire vivre cette belle idée de droits individuels intégrant les difficultés réelles que vivent les salariés.
J'émets un avis défavorable à l'adoption des amendements, mais le Gouvernement souhaite que ce dispositif soit adapté aux entreprises, notamment aux plus petites d'entre elles.
La création du compte personnel de pénibilité répond à l'écart d'espérance de vie de six ans existant entre un ouvrier et un cadre âgés de 35 ans. Nous devons continuer de réfléchir à l'application pertinente de ce compte, mais il ne faut pas revenir sur son principe.
La mise en oeuvre des quatre premiers critères pèse déjà lourdement sur la vie des entreprises.
La Commission rejette les amendements SPE126 rectifié et SPE459 rectifié.
Puis elle étudie les amendements identiques SPE118 de M. Gérard Cherpion et SPE448 de M. Patrick Hetzel.
Le Gouvernement souhaite dresser un premier bilan des accords dits défensifs de maintien dans l'emploi ; en vertu de la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social – dite loi Larcher –, une négociation des partenaires sociaux sera nécessaire pour aller plus loin et, éventuellement, reprendre l'esprit de vos amendements. J'émets donc un avis défavorable à leur adoption.
La Commission rejette les amendements SPE118 et SPE448.
La Commission examine l'amendement SPE686 de M. Francis Vercamer.
Afin de pallier l'absence du décret d'application prévu par la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie réglementant les travaux dangereux pour les apprentis mineurs, l'amendement propose de laisser à des accords de branche le soin de définir les métiers dans lesquels les apprentis peuvent accomplir tous les travaux nécessaires à leur formation.
Ce décret maintes fois annoncé commence à ressembler à l'Arlésienne. Je suis intéressé par la réponse du ministre sur ce point.
En tout état de cause, la réglementation relative à l'hygiène et la sécurité relève clairement de l'État. Il me semble inenvisageable de renvoyer cette question aux partenaires sociaux.
Le décret est annoncé pour la fin du mois de février.
L'amendement SPE686 est retiré.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur thématique, la Commission rejette successivement les amendements SPE569, SPE563 et SPE564 de M. Francis Vercamer.
Elle est ensuite saisie de l'amendement SPE571 de M. Francis Vercamer.
J'indique aux auteurs de l'amendement que celui-ci est satisfait depuis longtemps puisque les deux instances – comité de coordination régional de l'emploi et de la formation professionnelle et comité régional pour l'emploi – ont fusionné au sein des comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles, prévus par la loi relative à la formation professionnelle.
L'amendement SPE571 est retiré.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur thématique, la Commission rejette l'amendement SPE724 de M. Thierry Benoit.
Article 95 : Renforcement des sanctions administratives en matière de détachement transnational de travailleurs salariés
La Commission examine les amendements identiques SPE127 de M. Gérard Cherpion et SPE460 de M. Patrick Hetzel.
L'article 95 porte de 10 000 à 150 000 euros le plafond de l'amende administrative applicable en cas de défaut de déclaration préalable de détachement d'un salarié par une entreprise prestataire étrangère. Les députés du groupe UMP avaient approuvé la mise en place d'une obligation de vigilance dans la loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, considérant qu'elle était équilibrée. Or la hausse du plafond de l'amende fait voler en éclat cet équilibre et fait peser une lourde menace financière sur les maîtres d'ouvrage ou les donneurs d'ordre.
Enfin, je reprendrai à mon compte l'argument que vous nous avez régulièrement opposé : pourquoi corriger une loi dont l'encre est à peine sèche ?
J'ajoute que le Gouvernement s'était engagé à ne pas modifier cette disposition. Je m'étonne qu'il puisse revenir ainsi sur sa parole.
Le Gouvernement ne revient pas sur sa parole. Il ne fait qu'écouter avec retard ce que les parlementaires lui avaient demandé naguère, à savoir des sanctions pénales plus fortes. Compte tenu de la gravité du phénomène de détachement abusif de travailleurs, il semble, en effet, opportun d'aggraver l'amende prévue.
Cet amendement est aussi l'occasion d'interroger le Gouvernement sur les décrets d'application. Peut-on enfin espérer leur publication prochaine ?
L'équilibre que vous avez évoqué tient aussi à ce que le maître d'ouvrage n'est pas directement responsable des manquements du prestataire. La loi lui impose une obligation de vigilance.
L'amende prévue est de 2 000 euros par salarié détaché. Le montant total de l'amende plafonné à 10 000 euros ne permet donc de sanctionner que les petites infractions limitées à cinq salariés au maximum. En portant le plafond à 150 000 euros, le projet de loi n'aggrave pas la sanction par salarié ; il permet d'infliger une amende proportionnée à l'ampleur de la fraude, puisque celle-ci peut désormais sanctionner des infractions constatées pour soixante-quinze salariés.
Face aux constats accablants des derniers mois en matière de fraude aux règles du détachement, l'aggravation de la sanction s'impose. Dans certaines entreprises, on a dénombré plus de 200 salariés détachés en situation illégale, ce chiffre justifiant l'augmentation du plafond de l'amende.
Le Gouvernement publiera au cours du premier trimestre les décrets relatifs à la loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, issue du travail de Gilles Savary et de Richard Ferrand.
Je cite les exemples d'une ferme solaire dans le Cantal dans laquelle 300 salariés détachés étaient employés, dont seulement vingt étaient déclarés, ou encore le chantier de Flamanville avec 460 salariés non déclarés. Le plafond de 10 000 euros n'est absolument pas dissuasif, le risque étant quasi nul pour l'employeur. Ce plafond est malheureusement inadapté à l'ampleur de la fraude.
L'idée de déplafonner l'amende ou d'instituer une amende proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé grâce à la fraude mérite d'être étudiée. Il faut toutefois prendre garde, d'une part, à la constitutionnalité du dispositif et, d'autre part, à d'éventuels effets collatéraux indésirables.
Les amendements SPE127 et SPE460 sont retirés.
La Commission adopte l'article 95 sans modification.
Article 96 : Création d'une nouvelle mesure administrative de suspension temporaire d'activité d'un prestataire de services étranger en cas d'infraction grave à des règles fondamentales du droit du travail
La Commission est saisie des amendements identiques SPE128 de M. Gérard Cherpion et SPE461 de M. Patrick Hetzel.
Le projet de loi propose d'ajouter à l'arsenal de sanctions inscrites dans la loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, un nouvel outil de lutte contre la fraude en matière de détachement des travailleurs. Ce dispositif ne manque pas d'intérêt. Néanmoins, l'indigence de l'étude d'impact rend nécessaire son expérimentation afin d'évaluer les conséquences du nouvel outil pour les maîtres d'ouvrage établis en France. La situation du secteur du BTP n'étant guère florissante, il ne faudrait pas que ce dispositif de lutte contre la fraude signe du même coup l'arrêt de mort des entreprises françaises commanditaires.
La mesure administrative de suspension temporaire de l'activité répond au constat de l'urgence face à une infraction grave au droit du travail. En retardant l'effectivité de la mesure, l'expérimentation contribuerait au maintien de situations frauduleuses. Elle serait contraire à l'ambition du Gouvernement de prendre le plus rapidement possible toute la mesure de l'ampleur de la fraude en matière de détachement des travailleurs et de son aggravation.
L'objet de l'article 96 est de doter l'administration des pouvoirs nécessaires pour faire cesser une situation gravement illicite. Il n'est pas besoin d'expérimentation en la matière. Je partage votre inquiétude sur le secteur du bâtiment, mais les organisations de ce secteur sont plutôt favorables à cette mesure.
L'expérimentation enverrait un signal de faiblesse alors que l'incendie est déclaré.
Je me félicite de ce dispositif. Néanmoins, quels sont les moyens prévus pour le mettre en oeuvre ?
Je veux rassurer nos collègues. Le secteur du bâtiment lui-même réclame une extension du champ d'application de la mesure administrative.
La suspension d'activité, qui est déjà prévue par la loi, est rendue plus aisée. Les deux critères – la gravité des faits et la répétition – auxquels la décision était soumise ne sont plus cumulatifs, donnant ainsi plus de souplesse au préfet.
La proposition de loi de MM. Gilles Savary et Richard Ferrand doit donner lieu à deux décrets d'application au cours du premier trimestre. En appui des services existants sur le terrain, 150 agents ont été affectés dans des unités de contrôle spécialisées dans la lutte contre le travail illégal.
Faisant le lien avec la discussion précédente, j'observe que, dans cet article, l'amende n'est pas plafonnée.
La Commission rejette les amendements SPE128 et SPE461.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel SPE1819 des rapporteurs.
La Commission aborde l'amendement SPE1216 de M. Jean-Yves Caullet.
Cet amendement complète la liste des manquements pouvant donner lieu à une suspension temporaire d'activité, en faisant référence au repos quotidien et au repos hebdomadaire.
L'amendement introduit des critères supplémentaires de violation grave du droit du travail pour justifier la suspension temporaire d'activité.
Suivant l'avis favorable du rapporteur thématique, la Commission adopte l'amendement SPE1216.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels SPE1820 à SPE1827 et SPE1832 des rapporteurs.
Elle examine ensuite l'amendement SPE939 de Mme Jacqueline Fraysse.
Le pouvoir de prononcer une sanction doit appartenir aux agents de contrôle qui, à la différence de l'autorité administrative, sont indépendants aux termes de la convention n° 81 de l'OIT. En effet, les directeurs régionaux ou d'unité sont placés directement sous la responsabilité du ministre et du préfet.
Cet amendement tend à donner aux seuls agents de l'inspection du travail le pouvoir d'infliger une amende, l'employeur ayant la possibilité de contester cette décision devant les juges.
L'inspection du travail constate les manquements aux règles tandis que l'autorité administrative inflige l'amende : cette séparation des compétences prévaut dans toutes les procédures prévues dans le code du travail, en vertu de nos engagements européens. J'émets un avis défavorable.
Nous avons déjà débattu de ce point lors de l'examen de l'article 20 du projet de loi sur la formation professionnelle ainsi que de la proposition de loi sur l'inspection du travail. Il est sain et protecteur pour les administrés de distinguer celui qui constate de celui qui sanctionne. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à votre amendement.
Je vous donne acte de ce que nous avons déjà débattu de cette question. Je n'ai toutefois pas changé d'avis faute d'avoir été convaincue. S'il est sain de séparer les pouvoirs, il n'en demeure pas moins que la personne prononçant la sanction n'est pas indépendante.
La Commission rejette l'amendement SPE939.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels SPE1833 et SPE1828 des rapporteurs.
Elle adopte ensuite l'article 96 modifié.
Article 97 : Généralisation obligatoire de la carte d'identité professionnelle du bâtiment
Cet article introduit un moyen de contrôle pertinent mais réservé aux salariés du bâtiment et des travaux publics. Pourtant, il est d'autres secteurs – je pense notamment aux travaux forestiers – pour lesquels cette mesure pourrait être intéressante. Peut-on envisager de l'appliquer à d'autres branches ayant signé des accords ?
Cette mesure a pu être proposée grâce à l'existence d'une caisse de congés payés du bâtiment. Je serai étonné que nous trouvions une solution technique avant la séance pour satisfaire votre demande.
L'idée, avec l'article 97, est d'expérimenter la carte d'identification professionnelle. Je précise que si le secteur du bâtiment est très demandeur, le secteur des travaux publics est plus réservé.
Je vous promets néanmoins d'apporter une réponse à votre question.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels SPE1834, SPE1835, SPE1925, SPE1837 à SPE1839, SPE1851 et SPE1843 des rapporteurs.
Puis elle adopte l'article 97 modifié.
Article 97 bis : Obligation pour les partenaires d'un contrat de transport, de matérialiser par écrit le contrat de transport de marchandises par voie fluviale
La Commission est saisie de l'amendement SPE1927 des rapporteurs.
Cet amendement très technique vise à garantir la sécurité des mariniers. Sans entrer dans le détail, il s'agit de rendre obligatoire la confirmation écrite du contrat de transports de marchandises par voie fluviale avant le déplacement du bateau vers le lieu de chargement. Cet amendement transpose au transport fluvial la lettre de voiture.
Mon nom étant mon seul titre de compétence sur cet amendement, je fais une totale confiance au rapporteur thématique.
La Commission adopte l'amendement SPE1927.
Article 97 ter : Encadrement de la location transfrontalière dans le domaine du transport fluvial de marchandises
Elle en vient à l'amendement SPE1926 des rapporteurs.
Cet amendement encadre la location transfrontalière de bateaux de marchandises en interdisant la location avec équipage afin d'éviter une distorsion de concurrence au détriment des transporteurs français.
La Commission adopte l'amendement SPE1926.
La Commission examine l'amendement SPE1215 de M. Jean-Yves Caullet.
Il s'agit de pouvoir sanctionner le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre qui, informé des conditions indignes d'hébergement des salariés de son sous-traitant, ne prend pas en charge leur hébergement.
Je crois toutefois comprendre que ma préoccupation est satisfaite.
L'amendement SPE1215 est retiré.
Article 98 : Clarification du périmètre d'application des critères de l'ordre des licenciements dans le cadre d'un document unilatéral de l'employeur
La Commission est saisie des amendements identiques SPE129 de M. Gérard Cherpion, SPE462 de M. Patrick Hetzel, SPE940 de Mme Jacqueline Fraysse et SPE1362 M. Jean-Louis Roumegas.
Je retourne au ministre l'argument qu'il nous a opposé s'agissant du temps partiel, de la nécessité de respecter le texte de l'accord national interprofessionnel – ANI. Je l'invite à faire de même s'agissant du périmètre d'application des critères d'ordre de licenciement dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), dont les modalités de fixation avaient été déterminées par l'ANI sur la sécurisation de l'emploi.
Aujourd'hui, en cas de licenciement économique collectif, il faut déterminer des critères de licenciement pour objectiver le choix des salariés licenciés. Sauf accord collectif contraire, ces critères s'appliquent à l'ensemble du périmètre de l'entreprise. Avec l'article 98, ces critères pourront être appliqués par l'employeur dans un périmètre plus restreint : un établissement, un atelier, un service.
Nous contestons cette nouvelle disposition car, en réduisant le périmètre, celle-ci permet à l'employeur de cibler les personnes qu'il veut licencier : les critères pourront ainsi opportunément correspondre à la personne dont le licenciement est envisagé. Si nous admettons que le périmètre de l'entreprise n'est pas toujours le plus adapté, il faut néanmoins définir un périmètre qui empêche l'employeur de choisir les personnes qui seront licenciées.
Cet amendement a pour objet de supprimer l'article 98. Nous vous ferons des propositions en séance pour déterminer un périmètre pertinent.
La loi sur la sécurisation de l'emploi a profondément remanié le dispositif d'adoption des plans de sauvegarde de l'emploi : le PSE donne lieu soit à un accord collectif, soit, à défaut, à un document unilatéral établi par l'employeur, qui doit ensuite être homologué par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi – DIRECCTE – dans des délais réduits. Ce document peut faire l'objet de recours devant le tribunal administratif, qui doit statuer dans un délai de trois mois, la cour administrative d'appel disposant du même délai pour se prononcer.
Dans l'affaire Mory Ducros, la Cour administrative d'appel de Versailles a estimé qu'à défaut d'accord sur le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements, le périmètre retenu est nécessairement celui de l'entreprise dès lors que le législateur n'a pas entendu, dans la loi sur la sécurisation de l'emploi, revenir sur les règles de fixation de ce périmètre.
L'ANI n'a pas envisagé la modification de ces règles. Quant au législateur, il n'en a pas discuté. Je serai d'ailleurs curieux de connaître les travaux parlementaires qui ont pu éclairer les juges de la cour administrative d'appel de Versailles.
La difficulté tient à ce que le choix du cadre de l'entreprise peut être déstabilisant pour les salariés. Dans le cas de Mory Ducros, il y avait quatre-vingts agences partout en France. L'application de l'ordre des licenciements au périmètre de l'entreprise obligeait à tenir compte de toutes les agences. Pour schématiser, ce n'est pas parce qu'une agence fermait que ses salariés étaient licenciés. La règle actuelle n'est donc pas satisfaisante.
Deux possibilités s'offrent à nous : soit nous attendons l'avis du Conseil d'État, soit nous opérons à chaud. Cette solution me semble préférable, car il convient de faire cesser une situation d'insécurité juridique que nous avons créée.
Pour ce faire, deux options sont possibles. L'une est de réaffirmer la règle selon laquelle, en l'absence d'accord, c'est le cadre de l'entreprise qui prévaut. Cette possibilité présente l'avantage d'inciter les parties à conclure un accord. Mais cela ne vaut pas dans tous les cas. Ainsi, dans les entreprises implantées sur plusieurs sites, les représentants syndicaux privilégieront une logique par site qui de facto exclut la signature d'un accord global.
L'autre possibilité, qui a ma faveur, consiste à définir un périmètre minimal que devra respecter le chef d'entreprise. Si ce dernier souhaite retenir un périmètre plus restreint, il devra obtenir un accord. En résumé, l'incitation à conclure un accord demeure, l'employeur ne fixe plus unilatéralement le périmètre et il est astreint à un périmètre minimum.
Mon amendement SP1582 propose de retenir le périmètre du bassin d'emploi – zone d'emploi dans la terminologie de l'INSEE – qui correspond à une nomenclature objective, les zones d'emplois étant recensées dans un atlas.
Interdire la fixation unilatérale du périmètre par l'employeur permet d'objectiver les critères et de maintenir une incitation à négocier. Qui plus est, l'existence d'un accord prémunit contre d'éventuels recours, ce qui n'est pas négligeable pour l'employeur.
Je n'ai rien à ajouter, M. Robiliard ayant parfaitement expliqué le dispositif. J'émets un avis défavorable aux amendements de suppression et favorable à l'amendement des rapporteurs qui le complète utilement.
Le choix du bassin d'emploi comme périmètre répond sans doute à ma préoccupation. Je retire mon amendement.
Les amendements SPE940 et SPE1362 sont retirés.
La Commission rejette les amendements SPE129 et SPE462.
Puis elle adopte l'amendement SPE1582 des rapporteurs ainsi que l'amendement rédactionnel SPE1844 des mêmes auteurs.
Elle adopte ensuite l'article 98 modifié.
Article 99 : Rectification d'une erreur rédactionnelle
La Commission est saisie de l'amendement SPE1363 de M. Jean-Louis Roumegas.
Avis défavorable. L'article 99 corrige une erreur rédactionnelle. La disposition relative aux licenciements économiques de moins de neuf salariés qu'il supprime n'a pas sa place dans l'article L. 1233-53 du code du travail.
L'amendement SPE1363 est retiré.
La Commission adopte l'article 99 sans modification.
Article 100 : Obligation de reclassement à l'étranger
La Commission est saisie des amendements identiques SPE942 de Mme Jacqueline Fraysse et SPE1364 de M. Jean-Louis Roumegas.
La jurisprudence du droit au reclassement oblige l'employeur à proposer aux salariés tous les postes disponibles dans l'entreprise mais également dans le groupe auquel elle appartient, y compris lorsqu'ils sont situés à l'étranger si le salarié le souhaite.
L'article 100 inverse cette démarche s'agissant des postes situés à l'étranger, puisqu'il reviendra au salarié d'en faire la demande. Plus grave, contrairement aux règles de reclassement applicables dans les entreprises situées en France, si le salarié est candidat à un poste disponible à l'étranger, il ne bénéficiera pas d'un traitement prioritaire.
Le régime actuel n'est certes pas parfait, mais il est plus favorable aux salariés et il responsabilise davantage l'employeur que celui que mettrait en place cet article, dont nous demandons la suppression.
L'obligation de reclassement international est rétablie par mon amendement SPE1585 que nous examinerons dans un instant. Il tend à en modifier le mécanisme relativement complexe par une nouvelle rédaction de l'article L. 1233-4-1 du code du travail. En l'espèce, le salarié définira lui-même les critères auxquels devront répondre les offres de reclassement à l'international qui lui seront faites – pays souhaités, emplois brigués, conditions de rémunération. Ainsi, les choses sont claires pour tout le monde.
Les amendements SPE942 et SPE1364 sont retirés.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel SPE1845 des rapporteurs.
Elle adopte ensuite l'amendement SPE1585 des mêmes auteurs.
Puis elle adopte l'article 100 modifié.
Article 101 : Plan de sauvegarde de l'emploi dans les entreprises en redressement ou liquidation judiciaire
La Commission est saisie des amendements de suppression SPE131 de M. Gérard Cherpion, SPE466 de M. Patrick Hetzel, SPE945 de Mme Jacqueline Fraysse, et SPE1366 de M. Jean-Louis Roumegas.
L'appréciation du caractère suffisant et proportionné des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi en fonction des moyens dont dispose l'entreprise, et non plus en fonction des moyens dont dispose le groupe auquel elle appartient, n'est pas acceptable et présente un réel risque de voir certains employeurs peu scrupuleux organiser la liquidation d'une entité sans avoir à en assumer les conséquences sociales.
Selon l'étude d'impact, « la portée d'un éventuel refus d'homologation au motif que les mesures ne seraient pas proportionnées aux moyens du groupe est inopérante » puisque l'administrateurliquidateur judiciaire n'a pas les moyens légaux d'obliger la maison-mère à financer le PSE. En conséquence, vous décidez de dédouaner totalement le groupe en affirmant qu'en cas de liquidation ou de redressement, le PSE n'est apprécié qu'au regard des moyens de la seule entreprise et que le périmètre de l'obligation de reclassement est réduit.
L'expérience prouve qu'une disposition de cette nature présente un risque en termes de fraude, car la maison-mère peut être tentée d'organiser la mise en difficulté financière de l'une de ses filiales et se trouver ainsi libérée de toutes ses obligations à l'égard de cette dernière en matière de licenciement économique.
Je me félicite que la jurisprudence s'attache de plus en plus à rechercher la responsabilité des sociétés-mères dans ce type de situation. Force est toutefois de constater que le droit du travail n'affirme pas suffisamment cette responsabilité qui mériterait pourtant d'être renforcée.
Il aurait été logique de créer une obligation d'abondement du PSE par le groupe en bonne santé financière afin que l'administrateurliquidateur dispose de moyens de contrainte. À défaut, nous demandons la suppression de l'article 101.
Aujourd'hui, qu'il soit en redressement judiciaire ou pas, l'employeur a l'obligation d'établir un PSE en fonction des moyens de l'entreprise mais aussi de ceux du groupe auquel elle appartient. L'obligation de reclassement s'exécute également dans le cadre du groupe.
L'article 101 dispose qu'en cas de redressement ou de liquidation judiciaires, seuls sont examinés les moyens de l'entreprise. De même, l'obligation de reclassement s'entend dans les limites de cette dernière. À mon sens, la mise en redressement judiciaire d'une entreprise ne justifie pas que l'on dispense sa « mère » ou ses « soeurs » de fournir la liste des postes disponibles pour un reclassement. J'ai donc déposé un amendement SPE1965 visant à maintenir l'obligation de reclassement au niveau du groupe. S'il est adopté, les amendements de suppression seront à demi satisfaits.
Pour ce qui concerne l'appréciation du caractère suffisant et proportionné des mesures du PSE au regard des moyens du groupe, nous ne dédouanons personne, contrairement à ce qu'a expliqué Jacqueline Fraysse. Nous ne faisons que tirer les conséquences du fait qu'aucun instrument juridique ne permet aujourd'hui de contraindre un groupe à abonder le PSE de sa « fille ».
Devrions-nous créer cette obligation ? Les choses ne sont pas si simples car, juridiquement, les personnes morales font écran : la responsabilité des sociétés reste limitée, même lorsqu'elles ne sont pas à proprement parler « à responsabilité limitée ». Sauf faute ou situation particulière, il n'est pas possible de remonter à l'actionnaire.
Il est vrai qu'en la matière, la jurisprudence évolue depuis plusieurs années. La chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi pu rendre, le 8 juillet 2014, sur le fondement très classique de l'article 1382 du code civil relatif à la responsabilité, un arrêt dit « Sofarec » qui peut se résumer ainsi : « Ayant constaté que l'actionnaire, directement ou par l'intermédiaire d'une autre société, avait pris des décisions profitables à lui-même mais dommageables pour l'entreprise et qui avaient aggravé la situation économique difficile de cette dernière, la cour d'appel a pu en déduire, pour allouer des dommages-intérêts aux salariés, que ces sociétés avaient, par leur faute et légèreté blâmable, concouru à la déconfiture de l'employeur et à la disparition des emplois qui en est résultée. »
Il n'en demeure pas moins qu'aucune obligation n'incombe au groupe à l'égard de sa « fille » en redressement judiciaire, alors même que l'administrateur judiciaire est légalement tenu de construire un PSE prenant en compte les moyens du groupe. Cette injonction légale est bien incohérente et « inopérante » puisqu'elle ne peut trouver aucune traduction dans la réalité. Sur le terrain, l'administrateur judiciaire, qui ne dispose que d'un délai de trente jours pour licencier afin que les salariés restent couverts par l'assurance de garantie des salaires – AGS –, est donc contraint d'utiliser les seuls moyens auxquels il a accès : ceux de l'entreprise. Localement, la DIRECCTE n'a ensuite guère d'autre choix que d'homologuer un PSE qui permet aux salariés d'être payés, alors même que la responsabilité de l'État, en plus de celle de l'employeur, peut être engagée pour méconnaissance d'une obligation légale pourtant inapplicable. C'est kafkaïen ! Il faut que cela cesse !
Malgré Kafka, je salue l'expertise de notre collègue et la pédagogie dont il fait preuve sur une matière extrêmement complexe. Nos collègues ont sans doute été convaincus de retirer leurs amendements.
Les amendements SPE131, SPE466, et SPE1366 sont retirés.
Pour ma part, je crains de m'être quelque peu égarée dans le raisonnement de M. Robiliard. Á ce stade, je maintiens donc mon amendement.
La Commission rejette l'amendement SPE945.
Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels SPE1846 et SPE1847, tous deux des rapporteurs.
Puis elle examine l'amendement SPE1965 des mêmes auteurs.
Comme je l'ai expliqué en me prononçant sur les amendements de suppression que nous venons de rejeter, alors que le texte du projet de loi entend réduire le champ de l'obligation de reclassement à l'entreprise, cet amendement tend à maintenir le droit en vigueur qui oblige au reclassement au sein du groupe.
La Commission adopte l'amendement SPE1965.
Puis elle adopte l'article 101 modifié.
Article 102 : Conséquences de l'annulation des décisions d'homologations des plans de sauvegarde de l'emploi fondée sur le motif de l'insuffisante motivation de la décision administrative
La Commission est saisie des amendements de suppression SPE946 de Mme Jacqueline Fraysse et SPE1367 de M. Jean-Louis Roumegas.
L'article 102 prévoit que lorsqu'une autorisation de validation d'un accord ou document unilatéral fixant le PSE est annulée en raison de son insuffisante motivation par l'administration, celle-ci prend une nouvelle décision suffisamment motivée. Le problème c'est que, dans l'intervalle, les salariés ne peuvent demander ni leur réintégration ni des dommages et intérêts.
L'étude d'impact n'évoque que les cas où la décision est annulée parce qu'elle est mal motivée, alors même que la procédure d'information-consultation conduite par l'employeur est régulière et que les mesures du PSE sont de bonne qualité et proportionnées. Il s'agit d'une vision parcellaire, car l'expérience nous a appris que l'insuffisance de motivation peut cacher des vices de fond. Dans ce cas, si l'administration prend une nouvelle décision, cela ne changera rien à l'illégalité du PSE et n'aboutira qu'à repousser la date à laquelle les salariés verront leur affaire jugée et obtiendront réparation de leur préjudice. De plus, quelles que soient les raisons de l'insuffisance de motivation, les salariés subissent un préjudice lié à l'instabilité de la situation et au flou dans lequel elle les plonge quant à leur avenir.
Nous proposons de maintenir le dispositif en vigueur, qui est à la fois dissuasif et juste. Il donne des arguments à l'administration pour convaincre l'employeur qu'il est inutile d'exercer une quelconque pression sur la DIRECCTE afin d'obtenir l'homologation ou la validation d'un PSE qui ne serait pas conforme à la loi, l'annulation de la décision de l'administration pour insuffisance entraînant soit la réintégration des salariés, soit leur indemnisation.
Nous demandons la suppression de l'article.
J'ai déposé un amendement SPE1586 qui est de nature à rassurer Jacqueline Fraysse puisqu'il prévoit que la nouvelle décision suffisamment motivée doit être prise par l'autorité administrative « dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement » annulant la décision précédente.
À mon sens, le simple fait d'instaurer ce mécanisme a de fortes chances de dissuader les avocats de soulever le grief d'insuffisance de motivation. Notre démarche n'est pas entièrement satisfaisante, mais il faut bien voir que l'annulation de la décision d'homologation de la DIRECCTE produit des effets non pas sur l'État mais sur l'employeur – qui doit réintégrer les salariés et les indemniser, et qui, en l'état du droit, peut toujours saisir à nouveau la DIRECCTE. C'est là un dispositif moins kafkaïen peut-être, mais suffisamment tout de même pour qu'on y remédie.
Les amendements SPE946 et SPE1367 sont retirés.
La Commission adopte l'amendement SPE1586 des rapporteurs.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel SPE1848 des mêmes auteurs.
Puis elle adopte l'article 102 modifié.
Article 102 bis : Conséquences de l'annulation des décisions d'homologations des plans de sauvegarde de l'emploi fondée sur le motif de l'insuffisante motivation de la décision administrative pour les entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire
La Commission examine l'amendement SPE1587 des rapporteurs.
Cet amendement vise à harmoniser le régime applicable aux entreprises en redressement judiciaire et en liquidation judiciaire s'agissant des conséquences de l'annulation de la décision d'homologation ou de validation en cas d'insuffisance de motivation avec celui que nous venons d'adopter pour les entreprises qui ne sont ni en liquidation ni en redressement.
La Commission adopte l'amendement SPE1587.
Article 103 : Proposition d'un contrat de sécurisation professionnelle aux salariés dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi
La Commission adopte l'article 103 sans modification.
Article 104 : Entrée en vigueur des articles 98 à 103
La Commission adopte l'amendement rédactionnel SPE1849 des rapporteurs.
Puis elle adopte l'article 104 modifié.
Après l'article 104
La Commission examine les amendements identiques SPE463 de M. Patrick Hetzel et SPE632 de M. Gérard Cherpion.
L'amendement SPE463 vise à élargir les possibilités de recours aux accords de maintien de l'emploi – AME –, en supprimant la condition de l'existence de « graves difficultés économiques conjoncturelles » dans l'entreprise pour aller vers des accords à vocation offensive. Les conditions trop strictes prévues dans la loi relative à la sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013, qui transpose l'ANI du 11 janvier 2013, n'ont permis de conclure à ce jour que cinq accords. Le Premier ministre lui-même avait indiqué, lors de la conférence de presse de présentation du présent projet de loi, qu'il fallait « corriger dans la loi ce qui doit l'être ».
Sur le même sujet, l'amendement SPE464 à venir tend à modifier les conséquences du refus d'un ou de plusieurs salariés d'un tel accord, en faisant reposer leur licenciement sur un motif personnel, à l'instar de ce qui est prévu par l'article L. 1222-8 du code de travail, issu de la loi Aubry II, pour les salariés refusant une réduction conventionnelle du temps de travail.
Les accords de maintien de l'emploi, qui reposent sur une logique donnant-donnant entre flexibilité des avantages acquis et sécurisation de l'emploi, constituent pour les entreprises des solutions favorables à la croissance et à l'activité. De ce point de vue, et alors que cinq accords seulement ont été conclus depuis dix-huit mois, les amendements que nous proposons ont toute leur place dans le projet de loi, dans la mesure où ils offrent aux entreprises la possibilité d'avoir plus souvent recours à ces instruments.
Je reviens d'abord sur un point de procédure que j'ai déjà évoqué concernant les dispositions de la loi relative à la sécurisation de l'emploi transposant l'ANI du 11 janvier 2013. Il me semble difficile de modifier substantiellement par voie d'amendement la nature défensive des accords de maintien dans l'emploi en les transformant en AME « offensifs ». J'ai précédemment indiqué à M. Cherpion que, selon nous, en application de la loi Larcher, une telle évolution nécessitait de repasser par la négociation collective.
Ensuite, nous considérons que si les accords de maintien dans l'emploi défensifs, tels qu'ils sont définis dans la loi relative à la sécurisation de l'emploi, ne sont pas suffisamment répandus, c'est sans doute que certains des critères retenus peuvent être améliorés. Plutôt que de rouvrir une négociation complète, ce qui serait indispensable si l'on voulait supprimer la condition de graves difficultés économiques conjoncturelles de l'entreprise, le Gouvernement pense qu'alléger certaines des procédures inciterait davantage les entreprises à recourir à ces accords. En particulier, la nécessité de retourner devant le juge pour passer de l'accord de maintien dans l'emploi à un plan de sauvegarde de l'emploi, comme la durée ou le plancher définis dans la loi, semblent constituer des freins à l'utilisation de cet instrument.
En tout état de cause, les partenaires sociaux se réuniront autour du Premier ministre pour faire un point sur ces AME. Des aménagements pourront ainsi être mis en place pour améliorer le dispositif avant que ne soient envisagées des modifications plus ambitieuses telles que celles proposées par les amendements, sur lesquels j'émets en conséquence un avis défavorable, sans toutefois nier qu'ils proposent des pistes qui pourraient être intéressantes.
Les amendements SPE463 et SPE632 sont retirés, de même que les amendements identiques SPE464 de M. Patrick Hetzel et SPE633 de M. Gérard Cherpion.
Article 105
La Commission adopte l'amendement de conséquence rédactionnelle SPE1221 des rapporteurs.
Elle adopte ensuite l'article 105 modifié.
Après l'article 105
La Commission est saisie de l'amendement SPE1559 du Gouvernement.
L'amendement permet d'insérer dans le code du travail applicable à Mayotte les dispositions législatives concernant les contrats relatifs aux activités d'adultes-relais déjà insérées dans le code du travail.
Suivant l'avis favorable du rapporteur général, la Commission adopte l'amendement SPE1559.
Article 106
La Commission adopte l'article 106 sans modification.
Titre
La Commission examine, en discussion commune, l'amendement SPE1791 rectifié des rapporteurs, et les amendements identiques SPE219 de M. Jean-Frédéric Poisson, et SPE302 de M. Patrick Hetzel.
« Mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde » écrivait Albert Camus. Attachons-nous donc à être précis dans la dénomination de ce projet de loi.
En effet, outre qu'il a vocation à relancer la croissance et l'activité, ce texte entend aussi faciliter la vie aux jeunes, à ceux qui ne sont pas dans l'emploi, et à ceux qui voudraient investir. Cela passe par l'assouplissement d'un certain nombre de rigidités qui jouent d'abord au détriment des plus jeunes et des plus modestes.
Nous venons d'adopter des dispositions qui visent à rétablir une certaine égalité des chances économiques.
Nous avons autorisé l'exploitation de lignes d'autocars sur le territoire national afin de créer de la mobilité pour tous. Nous avons libéré des places, réduit les coûts et uniformisé les délais de présentation pour l'examen du permis de conduire. Nous avons créé une liberté d'installation régulée pour certaines professions juridiques réglementées, ce qui promeut l'égalité des chances là où une forme de cooptation faisait parfois obstacle, tout en assurant l'égalité du maillage territorial. Nous avons redonné une dynamique en faveur de l'épargne salariale, en particulier dans les PME, pour associer plus largement les salariés à leur entreprise et leur permettre de bénéficier des fruits du travail commun. Nous avons, enfin, réformé les règles relatives au travail dominical dans les commerces de détail, en garantissant pour tous volontariat, compensations et dialogue social, ce qui est faire oeuvre de justice sociale tout en répondant aux besoins économiques.
Un tel texte serait, en conséquence, fort justement intitulé « projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ».
La Commission adopte l'amendement SPE1791 rectifié.
En conséquence, les amendements identiques SPE219 et SPE302 tombent, et le titre du projet de loi est ainsi rédigé.
Enfin, la Commission adopte l'ensemble du projet de loi modifié.
À l'issue des quatre-vingt-deux heures que notre commission spéciale a consacrées, depuis lundi, à l'examen du projet de loi et de 1 741 amendements, dont 495 ont été adoptés, je remercie l'ensemble des rapporteurs pour leur travail de grande qualité, ainsi que le ministre pour sa disponibilité et son écoute. Je remercie également, en notre nom à tous, les collaborateurs de la Commission spéciale et ceux des cabinets ministériels.
Au nom du groupe UMP, monsieur le président, permettez-moi de vous remercier pour la manière à la fois cordiale et ferme dont vous avez présidé nos débats. Á mon tour, je remercie l'ensemble des rapporteurs. Monsieur le ministre, nous aurons l'occasion de constater que des divergences demeurent entre nous, mais nos remerciements s'adressent également à vous. Le travail en commission augure d'un climat serein et productif pour le débat qui aura lieu, dans un peu plus d'une semaine, dans l'hémicycle. Nous nous associons à tous les remerciements formulés par notre président, avec une pensée particulière pour les services de l'Assemblée.
Monsieur le président, le groupe socialiste s'associe à tous les remerciements qui viennent d'être exprimés, notamment ceux concernant votre présidence. Nous avons travaillé à un rythme régulier sur l'ensemble du texte. Nous vous le devons, et nous le devons également à la disponibilité et à l'ouverture du ministre, aux rapporteurs, aux services de l'Assemblée, mais aussi à l'ensemble des collègues car le travail accompli collectivement a été remarquable.
Je crois que nous avons saisi des opportunités économiques en faisant progresser les droits sociaux et environnementaux. Nous avons commencé à élaborer la règle de manière moderne en la co-construisant ; ce travail doit se poursuivre dans l'hémicycle.
Après vous avoir remercié, monsieur le président, ainsi que tous ceux qui ont été cités, permettez-moi, puisque vous avez eu la gentillesse d'évoquer les collaborateurs des cabinets ministériels, d'avoir une pensée pour les collaborateurs des députés et des groupes qui ont accompli un travail considérable. Je remercie surtout l'ensemble des députés, en particulier ceux qui se sont impliqués depuis le début, consacrant temps et énergie à l'examen de ce texte complexe, dont l'esprit même nous a conduits à passer d'un sujet à l'autre. Nous avions la volonté de coproduire ce texte, et même s'il n'est sans doute pas encore parfait, je pense que nous sommes parvenus à l'améliorer substantiellement ensemble.
Pour ma part, j'ai beaucoup appris durant cette semaine. Nous avons parfois partagé des désaccords et souvent trouvé des compromis. C'est ainsi, je crois, que l'on chemine vers l'intérêt général. Il me semble, en tout cas, que nous avons collectivement adhéré à l'idée que traverser des disciplines qui fonctionnent parfois de manière isolée est une nécessité, même si cela crée un certain inconfort, dès lors que l'on souhaite ouvrir l'économie, débloquer des situations, et revenir sur ce qui semble être des évidences. Certaines approches ont pu être maladroites ; vous avez aidé à les rectifier en apportant votre expertise. J'ai conscience que nous donnons parfois le sentiment de ne pas aller assez loin, et parfois celui d'aller trop loin. Nous affinerons encore tout cela d'ici à la séance. Il n'en demeure pas moins que nous avons collectivement construit une forme de consensus autour du texte, qui n'était pas gagné d'avance. Je vous en remercie tous.
Membres présents ou excusés
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance et l'activité
Réunion du dimanche 18 janvier 2015 à 21 h 30
Présents. - M. Luc Belot, Mme Karine Berger, M. Yves Blein, Mme Brigitte Bourguignon, M. Jean-Jacques Bridey, M. François Brottes, M. Christophe Castaner, M. Jean-Yves Caullet, M. Gérard Cherpion, Mme Corinne Erhel, Mme Sophie Errante, M. Richard Ferrand, Mme Jacqueline Fraysse, M. Jean-Patrick Gille, M. Jean Grellier, M. Patrick Hetzel, M. Jean-Luc Laurent, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Dominique Lefebvre, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, Mme Martine Pinville, Mme Elisabeth Pochon, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Denys Robiliard, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gilles Savary, M. Stéphane Travert, Mme Cécile Untermaier, M. Philippe Vigier, M. Michel Zumkeller
Excusés. - M. Jean-Louis Bricout, M. Marc Dolez, Mme Sandrine Mazetier