Avec de tels paradoxes, vous ne pouvez guère donner de leçons en matière de cohérence.
Enfin, il demeure un élément essentiel, comme l’a indiqué M. Poisson : vous dénaturez le caractère continental de notre système juridique, qui est civiliste et constitué de professions qui se trouvent hors du commerce. Je regrette que Mme Taubira soit absente car, ces derniers temps, elle a plusieurs fois communiqué sur ce point en rappelant que le droit n’est pas une marchandise et qu’il est hors du commerce. Or, non contents d’intégrer les tarifs dans le code de commerce, vous donnez compétence au ministre de l’économie pour arrêter les tarifs et à l’Autorité de la concurrence pour communiquer son avis préalable sur ces tarifs. Or, je constate que l’avis de l’Autorité de la concurrence, dont nous n’avons pas encore parlé, comporte des termes de nature commerciale tels que « remise » ou « devis » : c’est parfaitement inacceptable en pareille matière ! Encore avons-nous la chance d’avoir évité dans cet avis la référence aux promotions, aux soldes et autres termes commerciaux qui ont l’air de plaire, puisqu’on les emploie dans ce texte.
Vous donnez également compétence à la DGCCRF et au Conseil national de la consommation. En clair, vous incluez ces professions – et donc le droit – dans le commerce, alors même que c’est l’inverse de notre système.
Pour conclure, permettez-moi de vous soumettre une question pour laquelle j’éprouve une certaine « sympathie intellectuelle », pour reprendre votre expression, même si, en toute honnêteté, je ne suis pas certain de la rectitude du raisonnement. Comme vous le savez, le législateur peut déléguer à une autorité administrative indépendante de l’exécutif la définition de telle ou telle norme permettant d’appliquer la loi. Pourtant, le Conseil constitutionnel a estimé que cette capacité ne pouvait être autorisée que lorsqu’elle est limitée dans son champ et dans son contenu. Or, vous donnez compétence à l’Autorité de la concurrence pour tout. Sa compétence s’accroît, elle peut désormais donner un avis sur l’urbanisme, et voici qu’en plus elle donnera des avis sur les cartes, sur les tarifs ou encore sur la liberté d’installation.
Certes, il ne s’agit pas de définir la norme, mais dès lors que vous dupliquez un système identique qui consiste à solliciter un avis préalable de l’Autorité de la concurrence, à publier cet avis pour le rendre opposable, puis à inciter le pouvoir réglementaire à écrire la norme à partir de cet avis, je suis en droit de me demander s’il n’y a pas là un contournement de la règle par ce biais. Vous me répondrez très simplement qu’il ne s’agit que de l’écriture d’un avis, et non de celle de la norme. Malgré cette réponse facile, le sujet mérite d’être posé. J’éprouve une certaine sympathie pour ce raisonnement, qui devra être approfondi.
Pour le reste, nous développerons l’ensemble des points abordés par le rapporteur général à l’occasion de la discussion des amendements.