Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du 29 janvier 2015 à 15h00
Nouveaux indicateurs de richesse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, depuis plus de soixante ans, le produit intérieur brut est l’agrégat principal notre comptabilité publique. Nos budgets, notre dette, notre déficit, notre balance commerciale ou encore nos engagements européens sont tous calculés en fonction du PIB. Cet indicateur est essentiel. Il permet de mesurer les richesses produites sur un territoire donné au cours d’un exercice annuel. À ce titre, il comporte des informations relatives à la croissance, à l’activité, aux revenus, aux impôts ou encore aux bénéfices des entreprises. Mais le PIB n’est pas un indicateur exhaustif : il ne nous dit pas grand-chose de la qualité de notre croissance, ni de l’impact social et environnemental de nos activités.

Rappelons d’abord que la mesure du produit intérieur brut est indifférente à la répartition des richesses. Sous l’effet d’un accroissement des inégalités, le PIB ou le revenu moyen d’une population peut augmenter, alors que, dans le même temps, la situation de la majorité de cette population peut se dégrader. Selon une récente étude de l’INSEE, c’est précisément ce qui s’est produit en France au cours de l’année 2013.

Ensuite, le PIB est un indicateur de flux qui ne prend pas en compte certaines externalités négatives. Le déclenchement d’un conflit armé ou d’une catastrophe naturelle générerait de l’activité et de la richesse – dans le premier cas, par le biais de mesures de réparation et dans le second, par la relance d’une activité d’armement –, alors que l’impact de ces événements sur le pays serait néfaste.

En outre, le PIB est un indicateur quantitatif et de court terme qui ne prend pas en compte la dégradation de ce que l’on pourrait appeler notre capital naturel et de nos ressources. Enfin, le PIB fait totalement abstraction des activités non-monétaires. Il occulte la question de la qualité de vie et du bien-être qui peuvent être améliorés par une économie informelle, des services domestiques ou un dynamisme associatif.

La crise économique et financière de 2008 a remis à l’ordre du jour la question de la finalité de la croissance. Ce faisant, elle a permis d’exposer les limites d’une définition des politiques publiques circonscrite au PIB et aux mesures de production. En somme, cette crise a rappelé l’impérieuse nécessité de compléter le PIB par d’autres indicateurs permettant d’avoir une vision plus juste de notre société, comme l’a rappelé notre rapporteure Éva Sas. C’est précisément à ce besoin que doit répondre la présente proposition de loi.

En garantissant une meilleure prise en compte du legs social, environnemental et productif de notre activité, c’est l’ensemble de nos politiques qui se trouveront améliorées, ce qui nous permettra de viser plus efficacement une croissance de qualité.

En outre, l’introduction de nouveaux indicateurs de richesse permettra, à chaque temps de l’élaboration des politiques publiques, de la prospective jusqu’au contrôle et à l’évaluation, d’enrichir notre grille d’analyse pour mieux définir notre action. Depuis toujours, les écologistes, et leurs députés bien sûr, n’ont cessé de rappeler l’importance de l’évaluation des politiques publiques. En la matière, l’introduction de nouveaux indicateurs de richesse contribuera à renforcer la légitimité et la pertinence de cette évaluation au Parlement, ce dont il convient de nous féliciter.

Améliorer nos politiques publiques, mieux prendre en compte leur portée sociale et environnementale, mesurer leurs impacts à moyen et long terme, intégrer des exigences de solidarité et de soutenabilité : tels sont les principaux objectifs de cette proposition de loi qui a recueilli, au gré de discussions nourries et engagées, l’assentiment de l’ensemble des groupes de la majorité. Je tiens à saluer la disponibilité du Gouvernement et sa volonté de bâtir, avec notre rapporteure, un texte d’équilibre et de compromis.

L’année dernière, le ministre des finances et le secrétaire d’État au budget s’étaient montrés ouverts à l’introduction de nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques, mais avaient exprimé une réticence à l’idée de modifier la loi organique relative aux lois de finances – plus connue dans le jargon parlementaire sous l’appellation de LOLF –, véritable socle de notre action législative en matière budgétaire et donc souvent économique. Sur cette base, le Gouvernement et Eva Sas ont engagé un dialogue, travaillé de concert pour aboutir à un texte négocié permettant tout à la fois d’élargir notre champ d’analyse des politiques publiques et de maintenir les équilibres de notre fonctionnement législatif. Nous gagnerions tous, monsieur le secrétaire d’État, à ce qu’une telle méthode soit appliquée systématiquement pour l’ensemble de nos textes et dans les relations entre la majorité parlementaire et le Gouvernement.

Le groupe écologiste soutient bien évidemment ce texte et l’excellent travail de la rapporteure. Elle a fait preuve de persévérance et de ténacité puisque, il y a un an, elle avait accepté de retirer sa proposition de loi pour que celle-ci puisse plus tard aboutir. À l’époque, votre prédécesseur avait évoqué une inscription à l’ordre du jour du Gouvernement… Il n’en a rien été. Mais vous avez vu que nous n’avons pas laissé filer et nous serons heureux si ce soir l’Assemblée adopte cette proposition de loi en première lecture.

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