Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, nous entamons, aujourd'hui la deuxième lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, suite au rejet de ce texte par le Sénat, rejet qui intervient alors même que la gauche détient la majorité au sein de la Haute assemblée. C'est le signe manifeste que ce projet de budget ne parvient pas à convaincre.
Cette situation ne fait que mettre un peu plus en relief, l'absence de cap de ce budget de la sécurité sociale, une absence de cap que le groupe UDI regrettait déjà lors de la première lecture à l'Assemblée nationale. Cette deuxième lecture pourrait être l'occasion de corriger cette fâcheuse impression, et d'affirmer des choix plus marqués à la hauteur des enjeux auxquels est confrontée notre protection sociale. L'attitude du Gouvernement et de la majorité en commission ne nous permet malheureusement pas de l'espérer ; nous le regrettons.
Nous l'avons déjà dit en première lecture : nous avons tous conscience que les réformes dans le domaine de la protection sociale sont difficiles. Elles touchent en effet directement à la vie quotidienne de nos concitoyens, notamment pour l'accès aux soins, la couverture maladie, les modes de gardes, l'accès à la retraite. La tâche est complexe et l'ancienne majorité a eu, elle-même, plusieurs occasions de le mesurer – et pas toujours avec succès, il faut savoir le reconnaître.
Raison de plus pour indiquer une orientation précise, un cap clair, une perspective qui rassemble, qui ne cache pas les efforts mais qui indique un objectif à atteindre. Mais, alors que nous examinons pour la deuxième fois ce projet de budget, il n'y a pas de perspective qui rassemble, pas d'inflexions significatives qui manifesteraient une ouverture. Certains diront que le Gouvernement persévère ; nous pensons qu'il s'obstine.
À l'heure où l'activité économique reste à la peine, un certain nombre de principes devraient guider la construction de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Il faudrait tout d'abord accentuer l'effort sur les dépenses. Nous savons bien que ce PLFSS, comme le budget de l'État du reste, repose sur des hypothèses de croissance, et donc de recettes issues de cotisations sociales, qui sont surévaluées.
Les perspectives de réduction du déficit de la sécurité sociale sont donc optimistes, voire hasardeuses au regard des choix opérés par le Gouvernement en termes de fiscalité, qui pèseront sur le dynamisme de l'activité économique. Les moindres recettes qu'il serait d'ores et déjà prudent d'anticiper appellent un effort accru de maîtrise des dépenses.
Il conviendrait, ensuite, de dépasser la logique du tout fiscal, qui sous-tend ce budget. Au lieu de porter votre effort sur les dépenses, vous augmentez les recettes et le nombre des taxes. Cela pénalise le pouvoir d'achat de nos concitoyens, en particulier celui des retraités qui ne sont pas épargnés par ce texte. Cela pénalise les entreprises qui voient le coût du travail augmenter, ce qui freine l'activité et menace la création d'emplois. C'est le cas, en particulier, dans le domaine des emplois à domicile et des services à la personne, comme dans le secteur brassicole.
Certes, le Gouvernement semble avoir brusquement ouvert les yeux sur l'influence du coût du travail sur la compétitivité, aidé par le rapport Gallois. Il s'est engagé à suivre les préconisations de ce rapport. On ne peut que regretter qu'aucune suite n'ait été donnée à ce choix dès ce PLFSS. Que de temps perdu et de décisions dogmatiques prises depuis six mois et la suppression de la TVA sociale que nous avions votée !
Autant d'orientations inquiétantes et de signaux négatifs qui ont compté dans la récente décision prise par l'agence de notation Moody's de dégrader d'un cran la note financière de notre pays.
Enfin, ce projet de budget devrait être l'occasion de dégager une vision d'ensemble sur l'avenir de notre protection sociale. Or, il reste dépourvu de perspectives de long terme, que ce soit sur l'hôpital, sur la prise en charge des soins et l'influence des affections de longue durée, sur l'évolution de nos régimes de retraite, sur l'accès aux soins des plus démunis et sur le poids du reste à charge après remboursements.
Certes, ce projet de budget comporte un certain nombre d'orientations qui vont dans le bon sens. Je le reconnais, madame la ministre. Il en est ainsi de l'expérimentation de parcours de soins, que vous mettez en oeuvre conformément aux préconisations du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, en direction des personnes âgées. Améliorer la prise en charge des soins chroniques et des maladies multiples, implique en effet une profonde mutation de notre système de soins, reposant sur davantage de coopération et une meilleure organisation dans un cadre pluridisciplinaire.
Mais les avancées qui peuvent jalonner ce projet de budget ne constituent, toutefois que des amorces de solutions. Elles restent timides, voire des mesures d'affichage, au regard des enjeux d'équilibre financier et de réforme de structure dont notre système de protection sociale a besoin.
Surtout, ces dispositions ne sauraient dissimuler la mauvaise direction dans laquelle le Gouvernement oriente notre protection sociale, que ce soit en termes de recettes, ou de responsabilisation et de confiance pour ce qui concerne les acteurs de notre système de santé.
Une mauvaise direction est prise en termes de recettes avec l'aggravation des prélèvements. C'est notamment vrai pour ce qui concerne la création d'une taxe nouvelle qui frappe les retraités : elles les inquiète fortement parce qu'ils n'en comprennent pas la justification.
De la même façon, la suppression du régime de cotisation au forfait applicable aux services à la personne déstabilise ce secteur, en entraînant une augmentation de 60 % des cotisations sociales. Cette mesure suscite une inquiétude réelle parmi les acteurs des services à la personne, qui craignent une recrudescence du travail au noir et d'importantes destructions d'emplois.
De la même manière, l'alourdissement excessif de la fiscalité sur la bière fragilise les petites brasseries et les micro-brasseries, alors que celles-ci contribuent à l'animation de nos territoires, à la valorisation de leur patrimoine et à la création d'emplois. Dans ce secteur aussi, un malaise réel est ressenti par de petites entreprises qui s'inquiètent des conséquences de ces mesures sur leur trésorerie pour les mois à venir, sur leurs perspectives d'investissement, et sur l'emploi.
Sur ce point également, il serait souhaitable que les débats permettent de dégager une solution acceptable.
Ce PLFSS s'engage également dans la mauvaise direction en termes de responsabilisation des acteurs. C'est notamment vrai en ce qui concerne notre système de santé, avec le report de la facturation individuelle des prestations dans les hôpitaux publics. Cette facturation aurait dû entrer en vigueur cette année : la reporter contribue à freiner la modernisation de notre système hospitalier et la maîtrise des dépenses.
Par ailleurs, nous souhaitons que les missions d'intérêt général remplies par les hôpitaux publics et privés ainsi que les montants des crédits qui leur sont affectés soient déterminés par la loi. Vous n'avez pas voulu nous suivre dans cette voie alors que le contrôle du Parlement – dont vous ne cessez de parler – devrait s'imposer sur cette enveloppe, afin d'assurer à ce dispositif un cadre équitable de fonctionnement.
Ce PLFSS s'engage enfin dans la mauvaise direction en termes de confiance vis-à-vis des acteurs de notre système de santé. Je pense en particulier aux signes négatifs adressés à l'industrie pharmaceutique. J'en veux également pour preuve la généralisation de la visite médicale collective à l'hôpital alors même que l'expérimentation de cette mesure, qui devait durer deux ans, n'est pas terminée, et n'a donc pas pu être évaluée.