Intervention de Maina Sage

Séance en hémicycle du 29 janvier 2015 à 15h00
Nouveaux indicateurs de richesse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaina Sage :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, cette proposition de loi n’est pas nouvelle. Nous avions déjà eu l’occasion de débattre d’une première version, l’année dernière, dans cet hémicycle. Dans son esprit, ce texte paraît intéressant et même nécessaire pour le groupe UDI. À cet égard, je tiens à mon tour à souligner la qualité du rapport puisque, même s’il ne comporte qu’un article unique, il est bien argumenté la nécessité aujourd’hui d’apprécier la richesse de notre pays au-delà des indicateurs classiques, à travers de nouveaux indicateurs, innovants, qui s’attachent à mesurer la qualité de vie réelle de nos concitoyens.

La prise en compte du long terme et du bien-être humain dans le pilotage des politiques publiques à travers plusieurs indicateurs de richesse serait bienvenue, alors que la loi de finances reste aujourd’hui construite sur l’hypothèse exclusive de l’évolution du PIB. Celui-ci demeure bien sûr une source d’informations macro-économiques de première importance et reste l’indicateur universellement partagé par tous les pays du monde. Il n’est donc pas question de l’abandonner. Toutefois, ses faiblesses ont été identifiées et ne sont plus à démontrer. Il est clair qu’il renvoie aujourd’hui à une vision réductrice de la richesse de la France. Il nous faut par conséquent être innovants pour pallier ses carences et ainsi mettre en oeuvre des politiques publiques mieux orientées vers une croissance dite durable.

Au-delà du PIB, le capital devrait être mieux pris en compte, en particulier le capital humain. À cet égard, mon collègue Charles de Courson avait proposé lors de l’examen de cette proposition de loi en commission des finances, la semaine dernière, de mettre en place des annexes obligatoires à la comptabilité des entreprises concernant le capital humain, par exemple l’investissement dans la formation des salariés. Il s’agit là non de dépenses courantes, mais bien d’un investissement, qui à ce titre s’amortit sur une certaine durée et se traduit par une amélioration non seulement de la compétitivité de nos entreprises mais aussi et surtout de la valeur des salariés sur le marché du travail.

La proposition de loi que nous étudions aujourd’hui n’est pas la première initiative de ce type. L’Association des régions de France a, elle aussi, élaboré de nouveaux indicateurs de richesse, concernant notamment l’empreinte écologique, l’indicateur de développement humain et l’indicateur de santé sociale. Ils permettraient de mieux orienter les politiques publiques. Dans la même veine, il a été rappelé que d’autres pays européens ont enrichi leur indicateur de référence d’indicateurs nouveaux, par exemple l’Allemagne, la Belgique ou encore le Royaume-Uni. Ces travaux ont démontré que le PIB peut être complété de manière réfléchie et efficace. C’est pourquoi le groupe UDI salue une initiative qui vise à donner du sens à la croissance en identifiant un système orienté sur la mesure du bien-être des générations actuelles et à venir afin d’aboutir à des mesures plus pertinentes du progrès social. C’est un enrichissement de la notion d’activité économique qui est nécessaire car il l’émancipe d’une stricte vision quantitative. Le rapport de la commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social soulignait qu’il « semble souvent exister un écart prononcé entre, d’une part, les mesures habituelles des grandes variables socio-économiques comme l’inflation, la croissance, le chômage, etc., et, d’autre part, les perceptions largement répandues de ces réalités ».

C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais que dans les travaux qui vont être menés afin de mettre en oeuvre les nouveaux indicateurs soient aussi intégrées les spécificités de nos territoires d’outre-mer. Il faut prendre en compte leur éloignement, leur isolement et celui des populations – c’est alors aussi le cas de certains territoires dans l’Hexagone – car cela joue réellement sur la qualité de l’accès aux services publics. C’est une donnée peu étudiée et qui n’est pas prise en compte, ce qui ne permet pas d’appliquer des ratios adaptés aux territoires d’outre-mer. Je vous rappelle que la Polynésie française, dont je suis issue, compte 270 000 habitants, répartis sur une superficie grande comme l’Europe continentale – on l’oublie souvent –, soit 5 millions de kilomètres carrés, 97 % de surface maritime pour 3 % de terres. Voilà un critère fondamental pour l’analyse de nos politiques publiques en Polynésie française, et nous sommes souvent confrontés à ce problème au niveau national puisqu’on nous applique des ratios qui ne correspondent pas à notre réalité géographique, je pense aux ratios portant sur le nombre de fonctionnaires d’État ou encore aux aides qui peuvent nous être accordés en fonction du nombre de médecins sur place.

On oublie parfois que la population polynésienne est répartie sur 118 îles ; nous ne sommes peut-être que 270 000, mais il conviendrait de tenir compte de la fragmentation de notre territoire dans le calcul des aides. Nous sommes donc favorables au fait d’intégrer dans les critères qualitatifs les notions d’isolement et de fragmentation des territoires.

Oui, la prise en compte de ces nouveaux indicateurs de richesse permettrait d’humaniser le paysage économique et les choix budgétaires français. La vision qui en ressortirait serait incontestablement plus juste, plus proche de la vérité et tiendrait mieux compte des évolutions de la société.

Pour en revenir à la proposition de loi, celle-ci prévoit la rédaction d’un nouveau rapport – un « énième rapport » pourraient penser certains. Le groupe UDI jugerait préférable que les nouveaux indicateurs soient intégrés à un rapport déjà existant, disposant d’une certaine crédibilité, par exemple le Rapport économique, social et financier ; cela permettrait de les mettre en relief par rapport aux indicateurs traditionnels.

Nonobstant cette remarque de forme, ce texte, certes symbolique mais très positif, pourrait avoir une forte portée sur nos politiques publiques.

Je voudrais profiter de ce débat pour évoquer avec vous, monsieur le secrétaire d’État, le mode de calcul du PIB. Peu de gens le savent, mais les PIB de tous les territoires d’outre-mer ne sont pas comptabilisés dans le PIB de la France.

Le PIB des collectivités d’outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie représente pourtant quelque 15 milliards d’euros. Son intégration dans le PIB de la France augmenterait de 0,7 % ce dernier, ce qui est considérable sachant que la croissance française n’a été que de 0,4 % en 2012, 2013 et 2014.

Cela soulèverait certes des problèmes juridiques, notamment par rapport au droit communautaire, mais il me semble que nous devrions y réfléchir. En outre, en ces temps d’unité nationale, cette réforme serait porteuse de sens : elle permettrait de rappeler que tous les territoires de la République française contribuent à la richesse nationale.

Je vous sollicite donc, monsieur le secrétaire d’État, pour engager une réflexion en ce sens. Nous avons d’ailleurs d’ores et déjà commencé à discuter en vue d’inciter nos territoires à intégrer leurs richesses dans le PIB national.

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