La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, les chiffres du chômage pour 2014 ont été rendus publics hier. En un an, le nombre de chômeurs sans aucune activité a augmenté de 189 100, tandis que le nombre de demandeurs d’emploi toutes catégories confondues a augmenté de 311 900. Nous comptons désormais 5,8 millions de chômeurs dans notre pays.
Vous avez déclaré, monsieur le Premier ministre, qu’il n’y aurait pas d’amélioration tant qu’il n’y aurait pas de croissance. Je ne contesterai pas cette évidence. Le problème est que la politique d’austérité que vous mettez en oeuvre n’est pas de nature à assurer la reprise.
Je ne prends qu’un exemple aux effets ravageurs. Vous avez décidé que les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales diminueraient de façon continue de 11 milliards d’euros jusqu’en 2017, soit une baisse cumulée de 28 milliards d’euros sur la période 2014-2017.
Dès 2014, les élus ont été contraints de tailler dans les projets, les équipements et les services à la population. Pourtant, les collectivités jouent un rôle décisif d’amortisseurs des ravages du chômage, de la précarité et de l’austérité. Elles financent plus de 70 % des investissements publics, soit 58 milliards d’euros par an injectés dans l’économie.
Il faut donc s’attendre à une baisse des commandes, à des plans sociaux dans le BTP et à une nouvelle aggravation du chômage.
Une étude conjointe de l’Association des maires de France et de la Banque postale a montré qu’en 2014, les investissements des communes ont déjà connu un repli de 10,2 %, tandis que ceux des EPCI ont diminué de 5,6 %. La tendance va s’accentuer. Or une baisse de l’investissement public de 10 % entraîne une diminution de la croissance de 0,2 point.
L’austérité ne crée pas les conditions de la croissance mais produit l’effet inverse. Il serait temps, monsieur le Premier ministre, que le changement promis en 2012 ne soit plus remis aux calendes grecques.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Monsieur Carvalho, il est vrai que les dotations aux collectivités territoriales vont baisser. Nous n’aurons pas le temps de le faire dans le cadre des questions au Gouvernement, mais il faudra que nous nous mettions tous d’accord sur le montant – soit 11 milliards d’euros, et non 28 milliards.
Cette année, effectivement, les dotations vont baisser de 2,67 milliards d’euros. Cependant, un effort a été fait pour abonder le FCTVA, si bien que la baisse peut être ramenée à 2,44 milliards d’euros. Par ailleurs, permettez-moi de vous rappeler une mesure qui a échappé à beaucoup : les valeurs cadastrales augmenteront de 0,9 % alors qu’il n’y a pas d’inflation, ce qui générera 1 milliard d’euros de recettes supplémentaires pour les collectivités.
Si la baisse est moins forte que vous le dites, la situation est difficile. Nous avons veillé à ce que l’effort demandé aux collectivités territoriales soit justement réparti. C’est pourquoi nous avons maintenu tous les concours financiers aux communes les plus en difficulté : la dotation de solidarité urbaine – DSU –, bien sûr, mais aussi la dotation d’équipement des territoires ruraux – DETR – que nous avons augmentée de 200 millions d’euros. Ainsi, la contribution des collectivités variera d’un facteur de 1 à 7, en fonction de leur richesse. Il faut être juste. Certaines collectivités bénéficient aujourd’hui de ressources importantes, d’autres moins : nous devons donc renforcer la péréquation.
Par ailleurs, monsieur le député, prenez en considération nos 600 milliards d’euros de dette : C’est là un problème de souveraineté et je sais à quel point vous y êtes attaché. On me dit souvent que la dette des collectivités locales est faible. C’est vrai, mais l’État, qui, chaque année, consacre 270 milliards d’euros aux dépenses des ministères, en verse 67 milliards aux collectivités. Et ces 67 milliards de dotations, un montant important donc, comment les finance-t-on ? En grande partie, par l’emprunt. Que l’emprunt soit souscrit par l’État pour financer les dotations ou par les collectivités, cela revient au même pour nos concitoyens. J’espère que nous en débattrons sereinement d’ici quelques jours.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
La victoire de Syriza est une bonne nouvelle pour les Grecs et pour l’Europe. Cette victoire n’a pas besoin de récupération politicienne en France.
C’est le choix lucide et raisonnable d’un peuple libre face à l’austérité.
C’est une voie progressiste, une voie qui tourne le dos à l’extrême-droite, une voie qui veut une Europe plus solidaire, une démarche de coopération entre les peuples plutôt que de concurrence.
Ce qui se passe en Grèce n’est pas un fait isolé. Le constat grandit dans de nombreux pays, les politiques néolibérales et la dérégulation de l’économie profitent à quelques-uns au détriment des populations et des classes moyennes. Elles ne permettent pas de sortir de la crise. Elles creusent les inégalités.
Un cap idéologique est donc dorénavant franchi au niveau européen. Des rassemblements nouveaux pour desserrer les dogmes de l’austérité sont désormais possibles.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, alors que le Président de la République a invité M. Tsipras à Paris – et c’est très bien –, pouvez-vous nous dire comment le Gouvernement envisage, dans cette situation nouvelle, une réorientation de la politique européenne que beaucoup demandent ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe GDR.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le député Jean-Noël Carpentier, comme vous l’avez rappelé, le Président de la République s’est entretenu lundi avec le nouveau Premier ministre grec, Alexis Tsipras, à la suite des élections législatives qui ont vu les citoyens grecs accorder à Syriza une majorité et confier à Alexis Tsipras le soin de présider aux destinées de la Grèce.
Nous allons donc travailler avec le nouveau gouvernement grec. Le Président de la République a proposé à Alexis Tsipras de se rendre à Paris dès que son gouvernement serait formé. C’est désormais chose faite. Le rôle de la France et de l’Europe est de faire en sorte que nous puissions travailler dans un esprit de solidarité et de responsabilité.
Nous ne pouvons pas accepter deux attitudes, l’une consistant à faire comme si les Grecs ne s’étaient pas exprimés, comme s’ils n’avaient pas dit qu’ils voulaient en finir avec l’austérité. Il faut discuter avec le nouveau gouvernement que se sont choisi les citoyens grecs, comme cela aurait été le cas si le résultat avait été différent.
Les Grecs ont choisi une majorité qui est favorable au maintien de la Grèce non seulement dans l’Europe, mais dans la zone euro. Un esprit de responsabilité s’est manifesté ; des engagements ont été pris et ils doivent être tenus, mais en permettant à la Grèce de retrouver le chemin de la croissance.
La dette a augmenté. Si elle s’élève à 175 % du PIB, c’est aussi parce que le PIB, la richesse nationale, a baissé de 25 % depuis le début de la crise. Notre réponse doit consister à aider la Grèce à mener les réformes, à retrouver la croissance qui lui permettra de faire en sorte que soit renoué le lien des citoyens avec le projet européen, mais aussi avec l’emploi.
Il s’agit en effet de la bataille pour la réorientation que nous menons. C’est ce que nous avons fait avec la nouvelle politique monétaire qui permet la baisse de l’euro, le plan Juncker de 315 milliards d’investissement et une nouvelle doctrine sur la flexibilité. Telle est la bataille que nous allons mener pour la Grèce et pour l’Europe.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, au vu de la situation catastrophique de l’emploi dans notre pays, je m’adresse au Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, le temps de vous poser cette question, cinq personnes auront rejoint les 5 521 000 demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi, 321 000 de plus sur un an.
Depuis l’élection de François Hollande, ce sont plus de 600 000 personnes supplémentaires qui subissent ce fléau que représente le chômage, auxquels il faudrait ajouter les nombreuses personnes radiées par Pôle emploi.
Face à cet échec, votre Gouvernement est désemparé.
Vos premières paroles ont été, et je vous cite, « il ne
fallait pas s’attendre à des miracles ». Mais, monsieur
le Premier ministre, les Français n’attendent pas de
miracles, ils attendent du travail !
Pendant que la colère sociale monte dans tout le pays
et dans de nombreuses professions, votre ministre, M. Macron, se satisfait de micro-économie, selon ses propres termes.
Durant la précédente législature, marquée par une crise mondiale sans précédent dont vous avez nié l’existence en 2012, nous avions pris des mesures fortes : heures supplémentaires défiscalisées, TVA sociale, renforcement de l’apprentissage, assouplissement des 35 heures, et nous aurions dû aller plus loin. Vous avez systématiquement tout détricoté.
Deux ans et demi après votre élection, assumez enfin vos échecs ! Vous êtes incapables de tenir votre promesse de 2013 d’inverser la courbe du chômage, alors inversez votre politique.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Tous nos voisins européens ont réussi là où vous avez échoué, malgré une situation internationale particulièrement favorable. Sortez de la posture et de l’affichage, auxquels les Français ne croient plus : 5 521 000 demandeurs d’emploi, monsieur le Premier ministre.
Prenez les décisions fortes qui s’imposent. Mettez en place un nouveau contrat de travail plus souple et plus protecteur, tant pour les employeurs que pour les salariés ! Donnez-leur de la liberté pour travailler autant qu’ils le veulent en supprimant les 35 heures ! Révisez les seuils sociaux ! Modifiez les règles de l’assurance chômage !
Monsieur le Premier ministre, aurez-vous enfin le courage d’effectuer les réformes nécessaires et attendues par les Français ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
En effet, monsieur le député Cherpion, je vous réponds en ma qualité de ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social...
... que cela vous plaise ou non.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
S’il vous plaît, chers collègues. Les Français préfèrent que nous restions calmes !
Monsieur le député, vous connaissez en effet la situation du chômage dans notre pays. Les chiffres de l’année 2014 ne sont pas bons, cela est vrai.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
L’augmentation du chiffre du chômage sur l’ensemble de l’année s’élève à 5,6 %.
« Catastrophique ! » sur les bancs du groupe UMP.
Il est aussi vrai qu’elle était de 5,5 % en 2013, 10,2 % en 2012, 5,5 % en 2011, 5 % en 2010.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je vous le dis calmement, mesdames et messieurs les députés, car la question de M. Cherpion est une question sérieuse qui intéresse les Français.
Elle mérite autre chose que des cris et des hurlements. J’essaie de vous répondre de la manière la plus sincère possible. Le drame du chômage vous concerne, nous concerne, mais il concerne d’abord les Français.
Car ce sont les Français qui ont été touchés par ce drame depuis six ans. Depuis six ans, on compte 1 300 000 chômeurs supplémentaires, 750 000 à mettre sur le compte de la précédente majorité et 570 000, c’est vrai, pour la majorité actuelle.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
C’est pourquoi nous ne restons pas les bras croisés, c’est pourquoi nous agissons.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Que se passerait-il si le Gouvernement n’avait pas mis en place des mesures comme les emplois d’avenir ?
Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Grâce aux emplois d’avenir, plus de 100 000 jeunes ont trouvé une situation convenable l’année dernière. Dans le même temps, nous les formons et nous allons continuer ! Voilà ce que je voulais vous dire !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Depuis les trois jours qui ébranlèrent et la France et le monde, l’école se trouve à l’avant-garde du sursaut républicain né le 11 janvier, même s’il ne s’agit pas de lui demander de résoudre tous les maux de notre société. Nous ne saurions oublier que l’accès de tous à la culture, la mobilisation du mouvement associatif, notamment sportif, et la présence des acteurs de l’éducation populaire dans nos territoires sont autant de vecteurs d’apprentissage du vivre ensemble, de ce que « faire société » veut dire.
Il reste que l’éducation nationale a une responsabilité première, le caractère central de la transmission des savoirs ayant été tout particulièrement rappelé hier lors de la commémoration de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau.
C’est précisément pour cette raison qu’en 2013 a été votée une grande loi de refondation de l’école de la République, que, cette année, l’éducation devient le premier budget de la Nation et que l’objectif du recrutement de 60 000 enseignants a, malgré les contraintes, été maintenu. Les professeurs, qui doivent retrouver autorité et considération, bénéficient à nouveau d’une formation, la semaine de quatre jours et demi a été rétablie pour faciliter l’apprentissage des connaissances et l’enseignement moral et civique est programmé dès la rentrée prochaine.
Or, les défis à relever dans la période nouvelle qui s’ouvre apparaissent si considérables que le Président de la République a ressenti la nécessité de lancer l’acte II de la refondation de l’école.
Vous venez d’annoncer, madame la ministre de l’éducation nationale, un plan visant à mettre la laïcité et la transmission des valeurs républicaines au coeur de l’école, à développer la citoyenneté et la culture de l’engagement, mais aussi à favoriser la mixité sociale dans les établissements, car il serait vain de vouloir renforcer le sentiment d’appartenance nationale sans combattre d’abord les inégalités scolaires.
Aussi, quelles seront les étapes de la mise en oeuvre de ces mesures ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Patrick Bloche, face aux meurtriers attentats de Paris, il était indispensable de renforcer notre sécurité, notre protection et l’efficacité de notre justice – tout cela a été dit.
Mais nous savons tous qu’à terme, la meilleure arme que nous puissions avoir contre les ennemis des libertés, c’est l’éducation, parce que c’est dans le vide de la pensée que s’installe le mal et parce que c’est dans nos écoles gratuites, laïques et obligatoires qu’une génération entière se côtoie et apprend à se connaître et à dépasser ses peurs et ses différences.
C’est bien pour cela que nous nous posons aujourd’hui la question de savoir à quel point l’école remplit ces missions. Au quotidien, des centaines de milliers d’enseignants s’y dévouent, mais les incidents qui ont suivi les attentats ont révélé la grande vulnérabilité de l’institution scolaire face à des défis majeurs et nouveaux : le relativisme des enfants, la perte de repères, le repli communautaire et le sentiment d’exclusion.
C’est face à chacun de ces défis que nous avons voulu commencer à apporter des premières réponses, la semaine dernière. Elles ne sont pas exhaustives et, je le redis, des assises sont lancées sur tout le territoire pendant trois mois pour que chacun puisse contribuer à répondre à la question de savoir comment mieux éduquer nos enfants.
Mais nous savons bien qu’il faut, sans plus attendre, mieux épauler nos enseignants et c’est précisément pourquoi 1 000 formateurs seront déployés sur tout le territoire pour assurer une formation continue sur la laïcité, la citoyenneté et l’éducation aux médias, qui sont autant de sujets essentiels.
Nous savons, nous, qu’il faut mieux soutenir l’autorité des enseignants et c’est là l’objet des instructions qui ont été transmises aux chefs d’établissement afin que plus aucun incident ne soit banalisé ou sous-estimé.
Nous savons, nous, qu’il faut mieux faire adhérer les élèves à notre conception des valeurs républicaines et c’est la raison pour laquelle nous voulons renforcer l’apprentissage du français comme un fondamental, ainsi que l’apprentissage de l’esprit critique dont ils ont tant besoin dans ce monde.
Nous savons enfin qu’il faut mieux permettre aux partenaires de l’éducation d’aider l’école et c’est la raison pour laquelle nous l’ouvrons aux parents et créons une réserve citoyenne. Voilà. Continuons ensemble.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Anne Grommerch, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, la réponse du ministre du travail à la question de notre collègue Gérard Cherpion ne peut nous satisfaire. La situation de l’emploi est catastrophique et vous devez comprendre que les postures, les annonces et les mesurettes ne sont plus acceptables.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Je vous rappelle les chiffres funestes : plus de 8 000 chômeurs supplémentaires en décembre, la France compte plus de 600 000 chômeurs de plus qu’au début du quinquennat de François Hollande et flirte désormais avec la barre des 3,5 millions de chômeurs de catégorie A, soit un total de 5.5 millions de chômeurs.
« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe UMP.
Toutes les catégories sont concernées : le chômage des seniors atteint des records, celui de longue durée explose et le chômage des jeunes lui-même est reparti à la hausse, malgré la multiplication des contrats aidés qui pèsent très lourd dans notre budget.
Depuis deux ans, le Président de la République nous promet que la courbe du chômage va s’inverser. Depuis deux ans, le chômage ne cesse d’augmenter. Triste constat !
Quand allez-vous enfin voir la réalité en face ? Quand allez-vous enfin réagir et changer de politique ? Tant que vous n’assouplirez pas le code du travail et n’allégerez pas les charges et les contraintes pesant sur les entreprises, rien ne changera.
Vous continuez à attendre que les choses s’arrangent en promettant que le pacte de responsabilité va nous sauver, que le projet de loi Macron va être l’alpha et l’oméga d’une nouvelle politique économique, que 2015 sera meilleure que 2014, comme 2014 devait être meilleure que 2013 et 2013 meilleure que 2012 !
La réalité, c’est que vos résultats en matière de lutte contre le chômage sont catastrophiques. La vérité, c’est que même votre propre majorité vous fait défaut. La réalité, c’est que vous ne cessez de vous défausser sur l’ensemble des acteurs de notre pays, faute de prendre en main la situation économique et sociale. Vous vous perdez en mesures accessoires dans le projet de loi Macron et vous laissez nos voisins européens reprendre le train de la croissance sans nous.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la députée, sur cette question dramatique, je ne reprendrai pas les mots que vient de prononcer le ministre du travail. Je pense que chacun d’entre nous prend ce sujet à la fois avec sérieux et avec modestie – c’est en tout cas ce que fait le Gouvernement.
À l’exception d’une période courte, entre 1998 et 2000 – et encore étions-nous loin du compte par rapport à d’autres pays –, la France s’est habituée – nous nous sommes habitués – à un chômage de masse.
Face à cette situation, il faut utiliser tous les moyens, en rappelant une évidence qu’aucun d’entre vous, à l’exception du ministre du travail, n’a rappelée jusqu’à présent : la situation que connaissent et la France et toute la zone euro. Avec une croissance autour de 0 %, vous le savez parfaitement, il est impossible de créer de l’emploi.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Tout l’effort du Gouvernement – si vous me permettez de parler de ce sujet sérieux ! – vise à soutenir la croissance et la compétitivité, au premier chef – car je ne l’ai pas entendu dans vos propos – au niveau européen, comme le rappelait tout à l’heure le secrétaire d’État aux affaires européennes.
Toutes les politiques européennes doivent être tournées vers ce but, et pas seulement à cause du changement survenu en Grèce, mais parce que des choix ont déjà été faits, qui correspondent d’ailleurs à ce que le Président de la République défend depuis deux ans : faire en sorte que l’euro soit moins fort, moins cher – c’est important pour nos entreprises ; faire en sorte que la Banque centrale européenne prenne pleinement ses responsabilités – c’est le cas, et nous avons salué les décisions de M. Draghi – et faire en sorte enfin que l’investissement soit une priorité, car sans investissement, il n’y a pas d’emploi, pas de croissance et pas de projet européen.
C’est du reste le sens des mesures annoncées par le président de la Commission européenne, qui était, je vous le rappelle, votre candidat pour ce poste lors des dernières élections européennes. Je vous demande donc là aussi de la continuité et de la cohérence. Nous pouvons tous nous retrouver sur l’idée que la croissance par l’investissement et les grands travaux en Europe doit être une priorité.
En France, pour assumer nos propres responsabilités, nous avons instauré le pacte de responsabilité et de solidarité.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
C’est, madame la députée, la baisse des charges que vous évoquiez et qui vient d’entrer en vigueur : zéro charges autour du SMIC. Ce sont des moyens pour les entreprises. C’est le développement du CICE.
Tout en reconnaissant, parce que c’est une réalité, que l’année 2014 a été difficile pour la France et pour les Français, notamment pour ceux qui n’ont pas d’emploi, je suis convaincu qu’avec les indicateurs dont nous disposons et avec le changement amorcé par la conjoncture internationale – qu’il s’agisse du niveau de l’euro, de la baisse des taux d’intérêt ou du prix du baril de pétrole –, oui, les choses peuvent changer ! Quant à la loi Macron – la loi pour la croissance et l’activité –, elle permet aussi de donner plus de liberté.
Bref, nous sommes en train de faire, avec nos valeurs, avec le sens de la justice et en luttant contre les inégalités, ce que vous avez été incapables de faire quand vous étiez au pouvoir.
Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.
Nous sommes fiers des mesures que nous sommes en train de prendre, car elles vont soutenir la croissance, la compétitivité et la seule priorité qui vaille : l’emploi, l’emploi, l’emploi !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Dans le projet de loi sur la croissance et l’activité figure la volonté gouvernementale de procéder par ordonnances, sur un champ très large, à une révision du droit de l’environnement.
Pour les écologistes, l’objectif affiché, celui d’une simplification des procédures environnementales, peut parfois être légitime. Il arrive que ces procédures freinent des projets tout à fait vertueux. Nous sommes ouverts à des évolutions sur ces questions, sans dogme.
Cependant, la méthode nous inquiète. Elle nous paraît peu compatible avec l’esprit annoncé par M. le Président de la République, lors de la conférence environnementale, concernant la concertation et la participation du public à l’élaboration même des projets à impact environnemental. C’est une vraie demande nouvelle et importante de la société.
Nous connaissons trop d’exemples de réformes par ordonnances qui ont rapidement trouvé leurs limites, du fait de rédactions pas assez réfléchies, pas assez concertées, et surtout pas assez confrontées aux réalités du terrain.
Madame la ministre, nous contestons ce recours aux ordonnances parce que, je le rappelle, le Parlement est le lieu de l’élaboration de la loi : c’est le mandat que les citoyens nous ont confié.
Quels engagements prendrez-vous quant au contenu des modifications du droit de l’environnement, quant à l’association du Conseil national de la transition écologique, quant à la co-élaboration avec les parlementaires ? Êtes-vous prête à inscrire dans cette loi que les modifications des procédures environnementales se feront sans porter atteinte aux objectifs généraux et aux principes fondamentaux inscrits dans le code de l’environnement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Madame la députée, je voudrais vous apporter trois éléments de réponse.
Premier élément : il n’y a pas de raison d’opposer le développement économique et la création d’emplois à la protection de l’environnement. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de le dire lors de notre débat sur la transition énergétique, au cours duquel nous avons créé le permis unique, qui permet à la fois de réduire les délais et d’être tout aussi vigilant sur la protection de l’environnement.
Deuxième élément de réflexion : nous nous sommes engagés, lors de la conférence environnementale, à moderniser le droit de l’environnement pour le démocratiser davantage, afin de tenir compte de la plus grande sensibilité du public à son cadre de vie.
Troisième élément : pour vous donner toutes garanties sur ce sujet, car vos préoccupations sont également les miennes, cette modernisation du droit ne doit pas se faire au prix d’une destruction de l’environnement, car détruire l’environnement, c’est aussi détruire les emplois.
Le Gouvernement est tout à fait ouvert au dépôt et au vote de l’amendement que vous venez d’évoquer pour garantir la non-régression en matière de droit de l’environnement. Mais nous devons impérativement raccourcir les délais de construction, identifier très tôt les problèmes qui se posent pour pouvoir sécuriser les entreprises afin qu’elles puissent investir, et équiper le pays sans en rabattre sur la protection de l’environnement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Arnaud Robinet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à la ministre de la santé. « Bonne année, bonne santé ! » Cette formule que nous avons coutume de prononcer ces jours-ci prend tout son sens quand on voit la difficulté qu’ont eue les Français pour avoir accès à un médecin ces derniers jours. Après le débrayage de l’ensemble des professions médicales durant les fêtes de Noël, après la grève de l’utilisation de la carte vitale, c’est au tour de SOS Médecins de cesser le travail. Et ce n’est pas fini : on annonce désormais la grève des internes à partir de demain.
Depuis quasiment un mois, la grogne monte en puissance, et pendant ce temps, vous vous contentez de réunir des groupes de travail et vous promettez des concertations dont on ne voit aucune suite. Et pour cause : votre projet de loi est tellement dogmatique et rigide qu’aucune négociation n’est possible sur la base des dispositions que vous portez !
Comment voulez-vous engager le dialogue avec les généralistes, quand vous restez aussi arc-boutée sur le tiers payant généralisé, qui revient à faire du généraliste un supplétif et un salarié sous-payé de la Sécurité sociale ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Comment voulez-vous relancer le dialogue avec les cliniques, quand vous vous obstinez à les opposer au public ? Comment pouvez-vous espérer calmer le mécontentement de SOS Médecins, quand vous initiez la suppression des gardes de nuit libérales ?
Mêmes mouvements.
Madame la ministre, il faut l’avouer : le Gouvernement auquel vous appartenez a un problème avec les professions libérales.
D’un côté, les professions juridiques sont attaquées par votre collègue Macron avec une déréglementation débridée ; de l’autre, avec un sens du dialogue tout aussi inexistant, les professions médicales sont attaquées par une fonctionnarisation rampante.
Pour des raisons purement idéologiques, voire électoralistes, vous vous en prenez au principe de l’exercice libéral, qui est pourtant l’un des fondements du modèle français. Alors ma question est simple, madame la ministre : quand comptez-vous prendre conscience du malaise des médecins ? Quand cesserez-vous d’être la ministre des grèves, des conflits et des bureaucrates, pour être enfin la ministre des professionnels de santé, de tous les professionnels de santé ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Monsieur le député Arnaud Robinet, voilà une question qui ne manque pas de caricatures et qui, elle, échappe à tout dogmatisme et à toute idéologie !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
J’ai envie de vous renvoyer la question, monsieur le député : quand allez-vous vous intéresser aux relations des Français avec leur système de santé ? Faut-il vous rappeler que, lorsque vous étiez aux responsabilités, monsieur le député,
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
vous avez conçu le système de santé comme l’accroissement des franchises et des déremboursements ?
Mêmes mouvements.
Faut-il vous rappeler, monsieur le député, que lorsque vous étiez aux responsabilités,
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
vous avez fait reculer la part prise en charge par l’assurance maladie ?
Nous, nous assumons ! Nous assumons un projet de loi en direction des Français, avec des mesures concrètes pour la prévention, pour l’accès aux soins dans les territoires. Nous assumons, monsieur le député, un projet de loi qui veut favoriser la levée des obstacles financiers que rencontrent un certain nombre de nos concitoyens dans l’accès aux soins.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
C’est cette raison qui nous a amenés à proposer le tiers payant généralisé, qui effectivement est une mesure forte du projet de loi de santé, même s’il est réducteur de ramener l’ensemble de cette loi à cette seule mesure.
J’entends que cela provoque des interrogations, des doutes, des difficultés avec les médecins, avec les professionnels de santé. Des groupes de travail ont été constitués, la concertation est réelle. Je participerai personnellement à ces groupes de travail, et je souhaite que l’esprit de dialogue l’emporte chez chacun. En tout cas, c’est ce qui me guide dans la période actuelle.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Dominique Potier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Hier, monsieur le ministre de la défense, au moment où l’Assemblée nationale rendait hommage aux neuf victimes du tragique accident d’Albacete, je vous accompagnais sur la base aérienne de Los Llanos en Espagne. L’armée de l’air est en deuil ; nos territoires sont en deuil.
Avec le sénateur Daniel Reiner, nous avons eu le sentiment intense de représenter l’ensemble des parlementaires de Meurthe-et-Moselle et de notre région, quelle que soit leur sensibilité. La Lorraine est une terre brûlée par deux conflits mondiaux ; nous sommes les héritiers de ces conflits, que nous avons commémorés en 2014. Ce passé tragique qui est notre héritage a créé chez nous un lien particulièrement fort avec nos forces armées. Je peux attester ici de l’ampleur de l’émotion populaire autour de la base aérienne 133.
Officiers, sous-officiers, aviateurs, mécaniciens, tous ceux qui ont péri à Albacete réveillent en nous la mémoire de l’appel du 18 juin. Ces hommes, comme tous nos militaires engagés aujourd’hui sur les théâtres d’opération du Mali, du Liban comme en Jordanie, luttaient contre le terrorisme et pour l’équilibre du monde.
Nos forces armées mais aussi nos chercheurs, nos entreprises, nos humanitaires, tous ceux qui contribuent à la paix et à la justice, sont notre fierté. Le temps n’est ni au déclinisme ni à l’orgueil : il est temps d’être sincèrement fier de ceux qui portent les couleurs de notre pays et les valeurs de notre République.
C’est dans cet esprit que nous présentons à nouveau nos condoléances à leurs frères d’armes, à leurs proches, à leurs familles.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire comment la France entend contribuer à comprendre les causes de ce drame et à témoigner de notre solidarité ?
Applaudissements sur tous les bancs.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Dominique Potier, je voudrais avec vous rendre hommage aux neuf militaires morts dans cet accident dramatique d’Albacete. J’y associe les deux pilotes grecs du F16.
Avec vous et, je pense, l’Assemblée nationale entière, et au nom de l’ensemble du Gouvernement, je veux aussi faire part de nos condoléances etde notre compassion aux familles endeuillées, qu’elles soient à Nancy-Ochey, à Châteaudun ou à Saint-Malo. Avec vous, je veux aussi dire aux blessés toute notre solidarité.
J’ai pu me rendre hier à Albacete, avec le ministre de la défense espagnol, qui a fait preuve de la plus grande diligence pour nous assister dans ce moment difficile, avec notre ambassadeur, avec le chef d’état-major de l’armée de l’air. Nous avons rencontré soixante-dix hommes du détachement de l’armée de l’air qui participait à l’exercice et qui en sont sortis traumatisés et meurtris, d’autant qu’une partie d’entre eux a assisté, horrifiée, à l’accident.
Outre neuf morts, ce drame a fait cinq blessés, dont quatre seront rentrés ce soir, le dernier restant hospitalisé à Madrid faute d’être transportable.
Quant aux causes de l’accident, elles n’ont toujours pas pu être établies à l’heure où je vous parle. Une enquête administrative est en cours. Une enquête judiciaire a été également ouverte, à laquelle nous participons à la demande des autorités espagnoles.
Mesdames, messieurs les députés, monsieur le député, la mission militaire est toujours exigeante : même en exercice elle comporte des risques. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a décidé ce matin qu’un hommage national serait rendue aux neuf victimes la semaine prochaine aux Invalides.
Applaudissements sur tous les bancs.
La parole est à Mme Sonia Lagarde, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez annoncé lundi des mesures visant à permettre aux maires, dans le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales, de mieux protéger leurs policiers municipaux : la mise à disposition de 4000 revolvers et l’aide à l’achat de 8000 gilets pare-balles.
Dois-je vous rappeler que les polices municipales de Nouvelle-Calédonie ne sont toujours pas autorisées à porter des armes de défense de catégorie C, à la différence de leurs homologues métropolitains et polynésiens ? Voici plus de deux mois, je vous avais interrogé sur le caractère totalement inéquitable de cette discrimination et vous m’aviez fait part de votre volonté de prendre le décret nécessaire pour y mettre fin si deux conditions étaient réunies : que les personnels soient formés et que le Haut-commissaire l’autorise. Ces deux conditions ne sauraient constituer d’obstacle majeur puisqu’elles ne dépendent que de la volonté de l’État de débloquer la situation.
Dois-je rappeler que le Président de la République a confirmé, lors de sa visite en Nouvelle-Calédonie en novembre dernier, cet engagement ? Depuis, rien n’a bougé : la situation reste figée.
Dois-je rappeler que, depuis la présidence de M. Sarkozy, la vente d’armes est libéralisée en Nouvelle-Calédonie, alors que nos policiers municipaux ne disposent toujours que de tonfas et de bombes lacrymogènes pour assurer leur sécurité ?
Dois-je rappeler enfin que la Nouvelle-Calédonie, c’est encore la France ! Comment comprendre dans ces conditions une politique à ce point confuse ?
Le temps est venu, monsieur le ministre, d’apporter une réponse claire à une question très simple : quelles sont les raisons de ce blocage ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
Vous m’aviez déjà interrogé il y a quelques semaines, madame la députée, sur la question de l’armement des policiers municipaux en Nouvelle-Calédonie. Vous réitérez aujourd’hui votre question en exigeant de ma part une réponse claire : elle le sera.
Aux termes de l’article L 511-5 du code de sécurité intérieure, l’armement des polices municipales suppose un accord entre la préfecture et les collectivités locales qui souhaitent armer leur police. Selon vous cette convention est en voie d’être mise en place. Les conditions de cet armement sont donc réunies.
Pour que celui-ci devienne effectif, il faut un décret en Conseil d’État. Comme je vous l’avais indiqué, ce décret a été rédigé par le ministère de l’intérieur ; il fait l’objet d’ultimes concertations en vue de sa publication à la fin du mois de février, de sorte que vous puissiez mettre en oeuvre alors la mesure que vous appelez de vos voeux.
Ce décret fera l’objet d’une consultation des collectivités locales. Compte tenu de la position que vous venez d’exposer, il ne devrait pas y avoir de problème pour recueillir leur assentiment. Dès lors que tel sera le cas, le décret pourra être publié à la fin du mois de février.
Telle est la réponse très concrète que je voulais apporter à la question précise que vous m’avez posée.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Luc Chatel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, les attentats survenus le 7 janvier dernier à Paris ont mis en évidence la nécessité de renforcer la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme.
Dans ce contexte, le refroidissement de nos relations avec le royaume du Maroc fait tache. Le manque de coopération judiciaire et sécuritaire, depuis près d’un an, constitue un obstacle à cette coopération internationale.
Le Maroc est un grand ami de la France. Il l’a montré à de nombreuses reprises, et encore récemment en soutenant la démarche de la France sur le plan international, en participant à l’opération Serval.
Le Maroc est aussi un pays qui a fait le choix d’un islam modéré, d’un dialogue entre les cultures et les religions. Je ne reviendrai pas ici, monsieur le Premier ministre, sur une année d’incidents dont la répétition a meurtri nos amis marocains, mais je voudrais quand même déplorer les agissements de certains membres de votre Gouvernement, depuis quelques jours, qui ont jeté un nouveau coup de froid sur la relation franco-marocaine.
D’abord, le porte-parole de votre Gouvernement, qui au moment où nous cherchons à réchauffer les relations entre la France et le Maroc, reçoit ostensiblement des représentants du Front Polisario.
Ensuite, votre garde des Sceaux, qui déclarait publiquement il y a quelques jours : « Au Maroc, il est plus prudent de ne pas vouloir représenter le roi. »
Ces propos ont blessé. Monsieur le Premier ministre, il y a dans cette assemblée beaucoup d’amis du Maroc. J’ai l’honneur de présider le groupe d’amitié France-Maroc, qui a accueilli il y a un mois nos collègues marocains. À l’unanimité, Marocains, Français de toutes sensibilités de cette assemblée, nous avons exhorté nos gouvernements respectifs à renouer des relations amicales, des relations de travail, des relations de confiance et de coopération.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur Chatel, le Maroc, nous le savons, Bernard Cazeneuve, Christiane Taubira et moi-même, est un partenaire majeur dans bien des domaines. Je l’ai expérimenté moi-même quand, avec l’Espagne, il s’agit de lutter contre le trafic de drogue, mais aussi, bien sûr, pour lutter contre l’islamisme radical, le djihadisme et le terrorisme.
La France est l’amie du Maroc, le Maroc est l’ami de la France : Laurent Fabius a déjà eu l’occasion de le dire à de nombreuses reprises, parce que – et chacun doit y prendre sa part – il nous faut dépasser cet épisode, qui repose me semble-t-il sur de nombreuses incompréhensions.
Laurent Fabius s’est entretenu avec son homologue, M. Mezouar, à plusieurs reprises ces dernières semaines. La France fait de nombreuses propositions pour renouer rapidement des liens étroits avec les autorités marocaines. Laurent Fabius aura l’occasion de se rendre prochainement au Maroc, mais dès demain, les deux ministres de la justice se rencontreront afin de sortir de cette difficulté.
C’est la volonté exprimée par les deux chefs de gouvernement. C’est la volonté exprimée aussi, bien sûr, par le roi du Maroc et par le Président de la République.
Sur les liens qui nous unissent au Maroc, j’ai moi-même eu l’occasion de m’exprimer à Paris, lors de la fête nationale marocaine, il y a quelques mois. La coopération économique, mais aussi les liens humains, les liens universitaires…
… les liens culturels, et la lutte commune contre le terrorisme, nous obligent à dépasser le plus vite possible ces incompréhensions et à faire en sorte, comme le souhaitent l’ensemble des parlementaires, que cette coopération reprenne dans les meilleures dispositions possibles. C’est, en tout cas, je veux vous le dire, la volonté absolue du Président de la République et du Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, suite aux tragiques attentats que vient de connaître notre pays, il y a eu un important et salutaire mouvement d’union nationale. Par millions, nos concitoyens sont descendus dans la rue, pour marquer leur indéfectible attachement à la démocratie, à la République et à ses valeurs, mais aussi à l’État de droit ou encore à la liberté de la presse.
Malheureusement, nous constatons que ces principes ne sont pas appliqués partout, voire qu’ils sont ouvertement bafoués dans certaines parties du territoire national.
Monsieur le Premier ministre, je voudrais me faire le relais d’inquiétudes et d’indignations concernant ce qui se passe dans la zone de non-droit de Sivens.
Où va-t-on quand des individus, au mépris de toute règle de propriété, d’urbanisme, d’hygiène, de sécurité ou de respect de l’environnement, s’installent dans la durée, construisent en dur pour figer une zone de non-droit ?
Où va-t-on quand des individus, en toute impunité, tiennent, comme une milice fascisante, des points de contrôle pour empêcher la libre circulation sur une route départementale ?
Où va-t-on quand des individus tiennent une conférence de presse masqués, avec contrôle d’identité des journalistes, leur expliquant que c’est pour mieux les retrouver s’ils n’écrivent pas dans le bon sens ?
Où va-t-on quand des individus narguent ouvertement l’autorité de l’État, et que les gendarmes sont interdits d’accès dans le secteur ?
Où va-t-on quand la ministre de l’environnement elle-même, qui a lancé une médiation qui ne fait que des mécontents, n’a pas un mot pour faire évacuer le site, ni pour les riverains excédés, qui n’en peuvent plus de subir de telles intimidations, viols de propriété, exactions, par des individus hors la loi ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Monsieur le Premier ministre, ne rien faire, c’est l’assurance d’avoir un autre drame à Sivens. Je vous en conjure, agissez et faites enfin respecter partout, et surtout à Sivens, les lois de la République, pour lesquelles des millions de Françaises et Français se sont mobilisés.
La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Monsieur le député, je voudrais faire trois observations.
La première est que, vous l’avez dit, nous sommes dans un État de droit.
Suite à l’appel au secours des élus locaux, je suis intervenue pour envoyer des experts sur place, afin d’essayer de sortir par le haut de cette inextricable situation. Peu importe les responsabilités des uns et des autres : nous devons maintenant nous rassembler autour d’une solution durable qui procure de l’eau aussi bien aux agriculteurs qu’au débit d’étiage de la rivière.
La deuxième observation, c’est qu’à partir des propositions des experts – qui ont mis en avant deux solutions : soit un ouvrage en amont, qui aurait un moindre impact sur l’environnement, soit des retenues de substitution –, il appartient maintenant aux élus locaux de faire leur choix, au besoin par un référendum local, afin de décider quel est l’ouvrage qui leur convient. Je prends pour ma part l’engagement, pour les y aider, de récupérer les fonds européens qui ont été retirés au projet précédent, pour atteinte à la directive et à la loi sur l’eau.
Interruptions sur les bancs du groupe UMP.
Je m’engage aussi à ce que l’État prenne en partie à sa charge les frais de retard du chantier. Je vais donc très loin dans la prise en compte de la responsabilité de l’État, s’agissant d’un projet qui relève des élus locaux.
La troisième observation, sur l’occupation illégale du site, est que je peux prendre cet engagement, monsieur le député, en accord avec le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve : dès lors que les élus locaux auront fait leur choix, il y aura une évacuation du site, afin que l’État de droit reprenne ses droits.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Yannick Moreau, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, votre ministre de l’intérieur et vous-même avez raison de dire que nous sommes en guerre contre l’islamisme radical. Cette guerre doit être totale.
Or, comme vous l’écriviez dans votre lettre au Président de la République de l’été 2013, il existe une large fracture au sein du Gouvernement entre une ligne ferme, que vous cherchez à incarner avec M. Cazeneuve, et la ligne pénale laxiste de Mme Taubira.
Protestations sur les bancs du groupe SRC.
La réforme pénale de Mme Taubira actuellement en vigueur est un contresens historique majeur. Quand les Français réclament plus de fermeté, quand les circonstances exigent un réarmement pénal, Mme Taubira fait voter une loi laxiste aux effets catastrophiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La loi pénale de Mme Taubira cherche à faire éviter la prison comme la loi sur les 35 heures cherchait à faire éviter le travail !
Six mois après sa promulgation, la loi pénale de Mme Taubira est non seulement périmée, mais dangereuse pour faire face aux nouvelles menaces qui pèsent sur notre sécurité et sur nos libertés.
Face à cette double ligne gouvernementale, mes questions sont simples et sont partagées par un grand nombre des représentants de la Nation et de nos compatriotes.
Comment allez-vous concilier le laxisme pénal généralisé par la réforme de Mme Taubira avec l’impérieuse fermeté que commande la lutte contre le djihadisme islamique ?
Face au constat objectif d’un double discours pénal au sein de l’exécutif, la question de la participation de Mme Taubira au Gouvernement est clairement posée aujourd’hui.
Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.
La ligne de la France doit être claire, affirmée, incarnée.
L’opposition vous propose quelques mesures fermes et claires : fin des remises de peine automatiques, interdiction du territoire national et déchéance de la nationalité pour les djihadistes binationaux, sanctuarisation du budget de la défense.
Ayez le courage de reprendre nos propositions et de faire en sorte que l’unité nationale ne soit pas une vaine formule !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Mmes et MM. les députés des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP se lèvent et applaudissent.
Je vous remercie;
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Yannick Moreau, nous sommes dans un hémicycle où nous avons l’habitude de traiter sérieusement les sujets sérieux.
La politique pénale en est un.
Nous avons donc fait évaluer très scrupuleusement les politiques pénales qui étaient appliquées lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités par des personnes dont les méthodes, rigoureuses et scientifiques, sont reconnues en France, en Europe et dans d’autres pays.
Cette évaluation a permis de mettre en évidence la disjonction entre la politique pénale et la politique carcérale qui a conduit à multiplier par trois les condamnations en récidive pénale…
… à des sorties sèches sans aucun encadrement ni accompagnement pour 80 % des personnes concernées. L’échec de cette politique réside surtout dans le fait que vous avez supprimé la liberté d’appréciation des magistrats.
Nous savons que, dans tous les pays du monde, l’efficacité des sanctions pénales est liée à l’individualisation des appréciations, c’est-à-dire à la capacité qu’ont les magistrats d’apprécier la situation et de décider de la sanction la plus adaptée.
Après ce travail extrêmement rigoureux, nous avons donc eu le courage, nous, de définir une réforme qui a fait l’objet de travaux de très grande qualité auxquels je constate, avec beaucoup de regrets, que vous n’avez pas participé.
Ce travail a été remarquablement conduit par le rapporteur et l’ensemble de la majorité.
Nous avons aussi observé qu’avec constance vous essayez de déployer des passions tristes, dont la haine, visant particulièrement certains membres de ce Gouvernement.
Protestations sur les bancs du groupe UMP
Je ne pense pas que cela honore la représentation nationale.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur le ministre, la représentation nationale s’est saisie de la question des professions juridiques réglementées dès l’annonce du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
Une mission d’information parlementaire de quinze députés, dont mon collègue Philippe Houillon était le co-rapporteur, a été mise en place au mois de septembre 2014 et notre collègue Richard Ferrand, rapporteur général, a également remis un important travail sur cette question.
Les propositions ainsi faites ont largement nourri le projet de texte, examiné de façon très constructive et exemplaire au sein de la commission spéciale, qui a débattu pendant 82 heures sur cet important sujet en votre présence et avec votre équipe.
Cette démarche positive, il faut le dire, contraste singulièrement avec la stratégie offensive et inédite de certains lobbies.
Plutôt que de nous en tenir à un statu quo stérile, nous avons choisi de prendre à bras-le-corps la modernisation juridique et économique de notre pays.
Nous avons choisi d’ouvrir à la jeunesse la porte de métiers qu’elle souhaite exercer tout en veillant au maintien du maillage territorial, à l’égal accès au droit sur tout le territoire, à la sécurité juridique et au développement de nouvelles formes d’exercice de ces professions.
Pourtant, certains claironnent haut et fort que nous allons détruire un modèle auquel nous sommes en réalité très attachés.
Sourires
D’autres affirment que les salariés de ces secteurs – dont nous avons tenu à entendre tous les représentants dans le cadre de notre mission – seront en difficulté.
Alors, monsieur le ministre, pouvez-vous les rassurer sur ces deux points ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Mesdames et messieurs les députés, madame la députée, il convient en effet de lever des ambiguïtés persistantes compte tenu des mauvaises informations qui sont aujourd’hui diffusées par nombre de protagonistes.
Comme vous l’avez fait, et je vous en remercie, je rappelle que cette réforme préserve la sécurité juridique puisqu’aucun acte de ces professions réglementées, en aucun cas, ne sera touché, comme Mme la garde des Sceaux l’a elle-même rappelé il y a deux jours lors de la présentation du texte.
En outre, la libre installation prévue pour certaines de ces professions réglementées est encadrée, de manière objective, dans des zones où l’on constate des carences et où l’équilibre financier des professionnels en place pourrait être menacé. Elle sera également contrôlée par Mme la garde des Sceaux, ministre de la justice. En aucune façon, donc les équilibres territoriaux et professionnels ne sont remis en cause par cette réforme. C’est même le contraire, puisque la libre installation est prévue pourles zones dans lesquelles il manque des professionnels.
De plus, cette réforme assure plus de transparence sur les tarifs des professions juridiques réglementées. Nous les réviserons, tous les cinq ans au moins, sur une base objective, en préservant la proportionnalité et donc la pérennité des structures les plus petites.
Enfin, à l’initiative d’un rapporteur, la commission spéciale, et je l’en remercie, a instauré un fonds de péréquation pour assurer l’équilibre financier au sein de ces professions du droit et entre elles. Il sera le garant d’une solidarité financière qui, pour l’instant, n’existe pas.
Grâce au travail intergouvernemental et au travail parlementaire, je peux donc rassurer pleinement les professionnels. ils méritennt mieux que le débat que certains engagent sur la place publique, en particulier leurs représentants.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Sylvain Berrios, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Alors que 40 milliards d’euros ont été dépensés en 2014 dans la politique du logement, la France n’a jamais aussi peu construit depuis 1997. De loi SRU à la loi ALUR, la volonté de nationaliser l’initiative et la construction a échoué.
Cette politique est un échec pour plusieurs raisons.
Premièrement, c’est une erreur de focaliser toutes les énergies sur le seul objectif, d’ailleurs contestable, du logement social pour tous.
L’objectif doit être d’accompagner les Français dans un parcours résidentiel favorisant, in fine, l’accession à la propriété.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Deuxièmement, c’est une erreur de considérer que les acteurs privés seraient moins performants que les acteurs publics pour produire du logement et le financer. L’objectif doit être d’accompagner tous les acteurs du logement, et pas uniquement les acteurs du logement social.
Troisièmement, c’est une erreur de considérer que l’État peut se substituer aux maires. Seuls les maires ont la connaissance de leurs territoires, la légitimité que leur confère le suffrage universel et, par conséquent, le pouvoir de conviction nécessaire à l’aménagement de leurs communes. Ils sont les seuls garants de leur cadre de vie et des équilibres socio-démographiques de leurs territoires.
Les politiques successives ont échoué et créé des situations explosives dans les quartiers. Et les annonces que vous avez faites, monsieur le Premier ministre, d’un peuplement forcé par l’État, s’avéreront catastrophiques pour nos territoires.
Quand allez-vous, monsieur le Premier ministre, abandonner la stratégie idéologique du « tout logement social » ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Sylvain Berrios, la question du logement est une question importante
« Ah ! » sur quelques bancs du groupe UMP
pour nos concitoyens, ainsi que pour les entreprises de ce secteur, qui sont durement frappées par la crise. Cette question mérite donc mieux que les caricatures, la polémique ou les postures.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Je ne vous ferai pas l’offense, monsieur le député, de rappeler les chiffres de la construction de logement social dans votre commune, puisque vous les connaissez.
« Si ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Si, il faut les rappeler ! Il n’y a que 5 % de logement social à Saint-Maur !
Vous avez raison de dire que ce gouvernement veut faciliter l’accès au logement de nos concitoyens : c’est vrai. Vous avez raison de dire que ce gouvernement souhaite soutenir la production de logement social et aider le mouvement HLM : c’est vrai. Et cette ambition mériterait en effet que certaines communes se mobilisent davantage pour produire les logements sociaux dont notre pays a cruellement besoin,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
et votre commune, monsieur le député, en particulier.
Mais il importe aussi d’agir sur l’ensemble des segments de la construction et de la rénovation énergétique pour relancer la production, pour agir sur le logement intermédiaire et sur l’accession à la propriété. L’ensemble de ces outils ont été introduits dans le plan de relance que nous avons présenté avec le Premier ministre.
Pour qu’il réussisse, il faut que chacun se mobilise et prenne ses responsabilités. C’est ce qu’attendent nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Françoise Dubois, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’intérieur, la lutte contre l’insécurité routière est une priorité nationale. De nombreuses familles, dans notre pays, ont été touchées, de près ou de loin, par les drames de la route. En quarante ans, le nombre de morts a été divisé par cinq et, en 2013, nous nous étions félicités collectivement de ce que le nombre de morts sur la route ait atteint son plus bas niveau.
L’année 2014, en revanche, a été particulièrement meurtrière. Les piétons et les cyclistes ont été les plus touchés par cette augmentation. Je n’oublie pas celles et ceux qui ont été grièvement blessés, profondément marqués, physiquement ou psychologiquement, voire les deux, par un drame de la route.
Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, les chiffres de 2014 ne sont pas à la hauteur des objectifs qui ont été fixés. La sécurité routière est un combat de tous les jours, et il est de notre responsabilité que le nombre de victimes diminue. Pour cela, il faut mobiliser des moyens importants. L’objectif reste le même : faire en sorte que le nombre de tués ne dépasse pas la barre des 2 000 en 2020.
Pour atteindre cet objectif, vous avez annoncé la mise en place d’un nouveau plan d’action, accompagné notamment d’une évolution des méthodes actuelles d’identification et d’analyse des causes d’accidents. Je vous félicite pour les annonces que vous avez faites concernant la protection des usagers les plus exposés à la violence routière et le renforcement des sanctions contre les infractions graves à l’encontre de ceux qui mettent en danger la vie d’autrui. Enfin, je salue également les actions de sensibilisation et de formation, à destination des jeunes, notamment.
Monsieur le ministre, pouvez-vous décliner les principales mesures contenues dans ce plan pour la sécurité routière et nous présenter, éventuellement, le calendrier de leur mise en oeuvre ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Avant de répondre à votre question, dont je vous remercie, madame la députée, je tiens à dire avec force et sincérité que rien de ce que nous avons fait dans la lutte antiterroriste n’aurait été possible sans l’engagement absolument déterminé de la garde des sceaux, du parquet antiterroriste et des magistrats du parquet antiterroriste.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.
Ce travail a été constant. La chancellerie a fait preuve d’un engagement sans trêve, ni pause, et tous les policiers du ministère de l’intérieur sont parfaitement conscients du concours constant qui leur a été apporté par la chancellerie et par les magistrats, sans lesquels rien ne serait possible. Et tout cela doit énormément à l’engagement personnel de Christiane Taubira.
Mêmes mouvements.
J’en viens à la question que vous avez posée concernant les mesures de sécurité routière. Il y a eu cent vingt morts de plus en 2014 qu’en 2013, alors que nous assistions, depuis le début des années 1970, à une diminution continuelle du nombre de morts sur les routes. Les résultats de 2014 ne sont donc pas à la hauteur de nos ambitions. Ils ne sont pas bons, et quand les statistiques ne sont pas bonnes, il faut le dire et prendre des mesures.
J’ai donc pris des mesures dans quatre directions. La première vise à éduquer et à prévenir, en mobilisant tous les acteurs qui peuvent faire de la prévention. La ministre de l’éducation nationale a donné son accord pour que soit mis en place un dispositif de prévention et d’éducation en classe de seconde, afin que la formation aux bonnes pratiques de sécurité routière soit continue tout au long de la scolarité.
J’ai également décidé, de ramener le taux d’alcoolémie légal de 0,4 à 0,2 gramme par litre de sang pour les primo-conducteurs, de lutter contre les comportements qui peuvent exposer la vie des automobilistes et celle d’autrui, en interdisant notamment le port de casques ou d’oreillettes. J’ai décidé, enfin, qu’il soit procédé à des audits de sécurité dans les grandes collectivités territoriales, pour faire en sorte que la circulation des piétons et des personnes à mobilité réduite soit plus aisée dans les villes, et que le nombre d’obstacles susceptibles de susciter des accidents soit réduit. Tel est l’esprit général de ce plan.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de Mme Sandrine Mazetier.
Madame la présidente, madame la rapporteure Colette Capdevielle, mesdames et messieurs les députés, nous arrivons au terme d’une longue navette parlementaire, puisque nous avons commencé à examiner ce texte en novembre 2013.
Ce texte tend à modifier et simplifier le droit et les procédures, principalement dans les relations entre l’administration et les citoyens, de façon à faciliter la vie de nos compatriotes. Il modernise un certain nombre de règles et de procédures afin, dans des situations parfois compliquées de la vie quotidienne, de faciliter l’accès aux informations et la réalisation des démarches et des formalités qu’ils doivent accomplir.
C’est ainsi que ce texte de loi intervient en matière d’administration légale pour les mineurs en cas de décès d’un parent ; améliore la législation et les procédures en matière de tutelle des majeurs protégés ; introduit la communication électronique ; simplifie le régime de l’héritage pour les successions modestes ; permet l’accès au testament authentique pour les personnes sourdes et muettes ; facilite les démarches en matière de permis de conduire ou d’accès aux emprunts pour des collectivités et introduit la notion de sensibilité de l’animal dans le droit, sans modifier le régime juridique auquel ils sont soumis. Cette disposition a d’ailleurs fait l’objet de débats passionnés qui promettent de revenir, ce qui nous permettra de préciser les choses, compte tenu des interrogations qui ont été formulées aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
Ce projet de loi fait donc l’objet d’une lecture définitive ici, à la suite du désaccord entre l’Assemblée et le Sénat sur certaines dispositions, dont l’une, majeure, figure à l’article 3 portant sur le droit des contrats. Il reste aujourd’hui assez peu à dire, compte tenu de la qualité du travail fourni tout au long de la navette parlementaire. Deux sujets méritent toutefois d’être évoqués : celui du tribunal foncier de Polynésie et celui du droit des contrats, même si aucune ambiguïté ne subsiste quant à la nécessité de réformer ce droit ainsi que le régime des obligations.
S’agissant de la Polynésie, une disposition a fait l’objet de modifications au Sénat et suscite des interrogations de la part de parlementaires de Polynésie, notamment Mme Maina Sage. Nous avions pourtant déjà bien approfondi le sujet, mais j’entends toutefois ces interrogations sur la présence du commissaire du gouvernement pour traiter des contentieux des terres. Nous avions beaucoup travaillé ce sujet en amont et l’avions abordé ici au fond.
Certains expriment donc maintenant le souhait de supprimer le commissaire du gouvernement. Je rappelle que nous avions conçu sa présence dans un dispositif articulé, suite à une mission de la direction des services judiciaires et de la direction des affaires civiles et du sceau que j’ai diligentée en Polynésie, dispositif qui comprend un groupe de travail, qui est en cours d’installation, et un contrat d’objectifs que la chancellerie a signé avec la cour d’appel de Papeete, contrat doté de 115 000 euros et qui prévoit l’affectation de deux magistrats, de deux greffiers et de vacataires. Le commissaire du gouvernement, qui serait chargé de mettre en état les dossiers, n’interviendrait pas oralement dans les délibérés mais transmettrait une analyse écrite. Surtout, son expertise permettrait de résorber les stocks de dossiers, première préoccupation avant de traiter les nouvelles affaires au fur et à mesure qu’elles se présenteraient.
Ce dispositif préserve le principe du contradictoire, rendant assez faible le risque d’une intervention partiale du commissaire du gouvernement que certains députés semblent craindre. Je rappelle qu’il ne viendrait pas de la métropole, mais qu’il s’agirait d’un membre de la direction des affaires foncières de Polynésie, direction que le Gouvernement s’était engagé à renforcer.
Vous avez déposé, madame la députée Maine Sage, un amendement sur le sujet. Nous aurons donc l’occasion de développer nos arguments et, surtout, les garanties que nous apportons pour accompagner la Polynésie dans le traitement de ces sujets fonciers extrêmement difficiles, et délicats également, car s’agissant d’une population réduite, même si le territoire est immense – aussi grand que l’Europe entière – des risques de conflits d’intérêts peuvent se présenter. Le dispositif tel que nous l’avions conçu nous semble donc à même de lever ces risques, mais nous en rediscuterons de manière plus approfondie tout à l’heure.
S’agissant du deuxième sujet, celui de l’article 3, qui concerne le droit des contrats, aucun doute ne semble subsister. Nous savons à quel point les contrats et les obligations sont entrés dans la vie des citoyens et des entreprises et à quel point ces dernières, notamment celles qui réalisent des échanges avec l’extérieur – Europe ou reste du monde – se sont trouvées pénalisées au fil du temps par un droit des contrats et un régime des obligations qui remontent au code civil de 1804.
Depuis lors, une jurisprudence abondante, parfois fluctuante, s’est accumulée. Le droit des contrats et le régime des obligations posent donc des problèmes de prévisibilité, qui pénalisent, évidemment, les plus vulnérables. Nous avons donc travaillé le texte de façon à obtenir du Parlement l’habilitation à réformer le droit des contrats par ordonnance, très largement à droit constant, essentiellement en favorisant l’harmonisation et la lisibilité, en faisant en sorte que cette jurisprudence soit accessible à tous et en modernisant le dispositif, au regard du droit européen bien entendu, mais aussi en tenant compte de la singularité de notre droit des contrats.
À ce titre, nous devrons notamment tenir compte de la culture européenne du contrat, tout en gardant l’intervention du juge c’est-à-dire la singularité de notre droit, en introduisant des notions telle que la violence économique, et en incitant les parties à revoir le contrat lorsque des circonstances imprévisibles surviennent. Naturellement, le fondement même de notre droit des contrats demeure : liberté contractuelle contrôlée par le juge, qui veille à défendre les intérêts de la partie la plus vulnérable, principe de la bonne foi et, en cas de rupture anticipée, contrôle du juge pour équilibrer les intérêts des parties.
J’avais pris devant vous l’engagement, que j’ai tenu, de vous soumettre le plus en amont possible les avant-projets et projets. Je prends aujourd’hui l’engagement de présenter au Parlement un projet de loi de ratification spécifique, donc de détacher cette partie du reste de la loi.
Oui, cela rassurera le Sénat, c’est-à-dire que cela apportera de la sérénité dans une assemblée qui n’en manque pas. Nous vous présenterons ce projet de loi de ratification spécifique dans le délai prévu, soit douze mois. Nous aurons accompli là un travail de fond, de qualité et urgent, qui contribuera au dialogue des droits, ainsi qu’à renouveler l’influence de la France et son rayonnement par le droit, tant au niveau européen qu’international.
Il me reste à remercier très chaleureusement l’ensemble des parlementaires qui se sont impliqués très fortement dans toutes les lectures de ce texte, et en particulier Mme la rapporteure, ainsi que M. le président de la commission des lois. Au bout du compte, nous aboutissons à un texte dont les dispositions, assez diverses mais toutes orientées vers la nécessité de simplifier la vie quotidienne des Français et leurs relations avec les administrations, produiront un effet dans le quotidien de nos concitoyens.
La plus grande efficacité de ce texte sera qu’une fois entré en application, ses effets ne se verront pas car les Français, dont la vie aura été rendue un peu plus facile, auront rapidement oublié les complications qui existaient auparavant pour des formalités identiques !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.
Un optimisme clairvoyant !
La parole est à Mme Colette Capdevielle, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Madame la présidente, madame la garde des sceaux, ministre de la justice, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, nous sommes saisis en lecture définitive du projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, à la suite, malheureusement, de l’échec de la commission mixte paritaire qui s’est déroulée le 13 mai 2014.
Je ne reviendrai pas sur le contenu de ce projet de loi, que nous avons examiné en détail lors des deux précédentes lectures. En nouvelle lecture, le 22 janvier dernier, le Sénat a maintenu la position qu’il avait adoptée sur les principaux points de désaccord avec notre assemblée. Il a tout d’abord supprimé l’article 3, qui habilite le Gouvernement à réformer – enfin – le droit des obligations et des contrats par voie d’ordonnance, au motif que ce projet devrait être adopté par la voie législative normale.
Nous ne pouvons approuver ce choix : si l’on refuse de recourir à la voie de l’ordonnance, cette réforme, indispensable pour le droit civil, sera reportée sine die une nouvelle fois. L’encombrement de l’ordre du jour parlementaire ainsi que la technicité et le volume de ce texte, qui réforme entièrement le droit des obligations et des contrats, ne permettraient pas son examen durant cette législature.
Le Sénat a également supprimé l’article 1er bis relatif au statut juridique des animaux dans le code civil, qui reconnaît, enfin, la qualité d’être sensibles de ces derniers et qui, au lieu de les assimiler à des biens, les soumet à leur régime juridique. Le Sénat a considéré que cette disposition ne présentait pas un lien suffisant avec l’objet initial du texte.
C’est une analyse que nous ne partageons pas. Le projet de loi déposé par le Gouvernement comporte justement un article 4 relatif à l’abrogation des actions possessoires, afin de moderniser le droit des biens, conformément aux préconisations du rapport de la commission présidée par le professeur Périnet-Marquet dans sa proposition de réforme du livre II du code civil relatif au droit des biens.
L’article 1er bis poursuit le même objet, la modernisation du droit des biens, et répond également à l’une des préconisations du rapport Périnet-Marquet. Il ne fait donc aucun doute qu’il présente un lien étroit avec l’objet initial du texte.
Dans ces conditions, il apparaît que le désaccord persistant entre les deux chambres ne peut être tranché qu’en donnant aujourd’hui le dernier mot à notre assemblée, comme le permet notre Constitution. Le Gouvernement a ainsi demandé à l’Assemblée nationale de trancher définitivement. C’est ce que nous allons faire aujourd’hui, en lecture définitive, en reprenant le texte que nous avions voté en nouvelle lecture sous réserve de la reprise de quatre amendements rédactionnels adoptés par le Sénat.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe RRDP.
Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, à l’issue de l’examen de ce texte par le Sénat, nous voici amenés à discuter, pour la troisième et dernière fois, du projet de loi relatif à la modernisation du droit et des procédures dans le domaine de la justice.
Au cours de ces différentes lectures, les parlementaires ont tous reconnu la nécessité, dans un contexte d’inflation législative, de simplifier notre arsenal juridique. Mais nous savons aussi combien la tâche est délicate. L’exercice de simplification nous impose en effet de légiférer sur des textes aux dispositions diverses, dans des domaines très différents.
Ce projet de loi n’échappe pas à la règle et les sujets qu’il recouvre – droit civil, droit des successions ou encore droit des obligations – sont vastes. En outre, lorsque le législateur entreprend de simplifier le droit, il doit prendre garde à ne pas dévoyer ce simple exercice en une réécriture complète.
Ce projet n’a pas su éviter cet écueil. Je pense notamment à l’apparition, au détour d’un amendement en première lecture, de l’article 1er bis relatif au statut juridique de l’animal. On peine à voir la cohérence de cette mesure avec le reste du texte. De toute évidence, elle aurait mérité une étude plus approfondie, une consultation préalable des professionnels concernés et une prise en compte du travail parlementaire effectué par le groupe d’études sur la protection des animaux. Elle aurait pu figurer dans un texte où elle aurait eu réellement sa place.
Cette disposition aura constitué l’un des points de désaccord entre les deux chambres lors de l’examen du texte en CMP. Notre assemblée ayant le dernier mot, l’article 1er bis figure toujours dans le texte que nous examinons aujourd’hui. Nous le regrettons.
L’autre principal point de désaccord, lors de la CMP concernait la réforme du droit des obligations et des contrats, à l’article 3. Cet article habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires pour modifier le livre III du code civil.
Vous en conviendrez, mes chers collègues, le choix du recours aux ordonnances est contestable sur un sujet aussi vaste et important que celui du droit des obligations. Associer les parlementaires à une telle réforme semble pourtant aller de soi. Nous nous félicitons que l’Assemblée nationale et le Sénat aient privilégié en revanche, sur certains points, l’adoption directe des mesures envisagées, sans faire systématiquement le choix des ordonnances. Je pense notamment à l’article 7 relatif au tribunal des conflits, dans lequel des dispositions de fond ont été directement insérées.
Globalement, le projet de loi comporte un certain nombre de mesures de simplification utiles et attendues : l’aménagement du droit de la protection juridique des majeurs, la simplification en matière de droits des successions et des régimes matrimoniaux ou encore la possibilité de communication par voie électronique en matière pénale.
Nous nous félicitons par ailleurs que les amendements relatifs à la Polynésie française, défendus par nos collègues polynésiens et soutenus par le groupe UDI, aient été adoptés. Ces amendements ont permis d’intégrer au projet de loi des dispositions visant à faciliter les successions et les partages en matière foncière et à organiser le tribunal foncier en Polynésie française tel que prévu par la loi organique du 27 février 2004.
Ces dispositions représentent des avancées significatives pour la Polynésie française. Elles prennent en compte les spécificités de ce territoire encore composé de familles élargies et où les patrimoines sont composés de biens indivis, issus de familles remontant souvent au XIXe siècle. De ce fait, de nombreuses successions anciennes ne sont toujours pas réglées aujourd’hui, du fait de la difficulté à établir la généalogie des héritiers sur plusieurs générations.
Le principe de la création du tribunal foncier de Polynésie française, qui figure désormais à l’article 14 bis du projet de loi, va ainsi permettre à ce territoire de disposer d’un instrument juridique adapté à sa situation particulière et d’avancer dans la solution des litiges fonciers. Reste à aborder la question des moyens techniques, humains et financiers dont ce tribunal disposera demain, notamment pour traiter les mille huit cents dossiers de litiges fonciers en souffrance.
Il est d’ailleurs à souligner qu’un contrat d’objectifs entre le Gouvernement et le tribunal de Papeete est en cours de signature. Peut-être est-il déjà signé…
Il l’a été le 9 janvier dernier.
En outre, Maina Sage défendra un amendement à l’article 14 bis visant à supprimer, vous l’avez évoqué tout à l’heure, les dispositions relatives au commissaire du gouvernement, conformément à la version du projet de loi adoptée par le Sénat.
Il est en effet apparu, après une analyse et une concertation plus approfondie avec les professionnels concernés, que le fait de confier un tel rôle à un agent territorial de la collectivité d’outre-mer de Polynésie française serait susceptible de favoriser l’empiétement d’une émanation de l’exécutif sur le domaine de compétences de l’autorité judiciaire. Nous espérons que vous saurez prendre en compte cette proposition de bon sens.
Au-delà de cet aspect, ce projet de loi, enrichi de plusieurs amendements, procède d’une intention louable. Il oeuvre dans le sens d’une simplification significative du droit et des procédures. Le Groupe UDI votera donc en sa faveur.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en mai 2013, le Président de la République a lancé un grand projet : le choc de simplification, qui doit avoir des incidences sur la vie quotidienne de tous les Français. Désireux de procéder avec rapidité et efficacité, le Gouvernement a jugé préférable que cette simplification se fasse principalement par voie d’ordonnance.
Nous voici donc aujourd’hui réunis autour du projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, pour une lecture définitive. Ce projet avait été en premier lieu déposé le 27 novembre 2013 sur le bureau du Sénat. Le Gouvernement avait alors engagé la procédure accélérée, conformément à l’évolution sémantique issue de la révision constitutionnelle de 2008, puisque l’article 42 de notre Constitution ne fait désormais plus référence à la procédure d’urgence mais bien à cette procédure accélérée. Mais il aura fallu un an et deux mois pour adopter cet texte technique d’une vingtaine d’articles : ce n’est en effet guère satisfaisant !
Ce projet de loi est le quatrième que nous sommes amenés à examiner pour déterminer les domaines dans lesquels le Parlement habilite le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative en vertu de l’article 38 de la Constitution. Le Gouvernement respecte ses engagements de simplification et de modernisation du droit en ayant recours, une nouvelle fois, à un texte de taille modérée, ciblé sur certains domaines et qui alterne demandes d’habilitation et dispositions directement applicables.
Ce projet de loi touche à quatre domaines. Le premier est le droit civil : le texte prévoit de modifier certaines règles relatives à la protection juridique des majeurs et des mineurs – je ne m’étendrai pas sur le statut des animaux, « êtres vivants doués de sensibilité » – ainsi que des dispositions relatives au droit des successions. En première lecture, les députés du groupe RRDP avaient déposé un amendement relatif à l’égalité successorale, qui a été retiré sous bénéfice d’inventaire. Le texte s’intéresse également aux obligations et aux contrats, ainsi qu’aux biens et aux procédures d’exécution.
Second domaine : l’organisation de la justice, avec la réforme du tribunal des conflits. Je sais que les sénateurs du groupe du rassemblement démocratique et social européen, le groupe RDSE, se sont émus du risque de porter atteinte au caractère collégial de cette juridiction. Peut-être pourriez-vous, madame la garde des sceaux, nous apporter quelque précision sur ce point ?
Troisième domaine, la procédure pénale, qui connaît également des évolutions. Le projet de loi prévoit en effet d’étendre la mise en oeuvre des communications électroniques officielles. Enfin, différentes règles relatives à l’administration de l’État et des collectivités territoriales sont elles aussi toilettées, afin de les rendre plus simples et plus adaptées au fonctionnement de notre société.
Toutefois, cette façon de procéder, bien que nécessaire, éveille chez nous autres parlementaires quelques réserves légitimes. Les sénateurs les ont exprimées lors de l’examen en première lecture. Ils ont notamment supprimé l’article 3 habilitant le Gouvernement à réformer le droit des obligations et des contrats par voie d’ordonnance. C’est d’ailleurs ce différend entre les deux chambres sur l’article 3 qui a principalement empêché la commission mixte paritaire d’aboutir à un accord.
Le Sénat a en effet estimé que l’argument avancé par le Gouvernement, selon lequel cette réforme était trop technique pour que le Parlement puisse légiférer, était irrecevable. De fait, des réformes d’envergure ont été menées par le passé – en témoigne celle conduite en 2005 sur le droit de succession – par la voie parlementaire normale.
Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, persuadé que le Parlement aurait tout à fait été en mesure de mener à bien une telle réforme, reconnaît cependant, en l’état, l’urgence d’un dépoussiérage du livre III du code civil, qui n’a pas connu de remaniement depuis 1804, et juge opportune la voie d’action par ordonnance. Tous les experts s’accordent à dire, depuis bien trop longtemps, qu’il faut réformer cette branche du droit civil au sein de laquelle la jurisprudence a pris une place considérable.
Madame la garde des Sceaux, vous aviez opposé aux sénateurs la nécessité de mener cette réforme à bien avant la fin de la législature. Cet argument peut être relativisé au regard de la longueur du processus qui aura conduit à l’adoption de ce projet de loi, que j’ai déjà évoquée… Cependant, les avant-projets d’ordonnances ont déjà été communiqués. Il reviendra au Parlement de trancher lorsqu’il ratifiera lesdites ordonnances.
Nous accordons notre confiance au Gouvernement ainsi qu’à madame la garde ses Sceaux pour mener à bien cette simplification et cette modernisation du droit, qui s’avèrent nécessaires et bénéfiques pour tous. Pour autant, nous serons attentifs au respect de l’équilibre des pouvoirs.
Nous souhaitons par ailleurs saluer l’initiative du Gouvernement concernant la réorganisation du tribunal des conflits. Il était en effet devenu anormal autant que désuet que, dans un système qui se veut respectueux de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la justice, le garde des sceaux préside cette instance.
Étendre la communication par voie électronique en matière pénale peut s’entendre. Mais, bien que plus rapide et plus économique, cette pratique pose le problème de la preuve de la signification, qui a également fait l’objet d’un désaccord entre les deux chambres. Ici aussi, des précisions sont peut-être nécessaires.
Nonobstant ces remarques, le groupe RRDP votera ce texte qui apportera un peu plus d’efficacité et de clarté à notre droit. Il restera néanmoins vigilant quant au contenu des ordonnances ainsi qu’à celui de la loi de ratification prévue par notre Constitution.
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à l’occasion de la lecture définitive de ce projet de loi, le groupe GDR confirme tout d’abord l’appréciation positive qu’il porte sur plusieurs de ses dispositions, qui permettent d’alléger les contraintes qui pèsent souvent sur les administrations et de faciliter l’accomplissement de formalités par nos concitoyens.
C’est le cas pour la création d’un mode de preuve simplifié de la qualité d’héritier pour les héritages modestes, de l’extension aux personnes sourdes et muettes, ou ne parlant pas le français, de la possibilité d’établir un testament authentique, de l’allégement du contrôle exercé par le juge dans le cadre de l’administration légale dite sous contrôle judiciaire, et de l’allongement de la durée initiale maximale des mesures de tutelle à dix ans en cas de pathologie lourde non susceptible de connaître une amélioration.
Par ailleurs, nous soutenons la clarification du statut juridique des animaux dans le code civil, conformément à celui déjà inscrit dans les codes rural et pénal. Nous approuvons ainsi le bon compromis qui a abouti à la consécration de l’animal en tant que tel dans le code civil, qui permet de mieux concilier la nécessité de qualifier juridiquement l’animal et sa qualité d’être sensible, sans pour autant en faire une catégorie juridique nouvelle entre les personnes et les biens.
Nous réitérons également nos réserves s’agissant de l’élargissement du recours à la communication électronique en matière pénale, qui n’est pas sans comporter un risque de fragilisation de la sécurité juridique. Selon nous, il convient de s’assurer que les garanties offertes au destinataire soient identiques à celles offertes par les modes de communication traditionnels, et ce dans l’intérêt aussi bien de l’institution judiciaire que des différentes parties à la procédure.
Tout cela étant brièvement rappelé, la principale pierre d’achoppement demeure évidemment, madame la ministre, l’article 3, qui habilite le Gouvernement à réformer, par voie d’ordonnance, le droit des obligations et des contrats.
Si personne ne conteste la nécessité d’une telle réforme, réclamée depuis une vingtaine d’années par les praticiens et étayée par de nombreux travaux préparatoires, la méthode proposée n’est, elle, pas acceptable à nos yeux s’agissant d’un sujet qui touche aux règles premières de la vie en société et qui appellerait, selon nous, un examen par le Parlement. Au-delà de notre opposition de principe au recours aux ordonnances qui prive le Parlement de ses prérogatives, nous partageons sur ce point, vous l’avez compris, les réticences du Sénat et appelons de nos voeux un véritable travail législatif.
Le champ de l’habilitation sollicitée est extrêmement large. Il concerne des dispositions fondamentales du droit civil, car il recouvre la totalité des articles 1101 à 1381 du code civil, et en particulier les dispositions relatives au droit des contrats, au régime général des obligations et au régime de la preuve des obligations.
S’agissant d’une matière aussi fondamentale, nous continuons, malgré les arguments que vous avez avancés, madame la ministre, à ne pas comprendre ce qui empêche le Gouvernement de déposer un projet de loi permettant aux parlementaires de consacrer à ce sujet le temps qui s’impose. Les arguments touchant à la technicité du texte ou à l’encombrement irrémédiable de l’ordre du jour ne nous ont toujours pas convaincus. Qu’une matière soit technique ne la rend pas moins fondamentale…
…lorsqu’elle touche, comme c’est le cas, aux échanges et aux relations entre individus.
Je rappelle également que, s’agissant de matières qui n’étaient ni moins techniques ni moins complexes, le Parlement a été parfaitement capable de réformer, en 2005, le droit des procédures collectives, en 2006, celui des successions, et en 2007, celui des incapacités.
Nous continuons donc de souhaiter qu’avant la fin de cette législature, le Parlement soit saisi du sujet selon la procédure législative ordinaire. Cela donnerait à cette réforme la légitimité démocratique qu’elle mérite.
Pour toutes ces raisons, vous l’avez compris, les députés du Front de gauche s’abstiendront, une nouvelle fois, sur ce projet de loi.
J’en suis triste.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, bien que le présent texte ait l’ambition de simplifier et de moderniser notre justice ainsi que nos affaires intérieures, son parcours parlementaire n’a, et ce n’est rien de le dire, pas été simple. Nous n’avons en effet pas pu nous mettre complètement d’accord avec le Sénat.
Je souhaite centrer mon propos sur cinq sujets. L’article 1er bis d’abord, relatif au statut des animaux, est issu d’un amendement porté en avril dernier par Jean Glavany, ici présent, et plus largement par l’ensemble du groupe SRC. Cet amendement, de pure forme, est rapidement devenu le coeur de cette loi et a concentré de nombreuses critiques.
Pourtant, et nous sommes nombreux à le répéter depuis avril dernier, cette disposition se borne à préciser que les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Qui peut nier cette évidence ? Qui peut soutenir que les animaux ne sont pas doués de sensibilité ? Même le code rural et de la pêche maritime le reconnaît, dans son article L. 214-1. C’est d’ailleurs pour aligner les dispositions du code civil sur cette législation que l’amendement a été voté au printemps dernier. En harmonisant les législations relatives aux animaux, nous prévenons toute interprétation divergente de la part du juge. C’est cela aussi, simplifier.
Voici ce que prévoit dorénavant cet article : « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens. ». En supprimant le terme « corporels », nous avons levé toute ambiguïté. Le régime juridique applicable aux animaux est celui qui est applicable aux biens, à savoir le régime des biens meubles ou immeubles par destination. En bref, aucun bouleversement juridique d’ampleur n’est à attendre de cette rédaction.
Le Sénat a refusé de voter cette mesure législative d’harmonisation entre les textes.
Nous, nous faisons le choix de la simplification, et c’est pour cela que je vous invite, mes chers collègues, à valider le travail que nous avons mené sur cet amendement.
En deuxième lieu, ce projet de loi donne habilitation au Gouvernement pour réformer par ordonnance le droit des obligations, le droit des contrats et le droit de la preuve. Le constat est presque unanime, ces parties du code civil appellent une totale remise à plat. En effet, après plus de deux siècles, les dispositions relatives au droit civil des contrats ou des obligations n’ont été que très faiblement ajustées dans leur structure et dans leur substance par le législateur. C’est le juge qui s’est chargé, au prix de nombreuses applications jurisprudentielles, de faire évoluer la législation originelle pour l’adapter à notre monde contemporain.
La société de 1804 n’est en rien comparable à celle d’aujourd’hui. En 2015, il est temps que le législateur se saisisse enfin de ces questions. Alors que la loi doit être claire et lisible, il est insupportable que certaines dispositions du code civil ne reflètent plus, à leur simple lecture, l’état du droit positif Cette mise à jour du code civil est d’autant plus nécessaire que ce corpus juridique constitue le socle des normes traçant les rapports quotidiens entre citoyens.
Jadis, le code civil était connu et reconnu pour la sécurité juridique qu’il apportait au citoyen, qui pouvait facilement se référer aux règles rangées par catégories qu’il énonçait. Ce n’est plus le cas. Pour que ce code rayonne à nouveau à travers le monde, il nous faut, comme on peut le faire de temps à autre avec un tableau qui perd ses couleurs, le restaurer.
Pour procéder à cette restauration, nous ne partons pas du néant. La réforme du droit des contrats, des obligations et de la preuve est à ce point nécessaire que de nombreuses réflexions ont été menées depuis une dizaine d’années. Citons par exemple les rapports rédigés sous la direction des professeurs Catala et Terré, qui ont donné naissance à des projets de réforme aboutis. Mais aucun n’a pu être transposé en droit positif, et ce à cause tant de l’ampleur de la tâche que de la volonté politique qui doit accompagner un travail aussi titanesque.
Après toutes ces années de débat sur le contenu d’une réforme du droit des contrats, des obligations et de la preuve, le fruit est enfin mûr. Il nous faut faire aboutir ce projet, devenu au cours de la dernière décennie un véritable serpent de mer.
Cette conviction que la réforme du droit civil des contrats, des obligations et de la preuve est nécessaire, nous la partageons sur tous les bancs de cette Assemblée, et le Sénat aussi. C’est sur la méthode que nous divergeons : devons-nous donner une habilitation au Gouvernement pour réformer par ordonnance un sujet aussi crucial pour la vie quotidienne de nos concitoyens ?
Il est d’usage de dire que le recours aux ordonnances se justifie dans deux hypothèses : lorsqu’il est traité d’un sujet particulièrement technique, ou en cas d’urgence. Personne ne contestera la technicité d’une réforme du droit civil des contrats et des obligations, mais cet argument serait à mon sens insuffisant pour accorder une habilitation devant l’enjeu fondamental que représente une telle réforme pour nos concitoyens. Non, ce qui nous pousse à permettre au Gouvernement de légiférer par voie d’ordonnances en la matière, c’est l’urgence que soit adoptée cette réforme, attendue depuis de nombreuses années. Si nous repoussions la demande d’habilitation du Gouvernement, cette réforme du code civil ne serait pas adoptée au cours de cette législature. Nous pourrions l’adopter pendant la prochaine, mais ce serait encore repousser de quelques années, avec des incertitudes, cette réforme absolument essentielle.
Ainsi, à la question de savoir s’il faut ou non habiliter le Gouvernement à réformer le droit civil des contrats, des obligations et de la preuve, je répondrais que, s’il fallait écouter son coeur, nous répondrions par la négative…
…mais que, parce que nous allons privilégier la raison, nous nous devons de donner au Gouvernement cette habilitation.
En troisième lieu, je tiens à souligner que ce texte doit permettre à la démocratie numérique de progresser encore, avec, par exemple, l’habilitation donnée au Gouvernement de réformer le code de la route pour permettre enfin à l’automobiliste d’obtenir sous format électronique son solde de points ou les décisions portant retrait de points dont il a fait l’objet. Le numérique confirme ainsi qu’il constitue un formidable vecteur de simplification pour nos concitoyens dans leur vie de tous les jours, et nous nous en saisissons.
En quatrième lieu, ce texte procède à un véritable toilettage du tribunal des conflits. Cette modernisation doit être saluée, d’une part parce qu’elle dote le juge de la compétence d’un véritable président, tout en tranchant le lien hiérarchique, certes ténu, qui existait jusqu’à présent avec le garde des sceaux, et d’autre part parce qu’elle lève toute ambivalence sur le rôle exercé par celui qu’il conviendra désormais d’appeler le rapporteur public, en reléguant dans le passé son ancienne dénomination ambiguë de commissaire du gouvernement. C’est à la suite d’un amendement porté par le groupe socialiste que ce changement de nom a été opéré, et je m’en félicite dès lors qu’il aligne aussi cette appellation sur celle qui a cours devant les juridictions administratives de droit commun. Ce sont donc deux affirmations de l’indépendance de cette juridiction que ce texte consacre.
En cinquième lieu, je tiens à souligner à quel point l’instauration d’un tribunal foncier en Polynésie française est un formidable levier de simplification dans un territoire qui ne comprend pas de cadastre et où les litiges relatifs à des limites de propriété sont foison. Un tel tribunal permettra aux Polynésiens de voir leurs droits de propriété définitivement établi, pour le plus grand bénéfice de leur sécurité juridique. Le commissaire du gouvernement, membre de la direction des affaires foncières, viendra soutenir son action, ce qui contribuera à l’efficacité du dispositif. Cela nous semble une bonne chose.
Alors que plusieurs lois de simplification ont déjà été adoptées sous cette législature, dont, dernièrement, la loi relative à la simplification des relations entre l’administration et les citoyens, il importe aussi de faciliter l’accès au droit. L’habilitation à codifier le droit du contrat, des obligations et de la preuve dans le champ contraint des évolutions jurisprudentielles et des rapports universitaires répond à cette nécessité. Toutefois, la simplification ne peut être une fin en soi. Des situations complexes exigent des réponses adaptées, et, pour reprendre la belle expression du professeur Delmas-Marty, il faut ne pas tomber dans la démagogie de la simplicité, mais plutôt faire la pédagogie de la complexité, quand celle-ci s’impose.
C’est parce que ce projet de loi remplit ces objectifs que je le voterai.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, si nous sommes réunis cet après-midi pour cette troisième lecture, dite du dernier mot, c’est que sur ce texte, qui aurait pu aboutir à une sorte de consensus intéressant, il y a des désaccords depuis l’origine et qui persistent au point qu’il faut aujourd’hui trancher, ce qui est le rôle de notre assemblée, comme le prévoit la Constitution.
Quand on connaît les sujets sur lesquels ces différends sont apparus, je pense qu’il faut s’y appesantir un petit peu même si, comme l’a indiqué le président de la commission des lois ce matin en commission, presque tout a été dit et nous pouvons nous efforcer d’être assez rapides.
Il y a d’abord une disposition qui n’était pas dans le texte d’origine, auquel on a voulu la raccrocher, même si c’était un peu tiré par les cheveux. Soyons clairs : on peut en discuter, être d’accord ou ne pas être d’accord, mais cette disposition n’a a priori pas grand-chose à faire dans le texte. Philippe Gosselin nous en dira un peu plus.
Venons-en plutôt à ce qui pose réellement problème : l’article 3. Je voudrais ici mettre en lumière un certain nombre de contradictions, du Gouvernement et de notre assemblée, ou plutôt de la majorité, qui a pris la décision de le maintenir en l’état.
Nous sommes tous d’accord, le droit actuel des contrats doit être réformé. Un travail approfondi a été commencé au sein des services de l’État, de la Chancellerie, et il mérite d’aller à son terme. Mais là où nous ne pouvons pas être d’accord, c’est sur la méthode et ses résultats.
Il faut aller vite. Qui dit aller vite dit procédure hier d’urgence, accélérée aujourd’hui. Résultat de votre entêtement à ne pas vouloir écouter ceux qui, ici, vous ont dit que la méthode ne convenait pas, et ceux qui au Sénat vous l’ont dit également à deux reprises, vous qui vouliez aller vite en êtes pratiquement à deux ans entre l’annonce de cette réforme par le Président de la République et le moment où nous allons nous prononcer définitivement non pas sur la réforme elle-même, mais sur l’habilitation que nous donnerions au Gouvernement à légiférer par ordonnances. Vous qui vouliez aller vite, vous qui disposez d’un travail de qualité, qui doit aboutir, vous avez, par votre acharnement à utiliser les ordonnances, fait perdre deux ans à ce texte.
Si, lors de la présentation du texte il y a un an et demi, vous aviez mis toutes les dispositions nécessaires dans l’article 3, nous n’en serions pas là et je trouve un peu surprenant que le Gouvernement et notre commission, par la voix de son président, qui applaudissait tout à l’heure, estiment, alors que les éléments sont connus et qu’un grand travail de qualité a déjà été effectué par le Gouvernement, que nous ne pourrions pas, nous parlementaires, nous en saisir, dans un laps de temps qui n’aurait pas besoin d’être très long puisqu’il y a un accord assez vaste sur les décisions à prendre.
Une telle position ne fait que renforcer la nôtre, une position de principe qui s’appuie aussi sur le fait que, à notre avis, et le Conseil constitutionnel tranchera entre cette opinion et celle du Gouvernement, cette habilitation va au-delà de ce que, dans son esprit, autorise l’article 38.
Il s’agit en effet, nos concitoyens doivent le savoir, d’autoriser le Gouvernement à procéder par ordonnance à la réforme du livre III du code civil : « Des différentes manières dont on acquiert la propriété ». Une paille ! Vous prétendez que les modifications sont exclusivement techniques, à droit constant. Si c’est le cas, prenons-les très rapidement, il n’y a pas grand-chose à faire ! Sinon, il faut prendre le temps de les étudier, et c’est au Parlement de prendre les décisions. Il s’agit en fait, purement et simplement, de dessaisir le législateur que nous sommes de sa compétence sur une matière essentielle dans le quotidien de nos concitoyens, le droit des contrats.
Ainsi, contrairement à ce que vous prétendez, madame la ministre, le champ visé par l’ordonnance est plus que vaste : on va traiter de la formation du contrat, des modalités de sa conclusion, de sa validité, de son contenu, de sa forme et des sanctions, nullité et caducité, qui peuvent le frapper. Et l’ordonnance devra aussi rassembler les règles relatives à l’interprétation du contrat comme celles relatives à ses effets. Nous sommes loin du détail technique et du droit constant !
Cette ordonnance est également censée clarifier les règles relatives aux quasi-contrats – gestion d’affaires, paiement de l’indu, enrichissement sans cause – et enfin moderniser le régime général des obligations, en prévoyant les modalités qu’elles peuvent recouvrir, leur extinction, les actions ouvertes aux créanciers, les opérations de cession ou de modification des obligations, ainsi que le régime des restitutions. Comme vous l’avez expliqué, que du détail technique, aucune modification sur le fond ! Sinon, pourquoi nous dessaisir…
Face à un tel chantier, qui, je le répète, est nécessaire, et attendu, comme l’a justement souligné notre rapporteure, le Sénat a joué son rôle, à deux reprises et sous deux majorités successives. Quand il s’est prononcé pour la première fois contre l’article 3, sa majorité était de gauche. D’ailleurs, la commission mixte paritaire aussi, qui a échoué principalement à cause de cet article, a eu lieu avant le changement de majorité de septembre dernier.
Je ne voudrais pas être cruel mais, pour éclairer l’ensemble de nos collègues avant que nous ne donnions notre dernier mot, voici ce que disait le rapporteur socialiste au Sénat de ce qu’il fallait en penser de ces dispositions : « L’étendue des choix qui pourraient s’ouvrir au législateur et qui risquent de n’être tranchés que par le pouvoir réglementaire montre toute l’imprécision de l’habilitation proposée : sous couvert de clarification, l’ordonnance validera-t-elle la jurisprudence relative à la date et au lieu de formation du contrat ou, au contraire, la modifiera-t-elle ? Quelles exceptions au principe du consensualisme le pouvoir réglementaire retiendra-t-il ? Quelles limites seront données à la consécration de la théorie de l’imprévision ? Que faut-il entendre par la modernisation des règles applicables à la gestion d’affaires et au paiement de l’indu ? »
Il concluait : « Compte tenu de l’ampleur de la réforme, de la multitude des sujets évoqués et de l’imprécision de la plupart des formulations, la question de la constitutionnalité de l’habilitation pourrait donc être posée. » Tout est dit, madame la ministre, et je suis surpris que votre gouvernement n’ait pas eu la sagesse d’écouter ce que disait le rapporteur socialiste à propos de cette initiative.
Nous regrettons d’avoir à le faire, mais il s’agit pour nous d’une question de principe, et qui est particulièrement adaptée au sujet dont il est question, le droit des contrats. C’est pourquoi, pour cette raison essentielle et pour d’autres développées par mes collègues, le groupe UMP, tout en reconnaissant que plusieurs autres passages du texte ont un intérêt et font consensus, votera délibérément contre ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà enfin parvenus, après un an et demi, à la lecture définitive de ce projet de loi sur lequel, nous dit-on, la procédure accélérée avait été engagée… Les reproches faits à ce texte sont largement connus. Ils ont été formulés dès le mois de novembre 2013, après sa présentation au conseil des ministres. Ils ont été développés dans l’hémicycle en avril 2014 et je crois que le coup de grâce est venu du Sénat il y a quelques jours.
Nul ne conteste le choix de la simplification. Nous avons déjà, au cours de la précédente législature, fait adopter un certain nombre de textes allant dans ce sens. Le grand choc de la simplification est sans doute très utile. D’ailleurs, si certains collègues ont parlé d’un « texte fourre-tout », je ne reprendrai pas à mon compte cette critique car sans doute est-ce le lot de tout texte de simplification.
Notons cependant que, dans certains cas, la logique a dû mal à s’y retrouver et que la cohérence fait un peu défaut. Comment trouver un élément commun entre la réforme du tribunal des conflits, la question de la surdité, la protection juridique des majeurs et les technologies de l’information, sans oublier les outre-mer et le droit de succession ? C’est un inventaire à la Prévert…
Les critiques formulées par Guy Geoffroy à l’encontre de l’article 3 sont, me semble-t-il, plus sérieuses. Il s’agit de modifier les règles relatives au droit commun des contrats, au régime des obligations et au droit de la preuve. Rien que cela ! C’est un pan entier de notre code civil qui demain va se trouver modifié – ce code civil habituellement présenté comme la constitution civile de notre société !
C’est le Gouvernement qui aura en main toutes les rênes de ce projet et qui nous en dessaisit, avec l’approbation de nos collègues de la majorité que nous entendions précédemment pousser des cris d’orfraie dès qu’il s’agissait de priver le Parlement de ses compétences. Le Gouvernement privilégie donc le recours aux ordonnances. Cela devient une manie ! Plusieurs dizaines d’ordonnances sont également prévues dans le projet de loi Macron. Nous sommes infantilisés, à croire le Parlement incapable d’écrire un tel texte…
On nous dit qu’il s’agit d’un texte très technique et qu’il y a urgence. La technicité ne nous a pas empêchés de travailler sur d’autres sujets tout aussi importants. Quant à l’urgence, je rappelais tout à l’heure que cela faisait presque dix-huit mois que nous nous étions lancés dans l’examen de ce projet de loi. Bref, l’article 3 est un sujet particulièrement important, sur lequel nous reviendrons. En dépit de quelques avancées, cet article justifie à lui seul un vote d’opposition à ce texte.
Pour finir, je veux revenir sur un point plus anecdotique, le statut des animaux. On nous a présenté ce texte de simplification comme concernant la justice et les affaires intérieures. Or, à l’article 1er bis, un amendement a été présenté le matin en commission des lois pour un examen en séance publique le soir même, sans qu’aucune concertation n’ait lieu. Le nouvel article modifie profondément le droit applicable, puisqu’il définit l’animal comme un « être vivant doué de sensibilité » et lui confère donc un statut spécial qui risque d’avoir des conséquences majeures.
Il ne s’agit certes pas de s’opposer à une reconnaissance du caractère sensible de l’animal, comme cela apparaît depuis plus de trente ans dans le code rural. Le respect du bien-être animal constitue d’ailleurs la priorité des éleveurs. Il ne s’agit pas non plus de remettre en cause la place particulière des animaux de compagnie qui peut justifier l’ouverture d’un débat et, pourquoi pas, l’introduction d’une nouvelle catégorie juridique. Il ne s’agit pas plus de limiter la lutte légitime contre la maltraitance des animaux.
Mais il paraît très hasardeux d’insérer dans le code civil un statut de l’animal. En effet, la formule de l’article 1er bis, telle qu’elle est actuellement rédigée, remet bien en cause, au lieu d’opérer une simplification, la classification traditionnelle du code civil concernant les biens, sans préciser plus clairement à quelle catégorie les animaux appartiennent. Elle risque donc d’entraîner une confusion et, partant, des conflits juridiques.
Je crois que c’est l’ensemble des éleveurs et des agriculteurs qui risquent d’en être les victimes.
J’appelle maintenant, conformément à l’article 114, alinéa 3, du règlement, le projet de loi dans le texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
J’appelle l’Assemblée à statuer d’abord sur les amendements dont je suis saisie.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 5 et 6 , portant sur l’article 1er bis.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 5 .
Cet amendement va me permettre de dire ce que je n’ai pas eu le temps de dire en discussion générale. L’article 1er bis pose un vrai problème. Comme je le disais tout à l’heure, il a été introduit un peu en catimini par notre collègue Jean Glavany. Or il faudrait sur ce sujet avoir une vraie et large concertation avec les professionnels des filières agricoles et industrielles, mais aussi avec les laboratoires, les chasseurs et autres. Il faudrait prendre la mesure de toutes les conséquences que cette rédaction emporte. J’ai l’impression que cela n’a pas été le cas. Demain, c’est l’agriculture qui pourrait être menacée, ou encore l’industrie, la chasse à courre,…
Sourires.
Si le code civil doit évoluer pour prévoir un nouveau statut de l’animal, cela ne peut se faire qu’après une réflexion globale sur le droit des biens, et non pas en catimini comme c’est le cas ici. Encore une fois, nul ne conteste la nécessité de lutter contre la cruauté et la maltraitance à l’égard des animaux. Tout le monde reconnaît la légitimité de ce combat. Cependant, cet article fait franchir une étape supplémentaire dont les effets ne sont pas évalués. C’est cela qui fait craindre le pire. Si mon amendement n’est que de suppression, c’est qu’à ce stade de la procédure, je ne peux pas vous soumettre un amendement de proposition, ce que j’aurais évidemment préféré. Quoi qu’il en soit, cet article, loin de résoudre des problèmes, en crée.
Philippe Gosselin a parfaitement présenté la situation. Le problème n’est pas de légiférer sur l’animal, mais de le faire dans le code civil, qui est le code de la personne et des relations personnelles, et du droit de propriété. Nous légiférons sans avoir organisé une quelconque concertation avec les éleveurs, qui sont choqués. Ils savent que cette évolution juridique sera utilisée demain par les adversaires de l’élevage pour contester certaines activités. Et j’exclus de mon propos les questions de gavage, d’élevage traditionnel, de corrida ou de chasse : l’élevage économique lui-même peut être remis en cause par une telle disposition.
Paradoxalement, cette remise en cause interviendrait au moment même où des efforts considérables ont été réalisés en faveur du bien-être animal. J’en veux pour preuve ce qui s’est passé avec les porcs et les truies, qui sont désormais libres de leurs mouvements dans leurs stalles, ou encore avec les poules pondeuses, dont l’espace s’est sensiblement élargi, passant à 700 centimètres carrés alors qu’elles étaient auparavant très confinées. Ces évolutions ont coûté très cher aux éleveurs. Sans en faire tout une histoire, ils ont investi, ils ont fait bouger les choses et ils se sentent aujourd’hui mis en cause par les évolutions dont la majorité a pris l’initiative. Certes, nous sommes dans une forme de compromis et nous avons évité des choses bien pires. Il n’en demeure pas moins que cette disposition est redoutable.
Je veux, pour finir, prendre un exemple qui fera la preuve de la bonne volonté des éleveurs : ce sont les professionnels de l’élevage qui sont à l’origine de la création d’un cahier des charges pour rendre les transports plus cohérents et plus respectueux de l’animal. Ce cahier sera adopté au niveau national et européen. Ils ne nous ont pas attendus pour le faire : sachons reconnaître leur initiative.
La parole est à Mme Colette Capdevielle, rapporteure, pour donner l’avis de la commission.
Je serai brève, parce que nous avons déjà eu de nombreux échanges sur ce sujet et que nous ne pouvons que nous répéter. Le but de cet article est de moderniser le code civil afin de le mettre en cohérence avec les dispositions du code rural et celles du code pénal, puisqu’il n’y avait pas dans notre code civil de définition juridique précise des animaux. Nous rapprochons ainsi le droit français des autres législations européennes, comme en Allemagne, en Suisse ou en Autriche, sans nullement remettre en cause quelque équilibre que ce soit dans notre code civil.
Surtout, il n’y a aucun risque de confusion, monsieur Gosselin, puisqu’il ne s’agit que d’une modernisation et d’une mise en conformité de notre code civil avec la législation de l’Union européenne, laquelle reconnaît les animaux comme des êtres sensibles, dans l’article 13 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Les distinctions traditionnelles du code civil sont toujours les mêmes : les personnes et les biens. Rien n’est modifié. Nous ne créons pas une catégorie juridique sui generis qui s’appliquerait aux animaux. Le régime juridique qui leur est applicable est toujours le même : celui des biens. Les règles relatives à la propriété restent exactement les mêmes et elles continueront de s’appliquer à l’animal, qu’il s’agisse de vente ou de succession. L’agriculture n’est pas touchée, pas plus que l’élevage, la pisciculture, la chasse, la pêche, la consommation de viande ou les pratiques d’élevage, d’abattage, de gavage et de corrida, lesquelles sont aujourd’hui toutes conformes aux textes en vigueur. Ce n’est donc pas la peine de chercher à vous faire peur.
Rien n’est remis en cause. Ce texte ne pose aucune difficulté. Et, comme me le souffle le président de la commission des lois, vous faites preuve ici d’un sacré conservatisme…
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, pour donner l’avis du Gouvernement.
Il est défavorable. Nous avons déjà eu ce débat à deux reprises. Il a été approfondi, de part et d’autre. Il y a incontestablement un désaccord et une divergence d’appréciation, que nous assumons de part et d’autre aussi. Nous souhaitons maintenir cette disposition dans le texte.
De fait, nous avons déjà eu un long débat à ce sujet. C’est Jean Glavany qui a déposé cet amendement, sur lequel beaucoup de nos collègues s’accordent, sans qu’il y ait toutefois unanimité. J’avais moi-même déposé une proposition de loi en ce sens et nous sommes nombreux à avoir signé de telles propositions de loi, venant de tous les bancs de cet hémicycle.
Une argumentation assez fréquente vise à jouer sur les peurs. Je comprends qu’un certain nombre de nos compatriotes puissent en éprouver, et il faut donc que nous les rassurions ensemble – Mme la rapporteure a commencé à le faire. Cet article propose une simplification, sans laquelle il y a une incohérence entre le code rural et le code civil. Or le code rural s’applique à nos amis agriculteurs, qui, Marc Le Fur l’a parfaitement rappelé, ont fait évoluer leurs pratiques, parfois même en avance sur d’autres acteurs de la société française. Il n’y a donc aucune inquiétude à avoir du fait que le droit civil soit aligné sur les dispositions qui existent déjà dans le code rural !
Notre devoir à tous est de rassurer nos compatriotes aujourd’hui inquiets. Je regrette évidemment que nous soyons amenés à recommencer ce débat, et surtout qu’il n’y ait pas eu de vote conforme au Sénat sur cette disposition qui a toute sa place dans le texte.
Je conclus en soulignant combien il est important de notre part à tous, alors que la fondation 30 millions d’amis a été à l’origine d’une pétition signée par au moins 250 000 personnes et que de nombreux intellectuels ont rappelé la grande incohérence dans notre droit sur le sujet, de corriger cette erreur.
L’argument d’une modification introduite en catimini me fait sourire : ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas un habitué du catimini ! Nous avons procédé en respectant le règlement de l’Assemblée nationale, à toutes les étapes de la procédure.
Quant à l’argument sur l’absence de débat, je rappelle que nous ne cessons de débattre de ce sujet, depuis des mois, et qu’à chaque fois on regrette qu’il n’y ait pas eu de débat ! Non, il y a bien eu un débat de fond,…
…que vous poursuivez encore aujourd’hui, avec un acharnement que je n’oserai qualifier de thérapeutique.
S’agissant de la concertation, elle a eu lieu. Frédéric Lefebvre, qui a parlé avec une sagesse remarquable à laquelle je tiens à rendre hommage, ce qui prouve mon absence totale de sectarisme,
Sourires
a évoqué l’appel de vingt-quatre intellectuels de très haut rang, qui nous ont invités à corriger une incohérence, et la pétition lancée par une grande fondation, qui a recueilli des centaines de milliers de signatures, sans compter le sondage montrant que 90 % des Français sont favorables à cette disposition.
Si vous n’avez pas mené de concertation avec les éleveurs et la FNSEA, moi, je l’ai fait. J’ai eu une conversation avec le président de la FNSEA, parce qu’il est vrai qu’il existait une inquiétude, et celle-ci a été ainsi balayée.
Cet article a toute sa place dans ce projet, parce que c’est une disposition d’harmonisation, de simplification et de cohérence. Beaucoup l’ont dit, à commencer par notre rapporteure avec beaucoup de pertinence : il y avait une incohérence entre le code civil, le code pénal et le code rural, et nous y mettons fin. C’est une avancée modeste en termes de droit, mais de grande portée symbolique. Et le droit peut aussi, de temps en temps, relever du symbolique pour faire avancer les idées.
Il reprend un amendement adopté au Sénat qui vise à permettre qu’il soit fait usage de la procédure dérogatoire d’accès au compte bancaire du défunt en vue du paiement des dépenses conservatoires y compris lorsque la succession comporte un bien immobilier. Voilà encore une mesure de simplification, en l’espèce pour faciliter le règlement des petites successions.
Certains peuvent être surpris par la prise en compte de l’existence d’un bien immobilier dans la succession. Mais chacun sait la différence entre patrimoine et revenu : le ou les héritiers peuvent ne pas disposer des moyens nécessaires pour faire face aux premières dépenses, notamment les frais funéraires. Le Gouvernement émet un avis favorable parce que cela contribuera à faciliter les démarches et les formalités pour les héritiers modestes.
L’amendement no 8 est adopté.
Un des points d’achoppement entre l’Assemblée et le Sénat concerne l’article 3, qui habilite le Gouvernement à réformer par voie d’ordonnance le droit des contrats et des obligations. À chacune des étapes de la discussion, le Sénat, à l’initiative du rapporteur socialiste, et dans le consensus, a supprimé cet article. Nous devrions raisonnablement faire de même, parce que cette habilitation est bien trop large.
Je ne suis pas opposé par principe à ce que le Gouvernement procède par ordonnances pour des sujets techniques, mais à condition que l’habilitation soit de portée restreinte et bien encadrée. C’est la règle retenue pour le projet de loi Macron, et nous veillerons à ce qu’elle soit respectée à chaque fois. Ce devrait être aussi le cas pour le présent projet de loi. Certes, le sujet est technique, mais étant donné son ampleur, puisqu’il s’agit de modifier des parties fondamentales de notre code civil, il nécessite un débat parlementaire. En commission, madame la rapporteure, vous m’aviez fait part de la belle unanimité des universitaires et des professionnels du droit devant ce projet. Je regrette de vous aviser que j’ai pour ma part reçu nombre de courriers dans lesquels ils me font part de leurs réserves, tant sur la forme que sur le fond.
C’est la forme qui pose principalement problème à mon sens, puisque les parlementaires n’ont pas été associés aux travaux préparatoires sur le contenu des ordonnances. J’appelle votre vigilance, mes chers collègues, sur l’étendue de cette habilitation, qu’il ne me paraît pas raisonnable d’approuver malgré l’insistance du Gouvernement. Le rôle du Parlement est de participer à de telles réformes. Elles doivent donc être débattues ici même.
J’ai bien conscience que nous sommes dans l’urgence et qu’il faut enfin voter définitivement cet article. C’est la raison pour laquelle, ayant déjà largement évoqué le sujet lors de mon intervention à la tribune, j’indique seulement que cet amendement est défendu.
Nous en avons vraiment déjà longuement débattu, et vous savez, monsieur Tardy, monsieur Geoffroy, que la réforme du droit des contrats est attendue par tous les professionnels depuis plus de dix ans. Je note d’ailleurs que vous n’avez jamais contesté cette réforme sur le fond, dont vous avez connaissance.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Elle est technique, vous l’avez dit, monsieur Tardy, et elle ne va pas révolutionner le droit des contrats, mais il faut la faire. Je rappelle que le droit des contrats n’a pas bougé depuis les débuts du code civil… Il y a pourtant eu sur ce sujet des travaux de grande qualité, auxquels les parlementaires ont été associés…
Comme les rapports Catala et Terré.
Cette réforme va au-delà d’une codification de la jurisprudence et contient certes quelques innovations.
« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.
Mais elle ne bouleverse absolument pas, Mme la garde des sceaux l’a rappelé, le droit des contrats civils. Surtout, et conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l’habilitation demandée est très précise, avec un champ bien délimité. Notre assemblée a été informée de manière tout à fait complète, l’avant-projet lui a été transmis.
Il est défavorable à ces amendements de suppression. S’agissant de l’argument de la technicité, le Gouvernement n’a pas à refaire le débat car il a déjà montré tout le respect qu’il éprouve pour le Parlement.
Il a d’ailleurs pris le temps de développer à deux reprises le contenu et la méthode qu’il avait adoptées.
Pour ma part, je n’ai jamais utilisé l’argument de la technicité, car je ne crois pas les parlementaires incapables de discuter d’un texte technique.
Il y a de la technicité dans ce texte, un peu plus que dans d’autres, mais c’est tout de même le cas dans de nombreux textes et si c’était un critère, on ne débattrait presque jamais au Parlement.
Par ailleurs, il y a la dimension de l’urgence. Il faut réformer le droit des contrats et le régime des obligations dans les plus brefs délais. Je rappelle qu’en 2004, lors du bicentenaire du code civil, le gouvernement d’alors avait dit que cette réforme était urgente et qu’il allait engager des travaux à cet effet… Dix ans après, ce n’est toujours pas fait. Je rappelle qu’il y a eu des travaux auxquels les parlementaires ont participé, qu’il y a eu les rapports du professeur Catala et du professeur Terré, que des juristes et des universitaires ont été consultés. Nous avons de la matière, tellement même que j’ai veillé scrupuleusement à communiquer aux rapporteurs et aux commissions des lois des deux assemblées les avant-projets d’ordonnance de façon à ce que les parlementaires soient informés le plus tôt possible du contenu sur lequel nous allions travailler.
La modification se fait essentiellement à droit constant, mais pas exclusivement…
…parce qu’il faut introduire de la cohérence dans une jurisprudence qui tient largement lieu de droit aujourd’hui, du fait de l’absence de modification du code civil en la matière depuis 210 années.
En outre, convenons que la base même de l’activité économique nationale, que les relations internationales, que l’évolution des autres droits, y compris de ceux que nous avons influencés à travers le Code Napoléon mais qui depuis ont pris leur envol, justifient que nous introduisions de nouvelles dispositions, notamment pour tenir compte du droit européen. Il faut éviter que nous perdions toute influence dans le domaine du droit contractuel et des obligations et que nos opérateurs économiques soient pénalisés du fait que notre droit ne serait plus à la mesure des enjeux ni à la hauteur des réponses juridiques à y apporter.
Nous parvenons ici à combiner la souplesse et la singularité du droit français. C’est un droit continental, prévisible donc, mais qui, en matière contractuelle, veille à la protection du plus vulnérable grâce à l’intervention du juge. Nous maintenons aussi le principe de la bonne foi. Nous préservons donc la conception politique de ce droit des contrats. Et puis nous introduisons quelques dispositions nouvelles sur la violence économique ou l’interdiction des clauses abusives par exemple.
Toutes les informations à ce sujet ont été mises à la disposition des parlementaires et nous continuons à le faire. J’ai déjà proposé que des parlementaires, désignés par les chambres, participent à l’écriture des ordonnances. Je me suis par ailleurs engagée à présenter par la suite un projet de loi de ratification spécifique à l’article 3, qui sera donc exclu du projet de loi de ratification de l’ensemble du texte.
Voilà les méthodes utilisées et le contenu de la réforme. Je crois que nous sommes tous soucieux de parvenir à ce que les citoyens disposent d’un droit stabilisé, clair et prévisible, et qui les protège. Aujourd’hui, le manque de visibilité pénalise les citoyens qui n’ont pas l’expertise juridique leur permettant de savoir quelles précautions prendre quand ils s’engagent contractuellement.
Et puis pour les entreprises, il est temps d’avoir un texte lisible, qui leur permette de faire des prévisions et qui ne pénalise pas leur compétitivité dans les rapports avec leurs partenaires.
Quant au calendrier qui aurait permis de mener à bien cette réforme dans un processus parlementaire classique, personne n’a pu en présenter un.
La parole est à Mme Colette Capdevielle, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 9 .
L’amendement no 9 est adopté.
La parole est à Mme Colette Capdevielle, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 10 .
L’amendement no 10 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’amendement no 7 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Cet amendement tend à revenir sur une disposition que nous avons adoptée en deuxième lecture le 30 octobre dernier et qui prévoyait l’intervention d’un commissaire du Gouvernement de la Polynésie française, faisant office de rapporteur public, pour présenter les dossiers devant le futur tribunal foncier de Polynésie française.
Bien entendu, l’article 14 bis constitue une réelle avancée pour la Polynésie française, la création du tribunal foncier étant essentielle à la résolution du problème foncier. Toutefois, comme je l’avais dit en octobre, il convient, au-delà des aspects techniques, de traiter aussi du fond et d’élaborer un droit des successions et un droit immobilier adaptés.
Le Gouvernement avait donc déposé en octobre un amendement visant à assurer la présence auprès du tribunal d’un commissaire du Gouvernement de la Polynésie française expert en matière foncière, dont le rôle aurait été d’éclairer les magistrats et de faciliter l’instruction des dossiers. En accord avec la collectivité de Polynésie française, j’avais à l’époque soutenu cette proposition qui, je me permets de le souligner, était arrivée tardivement dans nos débats. Elle nous était apparue, au premier abord, susceptible de renforcer l’efficacité du futur tribunal foncier. Toutefois, nous avons eu depuis lors de nombreuses discussions avec les professionnels, les magistrats et la direction des affaires foncières de Polynésie, à la suite desquelles nous souhaitons revenir sur cette disposition. Croyez bien que si nous avions pu faire autrement, nous l’aurions fait !
Si vous le permettez, madame la présidente, j’ajouterai une chose sur ce sujet important. Il serait dommage de négliger cet amendement, car ce commissaire du gouvernement risque de nuire à l’efficacité du futur tribunal foncier. La raison en est simple…
Madame Sage, je vous rappelle que vous disposez de deux minutes pour défendre un amendement. Vous en êtes à deux minutes cinquante. Je me vois contrainte de vous interrompre.
Je conclus, madame la présidente, en rappelant que la moitié des dossiers en souffrance concernent des domaines de la collectivité. Dans la moitié des cas donc, nous serions juge et partie. Il importe de revenir sur cette disposition.
La commission n’a pas examiné cet amendement.
Le présent projet de loi met en place le tribunal foncier de Polynésie française et prévoit l’intervention d’un commissaire du Gouvernement de la Polynésie française. Cette disposition a été adoptée, avec l’accord de la collectivité, afin que la nouvelle juridiction bénéficie d’un appui juridique qui puisse l’aider à résorber rapidement le stock, très important, de dossiers en souffrance. Je crois savoir que le Gouvernement serait prêt à prendre l’engagement de définir a minima, dans le cadre des mesures réglementaires qui accompagneront la mise en place du tribunal foncier, le rôle du commissaire du gouvernement, de manière à écarter toute remise en cause de l’impartialité du tribunal. Ce commissaire du gouvernement ne sera ni juge ni partie : il jouera le même rôle que les commissaires du gouvernement dans les procédures d’expropriation.
Je comprends votre préoccupation, madame Sage, mais dès lors que le Gouvernement nous donne la garantie qu’il réglera par voie réglementaire la question de l’impartialité du commissaire et de son déport lorsqu’il s’agira d’examiner des litiges portant sur des terres intéressant la collectivité, je pense que votre demande sera satisfaite. J’émets par conséquent un avis défavorable à votre amendement.
Madame la députée, nous avons eu des échanges intenses et convergents à propos de ce dispositif, dont j’indiquais à la tribune qu’il était inclus dans une approche globale, comprenant une série de mesures d’accompagnement. Je rappelle que j’ai envoyé en septembre 2014 en Polynésie une mission de la direction des services judiciaires et de la direction des affaires civiles et du sceau, que celle-ci m’a remis un rapport que je me suis empressée de vous communiquer, qu’un groupe de travail a été mis en place et qu’un contrat d’objectifs a été signé le 9 janvier avec la cour d’appel de Papeete.
M. Zumkeller le rappelait tout à l’heure : le tribunal foncier a été créé par la loi de 2004, mais il n’avait pas été installé. Nous sommes en train de le faire, mais il faudra lui donner les moyens de traiter à la fois le stock de plus de 1 400 dossiers en souffrance et le flux des nouvelles affaires.
En outre, il existe en Polynésie française un problème commun aux outre-mer, mais qui prend des formes diverses suivant les territoires : il s’agit du sujet de l’indivision, qui comprend des aspects juridiques et techniques, mais touche aussi aux questions très sensibles des relations familiales, de la dispersion des ayants droit, des personnes parties puis revenues, avec toutes les complications que cela engendre… Il paraît donc nécessaire de recourir à un véritable expert, et de préparer en amont les dossiers.
J’entends votre préoccupation, madame Sage, et j’y suis particulièrement sensible en tant que garde des sceaux : vous vous souciez de l’impartialité du tribunal, et vous souhaitez avoir l’assurance que le commissaire du gouvernement ne prendra pas systématiquement le parti de la collectivité. Or ce commissaire ne sera ni juge ni partie. Il ne participera pas au délibéré, mais adressera des comptes rendus écrits. Nous estimons que ce sont autant de garanties – sachant qu’il y en aurait bien une supplémentaire, que nous avions proposée, et qui serait de renforcer la direction des affaires foncières de Polynésie.
Par ailleurs, je vous signale que ce dispositif a un précédent : le tribunal de l’expropriation, où intervient aussi un commissaire du gouvernement.
Votre inquiétude découle d’une interrogation sur la constance avec laquelle le commissaire du gouvernement serait en mesure d’exécuter un travail exclusivement technique, de le faire dans les délais et d’apporter son expertise à un tribunal aux délibérations duquel, je le répète, il ne participera pas. Si nous faisions droit à votre demande, nous prendrions le risque qu’il y ait un défaut d’expertise sur de très nombreux dossiers, que les délais s’étendent, que le tribunal ne soit pas armé pour prendre des décisions éclairées et qu’au bout de quelques années, nous ne constations guère d’avancées dans le règlement des litiges fonciers.
Je crois que notre proposition, qui avait obtenu votre consentement ainsi que l’accord du président de la Polynésie française, comprend les garanties juridiques d’un bon traitement du contentieux et de la résorption des stocks. Pour toutes ces raisons, et alors que j’avais été ravie de vous complaire lors de la précédente lecture du texte, je suis désolée de ne pouvoir donner un avis favorable à votre amendement.
La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Madame la députée, la commission des lois est extrêmement attentive à ce qui se passe dans les outre-mer, et singulièrement en Polynésie française. Nous examinons avec constance la situation dans la collectivité, et vous pouvez compter sur notre vigilance.
Tout comme vous, le président de la Polynésie française, notre ancien collègue Édouard Fritch, et la ministre des outre-mer, Mme George Pau-Langevin, avaient souvent appelé notre attention sur la nécessité de mettre en place le tribunal foncier de Polynésie. Ce premier pas tant attendu va être fait. Nous sommes très satisfaits des conditions dans lesquelles sa gestation a abouti à cette naissance, que chacun salue.
Reste la question du droit. Il n’y a aucune ambiguïté en la matière, et vous le savez aussi bien que moi. Ce que vous craignez, c’est l’interprétation qui pourrait en être faite en Polynésie, et il faut bien reconnaître que vos craintes sont partagées : je ne trahirai aucun secret en disant que la ministre des outre-mer a accueilli positivement votre amendement, et je sais que la collectivité aussi l’attend. Mais nous nous devons de donner des garanties. C’est ce que la garde des sceaux vient de faire, en insistant sur le renforcement du tribunal et son impartialité – car c’est bien de cela qu’il s’agit. La formule qu’elle a utilisée doit être mise en avant : le commissaire du gouvernement ne sera ni juge ni partie. Il n’y a donc aucune crainte à avoir, sa capacité d’éclairage des enjeux ne sera pas altérée.
Vous avez, de même que le président Fritch, eu l’amabilité de m’inviter en Polynésie. Je m’y rendrai le 22 février.
Sourires.
Ce sera l’occasion de faire le point sur deux sujets : le statut de la collectivité, et cette question en découle directement, et l’application du code général des collectivités territoriales, car on relève en Polynésie un besoin de subsidiarité et d’application de la loi.
Ce que nous votons aujourd’hui constitue une véritable avancée pour la Polynésie. Je vous assure que la commission des lois veillera à ce qu’il n’y ait aucune ambiguïté quant au rôle du commissaire du gouvernement.
Madame Sage, dans ces conditions, acceptez-vous de retirer votre amendement ?
Merci pour toutes ces précisions. Nous ne mettons pas en question le besoin d’expertise, bien au contraire. Mais, avec ou sans commissaire du gouvernement, la direction des affaires foncières peut prendre en charge la préparation des dossiers en vue de faciliter leur analyse par la future juridiction.
Il reste que le texte ne précise pas les conditions de nomination du commissaire du gouvernement.
Pourrait-on envisager qu’il ne soit pas obligatoirement choisi parmi les agents de la direction des affaires foncières ? Notre loi organique prévoit l’institution d’un collège d’experts en matière foncière : tâchons d’apporter un peu de souplesse quant au choix du commissaire…
…et de revoir les conditions de sa nomination dans les dossiers où la Polynésie est partie prenante.
Je comprends vos arguments, mais si la procédure législative française prévoit des lectures multiples, c’est pour nous permettre d’affiner notre réflexion. Bien que nous nous soyons déclarés en deuxième lecture favorables à ce dispositif, nous avons disposé ces derniers mois d’un temps de réflexion supplémentaire. Je maintiens donc ma position.
Vous avez entendu, madame la députée, le président de la commission des lois, qui doit d’ailleurs se rendre chez vous très prochainement. Pour répondre à votre préoccupation, je propose en outre, et ces propos sont consignés au Journal officiel, que nous travaillions ensemble sur le décret pour préciser les conditions dans lesquelles le commissaire du gouvernement sera désigné.
L’amendement no 3 n’est pas adopté.
L’amendement no 2 était un amendement de conséquence. Le retirez-vous, monsieur Tardy ?
L’amendement no 2 est retiré.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, dans le texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, modifié par les amendements qui viennent d’être adoptés.
Le projet de loi est adopté.
La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures dix.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (nos 2447, 2498).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de treize heures et seize minutes pour le groupe SRC, dont 677 amendements sont en discussion, dix-sept heures et quarante-trois minutes pour le groupe UMP, dont 1 377 amendements sont en discussion, quatre heures et cinquante-neuf minutes pour le groupe UDI, dont 164 amendements sont en discussion, deux heures et vingt-six minutes pour le groupe RRDP, dont 92 amendements sont en discussion, deux heures et seize minutes pour le groupe écologiste, dont 163 amendements sont en discussion, deux heures et trente minutes pour le groupe GDR, dont 177 amendements sont en discussion, et cinquante-trois minutes pour les députés non-inscrits.
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 360 à l’article 4.
En commission spéciale, le Gouvernement avait déposé, avant de le retirer, un amendement visant à préciser les orientations de l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnances en matière de gares routières prévue à l’article 4. Il indiquait : « Le développement des services par autocar est une opportunité considérable pour améliorer la mobilité de nos concitoyens. Dans cette perspective, les gares routières constituent une composante essentielle du service de transport, alors même que le cadre applicable n’est pas satisfaisant, comme l’ont souligné tant l’Autorité de la concurrence que l’Union des transports publics. Afin de faciliter un développement harmonieux des services non-urbains, d’assurer leur connexion avec leurs services urbains et de favoriser l’intermodalité, le présent amendement inscrit dans le périmètre d’habilitation de l’ordonnance visant à réformer les gares routières deux objectifs essentiels : le développement de pôles intermodaux de transport, de dimension locale et européenne, ainsi qu’un principe d’accès équitable aux infrastructures. »
Je souscris parfaitement à ces objectifs. C’est pourquoi j’ai redéposé la partie de l’amendement qui vise à bien insister sur cette perspective de développement intermodal, très importante dans toutes les villes, quelle que soit leur taille. En revanche, parce qu’elle étendait l’habilitation, je n’ai pas pu redéposer la partie sur la définition des conditions de mutualisation des différentes gares associées à chacun des modes existants, mais je pense que mon amendement donne une base pour cette mutualisation.
La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.
La commission est défavorable à cet amendement, non pour des raisons de fond – il s’agit de l’intermodalité – mais parce que les alinéas 2 et 3 de l’article font référence, respectivement, à l’intermodalité et aux exigences tenant à l’accès de tous les opérateurs, les dispositions précises devant faire l’objet de l’ordonnance.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, pour donner l’avis du Gouvernement.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée nationale.
L’amendement no 360 n’est pas adopté.
Sourires.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 1766 .
Nous souhaitons que les schémas régionaux de l’intermodalité puissent intégrer, naturellement, les gares routières de voyageurs. Je vous rappelle, mais vous le savez, que la fameuse loi MAPTAM de janvier 2014 donne force à ces schémas régionaux d’intermodalité, puisqu’ils coordonnent l’ensemble des politiques conduites en matière de mobilité. Il faut donc y intégrer tous les modes de transport, qu’il s’agisse du rail, du train ou des transports routiers.
Nous nous rappelons toute la discussion qui a eu lieu hier soir, monsieur le ministre. Vous souhaitez faire en sorte qu’il soit possible de circuler par car sur des liaisons d’au moins cent kilomètres, pour assurer des dessertes là où le train n’est pas en mesure de le faire. Dès lors, il paraît absolument indispensable que les gares routières soient intégrées à ces schémas régionaux. Cela permettra de favoriser la complémentarité car, on le sait, en matière de mobilité, ce qui est essentiel, c’est la complémentarité entre les différents modes de transport. Le transport en autocar y contribuera naturellement, et l’amendement que je défends nous permettra d’avancer sur la voie de l’intermodalité, en prenant en compte toutes ses déclinaisons, et notamment donc celle dont nous avons débattu hier soir.
La commission ne désapprouvait pas l’esprit dont procédait le précédent amendement : elle pensait simplement qu’il était redondant. Pour sa part, le présent amendement appelle une précision, parce qu’il fait référence aux schémas régionaux de l’intermodalité.
La loi MAPTAM a confié un rôle de chef de file aux régions s’agissant des questions de transport. Nous avons en particulier précisé qu’elles devaient mettre en place des schémas d’intermodalité. Dès lors qu’on développe un nouveau mode de transport, il est absolument essentiel que cette compétence confiée aux régions soit précisée.
La représentation nationale demande aux régions de tenir compte de cette préoccupation, afin que les gares routières soient le plus possible reliées à des gares ferroviaires, des gares maritimes, ou des aéroports. L’avis de la commission est donc favorable.
Favorable, pour les mêmes raisons.
Sourires.
L’amendement no 1766 est adopté.
Cet amendement vise à intégrer à la réflexion sur les aménagements des gares routières la prise en compte des besoins des cyclistes, plus particulièrement en ce qui concerne le stationnement des vélos. La seule différence entre ces deux amendements tient au fait que le no 2908 mentionne le « stationnement des vélos » alors que le no 2907 évoque le « stationnement sécurisé des vélos ».
La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement no 1099 .
En commission spéciale, quatre amendements ont été présentés par Denis Baupin, Jacques Krabal et moi-même, en tant que membres du club des parlementaires pour le vélo. Je me félicite de l’adoption de deux d’entre eux. L’un permet d’embarquer des vélos à bord des autocars, l’autre fixe comme objectif le développement de l’intermodalité avec les modes de déplacement doux.
Lors de ces débats, le président de la commission spéciale, comme le ministre, ont reconnu la pertinence du développement du stationnement sécurisé des vélos dans les gares routières. Les amendements ont dû être retirés pour être réécrits. Nous avons décidé que ces amendements identiques porteraient sur l’alinéa 2 de l’article 4, et non plus sur l’alinéa 3. Ils proposent donc de modifier les objectifs généraux de l’ordonnance qui posera les principes généraux de l’aménagement des gares routières. Nous espérons que la commission et le Gouvernement donneront un avis favorable à ces amendements identiques.
Cela existe déjà pour les gares ferroviaires depuis l’adoption, lors de l’examen de la loi portant réforme ferroviaire, d’un autre amendement inspiré par les membres du club des parlementaires pour le vélo. La réalisation de stationnements sécurisés pour les vélos dans les gares routières présente un intérêt évident pour les trajets quotidiens, notamment depuis le milieu rural ou périurbain vers le milieu urbain. Je ne citerai qu’un exemple : le ramassage scolaire. Les élèves pourraient se rendre à leur établissement scolaire et en revenir, sans attendre une seconde navette, avec les aléas horaires que cela implique.
Cet amendement a donc pour objet d’intégrer à la réflexion sur les aménagements des gares routières la prise en compte des besoins des cyclistes en matière de stationnement sécurisé pour leurs vélos.
Je n’ai pas grand-chose à ajouter à l’excellente intervention de Philippe Goujon, d’autant que mon groupe dispose de beaucoup moins de temps que le sien ! Je me bornerai donc à remercier M. le ministre pour les avancées qui ont été réalisées en commission à propos de l’intermodalité entre les autocars et les vélos.
Il s’agit à présent de poursuivre ce travail. Nous voulons introduire dans cette loi, à propos des gares routières, une disposition semblable à celle que nous avons adoptée dans la loi de réforme ferroviaire, à propos des gares ferroviaires.
M. Joël Giraud a déjà défendu l’amendement no 2907 .
Quel est l’avis de la commission ?
La commission est favorable aux amendements identiques nos 1099 et suivants, car ils sont plus précis que l’amendement no 2908 . Surtout, ils comportent l’adjectif « sécurisé », qui est très important. Je demande donc le retrait de l’amendement no 2908 . À défaut, la commission y serait défavorable.
Conformément aux engagements pris en commission, le Gouvernement est favorable à ces amendements.
Nous n’allons pas bouder notre plaisir : nous soutiendrons largement l’amendement de notre collègue Philippe Goujon. C’est l’un des très rares amendements, parmi les quinze cents que nous avons déposés, à avoir été accepté par la commission réunie en application de l’article 88 du règlement. Depuis le début de ce débat, c’est une première, alors allons-y !
L’amendement no 2908 est retiré.
L’amendement no 2479 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale, pour soutenir l’amendement no 933 .
L’amendement no 933 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 4, amendé, est adopté.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 1767 .
Je demande à M. Vigier de retirer cet amendement, puisqu’un amendement identique a été adopté, concernant l’intégration des gares routières dans les schémas régionaux de l’intermodalité.
Même avis.
L’amendement no 1767 est retiré.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 1768 .
Cet amendement est très important. Il vise à introduire la concurrence au sein du transport ferroviaire régional. Hier soir, lorsque nous avons adopté les dispositions relatives aux liaisons par autocar, certains de nos collègues, notamment communistes, ont fait remarquer qu’une concurrence s’exercera sur les TER – les trains express régionaux. Nous le pensons également.
Mais avant celle des autocars, les TER font face à une autre concurrence, que l’on voit émerger depuis quelque temps : c’est, naturellement, le covoiturage. Le covoiturage se développe – ce qui est une bonne chose – grâce aux réseaux numériques, aux réseaux sociaux. Les voyageurs, jeunes et moins jeunes, y recourent. On estime que le covoiturage a augmenté de 5 % à 10 % au cours de l’année 2014. Les TER seront donc confrontés à deux types de concurrence : les autocars, d’abord – comme nous l’avons vu hier, puisque vous voulez que les liaisons par autocar se généralisent sur notre territoire – et le covoiturage, ensuite – chacun connaît la fameuse start-up BlaBlaCar.
Je rappelle que les premières expérimentations en matière ferroviaire datent de 1995. À l’époque, trois régions avaient été expérimentatrices, et avaient pris en charge le transport régional. Depuis dix ans, que s’est-il passé ? Les régions ont beaucoup investi pour renouveler le matériel roulant et rénover des lignes, voire en rouvrir. On estime que pas loin de 4,5 milliards sont investis chaque année : c’est une somme très importante.
Cela a un coût pour les régions. On sait que ce coût a augmenté de près de 90 % en dix ans. Il est vrai qu’il y a plus de voyageurs dans ces trains ; on évoque le chiffre de 25 % d’augmentation en moyenne. Cela représente une dépense supplémentaire importante pour les collectivités territoriales, notamment les régions.
Vous l’avez certainement lu il y a quelques jours dans la presse nationale, monsieur le ministre : la fréquentation de ces transports régionaux se tasse ; elle est même en légère baisse. Cela s’explique par différentes raisons, notamment la dégradation du service. Pour faire partie de ceux qui ont négocié des conventions avec la SNCF, je sais que les objectifs ne sont pas toujours atteints. Des problèmes d’infrastructures se posent également, car de gros travaux sont souvent nécessaires, et il faut les financer ! Pour cela, il faut mobiliser beaucoup de ressources, ce qui est malheureusement difficile vue l’état des finances publiques. D’ailleurs, les présidents de région se sont récemment fait tirer l’oreille – si je puis m’exprimer ainsi – pour signer leur nouvelle convention TER avec la SNCF.
L’autocar va prendre son envol, vous l’avez compris : c’est une volonté partagée. Par ailleurs, il y a des travaux de rénovation très importants à conduire. Nous souhaitons que ce qui se passe en Allemagne puisse aussi se passer en France. En Allemagne, dans les Länder, 50 % des marchés de transport ferroviaire sont proposés à des entreprises, avec un certain nombre de contraintes, de délégations de service public. C’est possible : l’Union européenne nous l’autorise. Nous estimons que la concurrence, c’est la voie de l’audace, de la créativité. La concurrence permettra aussi à cette grande entreprise qu’est la SNCF de se moderniser. D’ailleurs, une filiale bien connue de la SNCF – Keolis, pour ne pas la nommer – assure des liaisons ferroviaires dans les Länder allemands.
Cet amendement permettrait donc de dynamiser la SNCF par l’entrée d’autres transporteurs sur le marché du transport ferroviaire. Cela permettrait, mes chers collègues, de réaliser des économies. Je m’explique : certaines régions ont fait réaliser des audits sur les conventions SNCF. Deux au moins de ces audits ont prouvé qu’il est possible de réaliser des économies importantes.
Vous savez, monsieur le ministre, que nous sommes en train de conclure les contrats de projets État-région. Or les volets portant sur les infrastructures au sein de ces contrats de projets n’ont jamais été aussi faibles qu’aujourd’hui ! Je connais par coeur ce qui se passe dans la région Centre. C’est simple : sur 600 millions d’euros de projets, il y a 113 millions d’euros de financement public. Avec l’introduction d’une concurrence dans le ferroviaire, nous pourrions avoir un service à la fois de meilleure qualité et moins cher. Il ne faut donc pas s’en priver !L’Europe le permet. Les transporteurs privés seront tout à fait capables d’assurer le service dans d’aussi bonnes conditions qu’à l’heure actuelle.
Depuis la réforme ferroviaire de l’an dernier, RFF et la SNCF sont réunis au sein d’un même groupe, qui comprend SNCF Mobilités et SNCF Réseau. Cette grande entreprise a vocation à s’exporter ; il me semble qu’elle doit fournir un meilleur service aux usagers. C’est un vrai challenge ! Vous libéralisez les autocars : très bien. Mais pourquoi le transport ferroviaire, lui aussi, ne pourrait-il pas être dynamisé par la concurrence ? Par l’émulation, par la réorganisation des entreprises, il est possible de gagner en productivité de façon très importante. Ce challenge nous permettra en outre – j’y insiste – de gagner quelques marchés à l’export. Je crois dans le savoir-faire de la SNCF, que ce soit SNCF Mobilités ou SNCF Réseau.
Vous l’avez compris : cet amendement est essentiel. Il permettra de dégager des marges de manoeuvre considérables. Alors que nous cherchons des financements, il permettra d’alimenter les contrats de projets État-région. Il y a beaucoup de travaux à réaliser : nous le savons, et la catastrophe de Brétigny l’a démontré. Des lignes entières doivent être réaménagées, comme la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, qui nécessite plus de 250 millions d’euros de travaux. Comment pourrons-nous financer ces travaux sans marges de manoeuvre supplémentaires ?
La concurrence n’est pas seulement nécessaire pour les transports en car, elle est également nécessaire dans le ferroviaire. Il ne faut pas en avoir peur, car il ne s’agit pas d’une concurrence à l’anglaise. Il s’agit d’une concurrence encadrée, dans le cadre d’une délégation de service public. Nous pouvons le faire : il faut nous engager dans cette voie.
Cet amendement exige qu’on s’y attarde un petit peu. La commission y est défavorable, pour les raisons que je vais exposer.
M. Vigier n’a pas tort de dire qu’il va falloir envisager l’ouverture de notre système ferroviaire à la concurrence. Il va falloir le faire, d’autant plus qu’à Bruxelles une clause de réciprocité est actuellement en discussion. Au titre de cette clause, certains de nos voisins veulent interdire l’accès de leur réseau ferroviaire aux entreprises françaises, car notre réseau ferroviaire ne leur est pas ouvert. C’est cette asymétrie qu’ils dénoncent. La première victime serait le groupe SNCF.
Vous savez, en effet, que la SNCF voit son marché fermé chez elle, et largement ouvert chez les autres – je disais jadis : protecteur à l’intérieur, prédateur à l’extérieur ! C’est une entreprise très puissante, qui a confiance en elle-même, qui a vocation à exporter, qui sait tout faire. Elle ne devrait pas être protégée par un marché fermé : je suis complètement d’accord avec vous sur ce point. Je pense que nous verrons très rapidement le terme de cette asymétrie.
Le terme de cette asymétrie est en discussion dans le cadre du quatrième paquet ferroviaire, qui est examiné en deuxième lecture à Bruxelles. C’est ce texte qui fixera la date butoir pour l’ouverture à la concurrence des lignes régionales. Il comprendra aussi, probablement, la clause de réciprocité.
Je vous répondrai la même chose qu’hier à propos des TET, les trains d’équilibre du territoire. Il existe deux types de trains conventionnés : les TET, dont l’autorité organisatrice est l’État et qui sont actuellement auscultés par la commission présidée par Philippe Duron, et les TER. Mes arguments sont les mêmes qu’hier : il n’est pas opportun de précipiter les choses, notamment parce que, vous le savez, l’État a donné sa parole en s’engageant à laisser se négocier la première convention collective de branche de l’histoire, avant que la France n’anticipe éventuellement l’ouverture à la concurrence.
Frédéric Cuvillier a d’ailleurs indiqué que le Gouvernement n’était pas hostile à ce que celle-ci soit anticipée par rapport aux échéances fixées par la directive européenne, mais ne souhaitait pas qu’elle interfère avec les négociations de la convention collective de branche. Tout le monde le comprendra, nous n’avons pas intérêt à casser d’emblée ce qui est la condition de la réussite de la réforme ferroviaire, c’est-à-dire l’élaboration d’une convention collective de branche à laquelle soient soumis les nouveaux entrants. Nous ne sommes pas prêts à un plan social. Ouvrir ce marché sans avoir pris les précautions sociales nécessaires serait tenter le diable.
En second lieu, monsieur Vigier, ce sujet ne divise pas la droite et la gauche mais est transversal, car les régions souhaitent l’ouverture des TER à la concurrence. L’Association des régions de France, l’ARF, dont la majorité des membres est plutôt de notre bord, …
Je suis de ceux qui considèrent que les régions pourraient aujourd’hui ouvrir légalement ce secteur à la concurrence, si elles le voulaient. Je dis donc à mes camarades de l’ARF que leur discours est quelque peu ambigu. En effet, il existe un règlement européen de 2007 qui s’adresse aux autorités organisatrices, non aux États. Il n’est pas transposable par voie législative car ce n’est pas une directive. Les régions étant des autorités organisatrices, elles pourraient appliquer ce règlement prévoyant la possibilité d’ouverture à la concurrence. Ensuite, nous devrions bien entendu modifier les dispositions de la LOTI, la loi d’orientation des transports intérieurs.
Ainsi, je réponds aux régions françaises, qui affirment que l’État les en empêche et que demain tout sera mirobolant demain, qu’elles peuvent dès aujourd’hui lancer un appel d’offres et ouvrir à la concurrence. En tout état de cause, nous n’avons pas à prendre cette responsabilité ici, car nous nous sommes engagés devant les partenaires sociaux – l’Union des transports publics et ferroviaires, l’UTP, et les syndicats –, à ne pas semer aujourd’hui le doute sur la négociation d’une convention collective de branche, qui sera la première des conditions à l’ouverture à la concurrence, puisqu’elle nous permettra enfin de disposer d’un cadre social pour les nouveaux entrants. C’est la raison pour laquelle je donne un avis défavorable à cet amendement.
Sur l’amendement no 1768 , je suis saisie par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
La réponse du rapporteur, M. Savary, a été extrêmement complète. Je comprends l’argumentation du président Vigier et j’en partage une bonne partie des présupposés. Néanmoins, je rappelle d’abord que le Gouvernement s’est engagé, notamment vis-à-vis de la SNCF, à assurer des équilibres, à la suite de la réforme conduite l’été dernier. Cela me conduit à une forme de prudence à l’égard d’un tel changement. Les débats d’hier nous ont donné l’occasion de défendre longuement à la fois la philosophie de la réforme, les équilibres qu’elles permettaient d’atteindre s’agissant de l’ouverture du secteur des autocars, et la faiblesse de ses incidences sur la SNCF et le rail – c’est notre conviction profonde. En l’espèce, votre proposition conduirait à anticiper certaines échéances, sans que nous puissions envisager, en tout cas de manière certaine, la totalité des effets induits.
En second lieu, il ne nous apparaît pas opportun, dans ce contexte, d’anticiper les échéances prévues. Enfin, je note, comme l’a fait le rapporteur M. Savary, que l’ARF a affirmé l’été dernier sa volonté d’avancer en ce sens. Si la SNCF et l’ARF pouvaient continuer à travailler ensemble et préparer une éventuelle anticipation du quatrième paquet ferroviaire, leur collaboration pourrait être extrêmement fructueuse. Mais il ne paraît pas opportun au Gouvernement de le décider aujourd’hui par voie d’amendement. J’émettrai donc un avis défavorable pour ces raisons.
Permettez-moi tout d’abord, monsieur le ministre, de rebondir sur votre dernier argument. Pardonnez-moi, mais hier, à 23 h 30, a été adopté, par le biais d’un amendement gouvernemental, un projet de canal bien connu de chacun et représentant un enjeu de 5 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien ! L’opposition a montré qu’elle était capable de soutenir les projets majeurs et les orientations fortes prises pour notre pays. Utiliser la voie de l’amendement n’est pas un problème, puisque vous avez procédé ainsi hier soir.
Ensuite, j’entends les arguments de M. Savary sur le fameux paquet ferroviaire, mais j’attendais qu’il les développe pour lui répondre. Cher rapporteur, en Allemagne, la concurrence prévaut pour 50 % des marchés dans les Länder. Il est donc inutile d’attendre les conclusions du quatrième paquet ferroviaire, puisque le règlement européen 13702007 est entré en vigueur à la fin de 2009. L’argument du calendrier ou du décalage par rapport aux autres États n’est donc pas pertinent.
Au demeurant, on entend souvent que l’Allemagne est un formidable exemple à suivre. C’est d’autant plus vrai dans ce domaine ! Les Français, monsieur Savary, ont des marchés en Allemagne. Vous priverez donc l’entreprise France d’un certain nombre de marchés. Pour ma part, je crois en la SNCF, je crois en SNCF Réseau, je crois en SNCF Mobilités. Si les Allemands s’avisaient de fermer leur marché intérieur, comme vous souhaiteriez le faire ici, les entreprises françaises ne pourraient pas bénéficier de ces marchés.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous dites qu’il faut attendre un peu pour laisser le temps de la discussion avec les personnels et de la conclusion des accords sociaux. Mais hier, vous n’avez pas hésité une seconde, et nous vous avons soutenu, à mettre en concurrence le rail et la route – j’en reviens au premier point de mon propos –, puisque les liaisons par autocar auront évidemment – on le verra au fil du temps – un impact sur les dessertes par TER. Vous le savez bien au fond de vous-même, cet argument-là ne tient pas une demi-seconde.
Quant à nous, nous voulons simplement qu’il puisse y avoir une compétition au sein d’un même mode de transport, en l’occurrence le rail, car les Français pourront surpasser la Deutsche Bahn et d’autres acteurs. Nous croyons également à la concurrence au sein du secteur des transports routiers.
Enfin, je le répète, il est tout à fait possible de conclure une délégation de service public. Comment sont organisés les transports scolaires et les transports urbains ? M. Savary le sait parfaitement, inutile de lui faire un dessin ! Il sait très bien que les garanties sur la continuité de carrière et les différents avantages ou contraintes – car il en existe – des personnels ne changeront pas. Ne laissons pas passer cette chance formidable !
Il est dommage que le président Alain Rousset ne soit pas là, car c’est un ambassadeur de la compétition, non pas pour pointer du doigt la SNCF, monsieur le ministre, mais précisément pour permettre à cette grande entreprise d’avancer. Nous avons soutenu la réforme que vous avez engagée l’année dernière. Il y a maintenant un pas à franchir. Je l’ai dit tout à l’heure, les régions ont investi 4,5 milliards d’euros par an depuis douze ans. Elles n’investiront pas la même somme dans les dix ans qui viennent, vous le savez comme tout le monde, monsieur Savary. Arrêtons de nous raconter des histoires ! Ces régions ont investi et, pour la première fois, le trafic a diminué. De plus, les travaux d’infrastructures sont très lourds. Si vous laissez passer cette chance, vous coupez court à cette volonté d’ouvrir le marché à la concurrence et – pardonnez-moi, monsieur le ministre – de créer de la croissance et de l’activité.
Il est très difficile de prendre la parole après le président Vigier, dont la démonstration a été extrêmement claire. J’ajoute simplement un argument : un pas vers l’ouverture à la concurrence a déjà été franchi dans le fret. Il y a, en France, ce qu’on appelle les opérateurs ferroviaires de proximité, qui assurent, dans un cadre concurrentiel, du fret sur rail, en concurrence avec la SNCF. Or, on ne remet pas en cause les conventions collectives ni les accords de branche dans le secteur du fret ferroviaire, qui est tout à fait ouvert à la concurrence européenne. Certains grands ports maritimes – j’étais récemment à La Rochelle – ont fait appel, faute de réponse des opérateurs français, à des opérateurs européens, allemands en l’occurrence, pour sauver des lignes de fret. Pourquoi donc l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs nous conduirait-elle à nous interroger spécifiquement alors que nous ne le faisons plus dans le cas du fret, secteur où des opérateurs ferroviaires de proximité opèrent tout à fait sereinement dans un cadre concurrentiel ? Vouloir attendre la conclusion des accords de branche n’est pas pertinent, puisque cela impliquerait de les remettre en cause dans le secteur du fret, ce qui n’est pas l’objet de ce débat.
Je n’ajouterai rien à ce qu’ont excellemment dit M. Vigier et M. Fromantin, sinon pour dénoncer l’idée selon laquelle il faudrait attendre la signature d’une convention collective, car tous les salariés travaillant dans les secteurs cités sont soumis à des textes qui régissent leur activité. Je ne comprends pas très bien votre argument.
En tout état de cause, monsieur le ministre, sans vouloir répéter les propos qui viennent d’être tenus, vous avez dit tout à l’heure qu’il serait malvenu de prendre des décisions sans en connaître tout à fait les effets immédiats et les conséquences dans le futur. S’il fallait s’empêcher de prendre des décisions pour cette raison, votre projet de loi ne contiendrait pas 208 articles, mais seulement le quart, si ce n’est le dixième !
Je ne me souviens pas que le Conseil d’État ait, dans son avis, souligné la grande qualité de l’étude d’impact.
Acceptons aussi de prendre quelques risques de temps en temps ! Pour toutes ces raisons, le groupe UMP soutiendra l’amendement de nos collègues de l’UDI.
Nous n’allons pas nous éterniser sur ce sujet. Vous avez bien remarqué que nous étions d’accord sur le fond, puisque vous avez repris un certain nombre de mes arguments, y compris sur l’asymétrie. J’ai parlé d’une question sociale, car il y en a bien une. Il y a une convention collective de branche dans le secteur du fret, monsieur Fromantin. Elle a d’ailleurs été négociée en dehors de la SNCF, puisque celle-ci n’a jusqu’à présent pas le droit de s’asseoir à la table d’une négociation de convention collective de branche en raison de son statut particulier.
Nous ne voulons pas que cette situation se reproduise dans le secteur du transport de voyageurs. La nécessité de disposer d’un cadre social commun est aujourd’hui unanimement reconnue par les nouveaux entrants, y compris par la Deutsche Bahn – si elle devait entrer –, d’une part parce que les acteurs privés ne voudraient pas se voir « infliger » le cadre social de la SNCF, jugé non compétitif, d’autre part parce que nous ne voulons pas non plus porter atteinte au cadre social de la SNCF, en particulier aux conditions de travail ferroviaire. Cette négociation, délicate, est nécessaire et les syndicats sont prêts à l’engager. Nous ne voulons pas lancer une bombe à fragmentation avant qu’elle ne commence...
… au risque que n’échoue la réforme ferroviaire, car nous ne tiendrions pas notre parole. Oui, l’ouverture aura lieu et le plus tôt sera le mieux, mais laissons aujourd’hui la France se placer dans les conditions de l’ouverture, c’est-à-dire instaurer un cadre social unifié. C’est ce que tous souhaitent, y compris le patronat ferroviaire.
Je souhaite apporter quelques rectifications à certains propos de M. Poisson. Je rappelle, si besoin était, que si l’étude d’impact n’avait pas été satisfaisante, le Conseil d’État aurait refusé d’examiner le texte qui vous est aujourd’hui soumis. Vous pouvez en critiquer certains éléments, mais elle existe et analyse les conséquences des mesures proposées. Au demeurant, elle est suffisamment longue et nous y avons fait suffisamment référence pour l’apprécier.
Enfin, s’agissant des grandes mesures prévues par ce texte, que nous avons longuement débattues, elles ne sont pas apparues du jour au lendemain, y compris d’ailleurs celle qui a été discutée hier à l’occasion d’un amendement gouvernemental, puisqu’elles ont fait l’objet ces dernières années de nombreux rapports, de droite comme de gauche. Si certaines mesures ont été proposées par le biais d’amendements, parfois tardifs, parfois nocturnes, elles avaient néanmoins fait l’objet de toutes les évaluations et études d’impact nécessaires. En l’espèce, si, sur le plan économique, nous pouvons partager beaucoup des prémisses du raisonnement de M. Vigier, compte tenu des impacts sociaux de ce sujet et de la situation de la SNCF, je ne peux pas vous laisser comparer cette proposition avec le reste du débat que nous menons.
Deux ou trois derniers arguments pour vous faire réfléchir, monsieur le ministre – on ne sait jamais…
Non seulement vous fragilisez la SNCF en développant le transport par car, mais vous refusez de la renforcer, comme nous le proposons, en lui permettant d’acquérir de nouvelles parts de marché.
L’année dernière, le Gouvernement a mis fin à une dichotomie entre RFF et la SNCF, qui ne se parlaient pas. Je m’occupe des questions de transport ferroviaire depuis dix-neuf ans : je connais donc la chanson ! La première convention entre la SNCF et la région Centre a été négociée en 1995. Pendant dix-neuf ans, on m’a répondu : « Ce n’est pas moi, c’est ma soeur qui a cassé la machine à vapeur ! »
Sourires.
Mais nous avons enfin réussi à coordonner les deux entités.
Enfin, chers collègues de la majorité, peut-on penser une seconde aux usagers…
…et à leur pouvoir d’achat ? Que s’est-il passé en Allemagne, monsieur Savary ? Le prix du kilomètre parcouru par les usagers a-t-il baissé depuis dix ans ? Vous le savez très bien, puisque vous êtes un fin connaisseur de ces sujets : en Allemagne, le prix a baissé, alors qu’en France, il a augmenté de 20 %.
En 2013, mes chers collègues, nous avons vu pour la première fois le pouvoir d’achat des Français baisser. Refuser l’ouverture du transport ferroviaire régional à la concurrence, c’est faire les poches de nos concitoyens. Chacun votera en conscience. Si cet amendement n’est pas adopté, je le regretterai profondément.
« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 51 Nombre de suffrages exprimés: 51 Majorité absolue: 26 Pour l’adoption: 15 contre: 36 (L’amendement no 1768 n’est pas adopté.)
Nous passons du rail à la route, en particulier à l’autoroute. Hier soir, j’étais un témoin attentif, mais muet…
Sourires.
…puisque j’occupais la place qui est la vôtre actuellement, madame la présidente. J’ai pu apprécier l’argumentation des uns et des autres. J’ai également découvert que notre pays était riche, puisque nous allons construire le tunnel Lyon-Turin,…
…le grand canal qui, partant de l’Île-de-France, touchant Amiens, rejoindra les grands réseaux du Nord,…
…et également une belle réalisation entre les aéroports parisiens et la capitale.
Tout cela va coûter très cher, mais il paraît que nous avons les moyens de le faire. J’en prends acte, mais je tiens à souligner qu’un peu de réalisme serait bienvenu dans ces débats.
Avec l’amendement no 1058 , nous abordons le sujet des autoroutes. J’imagine que M. Savary, qui est très pointu sur tous ces sujets, va bien me répondre.
Je prends un exemple au hasard : un trajet en autoroute entre Paris et La Gravelle – entre Paris et Rennes, en quelque sorte – coûte 28,70 euros.
Vous conviendrez que ce prix est important pour un véhicule léger, pour une automobile ordinaire. Les usagers me demandent à quoi correspond ce péage.
En commission, j’ai moi-même eu l’occasion d’interroger Vinci et les administrations concernées : je n’ai pas obtenu de réponse satisfaisante. Que paie-t-on ? D’abord, le service, et c’est bien normal car il est de qualité.
Les services des sociétés d’autoroutes sont présents et assurent notre sécurité : il est normal de les payer. On paie aussi l’amortissement de l’emprunt qui a permis de réaliser ces équipements. Le problème est que cet emprunt est amorti depuis longtemps, puisque cette autoroute a été construite il y a environ trente ans.
J’en conviens : on paie les dividendes de Vinci, qui ne doivent pas être négligeables. Les usagers me disent aussi, avec quelque raison, que l’on paie le reste du réseau de Vinci, alors qu’on ne l’utilise pas : Nantes-Vierzon, Aix-Sisteron…
Sourires.
Tout cela est très bien, mais je ne vois pas au nom de quoi l’usager paierait pour un tronçon qu’il n’utilise pas. Je crois à la solidarité, mais elle doit passer par l’impôt et non par le péage qui incombe à l’usager. La transparence exigerait que l’usager ne paie que le coût de la portion d’autoroute qu’il emprunte.
Il est normal que l’usager paie le service et l’amortissement du bien : c’est la logique même du modèle de la concession d’autoroute. Mais est-ce bien normal qu’il paie pour compenser les déficits éventuels d’autres tronçons routiers appartenant à la même société ?
De plus en plus, les usagers se posent cette question. Je souhaite donc, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que les charges justifiant le péage s’apprécient par tronçon autoroutier emprunté par l’usager.
Pourrait-on mettre en place un péage glissant, monsieur le rapporteur ?
Sourires.
J’entends bien que l’usager puisse payer les charges relatives à l’ensemble d’un tronçon, mais pas celles relatives à l’ensemble du réseau appartenant au concessionnaire.
Comprenez bien qu’il est nécessaire de distinguer entre l’usager le contribuable : l’usager ne doit pas être un contribuable masqué, qui paie un impôt sans s’en rendre compte. Je souhaite que vous m’éclairiez sur ce sujet et que l’on en vienne à un principe d’association très claire entre le service rendu et le prix payé par l’usager, ce qui me semble plus simple.
Monsieur Le Fur, nous vous donnerons dans quelque temps des éclaircissements très précis, puisque l’économie des autoroutes se caractérise par une opacité consommée. Le groupe de travail Pancher-Chanteguet n’a pas pu avoir accès à un contrat de concession autoroutière.
Le président de la Commission nationale des marchés publics lui-même n’a jamais pu consulter un contrat autoroutier. C’est vous dire qu’il y a du travail et qu’il est nécessaire d’aller voir ce qui se passe ! Hier, M. le Premier ministre a mis en place une commission qui doit travailler sur ce sujet.
Globalement, cependant, nous voyons à peu près ce qui se passe. L’Autorité de la concurrence l’a révélé, le modèle économique est assez simple : les coûts des travaux et les investissements sont payés par les péages, les profits et le reste vont dans les dividendes.
Je reviens à votre intervention, monsieur Le Fur. Il fut un temps où nous étions encore attachés à la République, et non uniquement aux provinces. Le modèle autoroutier s’est développé selon le principe de l’adossement, qui est un principe français : une autoroute très rentable pouvait financer une autoroute non rentable, plus coûteuse, sans affecter le péage de cette dernière d’un surcoût considérable.
…qui se manifestait par la technique française dite de l’adossement. C’est ainsi que nous avons développé notre système autoroutier, à une vitesse qui a forcé l’admiration de tous les autres pays d’Europe.
Effectivement, monsieur Accoyer, certaines directives européennes interdisent aujourd’hui la pratique de l’adossement, notamment pour les sociétés autoroutières, mais à l’intérieur de chaque entreprise, il est toujours possible d’opérer une modulation, dans une mesure que je ne connais d’ailleurs pas et que je ne saurais pas apprécier.
Toutefois, il subsiste de l’adossement à la française une concession bruxelloise : celle des plans de relance routiers. Ces derniers reposent ni plus ni moins sur le principe de l’adossement. Dans le cadre du prochain plan de relance routier, 3,2 milliards d’euros seront mis sur la table pour construire des routes, y compris en Bretagne où elles seront gratuites du fait d’un privilège d’Ancien régime.
Sourires.
Mes chers collègues, il y aura pire que le fait que les Rennais paient un peu pour l’ensemble du groupe : toutes les sociétés autoroutières vont consacrer 3,2 milliards d’euros à des travaux routiers totalement indépendants de la voirie à péage dont elles sont responsables. Ce n’est pas le moment de compromettre ce plan de relance routier, même si, à titre personnel, je pense comme certains d’entre vous qu’il faudra bien arrêter un jour ce petit jeu dans lequel, face à un État en difficulté financière, les sociétés d’autoroutes mettent 3,2 milliards d’euros sur la table sous réserve de la prolongation de leur concession.
En tout état de cause, si 3,2 milliards d’euros seront consacrés au développement du réseau routier, au maintien du contrat de plan et à la réalisation de travaux routiers en dehors même de ces autoroutes, c’est parce que l’on peut demander à Vinci d’y participer financièrement au lieu de considérer l’économie de chaque voirie de façon égoïste, individuelle, régionale ou ethnique, si je puis dire. Avis défavorable donc à cet amendement.
Monsieur Le Fur, vous demandez que les charges afférentes à un tronçon autoroutier ne correspondent qu’à l’équation économique dudit tronçon. Mais qu’en serait-il pour un nouveau tronçon autoroutier ? Imaginez une seule seconde : pour les nouveaux usagers, le coût serait prohibitif !
Sans la possibilité de péréquation qui existe dans le cadre des concessions actuelles et qui repose sur un principe de bon sens, le coût serait prohibitif compte tenu du nécessaire amortissement du nouveau tronçon ! Le développement même du réseau autoroutier en France justifie cette péréquation. Certes, sur des tronçons anciens, les usagers paient sans doute un peu plus que le coût amorti aujourd’hui, mais c’est précisément pour développer d’autres tronçons et permettre à de nouveaux usagers d’accéder au réseau.
Il existe bien, dans les concessions autoroutières, un principe de péréquation nécessaire au développement du réseau et à l’ouverture de nouveaux tronçons autoroutiers. C’est une bonne chose, et les députés de l’opposition seront sans doute les premiers à défendre ce principe, dans la suite de nos débats, s’agissant de certaines professions réglementées. Ce principe de péréquation ne se traduit pas uniquement par l’impôt, mais aussi par d’autres mécanismes. L’économie d’usage du système autoroutier justifie cette péréquation sur le plan économique, sans quoi l’amortissement d’un nouveau tronçon ne serait pas possible.
Comme le rapporteur Savary le soulignait à l’instant, il n’en demeure pas moins que la péréquation n’est acceptable que quand elle est transparente. C’est peut-être la finalité de votre amendement, monsieur Le Fur. La solution n’est pas d’organiser une forme d’étanchéité économique tronçon par tronçon – ce serait insoutenable et cela empêcherait l’ouverture de nouveaux tronçons autoroutiers –, mais de permettre la parfaite transparence de l’ensemble des concessions.
La solution réside, d’une part, dans le groupe de travail proposé par le Premier ministre et qui a commencé à se réunir hier. D’autre part, il convient d’étendre les compétences du nouveau régulateur qu’est l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, afin qu’il puisse examiner non seulement les tarifs des péages, mais également les travaux réalisés et l’équilibre économique des contrats. Nous devons créer les conditions de la transparence, tronçon par tronçon, concession par concession, afin que les péréquations parfois nécessaires puissent perdurer en parfaite objectivité et ne se fassent pas dans l’opacité.
Les amendements qui seront proposés par la suite permettront de répondre à l’objectif final de l’amendement no 1058 : créer plus de transparence et éviter l’opacité des contrats de concession. Mais sur le plan strictement économique, monsieur Le Fur, ce que vous proposez n’est pas possible. Je suis donc défavorable à votre amendement.
Je remercie le rapporteur et le ministre de m’avoir apporté ces éléments de réponse. Vous admettez qu’il existe une opacité, et je me réjouis que vous souhaitiez y mettre un terme, monsieur le rapporteur.
Il faut absolument y mettre un terme !
Cependant, les usagers des anciens réseaux autoroutiers veulent savoir combien de fois ils auront payé cette autoroute. Ils la paient depuis trente ans ; or elle a bien fini par être amortie. Les emprunts initiaux ont été remboursés. Les usagers paient donc autre chose : ils paient une solidarité.
Admettons que cette solidarité soit théoriquement concevable ; encore faut-il qu’elle soit parfaitement transparente. Une facture d’électricité est un peu difficile à lire, mais elle permet de connaître la part du coût de l’électricité correspondant aux efforts réalisés en faveur du développement d’énergies nouvelles, par exemple. Ce n’est pas du tout le cas en matière d’autoroutes.
Monsieur le ministre, vous dites aussi que, sans cette péréquation, un certain nombre de nouvelles autoroutes ne seraient jamais rentables. C’est précisément la question qu’il faut se poser ! Souvent, les nouvelles autoroutes sont les plus chères et les moins fréquentées – c’est pourquoi on ne les a pas construites avant. La réalisation de telles autoroutes est-elle si pertinente ? Est-il légitime que, lorsqu’un nouveau tronçon appartient à une société existante, ce soient les usagers des autres autoroutes appartenant à cette même société qui paient ce nouveau tronçon alors qu’ils ne l’utilisent pas du tout, peu, ou qu’ils n’en connaissent même pas l’existence ?
Je vais en rester là et retirer mon amendement car je comprends bien l’état d’ignorance dans lequel on est, du fait de l’opacité que vous évoquiez. C’est d’ailleurs très surprenant. Comment contrôler réellement les tarifs autoroutiers alors même que l’on ne connaît pas exactement la part respective du service effectif, disons du fonctionnement, le coût du tronçon d’autoroute lui-même, la part qui va à d’autres tronçons autoroutiers appartenant à la même société ?
Cela est loin d’être satisfaisant et je souhaite que les travaux que vous lancez permettent de sortir de cette opacité. Pourquoi pas une solidarité ? Mais à condition d’être très explicite. Lorsque l’on acquitte un péage, on doit être en mesure de savoir que l’on concourt au financement d’autres tronçons d’autoroutes. On devrait pouvoir débattre de l’opportunité de la solidarité. Pour ma part, j’en suis partisan, mais j’estime que pour financer la solidarité, l’impôt est plus pertinent que le péage, qui a pour effet de faire payer au hasard par un client un équipement dont il ne bénéficie pas.
La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Permettez-moi d’apporter quelques précisions. Comme le disait Gilles Savary, la politique d’adossement a existé jusqu’en 2001. Elle a alors été supprimée à la suite de la directive Eurovignette ainsi que de la loi Sapin.
La politique d’adossement a permis la mise en oeuvre de la péréquation : les tronçons rentables finançaient ceux qui ne l’étaient pas. L’établissement public Autoroutes de France, créé en 1989 et supprimé en 2009, était chargé de la gestion de la péréquation.
Aujourd’hui, la péréquation n’existe plus pour les nouvelles concessions. Contrairement aux six sociétés historiques, certaines sociétés sont dans une situation financière plutôt mauvaise. La péréquation devrait exister au niveau national, ce qui n’est pas le cas compte tenu de la situation que chacun connaît. Vous avez sans doute tous lu le rapport de l’Autorité de la concurrence. Le bénéfice net des six sociétés historiques est proche de 2 milliards d’euros.
Nous verrons quel sera le résultat pour 2014 et, personnellement, j’attends avec beaucoup d’impatience de connaître le montant des bénéfices nets des sociétés autoroutières. Cela serait une information intéressante. Comme le rappelait Gilles Savary, la transparence n’existe pas, hélas. J’espère que nous aurons la possibilité d’aller vers une plus grande transparence ainsi que vers une modulation de l’évolution des péages et que nous pourrons engager une politique permettant de financer les infrastructures de transport.
Je ne cesse de m’interroger. Pourquoi alors que les sociétés concessionnaires d’autoroutes réalisent 2 milliards de bénéfices, n’avons-nous pas trouvé le moyen de faire en sorte que sur ces 2 milliards, 500 ou 600 millions financent l’AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France alors que les besoins sont particulièrement importants ? Je le déplore.
L’amendement no 1058 est retiré.
Le présent amendement résulte d’une proposition contenue dans le rapport qui m’avait été confié, ainsi qu’à Fabienne Keller, par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les véhicules écologiques, rapport adopté à l’unanimité.
L’amendement vise à encourager le développement des véhicules propres. Il est donc proposé, lors des négociations en cours avec les sociétés autoroutières, que les montants des péages soient réduits pour les véhicules les plus sobres et les moins polluants ainsi que pour les véhicules utilisés en covoiturage. Il s’agit d’accorder un avantage concurrentiel aux véhicules que l’on veut favoriser, soit parce qu’ils sont peu polluants, soit parce qu’ils ont plusieurs occupants.
L’amendement no 1241 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Le présent amendement concerne les gares routières de voyageurs. L’ordonnance de 1945 qui les définit ne recouvre pas la réalité actuelle. Leur organisation est aujourd’hui très hétérogène, quand elle n’est pas tout simplement inexistante.
Il est proposé qu’en cas d’absence d’autorité organisatrice de rattachement, les autorités organisatrices de la mobilité soient les autorités compétentes afin d’éviter les gares routières orphelines.
C’est une bonne question, mais j’ai tendance à penser que l’ordonnance à laquelle on renvoie doit traiter le sujet essentiel des gares routières. Il va falloir aller vite. On ne peut pas laisser s’ouvrir des lignes sans mettre de l’ordre dans les conditions d’accès aux gares routières, à des gares routières intermodales.
L’ordonnance de 1945 doit être complètement revue, c’est en tout cas l’avis de l’Autorité de la concurrence. À l’article 4, nous avons voté le principe d’une ordonnance très précise ayant vocation à revoir l’ordonnance de 1945 et à redéfinir la notion de gare routière. Certaines appartiennent à des entreprises publiques comme la SNCF ; d’autres sont totalement privées comme Eurolines ; d’autres encore appartiennent à des collectivités locales. Bref, c’est extrêmement compliqué.
C’est la raison pour laquelle je demanderai à notre collègue Giraud de bien vouloir retirer son amendement au bénéfice des dispositions que nous avons votées à l’article 4. Nous procéderons ensuite à un contrôle gouvernemental sur le sujet. Nous avons fait de même pour les gares ferroviaires. Cela paraît plus simple, mais c’est aussi très compliqué en termes de modalités d’accès, d’équipement des gares en fonction des trafics et des lignes. S’il s’agit de lignes internationales, il faudra prévoir des toilettes, des équipements particuliers par rapport aux lignes locales.
Même s’il soulève une bonne question, votre amendement, cher collègue, est un peu à l’emporte-pièce.
Le sujet, il est vrai, est éminemment complexe qui ne fait aujourd’hui l’objet d’aucune codification. En matière de transport, c’est l’un des rares sujets qui fait partie des angles morts.
Pour les raisons évoquées à l’instant par le rapporteur, à savoir la complexité du sujet, les différents statuts – public, privé –, l’autorité de rattachement – État, région ou autres –, il paraît préférable de retirer l’amendement. C’est ce qui nous avait motivés à demander à l’article 4 que le Gouvernement soit habilité à procéder par ordonnance.
Pour éviter à la fois les angles morts et l’emporte-pièce, je vais le retirer.
Sourires.
Sourires.
L’amendement no 2880 est retiré.
Plusieurs orateurs sont inscrits à l’article 5.
La parole est à M. Lionel Tardy.
Conformément aux préconisations de l’Autorité de la concurrence, l’article 5 fait de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires un véritable régulateur multimodal. Comme je le rappelle chaque fois que nous confions des pouvoirs à une autorité administrative, je tiens à mettre en garde. Il s’agit ici de l’ARAFER, mais quelques articles plus loin, il s’agira de l’Autorité de la concurrence.
Nous accordons ces pouvoirs en toute confiance, mais les reprendre est plus difficile. C’est maintenant qu’il faut peser chaque compétence nouvelle, qu’il faut être vigilant. Je le dis d’autant plus qu’avant cet article 5, il y a eu l’article 2 puis l’article 4, et que certains amendements dont nous allons débattre vont renforcer les pouvoirs dévolus.
Ce n’est pas un mal en soi, et nous devons avoir confiance en ces autorités administratives indépendantes, ces hyper-autorités administratives indépendantes devrais-je dire. Mais prenons garde à faire preuve de toute la parcimonie nécessaire.
Je rejoins les propos de mon collègue Tardy. Monsieur le ministre, dans l’oeuvre de clarification que vous avez la volonté d’engager, il faut éviter, autant que faire se peut, de superposer les éléments. Nous ne gagnerons que si nous responsabilisons fortement les acteurs. Tous nos compatriotes, quels qu’ils soient, attendent cela. Ils attendent d’être valorisés et c’est cela qu’il faut mettre en avant, comme du reste vous l’avez exprimé.
Il y a trop d’intermédiaires, même si certains sont indispensables. Plus on fera simple, plus on reviendra à une responsabilité de nos concitoyens, qui sont des hommes et des femmes de responsabilité, et mieux nous atteindrons l’objectif.
Cet article va compliquer, alourdir le nombre de contraintes, d’autorités, de pouvoirs d’autorité prétendument indispensables. En réalité, l’État se départ d’une partie de son pouvoir.
Les autoroutes ont été privatisées.
Cela a été fait pour alléger l’endettement du pays : appelons un chat un chat. L’actuel gouvernement, comme les autres, attend des sociétés d’autoroutes qu’elles engagent des programmes d’équipement, de travaux, qu’elles créent de l’emploi. Dans le même temps, il les soumet à des contrôles, des contraintes, au point de leur refuser toute augmentation de tarif. À cet égard, l’État a toute chance de se faire éconduire, les sociétés d’autoroutes ayant déposé un recours à son encontre, suite à son refus de toute adaptation de tarifs.
S’ensuivront des pertes d’emploi – on parle de 8 000 emplois supprimés dans les travaux publics, secteur qui traverse une crise très aiguë. Nous avions cru comprendre que ce texte visait à relancer notre économie ; nous pensions qu’il était animé d’une certaine volonté de libéraliser une économie sous contrainte en France comme elle ne l’est dans aucun autre pays d’Europe occidentale. Or dans cet article, vous faites exactement le contraire.
Demander aux sociétés d’autoroutes de réaliser des travaux, d’installer des équipements sur des tronçons routiers extrêmement chers à aménager, à entretenir, à améliorer comme cela a été le cas pour la Route Blanche en Haute-Savoie, route d’accès au tunnel du Mont-Blanc, pour ensuite faire volte-face, ce n’est pas une politique, monsieur le ministre. Ce sont des postures au jour le jour. En réalité, la posture, c’est celle que traduit ce texte !
Cette partie du texte, extrêmement intéressante à nos yeux, vise à renforcer les autorités de contrôle indépendantes et répond à une demande de la Cour des comptes et de l’Autorité de la concurrence, ainsi que de la mission parlementaire, que j’ai eu le plaisir de présider et dont Jean-Paul Chanteguet était le rapporteur.
Nous soutiendrons évidemment cette partie du texte tout en proposant un certain nombre d’amendements pour renforcer le rôle de l’ARAFER. À ce stade du débat, je crains que cela soit la seule contrepartie dans le cadre de l’allongement des durées de concession lié au plan de relance.
Hier, le Premier ministre nous a aimablement invités à une réunion de travail à Matignon, qui a donné lieu ensuite à un communiqué de presse – je ne dévoilerai donc aucun secret.
Une résiliation des concessions autoroutières passerait par une succession d’étapes particulièrement compliquées. La renégociation également se révèle très difficile, les sociétés n’étant pas prêtes à lâcher les contrats très précis dont elles disposent.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur ce qui s’est passé hier, notamment s’agissant de ce que notre groupe considère comme étant un véritable couac, à savoir l’annonce du gel provisoire des tarifs des péages autoroutiers ? Après les déclarations des membres de vos services, de celles des hauts fonctionnaires et des responsables de cabinet des différents ministères, nous avions cru comprendre que cela faisait l’objet d’un accord avec les sociétés d’autoroutes. À la sortie de cette réunion, j’ai envoyé un communiqué de presse faisant état d’un gel temporaire des péages en indiquant qu’un accord avait donc probablement été trouvé avec les sociétés d’autoroutes dans le cadre du plan de relance – c’est en tout cas ce que nos services nous avaient fait comprendre. Et voilà que, deux heures plus tard, les sociétés d’autoroutes adressaient un communiqué pour faire savoir qu’elles attaquaient l’État, ce qui n’est pas anodin !
En creusant le sujet, il apparaît que les sociétés d’autoroutes – dont les déclarations sont du reste rendues publiques – disent ne pas comprendre la position de l’État, vu que des discussions étaient en cours sur des augmentations tarifaires.
Ces rencontres m’ont au moins appris quelque chose : la belle déclaration de Mme Ségolène Royal selon laquelle il suffisait de taxer les sociétés d’autoroutes a été suivie d’effet, sous la forme d’une augmentation de la redevance domaniale, ce qui n’est rien d’autre qu’une augmentation de fiscalité, alors que les contrats de concession prévoyaient, aussi bien pour la levée de capitaux que pour la rémunération sur rentabilité, que tout cela s’opère à fiscalité constante.
Les sociétés d’autoroutes négocient avec le Gouvernement comment tout cela pourra se traduire dans le cadre d’augmentations des tarifs des péages ; le Gouvernement annonce des augmentations de tarif dans les trois prochaines années. Il faut d’ailleurs dire ici qu’alors que le Gouvernement ne cesse de dénoncer le scandale de l’augmentation des tarifs des péages, celle-ci est mécanique, car liée à sa propre décision d’augmenter la fiscalité sur les autoroutes – cherchez l’erreur !
Une négociation était en cours, disais-je, – certes un peu secrète, car le Parlement n’en était pas informé, mais après tout cela fait partie de vos prérogatives –, un accord avait presque été trouvé, et voilà qu’est décidé un gel, ce qui va entraîner un contentieux ! Monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer comment tout cela est arrivé ? Les uns disent avoir été mis devant le fait accompli et traînent l’État au tribunal, tandis que vous-même déclarez – je n’ai pas entendu votre intervention, hier matin, sur une radio périphérique, mais l’un de mes collaborateurs me l’a rapportée – que tout cela s’est fait en accord avec les sociétés d’autoroutes. Pourriez-vous éclairer la représentation nationale sur ce que je considère comme un premier couac gouvernemental en ce début d’année ?
Monsieur Pancher, je vais vous apporter toutes les explications que vous demandez et je vous remercie par la même occasion d’avoir salué l’importance de cet article. Peut-être pourrai-je ainsi rectifier ce qui n’a pas été perçu tout à l’heure par M. Accoyer, lequel a fait selon moi un profond contresens sur le contenu de cet article. Expliquer que la privatisation des sociétés d’autoroutes que vous avez décidée et qui s’est opérée dans de mauvaises conditions, dénoncées aussi bien par la Cour des comptes que par l’Autorité de la concurrence, et la non-régulation qui a entouré ces contrats pendant des années, au détriment de l’activité économique et des usagers, seraient bonnes pour l’économie, c’est inventer une nouvelle forme de raisonnement, à laquelle je ne puis adhérer.
L’article ici présenté, qui assure plus de transparence et une vraie régulation – car il faut reconnaître que celle-ci a jusqu’à présent été défaillante et que nous partageons la responsabilité de cette impéritie –, permet de créer de l’activité dans de meilleures conditions, ce qui est bon pour la croissance et l’activité.
Parfois, en effet, la meilleure volonté du monde tourne court – je pense par exemple aux travaux engagés au titre du « paquet vert » décidé par M. Jean-Louis Borloo lorsqu’il était ministre : l’incapacité à surveiller de près la réalisation, la réalité et le fléchage de ces travaux, ainsi que les effets d’opportunité dont ont pu bénéficier les sociétés concernées, ont valu à celles-ci, dans le cadre des contrats conclus, des avantages octroyés contre des travaux qu’elles auraient de toute façon dû réaliser.
Il me semblait qu’il existait un consensus sur ces bancs et je suis étonné de constater que vous faites entendre une voix dissonante – sans doute était-ce un peu gratuit. En effet, il est bon pour la croissance et pour l’économie d’introduire plus de transparence et une meilleure régulation dans ces concessions de long terme car elles portent, somme toute, sur le domaine public.
Revenons-en à la situation et à ce qui a été négocié au cours des derniers mois, à la lumière d’ailleurs du travail parlementaire que vous avez conduit avec M. Chanteguet et dont je tiens à vous remercier ici.
Le constat, que vous avez du reste documenté, est que la situation n’est pas satisfaisante en raison des surprofits et qu’un débat contradictoire se manifeste entre vos travaux et ceux de l’Autorité de la concurrence, d’une part, et d’autre part les sociétés concessionnaires d’autoroutes qui en contestent parfois la réalité et les chiffrages. Toujours est-il que le Parlement, l’exécutif et les autorités indépendantes constatent qu’il y a eu des surprofits, que ces contrats n’ont pas fait l’objet d’une régulation suffisante sur le long terme et que l’équilibre économique est aujourd’hui anormalement favorable à ces sociétés concessionnaires.
On peut en tirer des conséquences multiples. L’une est la résiliation, qui est en quelque sorte la conclusion à laquelle vous parvenez, avec un mécanisme qui permettrait de renégocier ces contrats dans de meilleures conditions et pourrait même conduire à la renationalisation partielle ou entière de certains services ou à la renégociation de certains contrats après résiliation – il s’agirait, en tout cas, de rebattre les cartes. Ce dispositif est actuellement en discussion et fera l’objet des analyses du groupe de travail. Deux réunions se sont tenues à la fin de l’année dernière avec Ségolène Royal et l’ensemble des sociétés concessionnaires.
La conclusion que nous en avons tirée est que, même sans aller jusqu’à la résiliation, la nouvelle autorité de régulation – à laquelle il conviendrait de donner des compétences accrues – nous permettait de mieux réguler les contrats existants. La résiliation n’est du reste pas sans risques car, si certains contrats sont très profitables, d’autres se traduisent par un équilibre économique moins favorable pour les sociétés concernées. Il faut aussi savoir si, une fois le contrat résilié, on saura en conclure un nouveau avec les mêmes sociétés, ce qui implique un risque de devoir renationaliser ou rechercher de nouveaux investisseurs. Le risque d’exécution même n’est donc pas nul et il faudra l’évaluer. Ce sera toute la tâche de votre groupe de travail, aux côtés de l’exécutif.
À court terme, en tout cas, nous souhaitions souligner que les compétences de l’ARAFER permettraient d’introduire plus de transparence et d’efficacité dans ces contrats. Au terme des négociations dont ce point a fait l’objet au cours des dernières semaines, nous avons été amenés à formuler des propositions ou à soutenir celles du rapporteur et de certains autres de vos collègues visant, d’une part, à disposer d’une plus grande visibilité sur l’évolution des péages et, d’autre part, à inclure les travaux et leur évolution, qui participent de l’équilibre économique des contrats. Il faut en outre pouvoir examiner aussi l’ensemble des variables qui concourent à l’ équilibre des contrats.
C’est déjà là une bonne façon de remettre progressivement à plat ces contrats et d’avoir une discussion – ici et dans votre groupe de travail – sur une sorte de clause de partage des profits excessifs des compagnies. De fait, en fin de concession, certains profits deviennent très importants et peuvent paraître excessifs – on peut du reste les considérer objectivement comme tels.
Ce débat doit donc se tenir dans les prochaines semaines, dans le cadre de votre groupe de travail. Plusieurs conclusions, auxquelles nous sommes du reste parvenus avec Ségolène Royal, peuvent être tirées dès l’examen de ce projet de loi et nous le ferons dans la discussion des amendements à cet article – l’un n’excluant pas l’autre.
Au 1erfévrier, en vertu des contrats existants, les sociétés concessionnaires étaient en droit de demander une augmentation de 0,57 % du tarif des péages, en application de la formule intégrant notamment l’inflation et les aléas de trafic. Il nous paraissait préférable – et nous avons eu à ce propos des échanges avec lesdites sociétés – qu’elles sursoient à cette augmentation et que la question soit intégrée dans l’ensemble de la discussion. Il s’agit là en effet de l’une des caractéristiques économiques de ces contrats. Afin de nous prémunir de tout changement, un arrêté a été signé hier et les sociétés en avaient été informées.
Pour se protéger elles-mêmes, ces sociétés cotées ont engagé des démarches juridiques, ce qui est d’ailleurs normal et mécanique, car il y va de la protection de l’intérêt social. Cela ne modifie en rien ce qui vous a été dit hier et ce qui sera négocié dans les semaines et les mois prochains : dans la situation juridique actuelle, chacun a protégé juridiquement ses intérêts – le Gouvernement par un arrêté gelant les tarifs et les sociétés concessionnaires en enclenchant des procédures juridiques et judiciaires visant à protéger l’intérêt social et à remplir leurs obligations des mandataires sociaux.
La conclusion des discussions qui se poursuivront au cours des semaines et des mois prochains ne permettra pas seulement de résoudre le problème de très court terme consistant à savoir s’il faut ou non augmenter les tarifs – peut-être conclurez-vous du reste, à l’issue de la négociation avec les sociétés d’autoroutes, à un gel des tarifs pour cette année. Il faudra en tout cas adopter une approche d’ensemble.
C’est la raison pour laquelle – je tiens à le souligner pour répondre aux observations judicieuses de MM. Tardy et Lassalle – la philosophie de cet article et, plus largement, de ce texte consiste à confier à une autorité unique l’examen de tous les éléments d’un contrat, sous peine d’impasse. Il ne s’agit pas de tout déléguer à une super-autorité, mais de reconnaître que nous n’avons pas su regarder d’une manière satisfaisante la réalité de cette situation.
Je partage votre volonté de confiance, monsieur Lassalle, mais lorsque quelques sociétés peuvent bénéficier de contrats de très long terme pour occuper le domaine public, la confiance ne doit pas exclure le contrôle et elle implique en tout cas plus de transparence que cela n’a été le cas jusqu’à présent. Nous voulons en effet réunir toutes les conditions de la transparence et disposer d’une autorité qui examine les logiques tarifaires, les logiques économiques et les travaux. Nous voulons aussi que, dans le cadre du groupe trans-partisan qui a commencé à se réunir hier, puisse être prise la décision relative à l’augmentation des tarifs des péages qui était prévue pour le 1erfévrier et qui n’aura pas lieu – peut-être, je le répète, déciderez-vous in fine, à l’issue de vos négociations et selon des paramètres que vous aurez déterminés dans ce cadre, que cette augmentation doit intervenir. Vous déciderez également ce qu’il adviendra du plan de relance évoqué tout à l’heure par M. Savary, qui fait partie de l’ensemble de cette équation économique, et des différentes dispositions qui constituent l’équilibre économique de ces contrats. À très court terme, en effet, cet article permettra de mieux réguler ceux-ci, indépendamment de toute résiliation ou remise à plat.
J’espère avoir apporté les éclaircissements que vous demandiez.
Merci, monsieur le ministre, pour vos explications. Je crains cependant que les usagers ne paient trois fois : ils paieront en effet l’augmentation tarifaire obligatoire, à quoi s’ajouteront, au cours des prochains mois, les effets du gel, comme le prévoient les contrats, ainsi que l’impact de la fiscalisation par le biais des redevances domaniales. Les sociétés d’autoroutes ont en effet calculé qu’une pression fiscale d’environ 150 millions d’euros par an correspond, au taux actuariel, à un montant de l’ordre de 1 ou 1,5 milliard d’euros pour la fin de la période, ce qui se traduira par des augmentations des tarifs des péages.
Certes, des négociations sont en cours et la commission dont nous faisons partie travaille sur ces questions : nous verrons ce qu’il en sort, mais je tiens cependant à appeler votre attention sur le fait qu’en France, les contrats sont garantis par la Constitution et qu’il n’y a pas de raison de ne pas les respecter.
Monsieur Pancher, nous avons travaillé ensemble pendant plusieurs mois et je partage pleinement votre analyse : nous avons un vrai problème avec les contrats longs, de quarante ou cinquante ans, aux termes desquels on nous explique que, quelle que soit la conjoncture, une loi qui remonte à quarante ans est immuable, même si la société concessionnaire se met à gagner beaucoup d’argent et connaît une sorte d’excès de fortune grâce au patrimoine public.
La situation à laquelle nous sommes confrontés est insupportable : quelque décision que nous prenions, les sociétés d’autoroutes ont le droit contractuel de la répercuter. Leur modèle économique est d’ailleurs assez simple, trivial : les résultats d’exploitation font les dividendes et les travaux sont financés par les tarifs. Tout ce qu’elles gagnent en plus, tout ce qui est profitable, donne des dividendes qui ne sont pas – ou très peu – répartis, comme ils le sont habituellement dans la théorie économique, entre le capital et le travail.
La moindre augmentation supplémentaire – modification d’un tarif ou de la redevance domaniale, demande de travaux supplémentaires… –, et c’est l’usager qui paye : ce n’est pas supportable. Cela dure trente, quarante, cinquante ou soixante ans, sans que l’on puisse toucher à cette loi immuable, que cela marche ou non, qu’on soit en excès de fortune ou non.
Quelque chose ne va pas dans le droit des concessions ; il faudrait un jour que l’on travaille au fond sur les concessions longues, à Bruxelles, de façon à ce que le souverain, sur son patrimoine, puisse de temps en temps invoquer des changements de contexte pour pouvoir entamer une négociation partielle, sans forcément rompre le contrat. Aujourd’hui, c’est tout ou rien !
Monsieur Pancher, je pense que la démarche engagée par le Gouvernement mérite notre attention. Je parlerai du texte trente secondes : nous tenons les deux fers au feu. L’hypothèse de la résiliation demeure : si vraiment on constate notre impuissance totale à négocier quoi que ce soit, alors il faudra en avoir le courage. Autrement, ce serait l’aliénation perpétuelle ! Nous aurons le temps d’explorer cette voie d’ici la fin de l’année. À défaut, il serait peut-être préférable que les sociétés d’autoroutes se montrent un peu moins procédurières et acceptent d’ouvrir la négociation.
Si l’option de l’ouverture d’une négociation est prise par notre groupe de travail, les deux hypothèses existent et, de toute façon, on choisira l’une ou l’autre.
Sans vouloir être trop long, parce que le ministre l’a déjà indiqué, nous levons pour la première fois le soupçon de connivence : c’est quand même quelque chose ! Tout le monde affirme qu’il se passe des choses pas claires entre les sociétés d’autoroutes et le sommet de l’État – quel qu’il soit –, que tout cela a été signé de connivence, pour permettre à celles-ci de faire de l’argent…
Nous levons donc le soupçon de connivence en plaçant ces sociétés sous le contrôle d’un régulateur indépendant, composé de personnes qui ne dépendent d’aucune hiérarchie et qui ne sont pas révocables durant leur mandat par le politique. Il y aura donc de la transparence, on connaîtra les choses : on ne se nourrira plus de fantasmes, de faux procès, de procès d’intention – voire de vrais procès, allez savoir ! C’est quand même extrêmement important !
Je souhaite apporter une précision à votre dernière remarque, monsieur Pancher. Vous avez tout à fait raison : tels que les contrats sont rédigés, toute augmentation fiscale est répercutée. Nous l’avons vu au moment des décisions relatives à la redevance domaniale. C’est pour cela que lesdits contrats ne sont pas satisfaisants et que, comme vous, nous souhaitons les remettre à plat. Nous regrettons d’ailleurs les conditions dans lesquelles ils ont été initialement négociés.
Mais le contexte dans lequel vous vous situez présentement et dans lequel nous nous situons collectivement est différent : c’est celui d’une renégociation, pour le moment amiable, avec lesdites sociétés. Ce que nous avons commencé à négocier avec Ségolène Royal et qui sera poursuivi dans le cadre de ce groupe de travail, c’est précisément d’essayer d’ouvrir la mécanique infernale des tarifs que votre collègue, M. Chanteguet, a parfaitement décrite dans ses travaux. L’objectif est de leur faire reconnaître certaines situations de surprofits afin, dans le cadre de la remise à plat, de leur faire accepter de ne pas répercuter. Et je peux vous dire que dans la discussion que nous avons eue, cette option a été ouverte. Il est donc tout à fait possible et même probable que, dans la discussion qui se tiendra ces prochaines semaines avec lesdites sociétés, l’on décide soit des gels tarifaires, soit de ne pas répercuter certaines mesures.
Il n’y a donc pas aujourd’hui de fatalité, et c’est tout l’intérêt de cette discussion, qui n’exclut rien. Elle est même renforcée par ce dont nous allons débattre aujourd’hui – les amendements qui seront examinés dans le cadre du présent article et de l’article suivant –, parce que c’est aussi sur cette base que l’on accroîtra la capacité de l’État à faire pression sur lesdites sociétés.
Nous en venons aux amendements à l’article 5.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement no 1770 .
Je préfère l’amendement no 2882 de M. Giraud qui est semblable, mais qui me paraît mieux formulé.
Même avis.
L’amendement no 1770 est retiré.
La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement no 2188 .
Il s’agit, monsieur le ministre, d’un amendement pour venir en aide au Gouvernement. Il propose que l’ARAFER puisse venir en appui pour l’élaboration des textes réglementaires : elle jouerait en quelque sorte un rôle de conseil et aurait un droit de regard sur le volet réglementaire ainsi que sur les nouvelles concessions.
Cet amendement au fond ne nous pose pas de problème mais je souhaiterais qu’on le retire parce qu’il est partiellement satisfait par l’article 6 du projet de loi. De plus, un amendement ultérieur de M. Pancher apporte la réponse à votre questionnement.
Si M. Saddier est d’accord pour que l’on s’en tienne à l’amendement à venir de M. Pancher, je l’invite au retrait de son amendement.
Je partage l’avis du rapporteur : vos objectifs sont partagés par le Gouvernement – je me suis déjà exprimé sur ce point. Je vous invite donc à retirer votre amendement au profit non seulement de l’amendement de M. Pancher mais aussi – parce que votre amendement couvre large ! – des amendements nos 2882 et 2883 proposés par le groupe RRDP et de l’amendement no 2648 rectifié déposé par les rapporteurs. Ces quatre amendements, à la rédaction plus précise, couvrent exactement les points traités dans votre amendement, dont je rappelle que nous partageons le raisonnement tout entier. Je vous invite donc à le retirer, en vous assurant que nous partageons chacun des points que vous avez mis en avant.
Je remercie M. le rapporteur et M. le ministre de me donner raison au travers de cet amendement. Dans la mesure où, sur les bancs de l’UMP, on ne peut pas soupçonner le Gouvernement d’un parti pris entre M. Pancher et moi-même et encore moins entre les Verts, les centristes et le groupe UMP – à aucun moment on ne pourrait vous soupçonner d’une telle manoeuvre ! –, je vais donc bien volontiers retirer cet amendement.
L’amendement no 2188 est retiré.
L’ARAFER est consultée sur les projets de modification de la convention de délégation, du cahier des charges annexé ou de tout autre contrat quand ils ont une incidence sur les tarifs de péage. Or les modifications de convention ou de tout autre contrat peuvent aussi avoir une incidence sur la durée même de la convention de délégation. En effet, la couverture de nouvelles charges par les concessionnaires peut passer par une révision des tarifs ou par un allongement de la durée de la concession. Il convient donc, selon nous, de rajouter ce point dans le projet de loi.
C’est exactement le même amendement, que nous avons déposé exactement pour les mêmes raisons : lorsqu’il s’agit de couverture de nouvelles charges par les concessionnaires, cela entraîne soit la révision des tarifs, soit l’allongement de la durée de la concession. L’ARAFER émet un avis dans le premier cas, mais pas dans le deuxième : nous proposons donc qu’il y ait un avis dans les deux cas.
J’en profite pour dire que l’amendement no 2883 qui suit est simplement un amendement de repli – beaucoup plus mal rédigé, à mon avis.
Vous avez donc défendu votre amendement no 2883 , monsieur Giraud.
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?
Avis favorable aux deux amendements identiques, qui sont loin d’être anodins. Ils sont même très importants puisque la durée des concessions implique que l’ARAFER se prononce également sur des dispositifs du type plan de relance, auxquels sont associés des allongements de la durée de concession.
La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2632 .
Cet amendement vise à fixer le délai au terme duquel l’Autorité se prononce à partir de la date de la saisine ; il s’agit donc d’un amendement de procédure.
L’amendement no 2632 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Le présent amendement propose que l’ARAFER soit consultée sur tous les nouveaux projets de délégation dans des conditions définies par voie réglementaire.
Avis favorable : c’est l’amendement qui converge avec celui de M. Saddier.
L’amendement no 2882 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement no 1771 .
L’amendement no 1771 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement no 1916 .
L’amendement no 1916 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2648 rectifié .
Le présent amendement prévoit que l’ARAFER publie une fois tous les cinq ans un rapport sur l’économie générale des concessions, qui est fort opaque aujourd’hui, ainsi que je l’ai indiqué, et pas simplement sur les tarifs et sur les durées des conventions de délégation. Nous aurons ainsi une vision globale de chaque concession dans le rapport établi par l’ARAFER.
L’amendement no 2648 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2822 rectifié .
C’est un amendement très important qui fixe une règle d’encadrement tarifaire des calculs du taux de rendement de l’investissement pour les travaux, qui eux-mêmes sont répercutables dans les tarifs.
C’est un peu technique, mais il s’agit d’un des grands problèmes posés par les concessions : aujourd’hui, les concessionnaires excipent d’un montant de travaux dont on ne sait pas vérifier la part des dividendes qu’ils récupèrent dessus, par rapport à ce que serait leur taux de retour sur investissement. Nous mettons donc en place une règle d’encadrement du prix des travaux, afin qu’ils ne soient pas exagérément répercutés dans les tarifs.
Je partage bien entendu la philosophie de cet amendement et sa volonté d’aller le plus loin possible. J’ai simplement une petite réserve en raison du contexte même que nous évoquions, c’est-à-dire des négociations en cours, qui vont concerner nombre de ces dispositions. Je vous invite donc à retirer votre amendement, même si c’est plus une question de tempo ou d’opportunité qu’une question de fond : je préfère que l’on aboutisse dans les négociations avant de graver dans le marbre une telle disposition.
Je voudrais savoir précisément si cela gêne l’action gouvernementale ou non. On m’a dit en effet que cela pouvait gêner les négociations avec les sociétés d’autoroute : si c’est le cas, dites-le nous et nous retirerons cet amendement. Mais pour le reste, je pense que cette mesure est assez saine car elle vise à mieux maîtriser l’appréciation du coût des travaux répercutable sur les tarifs.
Le souhait du Gouvernement, pour être parfaitement transparent, c’est qu’il n’y ait pas d’interférence avec les négociations en cours : on ne peut pas exclure qu’une telle disposition en crée, mais je ne peux pas objectivement dire que cela les gêne. L’honnêteté m’oblige à vous dire que concrètement cela ne vient pas les gêner, mais les choses seraient plus confortables si cet amendement était retiré.
Monsieur le ministre, si cela ne crée pas de gêne particulière, nous proposons de maintenir cet amendement.
Je comprends et partage les réserves du ministre : pour les entreprises, ce sera encore un surcroît de travail qui, loin de créer des richesses, en détruira au contraire. Ce n’est pas ainsi qu’on favorisera la croissance.
L’amendement no 2822 rectifié est adopté.
Cet amendement a trait aux modalités de mise en oeuvre des dispositions contractuelles des conventions de délégation. Il vise à permettre à l’ARAFER, soit à son initiative, soit à la demande des ministres chargés des transports ou de l’économie, de formuler un avis sur cette mise en oeuvre. Cette compétence ne saurait pour autant être interprétée comme la faculté pour l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières de remettre en cause des dispositions contractuelles déjà négociées.
L’amendement no 2887 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement no 1772 .
Le projet de loi confère à l’ARAFER une mission de contrôle de l’exercice d’une concurrence loyale lors de la passation des marchés de travaux, de fournitures et de services du réseau autoroutier concédé.
Même si nous sommes évidemment favorables à un accroissement des pouvoirs de l’ARAFER, nous pensons qu’il n’est pas souhaitable de lui conférer une telle mission, et ce pour deux raisons. Premièrement, une trop grande diversification des missions de l’ARAFER serait dommageable à son efficacité. Deuxième raison, une commission nationale des marchés des sociétés concessionnaires d’autoroutes ou d’ouvrages d’art, créée par décret le 26 janvier 2004, est déjà censée remplir cette mission. Il serait plus utile de renforcer les pouvoirs de cette commission, qui exerce actuellement un contrôle a posteriori des marchés. On pourrait même envisager une véritable refonte de cette commission, afin de la doter d’un véritable pouvoir de sanction ou de saisine des juridictions compétentes.
Or vous avez au contraire, monsieur le ministre, annoncé devant la commission spéciale la suppression de cette commission nationale. Quant à vous, monsieur le rapporteur, vous deviez auditionner son président. Pourriez-vous nous dire ce qu’il est ressorti de cette audition et quel sera l’avenir de cette commission nationale des marchés ? En l’absence de réponse claire, il nous semble préférable de laisser à cette commission son domaine d’expertise plutôt que de le transférer à l’ARAFER.
C’est là un point extrêmement important. Vous nous demandez, monsieur Pancher, de ne pas attribuer à l’ARAFER de compétence en matière de contrôle des marchés des concessionnaires. L’attribution de ces marchés relève de commissions d’appel d’offres au sein duquel siège un représentant de l’État, chargé de veiller à ce que des marchés dont le coût doit être répercuté sur les tarifs ne reviennent pas en totalité à des entreprises de BTP qui détiendraient la majorité des parts de ces sociétés. Il s’agit aussi de faire en sorte que le coût de ces marchés soit sincère et raisonnable et que leur exécution n’entraîne pas des augmentations tarifaires qui seraient dues en réalité à des manipulations par les entreprises elles-mêmes, ce qui serait d’autant plus facile que ces entreprises sont aussi des groupes de BTP.
C’est donc un sujet considérable, devant lequel la Commission nationale des marchés rend les armes aujourd’hui, puisqu’elle reconnaît elle-même qu’elle n’a jamais pu correctement les contrôler.
La commission avoue son impuissance et dit qu’il lui est très difficile d’obtenir les documents.
J’ajoute que Cofiroute n’est pas contrôlée puisqu’elle a toujours été une société privée.
Cet article donne à l’ARAFER compétence pour contrôler ces marchés. Cela emporte des conséquences extrêmement importantes. Ainsi Cofiroute est réintégrée de fait dans le périmètre de contrôle.
Par ailleurs, l’ARAFER devra publier le résultat de ses investigations, alors que la Commission nationale des marchés ne pouvait le faire qu’avec l’autorisation du ministre. En outre, l’ARAFER aura la faculté de saisir directement le juge au cas où elle aurait constaté des irrégularités, à la différence de la Commission nationale des marchés, qui est une simple structure administrative.
Pour toutes ces raisons, je pense que nous ferons faire un pas de géant au contrôle des marchés des sociétés autoroutières, qui ont un impact direct sur le niveau des tarifs.
Je peux reconnaître, cher Bertrand Pancher, que ce n’est pas forcément au régulateur de contrôler les marchés, mais je crois qu’en l’occurrence on ne peut pas faire autrement, eu égard à l’impuissance de la Commission nationale des marchés, dont elle a elle-même fait l’aveu, face à des entreprises gigantesques. Voilà pourquoi je suis défavorable à votre amendement.
M. le rapporteur a parfaitement décrit ce que nous essayons de faire et le caractère peu satisfaisant, ou pour le moins incomplet, du contrôle assuré par la Commission nationale des marchés. J’ajoute que l’ARAFER disposera de services afférents, à la différence de la commission. Enfin, puisque l’objectif de notre texte est d’assurer une meilleure régulation de ces marchés, nous devons permettre à l’autorité chargée de les réguler de disposer de tous les termes de l’équation économique. Les travaux étant un des déterminants de cette équation, notamment en ce que leur coût a une incidence directe sur les tarifs, il est important que l’ARAFER soit en mesure de les surveiller.
Voilà pourquoi mon avis est défavorable.
Je suis sensible à vos arguments, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre. Il est vrai qu’actuellement la Commission nationale des marchés n’a pas les moyens d’assurer ce contrôle. Comparer l’ARAFER à cette commission revient à comparer un cheval et une alouette.
Ne chargeons pas trop la mule cependant : l’exercice de cette nouvelle mission suppose de renforcer les moyens de l’ARAFER. Pouvez-vous nous assurer que l’ARAFER disposera de moyens à la hauteur de ces nouvelles missions ? A cette réserve près, je suis prêt à retirer mon amendement.
L’objectif est évidemment que l’ARAFER ait les moyens de fonctionner : c’est tout le débat que nous avons eu hier. Cela suppose la possibilité d’établir un budget prévisionnel et on ne peut pas exclure que les frais de fonctionnement augmentent en raison de l’extension de ses missions. Tout cela doit se faire de façon parfaitement transparente, sous le contrôle du Parlement. Ces frais de fonctionnement seront déterminés en projet de loi de finances pour 2016.
Le Gouvernement s’engage donc à ce que l’ARAFER ait les moyens de fonctionner.
L’amendement no 1772 est retiré.
Le projet de loi confie à l’ARAFER la mission de veiller à l’exercice d’une concurrence effective et loyale lors de la passation des marchés passés par une société concessionnaire d’autoroute pour les besoins de la concession. Or les marchés de travaux passés par les sociétés concessionnaires d’autoroutes font actuellement l’objet d’un double contrôle. Au sein de chaque société concessionnaire, une commission consultative des marchés est chargée de définir les règles internes pour la passation et l’exécution des marchés. Son avis étant non contraignant, nous sommes à peu près d’accord pour juger qu’il y a matière à amélioration.
Quant à la Commission nationale des marchés, ses investigations ne font pas l’objet de publication. En outre, la Cour des comptes puis l’Autorité de la concurrence ont mis en exergue certains dysfonctionnements en son sein.
Le présent amendement vise à préciser les modalités d’intervention de l’ARAFER, qui serait consultée sur l’élaboration du cahier des charges, première étape et la plus importante de ces marchés. Il s’agit de donner à l’ARAFER les moyens d’intervenir à cette étape, le contrôle de l’élaboration du cahier des charges devant lui permettre de contrôler in fine l’attribution de ces marchés.
Cet amendement ne devrait pas vous laisser insensible, monsieur le rapporteur.
Le contrôle de ces marchés porte sur des domaines relevant, soit de la compétence de l’État, soit de l’autorité de régulation. La rédaction de cet amendement devrait permettre de remettre chacun dans son rôle.
Il est défavorable. La procédure que vous proposez est bien trop complexe : elle suppose des va-et-vient perpétuels entre les services de l’État et l’ARAFER. Pourquoi compliquer ainsi le dispositif, alors qu’il est bien plus simple de confier le contrôle à une seule autorité ? J’ai d’ailleurs déposé un amendement à ce sujet, qui sera examiné un peu plus avant.
Notre volonté étant de transférer cette compétence à l’ARAFER, il faut qu’elle ait la capacité d’instruire et de surveiller.
De ce point de vue, le fait de ne prévoir sa saisine qu’à l’étape de l’élaboration du cahier des charges, outre que cela compliquerait inutilement le dispositif, tendrait à réduire le périmètre de l’action du régulateur. Il vaudrait mieux préciser par voie d’amendement que l’ARAFER doit être particulièrement vigilante sur ce point. En tout état de cause, je suis défavorable à votre proposition dans sa rédaction actuelle, qui me semble contraire à votre volonté d’étendre, et non de borner, la compétence du régulateur.
Je pourrais accepter tout à l’heure des sous-amendements à l’amendement no 752 rectifié .
Je vous avouerai que l’ARAFER s’est livré à un intense lobbying pour que cette compétence ne lui soit pas attribuée.
Il reste que c’est là une décision qui relève de la représentation nationale, et non de l’ARAFER. On ne va pas mettre en place une usine à gaz sous prétexte que l’ARAFER préférerait exercer telle ou telle prérogative. Une compétence, ça ne se choisit pas à l’étalage. C’est la représentation nationale qui décide de l’organisation de la gouvernance de l’État.
Nous sommes dans le même état d’esprit que pendant la réforme ferroviaire. Ni le rapporteur, ni le Parlement, ni le Gouvernement ne sont sortis mécontents du débat que nous avons eu sur les autorités de régulation, qu’il s’agisse de la réforme ferroviaire ou de ce texte. Je retire mon amendement.
L’amendement no 2180 est retiré.
L’amendement no 2898 est retiré.
Cet amendement est rédactionnel. Il vise simplement à préciser l’alinéa 14 : celui-ci prévoit que l’autorité de régulation « veille à l’exercice d’une concurrence effective et loyale », mais ne dit pas comment. Je propose qu’on indique « dans les conditions fixées à la présente section », pour que juridiquement, cette veille ait un sens.
Cet amendement n’a pas qu’une portée rédactionnelle. Il vient limiter le champ de régulation de l’ARAFER, qui ne se borne pas à cette section. L’ARAFER rendra également des avis sur les tarifs des péages, en application de la section qui précède. Je demande donc le retrait de cet amendement, parce que je pense que nous souhaitons que la précédente section soit elle aussi visée.
Sourires.
L’amendement no 2889 est retiré.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly