Monsieur le Premier ministre, passons à présent de la loi Macron à la macroéconomie. La Banque centrale européenne a décidé de souscrire directement des bons du Trésor pour la bagatelle de mille milliards d’euros alors qu’elle rachète déjà massivement aux banques les bons du Trésor qu’elles ont souscrits, parfois dans la microseconde. Le bilan de la BCE a été multiplié par deux ou trois depuis 2007 – comme les banques centrales des États-Unis et de Grande-Bretagne – et représente aujourd’hui 20 % du PIB de la zone euro.
Cette politique, tant vantée, s’est soldée par un échec retentissant au Japon, où le bilan de la banque centrale atteint pourtant 60 % du PIB et devrait avoisiner les 80 % dans deux ans.
Aux États-Unis, le succès est relatif dans un pays qui finance ses déficits en aspirant l’épargne du reste du monde grâce au privilège du dollar et avec une croissance américaine essentiellement financière et fortement inégalitaire. Cette mesure contribuera, c’est vrai, à empêcher la déflation de s’installer mais elle gonflera la spéculation financière.
Or, l’excès de liquidités monétaires est la cause profonde de la crise mondiale : c’est elle qui nous condamne à des crises spéculatives à répétition. En 1950, le crédit au secteur privé représentait 50 % du PIB des pays occidentaux, 170 % en 2007 et 200 % aujourd’hui.
Ce phénomène est devenu une addiction que nous essayons vainement de réguler. Peut-on cependant guérir une addiction en augmentant sans cesse la dose de substance addictive et sans changer le mode de vie qui y a conduit ?
Le Gouvernement peut-il préciser sa doctrine en ce domaine et la position qu’il défendra dans le débat sur la dette publique ?