Aujourd'hui, qu'il soit en redressement judiciaire ou pas, l'employeur a l'obligation d'établir un PSE en fonction des moyens de l'entreprise mais aussi de ceux du groupe auquel elle appartient. L'obligation de reclassement s'exécute également dans le cadre du groupe.
L'article 101 dispose qu'en cas de redressement ou de liquidation judiciaires, seuls sont examinés les moyens de l'entreprise. De même, l'obligation de reclassement s'entend dans les limites de cette dernière. À mon sens, la mise en redressement judiciaire d'une entreprise ne justifie pas que l'on dispense sa « mère » ou ses « soeurs » de fournir la liste des postes disponibles pour un reclassement. J'ai donc déposé un amendement SPE1965 visant à maintenir l'obligation de reclassement au niveau du groupe. S'il est adopté, les amendements de suppression seront à demi satisfaits.
Pour ce qui concerne l'appréciation du caractère suffisant et proportionné des mesures du PSE au regard des moyens du groupe, nous ne dédouanons personne, contrairement à ce qu'a expliqué Jacqueline Fraysse. Nous ne faisons que tirer les conséquences du fait qu'aucun instrument juridique ne permet aujourd'hui de contraindre un groupe à abonder le PSE de sa « fille ».
Devrions-nous créer cette obligation ? Les choses ne sont pas si simples car, juridiquement, les personnes morales font écran : la responsabilité des sociétés reste limitée, même lorsqu'elles ne sont pas à proprement parler « à responsabilité limitée ». Sauf faute ou situation particulière, il n'est pas possible de remonter à l'actionnaire.
Il est vrai qu'en la matière, la jurisprudence évolue depuis plusieurs années. La chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi pu rendre, le 8 juillet 2014, sur le fondement très classique de l'article 1382 du code civil relatif à la responsabilité, un arrêt dit « Sofarec » qui peut se résumer ainsi : « Ayant constaté que l'actionnaire, directement ou par l'intermédiaire d'une autre société, avait pris des décisions profitables à lui-même mais dommageables pour l'entreprise et qui avaient aggravé la situation économique difficile de cette dernière, la cour d'appel a pu en déduire, pour allouer des dommages-intérêts aux salariés, que ces sociétés avaient, par leur faute et légèreté blâmable, concouru à la déconfiture de l'employeur et à la disparition des emplois qui en est résultée. »
Il n'en demeure pas moins qu'aucune obligation n'incombe au groupe à l'égard de sa « fille » en redressement judiciaire, alors même que l'administrateur judiciaire est légalement tenu de construire un PSE prenant en compte les moyens du groupe. Cette injonction légale est bien incohérente et « inopérante » puisqu'elle ne peut trouver aucune traduction dans la réalité. Sur le terrain, l'administrateur judiciaire, qui ne dispose que d'un délai de trente jours pour licencier afin que les salariés restent couverts par l'assurance de garantie des salaires – AGS –, est donc contraint d'utiliser les seuls moyens auxquels il a accès : ceux de l'entreprise. Localement, la DIRECCTE n'a ensuite guère d'autre choix que d'homologuer un PSE qui permet aux salariés d'être payés, alors même que la responsabilité de l'État, en plus de celle de l'employeur, peut être engagée pour méconnaissance d'une obligation légale pourtant inapplicable. C'est kafkaïen ! Il faut que cela cesse !