Intervention de Philippe Vigier

Séance en hémicycle du 28 janvier 2015 à 15h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Après l'article 4

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Cet amendement est très important. Il vise à introduire la concurrence au sein du transport ferroviaire régional. Hier soir, lorsque nous avons adopté les dispositions relatives aux liaisons par autocar, certains de nos collègues, notamment communistes, ont fait remarquer qu’une concurrence s’exercera sur les TER – les trains express régionaux. Nous le pensons également.

Mais avant celle des autocars, les TER font face à une autre concurrence, que l’on voit émerger depuis quelque temps : c’est, naturellement, le covoiturage. Le covoiturage se développe – ce qui est une bonne chose – grâce aux réseaux numériques, aux réseaux sociaux. Les voyageurs, jeunes et moins jeunes, y recourent. On estime que le covoiturage a augmenté de 5 % à 10 % au cours de l’année 2014. Les TER seront donc confrontés à deux types de concurrence : les autocars, d’abord – comme nous l’avons vu hier, puisque vous voulez que les liaisons par autocar se généralisent sur notre territoire – et le covoiturage, ensuite – chacun connaît la fameuse start-up BlaBlaCar.

Je rappelle que les premières expérimentations en matière ferroviaire datent de 1995. À l’époque, trois régions avaient été expérimentatrices, et avaient pris en charge le transport régional. Depuis dix ans, que s’est-il passé ? Les régions ont beaucoup investi pour renouveler le matériel roulant et rénover des lignes, voire en rouvrir. On estime que pas loin de 4,5 milliards sont investis chaque année : c’est une somme très importante.

Cela a un coût pour les régions. On sait que ce coût a augmenté de près de 90 % en dix ans. Il est vrai qu’il y a plus de voyageurs dans ces trains ; on évoque le chiffre de 25 % d’augmentation en moyenne. Cela représente une dépense supplémentaire importante pour les collectivités territoriales, notamment les régions.

Vous l’avez certainement lu il y a quelques jours dans la presse nationale, monsieur le ministre : la fréquentation de ces transports régionaux se tasse ; elle est même en légère baisse. Cela s’explique par différentes raisons, notamment la dégradation du service. Pour faire partie de ceux qui ont négocié des conventions avec la SNCF, je sais que les objectifs ne sont pas toujours atteints. Des problèmes d’infrastructures se posent également, car de gros travaux sont souvent nécessaires, et il faut les financer ! Pour cela, il faut mobiliser beaucoup de ressources, ce qui est malheureusement difficile vue l’état des finances publiques. D’ailleurs, les présidents de région se sont récemment fait tirer l’oreille – si je puis m’exprimer ainsi – pour signer leur nouvelle convention TER avec la SNCF.

L’autocar va prendre son envol, vous l’avez compris : c’est une volonté partagée. Par ailleurs, il y a des travaux de rénovation très importants à conduire. Nous souhaitons que ce qui se passe en Allemagne puisse aussi se passer en France. En Allemagne, dans les Länder, 50 % des marchés de transport ferroviaire sont proposés à des entreprises, avec un certain nombre de contraintes, de délégations de service public. C’est possible : l’Union européenne nous l’autorise. Nous estimons que la concurrence, c’est la voie de l’audace, de la créativité. La concurrence permettra aussi à cette grande entreprise qu’est la SNCF de se moderniser. D’ailleurs, une filiale bien connue de la SNCF – Keolis, pour ne pas la nommer – assure des liaisons ferroviaires dans les Länder allemands.

Cet amendement permettrait donc de dynamiser la SNCF par l’entrée d’autres transporteurs sur le marché du transport ferroviaire. Cela permettrait, mes chers collègues, de réaliser des économies. Je m’explique : certaines régions ont fait réaliser des audits sur les conventions SNCF. Deux au moins de ces audits ont prouvé qu’il est possible de réaliser des économies importantes.

Vous savez, monsieur le ministre, que nous sommes en train de conclure les contrats de projets État-région. Or les volets portant sur les infrastructures au sein de ces contrats de projets n’ont jamais été aussi faibles qu’aujourd’hui ! Je connais par coeur ce qui se passe dans la région Centre. C’est simple : sur 600 millions d’euros de projets, il y a 113 millions d’euros de financement public. Avec l’introduction d’une concurrence dans le ferroviaire, nous pourrions avoir un service à la fois de meilleure qualité et moins cher. Il ne faut donc pas s’en priver !L’Europe le permet. Les transporteurs privés seront tout à fait capables d’assurer le service dans d’aussi bonnes conditions qu’à l’heure actuelle.

Depuis la réforme ferroviaire de l’an dernier, RFF et la SNCF sont réunis au sein d’un même groupe, qui comprend SNCF Mobilités et SNCF Réseau. Cette grande entreprise a vocation à s’exporter ; il me semble qu’elle doit fournir un meilleur service aux usagers. C’est un vrai challenge ! Vous libéralisez les autocars : très bien. Mais pourquoi le transport ferroviaire, lui aussi, ne pourrait-il pas être dynamisé par la concurrence ? Par l’émulation, par la réorganisation des entreprises, il est possible de gagner en productivité de façon très importante. Ce challenge nous permettra en outre – j’y insiste – de gagner quelques marchés à l’export. Je crois dans le savoir-faire de la SNCF, que ce soit SNCF Mobilités ou SNCF Réseau.

Vous l’avez compris : cet amendement est essentiel. Il permettra de dégager des marges de manoeuvre considérables. Alors que nous cherchons des financements, il permettra d’alimenter les contrats de projets État-région. Il y a beaucoup de travaux à réaliser : nous le savons, et la catastrophe de Brétigny l’a démontré. Des lignes entières doivent être réaménagées, comme la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, qui nécessite plus de 250 millions d’euros de travaux. Comment pourrons-nous financer ces travaux sans marges de manoeuvre supplémentaires ?

La concurrence n’est pas seulement nécessaire pour les transports en car, elle est également nécessaire dans le ferroviaire. Il ne faut pas en avoir peur, car il ne s’agit pas d’une concurrence à l’anglaise. Il s’agit d’une concurrence encadrée, dans le cadre d’une délégation de service public. Nous pouvons le faire : il faut nous engager dans cette voie.

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