Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 20 novembre 2012 à 17h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli, co-rapporteure :

Notre communication est une communication d'étape qui a pour objet de faire le point sur les négociations en cours et de présenter un projet de résolution sur cette question.

La refonte actuelle du système d'asile a trois objectifs complémentaires : assurer un niveau de protection élevé, permettre une réponse harmonisée au niveau communautaire, lutter contre les détournements de procédure et les demandes abusives qui viseraient à utiliser le statut de réfugié à des fins migratoires.

Concernant notre pays deux observations méritent, ici, d'être faites.

La France est le premier pays d'accueil européen et elle a également des standards élevés en matière de protection. A titre d'exemple, en 2011, 57 337 demandes d'asile ont été déposées dont 40 464 premières demandes – hors mineurs accompagnant – en France.

Deux éléments doivent également être pris en compte lorsque l'on envisage une harmonisation des législations, le niveau de l'harmonisation et ses conséquences en droit national.

En effet, si une harmonisation des législations avec un objectif de standards élevés de protection est à rechercher, elle ne peut conduire à une uniformisation des systèmes juridiques.

Il faut également prendre en compte l'inégalité de la pression en termes de demande d'asile à laquelle les États sont soumis, ce qui, dans l'hypothèse d'une augmentation des garanties procédurales, aurait des conséquences non souhaitées : celles d'induire une inégalité de traitement des demandes du fait de l'impossibilité pour les Etats membres de les honorer dans le délai imparti.

Il y a un domaine que nous n'avons pas abordé volontairement : c'est celui des mineurs isolés car nous n'avions pas assez d'éléments pour arrêter une position.

Plusieurs points nous paraissent faire débat.

En tout premier lieu la conduite du premier entretien.

La directive propose de renforcer les garanties des demandeurs lors de l'entretien individuel devant l'organisme chargé d'accorder le statut de réfugié. En France, ce premier entretien se déroule devant l'OFPRA – l'Office de protection des réfugiés et des apatrides. Ce premier entretien est essentiel puisque c'est à ce moment-là que se décide l'octroi ou non du statut de réfugié.

Le projet de directive ouvrirait la possibilité, pour un avocat ou un conseil, d'être présent lors de l'entretien individuel, d'avoir la possibilité de s'entretenir avec une personne du même sexe et de favoriser l'entretien également avec un interprète de même sexe, d'enregistrer cet entretien, mais également d'ajouter des commentaires par écrit après réception du procès-verbal de l'entretien.

Ces éléments ne sont pas neutres en termes de coûts et de délais.

L'OFPRA nous a précisé lors des auditions que nous avons menées, que dans l'état actuel de la procédure, c'est-à-dire en l'absence de ces nouvelles garanties, le délai incompressible auquel il était soumis était de deux mois et demi.

En ce qui concerne la présence de l'avocat dès la première phase de la procédure nous y sommes favorables.

Nous souhaitons néanmoins que celle-ci soit encadrée. La présence de l'avocat ne doit pas faire obstacle à ce que le demandeur réponde aux questions de l'entretien visant à établir la matérialité de sa demande d'asile, à savoir son origine et les persécutions qu'il allègue.

Pour ce qui est de l'enregistrement de l'entretien, il pourrait, par ailleurs, être une réponse suffisante dans la première phase de la procédure au renforcement des garanties du demandeur.

La directive préconise également de favoriser l'entretien individuel avec un interlocuteur et un interprète de sexe identique à celui du requérant. Cette disposition heurte de plein fouet le principe d'égalité et de non-discrimination propre au droit français. Les rapporteurs sont pleinement conscients de l'importance du choix du sexe de l'interlocuteur notamment lorsque la demande est fondée sur des allégations de viol. Le choix du genre de l'interlocuteur et de l'interprète ne saurait pour autant devenir un principe. C'est pourquoi nous avons choisi une rédaction faisant part de nos réserves sur ce point.

En second lieu, l'instauration d'un recours suspensif est également une question qui fait débat.

Dans notre législation, le principe d'un recours suspensif existe, hormis le cas des procédures prioritaires, procédure accélérée qui permet de traiter une demande d'asile manifestement infondée, de manière prioritaire.

Il faut préciser que le recours abusif aux procédures prioritaires, lorsque le requérant est frappé d'une mesure d'éloignement du territoire, peut néanmoins le priver d'un droit à l'examen de sa demande d'asile, comme l'a jugé la Cour européenne des droits de l'homme dans l'arrêt I.M c France.

C'est pourquoi nous demeurons favorables à la possibilité d'instaurer un recours suspensif limité au seul cas où une mesure d'éloignement empêcherait le requérant de faire valoir ses droits.

Afin de mieux informer les éventuels requérants de leurs droits, la directive préconise également de renforcer l'information aux frontières et dans les centres de rétention des possibilités de demander l'asile.

Nous sommes également favorables à l'établissement d'une liste de pays sûrs au niveau communautaire même si nous sommes conscients des difficultés qui préexistent à l'établissement d'une telle liste.

Une comparaison entre les différentes listes nationales établies par les Etats membres fait apparaître des divergences relativement importantes ce qui laisse à penser qu'en l'absence d'une liste faisant consensus le principe d'une liste nationale devrait être maintenu.

Pour ces motifs, nous vous proposons un projet de résolution qui concilie à la fois un engagement en faveur d'une harmonisation des procédures et d'une amélioration des garanties sur l'ensemble du territoire communautaire et le refus d'une approche naïve concernant l'offre d'asile, qui aurait des conséquences néfastes pour les demandeurs, dont les demandes seraient humainement et juridiquement fondées.

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