Intervention de Dominique Orliac

Séance en hémicycle du 26 novembre 2012 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Orliac :

Aujourd'hui, les internes dans leur grande majorité ne connaissent pas les aides à l'installation, n'ont aucune visibilité de carrière, sont dans l'incertitude sur leur avenir alors qu'ils ont passé deux concours sélectifs en six ans et qu'ils ont suivi quatre à cinq ans d'internat. Il faut les encourager et les rassurer. Vous avez commencé, madame la ministre, en rappelant que vous étiez favorable à l'incitation et non à la coercition. C'est un premier pas mais la route est encore longue.

Un travail énorme doit être mené en direction de la médecine de premier recours et ce, sans attendre, compte tenu de l'inertie et du temps qu'il faut pour que les premiers effets des grandes réformes de santé se fassent ressentir. Si rien n'est fait, les effectifs de médecine générale diminueront de 8,4 % entre 2007 et 2017. Le mode d'exercice libéral ne sera pas non plus épargné par cette hémorragie : entre 2007 et 2017, le taux de médecins généralistes exerçant en secteur libéral sera passé de 60,3 % à 58,5 %. La médecine générale souffre depuis plusieurs années d'un manque d'attractivité susceptible de remettre en cause l'accessibilité aux soins de premier recours sur tous les points du territoire.

Il est du devoir des pouvoirs publics d'intervenir pour stopper ce processus, d'autant que ce constat démographique s'applique, au-delà de la médecine générale, à l'ensemble de la profession et à toutes les spécialités médicales et chirurgicales. L'intérêt pour l'exercice libéral doit passer par l'amélioration des conditions d'exercice et une offre plus diversifiée en matière de structures – cabinet individuel, maisons médicales, pôles de santé.

Dans l'immédiat, une mesure simple et efficace pourrait être prise, madame la ministre, une mesure que je défends depuis plusieurs années dans le cadre du PLFSS : je veux parler du cumul emploi- retraite, qui permettrait de répondre au défi de la pénurie médicale. Il y a aujourd'hui 10 578 médecins retraités inscrits à l'ordre, âgés de soixante-cinq à soixante-dix ans et sans activité. Si ce gisement commence à porter ses fruits, son potentiel reste considérable car beaucoup de praticiens sont rebutés par le paiement de cotisations n'ouvrant pas droit à prestations. Il faudrait donc exonérer de cotisations d'assurance vieillesse les médecins qui exercent leur activité dans le cadre du cumul emploi-retraite, particulièrement dans les zones caractérisées par des difficultés d'accès aux soins. C'est l'objet de l'un de mes amendements que je vous demande de soutenir, mes chers collègues.

Aujourd'hui, chaque spécialité attend des réformes spécifiques.

Dans le domaine de l'ophtalmologie, des mesures simples pourraient être adoptées pour favoriser l'exercice des praticiens et la prise en charge plus rapide des patients. Je pense à la mise en place d'un cadre légal pour la collaboration entre ophtalmologistes et orthoptistes libéraux. Un risque de requalification par l'Urssaf en salariat déguisé pèse en effet sur ce type de coopération, car elle concerne les mêmes honoraires et les mêmes patients. La création d'une société d'exercice libéral ophtalmologistes-orthoptistes apparaîtrait pertinente. Il est vital et urgent de trouver un cadre légal et sécurisé à ce mode de collaboration, car il est peu probable que la majorité des ophtalmologistes qui sont à dix ans de la retraite embauchent massivement des orthoptistes. Pourtant, le travail aidé permettrait d'amortir les effets de la diminution de l'offre de soins ophtalmologiques.

Dans le domaine de la radiologie, les attentes sont également immenses. Aujourd'hui, la seule action structurante proposée par le Gouvernement pour cette spécialité consiste en une baisse des tarifs des actes d'imagerie, décidée sans aucun discernement. Les tarifs doivent tenir compte de l'évolution de l'imagerie, reconnue comme une innovation médicale majeure dans la prise en charge des patients. Pour bien soigner les malades, il faut savoir piloter des plateaux d'imagerie de plus en plus sophistiqués. Le Gouvernement ne doit pas dévaloriser les actes les plus adaptés à la bonne prise en charge des patients. Certains actes comme ceux de radiologie interventionnelle demeurent ainsi largement sous-cotés.

Depuis dix ans, le Conseil professionnel de la radiologie avance des propositions responsables en matière d'évolution organisationnelle de la spécialité. Parmi elles figure la mise en place de plateaux d'imagerie complets et diversifiés destinés à assurer une meilleure prise en charge diagnostique et thérapeutique des patients, de jour comme de nuit. Mais, depuis vingt ans, le nombre d'appareils pour scanner et IRM demeure en France au niveau le plus bas de tous les pays européens et l'imagerie reste la grande absente de la plupart des SROS, qu'il s'agisse des urgences ou de la prise en charge des patients en cancérologie.

Alors que le nombre de postes vacants de praticiens hospitaliers en radiologie est de plus de 40 % et que la démographie radiologique en secteur libéral diminue régulièrement, la spécialité s'est mobilisée pour la mise en place de plateaux d'imagerie mutualisés, fondés sur un projet médical.

Madame la ministre, la radiologie a besoin de votre soutien. Elle ne doit pas seulement être assimilée à une source de déficits publics et être stigmatisée à travers des raccourcis simplistes. Certes, l'imagerie coûte cher, mais il faut rappeler combien elle contribue à l'amélioration du service médical rendu et combien d'économies elle génère depuis tant d'années : diagnostics plus précoces et plus précis, meilleur suivi post-thérapeutique, développement de thérapies mini-invasives, et en conséquence diminution de la morbidité, des maladies évoluées et du handicap.

Et comment ne pas parler de la gynécologie-obstétrique ? Le malaise est grand et ce n'est pas dans mon département, le Lot, que l'on vous dira le contraire après le dramatique accident qui y a eu lieu il y a quelques semaines et qui a relancé le débat autour des fermetures de maternités. Si nous voulons des praticiens, alors encourageons les jeunes obstétriciens libéraux.

Enfin, il faut régler les problèmes liés au médico-légal, à la hausse constante des primes d'assurances et valoriser la pénibilité des pratiques.

Je m'arrêterai là, madame la ministre, car le temps qui m'est imparti est trop court. Vous l'avez compris, les enjeux sont énormes. Et l'on peut saluer votre volonté d'y apporter certaines réponses dans le cadre de ce PLFSS, malgré un contexte budgétaire contraint. C'est une démarche que nous saluons et c'est pourquoi le groupe RRDP votera ce texte. Toutefois, il est évident que de nombreuses questions restent encore en suspens si l'on veut améliorer significativement l'offre de soins proposée à nos concitoyens et les conditions d'exercice de leurs praticiens.

Nous savons qu'en 2013, madame la ministre, vous porterez une grande réforme de la santé. Vous pourrez alors compter sur les membres du groupe RRDP pour prendre toute leur part dans les débats et pour travailler, avec votre gouvernement et dans le cadre de cette majorité, à apporter des réponses concrètes au défi majeur qui est le nôtre : assurer un accès à des soins de qualité et de proximité à tous nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

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