La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (nos 2447, 2498).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de douze heures et trente-trois minutes pour le groupe SRC, dont 601 amendements sont en discussion ; quatorze heures et quarante-cinq minutes pour le groupe UMP, dont 1 325 amendements sont en discussion ; trois heures et cinquante-cinq minutes pour le groupe UDI, dont 145 amendements sont en discussion ; deux heures et vingt et une minutes pour le groupe RRDP, dont 75 amendements sont en discussion ; deux heures et onze minutes pour le groupe écologiste, dont 152 amendements sont en discussion ; deux heures et vingt-huit minutes pour le groupe GDR, dont 113 amendements sont en discussion ; quarante-quatre minutes pour les députés non-inscrits.
Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 1946 , portant article additionnel après l’article 10 ter.
L’article 10 ter supprime le caractère incessible et intransmissible du permis de construire dans le code de l’urbanisme. Le présent amendement vise donc à supprimer ces mêmes dispositions dans le code de commerce, afin de mettre en cohérence les deux codes.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, pour soutenir le sous-amendement no 3184 .
Ce sous-amendement, qui est purement rédactionnel, vise à rectifier le dispositif de l’amendement no 1946 : la mise en cohérence doit porter non pas sur les alinéas 3 et 4 de l’article L. 752-15 du code de commerce mais sur les alinéas 4 et 5.
L’amendement de M. Lefebvre n’est recevable que s’il est corrigé par le sous-amendement du ministre, puisqu’une petite erreur a été commise sur les alinéas visés. L’avis de la commission sera donc favorable à l’amendement s’il est modifié par le sous-amendement.
Il s’agit d’une simple mise en cohérence. Le sous-amendement du Gouvernement est évidemment bienvenu.
Le sous-amendement no 3184 est adopté.
L’amendement no 1946 , sous-amendé, est adopté.
Cet article vise non pas les cas d’exploitation abusive d’une position dominante, mais les cas où une entreprise ou un groupe d’entreprises seraient en position dominante ou soulèveraient des préoccupations de concurrence du fait de prix élevés.
Le texte prévoit la possibilité pour l’Autorité de la concurrence de prononcer des injonctions structurelles qui peuvent toucher à la propriété et, en cas de non-respect de celles-ci, de prononcer des sanctions pécuniaires.
Monsieur le ministre, ces dispositions me paraissent poser un problème d’ordre constitutionnel. Je me permets de vous renvoyer à la décision du Conseil constitutionnel qui a été rendue concernant la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite loi HADOPI, qui est très claire : une autorité administrative indépendante peut « exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l’accomplissement de sa mission dès lors que l’exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis ». Il est ajouté que doivent en particulier être respectés « le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que les droits de la défense, principes applicables à toute sanction ayant le caractère d’une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle ».
Ce texte pose problème car il ne précise pas la nature des préoccupations de concurrence susceptibles d’être remarquées par l’Autorité de la concurrence le cas échéant.
Rien n’est dit non plus sur ce que sont des prix élevés ; il s’agit de prix non pas trop élevés mais simplement élevés. On ne dit pas non plus quel est l’objectif poursuivi par les recommandations ou injonctions structurelles de l’Autorité de la concurrence ni ce qui serait le cas échéant interdit.
Enfin, quant au principe même des injonctions structurelles, le Conseil constitutionnel l’a validé au regard du grief porté à la liberté d’entreprendre, qui était le motif de la saisine, affirmant qu’il n’était pas contradictoire avec la liberté d’entreprendre. En revanche, le Conseil constitutionnel ne s’est pas prononcé sur la question de la compatibilité avec le droit de propriété. Or, ce texte vient permettre à l’Autorité de la concurrence de prononcer des injonctions structurelles qui touchent au droit de propriété.
Le texte présente donc deux difficultés. Premièrement, il pose problème en matière de légalité : alors que le texte se doit d’être clair et précis, il est flou quant à « l’incrimination », même s’il ne s’agit pas ici de matière pénale. Deuxièmement, les injonctions structurelles peuvent entrer en conflit avec le droit de propriété, ce qui pose une question d’ordre constitutionnel. Ce texte ne saurait donc prospérer.
C’est très juste, car on octroie un pouvoir de sanction sans caractériser l’infraction !
L’article 11 a pour objectif de permettre à l’Autorité de la concurrence d’intervenir sur la structure du marché afin de rétablir des conditions de concurrence favorables au consommateur.
En ce sens, il répond aux doléances de l’autorité administrative, qui regrette d’avoir à sa disposition des outils à la fois inadaptés et d’une portée insuffisante. Elle vous demande aujourd’hui de lui fournir des moyens supplémentaires pour pallier ces difficultés.
On peut être d’accord ou non sur l’état des lieux qui conduit à fixer de tels objectifs, mais là n’est pas mon propos. On peut toujours penser que des améliorations sont possibles, et tout est toujours perfectible. Je m’attarderai plutôt sur la rédaction de l’article.
Concernant les aspects quantitatifs et les modalités d’application, tout d’abord, comment apprécier le seuil de 50 % de part de marché d’une zone de chalandise qui n’est pas définie ? De quelle zone parle-t-on ? Cette imprécision introduit un élément de subjectivité, et une notion à géométrie variable risque de donner lieu à beaucoup de contentieux.
J’en viens à présent aux aspects juridiques. Premièrement, comment peut-on apprécier ce qui représente, aux termes de l’alinéa 2 de l’article, « des préoccupations de concurrence du fait de prix ou de marges élevés » ? À partir de quand a-t-on des préoccupations ? Sont-elles prises en compte lorsqu’elles sont importantes, sans seuil ? À quel moment déclenche-t-on cette appréciation des préoccupations ?
Deuxièmement, puisqu’il est fait état de comparaisons avec « des moyennes habituellement constatées », la notion de moyenne est-elle pertinente ? Une moyenne apporte, il est vrai, une indication, mais peut-elle pour autant constituer une valeur de référence dans tous les cas de figure ? C’est une vraie question.
Troisièmement, la référence à une estimation introduit également beaucoup d’incertitude dans le texte. Vous reconnaîtrez avec moi qu’il s’agit de quelque chose d’imprécis, qui s’appuie sur des critères subjectifs. Derrière tout cela, il y a un vrai risque de contentieux. Si une seule entreprise est installée dans une zone dont on n’aura déterminé ni la nature ni l’étendue, elle aura, ipso facto, une position dominante. Comment fera-t-on alors pour apporter une solution ?
L’article 11 suscite par conséquent de nombreuses interrogations.
Je suis saisie de trois amendements de suppression de l’article 11, nos 526, 665 et 2464.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement no 526 .
Je ne vais pas reprendre les arguments qui viennent d’être développés par nos collègues Véronique Louwagie et Philippe Houillon. Le présent amendement a simplement pour objet de supprimer l’extension du pouvoir d’injonction structurelle de l’Autorité de la concurrence, parce que ce serait aller trop loin. Nous avons déjà eu ce débat en commission : octroyer un tel pouvoir à cette autorité correspond tout de même à une vision très administrée de notre économie. On ne peut pas véritablement appeler cela une respiration de notre système économique.
La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement no 665 .
Je ne reviendrai pas sur les différents arguments qui ont été avancés. Ces dispositions sont uniques en Europe, monsieur le ministre, et donneront à la France une singularité à l’échelle européenne si elles sont adoptées. Je propose de supprimer cet article afin que notre situation reste équilibrée par rapport à celle des autres États européens.
La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement de suppression no 2464.
Les exposés sommaires des deux premiers amendements ont en commun de justifier la demande de suppression de l’article par la phrase : « ce pouvoir accru s’apparente à de l’économie administrée, ce qui est contraire à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété constitutionnellement garantis. » Raisonnement pour le moins surprenant si l’on considère que la situation de quasi-monopole constitue, au fond, une économie administrée par le dominant. Pour notre part, nous préférons une concurrence saine qui s’exerce au bénéfice des consommateurs.
Il ne s’agit pas ici de proposer de sanctionner l’abus de position dominante, la notion de faute n’étant pas nécessairement requise. Constatons simplement qu’en France, ce sont six groupes qui détiennent 85 % des parts de marché de la distribution alimentaire. Chacun sait que dans certaines régions, voire certains quartiers, ces libres entrepreneurs, libéraux devant l’éternel, ne souhaitent précisément pas la concurrence et organisent une situation où celle-ci ne peut s’exercer au bénéfice du consommateur. C’est pourquoi les arguments qui prônent la suppression de l’article 11 ne peuvent être acceptés.
J’ai bien entendu les arguments, déjà exposés lors du long débat en commission spéciale. Monsieur Houillon, cet article a été examiné par le Conseil d’État, qui a validé le caractère proportionné des dispositions, eu égard à la liberté de commerce et au droit de propriété. Par ailleurs, ce dispositif a été validé par le Conseil constitutionnel dans la loi relative à la Nouvelle-Calédonie, qui prévoyait le prononcé d’injonctions structurelles au cas où une part de marché dépasserait 25 %, tous secteurs et tous commerces confondus.
Votre argumentaire sur le droit de propriété serait valable si le texte prévoyait une expropriation. Or le dispositif ne peut déboucher que sur une vente forcée, ce qui n’est pas comparable puisque les bénéfices de la vente reviennent à l’enseigne propriétaire, avec, certes, une moindre plus-value. C’est l’usage du droit de propriété qui est touché, mais en aucun cas nous n’attentons au droit de propriété lui-même. Votre argument n’est donc pas valide.
Madame Louwagie, l’Autorité de la concurrence intervient en cas d’existence d’une position dominante et de détention d’une part de marché supérieure à 50 % des parts de marché, accompagnée de prix ou de marges s’écartant de la moyenne constatée. Ces critères sont objectifs. Ainsi, les pratiques de prix communément observées dans les zones de montagne sont justifiées par l’éloignement et la difficulté d’accès. D’ailleurs, et c’est logique, les prix, un peu supérieurs à la moyenne nationale, ne se répercutent pas par une marge supérieure. Par contre, dans certaines zones où l’on observe une surconcentration d’enseignes – comme je l’ai dit en commission spéciale, essentiellement dans une partie de la région parisienne et en Corse – on trouve des pratiques de prix et de marges qu’aucune explication objective ne justifie.
Si vous le lisez avec la rigueur dont vous avez fait montre en commission spéciale, monsieur le député Houillon, ce texte ne prévoit pas une sanction, mais un contradictoire et des mesures de correction. C’est seulement si l’enseigne ne prend pas ces mesures que l’Autorité de la concurrence peut enclencher un mécanisme de sanction. À aucun moment le constat de la position dominante avec pratiques excessives ne conduit à une sanction directe. Et surtout, il ne peut y avoir de mesure d’expropriation ainsi que vous l’avez mentionné, mais une procédure de vente forcée, qui ne porte pas atteinte au droit de propriété.
Ce dispositif est proportionné, et bien connu. Je veux rassurer M. le député Cherpion : il est en vigueur ailleurs, notamment en Grande-Bretagne. Et pour le rassurer complètement, je peux citer plusieurs enquêtes dont celle réalisée par la BCE en 2010 et réactualisée en 2012, qui place la France au dixième rang des plus forts taux de concentration, après la Finlande, le Portugal, loin derrière l’Espagne et la Grande-Bretagne. Oui, la zone de chalandise est une notion documentée, connue des textes européens et des enceintes européennes. Ce que nous cherchons ici à corriger, ce sont quelques pratiques excessives et qualifiées comme telles, qui créent une situation nuisible aux consommateurs et aux producteurs.
J’ai lu assez attentivement les avis de l’Autorité de la concurrence sur les problèmes qu’elle a pu déceler, notamment à Paris. Soyons clairs, l’Autorité de la concurrence vise des situations très précises et c’est à partir de ces constats qu’elle a suggéré un dispositif de ce type.
L’objectif est de contrer la stratégie d’un opérateur qui viserait à acquérir une position dominante, position dominante qui se traduirait par une hausse des prix anormale. Il ne s’agit pas de mettre en cause un opérateur qui prendrait une position dominante, dès lors que cette situation n’entraînerait pas une distorsion des prix. J’ai entendu les arguments juridiques de nos collègues, mais il convient de noter que l’injonction structurelle ne peut être prononcée que lorsqu’une augmentation anormale des prix est constatée.
Il se trouve que c’est le cas dans un certain nombre de quartiers de Paris, ainsi que l’a constaté l’Autorité de la concurrence. Il lui reviendrait alors de demander à l’opérateur de remédier à cette situation par la cession d’une partie de ses magasins. Je pense que cet article est le bienvenu et pourrait avoir un effet bénéfique pour les consommateurs.
Je veux ajouter un argument : plus on renforce les règles d’urbanisme commercial – et vous étiez nombreux, y compris sur ces bancs, à expliquer qu’il fallait descendre sous le seuil des 1 000 m2 – plus l’outil de l’injonction structurelle s’impose. Celui qui a pris la place est là pour l’éternité car l’urbanisme commercial empêche que d’autres places se libèrent. Dès l’instant qu’un opérateur acquiert une position dominante sur des places très chères parce que très rares, eu égard à l’urbanisme commercial, il faut un pouvoir d’injonction structurelle. Sans quoi, il n’y a plus de concurrence. Plus on souhaite renforcer les règles d’urbanisme commercial, plus cet outil est nécessaire.
Monsieur le ministre, vous avez fini par reconnaître dans votre intervention qu’une sanction peut bien être prononcée contre l’entreprise si elle n’a pas déféré à l’injonction structurelle. Cela vous renvoie à l’obligation imposée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et par la décision citée tout à l’heure, de clarifier ce qu’est une « préoccupation de concurrence ». Vous ne m’avez pas répondu sur ce point. Autrement, nous verrons bien ce que jugera le Conseil constitutionnel.
Par ailleurs, vous avez parlé de rigueur : convenez que je n’ai jamais employé le terme d’« expropriation » ! J’ai dit qu’une injonction structurelle pouvait aboutir à la cession d’une propriété ou, en cas d’inexécution, à une sanction. J’ai dit que si le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi relative à la Nouvelle-Calédonie sous l’angle de la liberté d’entreprendre, il ne s’est pas prononcé sous l’angle du droit de propriété. Comment peut-on dire qu’une injonction structurelle qui oblige une entreprise à vendre, sous peine d’une lourde sanction – jusqu’à 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxe ! – ne touche pas au droit de propriété ? Il faut bien du talent… je doute que le vôtre résistera à l’examen du Conseil constitutionnel.
Je croyais, monsieur le ministre, qu’il s’agissait d’un texte favorisant le développement de l’activité et de l’emploi. Lorsqu’une entreprise réalise des marges, en général, elle investit. Et si elle investit, elle embauche. Je pensais que le système actuel n’était pas si pervers que vous semblez le voir dans un certain nombre de secteurs.
Par ailleurs, les Anglais ne prononcent pas d’injonctions structurelles dans le domaine du commerce de détail. Mais je n’imagine pas, monsieur le ministre, que vous voyiez dans le système anglo-saxon un modèle !
Monsieur le député Cherpion, je n’imaginais pas non plus entendre de ce côté-ci de l’hémicycle un plaidoyer en faveur du monopole en économie ouverte, nouveau modèle économique ! Vous avez raison, une situation de monopole crée des emplois, mais moins, et à des coûts plus élevés qu’une situation de concurrence bien gérée.
Dans la situation dont nous parlons, ces monopoles sont contre-productifs ! De la même façon que nous nous battons au niveau européen contre certains monopoles, comme celui de Google dans le numérique…
… parce qu’il bride l’innovation et l’émergence de nouveaux acteurs, parce qu’il stimule moins la création d’emplois, l’innovation et la productivité qu’une situation bien régulée. Quand, sur certaines zones de chalandise, une enseigne se trouve en situation de monopole injustifié, il est bon de lutter contre elle.
Sourires.
Ce texte vise bien à créer de l’activité et de l’emploi. Si on oblige, dans les conditions qui sont définies par ce texte, à céder des surfaces commerciales, on anime le marché, on baisse les prix et on crée de l’activité. Je vous le confirme !
Monsieur Houillon, telle que qualifiée par le Conseil d’État, l’atteinte au droit de propriété pourrait être constituée si une expropriation était prévue mais le fait de contraindre l’usage du droit de propriété par la vente forcée ne sera pas invalidé par le Conseil constitutionnel puisque cette mesure existe dans d’autres dispositifs sans jamais avoir été censurée.
Vous pouvez dire que des contraintes sont portées à l’usage du droit de propriété mais pas au droit lui-même car ce texte ne contient aucun dispositif d’expropriation.
Par ailleurs l’alinéa 4, qui définit les modalités prévues par l’Autorité de la concurrence, dispose qu’elle peut sanctionner l’inexécution de ses injonctions. En revanche, l’inobservation des contraintes et le non-respect des conditions évoquées ne conduisent pas à une sanction immédiate. Des observations peuvent être formulées, des mesures correctrices peuvent être prises, un échange contradictoire peut avoir lieu et c’est seulement si, in fine, un acteur économique ne respectait pas les injonctions adressées par l’Autorité, que des sanctions pourraient être envisagées, ce qui est nettement différent.
En aucun cas, de quelque sanction qu’il s’agisse, nous ne parlons ici d’expropriation. Le risque constitutionnel au regard de la liberté d’entreprendre a été jugé. Le risque constitutionnel potentiel au regard du droit de propriété existerait si nous attentions à ce dernier. L’Autorité de la concurrence n’y contrevient pas parce qu’elle n’exproprie pas, ce que le Conseil d’État, d’ailleurs, a validé. Nous verrons ce que l’avenir nous réserve mais je défends avec vigueur ce dispositif car je pense sincèrement qu’il est constitutionnel, proportionné et économiquement bon.
Non, non, le Conseil d’État s’est prononcé.
En matière de position dominante, nous pourrions reprendre le cas des stations-service sur les autoroutes. Un certain nombre d’enseignes ont dû être cédées pour que la concurrence puisse jouer. Tout comme moi, monsieur le ministre, vous empruntez sans doute les autoroutes : avez-vous vraiment constaté les effets de la concurrence tout au long de votre parcours ? Non.
Permettez-moi de revenir un instant à l’article 11 et à la question de l’injonction structurelle, déjà évoquée pour la Nouvelle-Calédonie. Les débats de l’époque attestent que M. Lurel, ministre en charge de l’outre-mer, plaidant pour l’exception, avait assuré que ce dispositif ne serait pas étendu à d’autres territoires. Nous constatons l’inverse aujourd’hui. Je tenais à souligner ce revirement du Gouvernement.
Cet amendement tend à garantir aux entreprises visées par une injonction structurelle le droit de disposer d’une voie de recours juridictionnelle. Si vous mettez en place un dispositif extrêmement coercitif, vous devez permettre en contrepartie aux entreprises qui pourraient contester la décision de l’Autorité de la concurrence, de déposer un recours juridictionnel.
De facto, le recours se ferait devant le Conseil d’État mais votre proposition étant cohérente, j’y suis favorable.
L’amendement no 525 est adopté.
Avis défavorable d’autant plus qu’il supprimerait la procédure de dialogue entre l’entreprise et la haute autorité pour ne conserver que la phase ultime de la procédure, c’est-à-dire la plus coercitive.
Défavorable.
L’amendement no 517 est retiré.
La protection du pouvoir d’achat du consommateur nous oblige à revenir à la formation du prix. L’article 11 contribue à garantir une situation de concurrence satisfaisante dans le commerce de détail. Il s’agit d’un secteur où aucun acteur ne dépasse 25 % des parts du marché national. Ce n’est pas le cas pour certains de leurs fournisseurs qui constituent de véritables oligopoles dans des secteurs de première nécessité. Ainsi 94 % de parts de marché des aliments pour bébés sont détenues par deux acteurs. Une bouteille d’huile sur deux vendues en France est issue d’un seul fournisseur. De même, deux acteurs détiennent 74 % du marché des fromages frais, 73 % des pâtes alimentaires ou encore 87 % des soupes et potages.
Cette situation peut être considérée comme très préoccupante pour le bon fonctionnement de certains marchés et l’intérêt des consommateurs.
Avis défavorable. Ce mécanisme d’injonction structurelle n’est ni plus ni moins qu’un mécanisme de contrôle de la concurrence territorialisé. Nous savions contrôler la concurrence sur le plan organique – les ententes, les abus de position dominantes – mais pas sur un territoire donné. Bien évidemment, le commerce de détail est concerné, c’est-à-dire les entreprises qui sont au bout de la chaîne de la commercialisation, et ce dispositif ne saurait faire obstacle à ce qu’éventuellement les fournisseurs de proximité soient privilégiés.
Je partage les arguments du rapporteur. Vos amendements, comme d’autres qui suivront, dénaturent l’objectif de cet article qui est de constater une part de marché de plus de 50 % et une pratique de prix ou de marge en décalage par rapport à la moyenne que j’évoquais. La plupart du temps, dans les deux endroits que j’ai cités, ces opérations n’avantagent ni ne protègent les producteurs locaux, mais les étranglent plutôt.
Nous pourrions d’ailleurs revenir sur les chiffres que vous évoquez, en particulier pour les laitages, avec lesquels je ne suis pas complètement d’accord. En l’espèce, je donnerai un avis défavorable car votre amendement reviendrait, en creux, à caractériser l’abus de position dominante. La cohérence même de l’article est de définir la position dominante et des pratiques de prix ou de marge déviantes mais qui ne se justifient pas par la protection des producteurs locaux et du circuit court.
L’amendement no 2288 est retiré.
Cet amendement, tout en étant rédactionnel, touche à une question de fond puisqu’il vise à ajouter, à la première phrase de l’alinéa 2, après le mot « dominante », le terme « abusive ». L’article L. 52-26 du code du commerce prévoit l’intervention de l’Autorité de la concurrence « en cas d’exploitation abusive d’une position dominante ». Tel est l’esprit de la loi. Avoir une position dominante, en soi, n’est pas condamnable. Le seul boulanger d’un village peut se retrouver en position dominante mais ce n’est pas pour autant qu’il va en abuser. Seul l’abus de ladite position dominante est répréhensible mais pas l’existence d’une position dominante en tant que telle.
Je ne pense pas que l’on puisse reprocher à quiconque de réussir. Bien au contraire, nous aimerions que ce soit plus souvent le cas dans notre pays. Le fait de réussir conduit souvent à occuper une position dominante. Le terme de « dominante », sans spécification supplémentaire, est trompeur et doit être complété par celui d’« abusive ».
Votre démonstration peut être inversée. Une position dominante peut être constituée sans que l’on puisse considérer qu’elle est répréhensible mais, par elle-même, elle déclenche des préoccupations de concurrence dont on juge ensuite si elle est abusive ou pas. L’on peut considérer que des positions dominantes ne sont pas abusives parce que, par exemple, aucune autre enseigne n’est susceptible de s’implanter sur un territoire donné. L’article est bien rédigé. Avis défavorable.
Votre amendement n’ajoute rien au droit actuel. L’abus de position dominante existe, je vous renvoie au droit positif. Nous n’aurions pas besoin de cet article si nous voulions en rester à la rédaction actuelle. C’est une forme de cohérence à laquelle je vous invite.
Par ailleurs, depuis qu’il existe, en 2009, ce texte n’a jamais été appliqué faute d’avoir qualifié précisément la notion d’abus de position dominante. Dans ce texte, nous qualifions une position dominante au regard des parts de marché ainsi que du niveau élevé des prix et des marges par rapport à la moyenne.
Je suis sensible à votre argumentation, monsieur Lurton. Il n’est pas question d’empêcher les gens de réussir ou les entreprises de se développer mais lorsque, dans un secteur particulier où la concurrence est parfois insuffisante, une situation conduit à une position dominante, à savoir le commerce de détail, et que, sans réelle justification, les prix ou les marges sont plus élevés que la moyenne, il est normal qu’un débat contradictoire s’engage avec l’Autorité de la concurrence. Cette position dominante est en effet utilisée pour imposer des prix aux consommateurs ou étrangler les producteurs sans justification. Nous le constatons dans plusieurs territoires. Non, cette disposition n’est pas un frein à la réussite entrepreneuriale, c’est au contraire l’utilisation inappropriée d’une position dominante qui conduit soit à pratiquer des prix trop élevés soit à dégager des marges trop élevées en exerçant une pression sur les producteurs. Cette disposition est bonne pour l’entrepreneuriat car, dans les zones de chalandise où nous observons ces situations, l’émergence de nouveaux acteurs, de nouveaux entrepreneurs et parfois la survie de certains producteurs est remise en cause.
Monsieur le ministre, vous avez eu une parole sage tout à l’heure : c’est vrai, il ne fallait pas écrire cet article 11. C’est bien pour cette raison que nous voulions le supprimer.
Si nous suivions votre rédaction !
Faites-le, monsieur le ministre, il est encore suffisamment tôt. En réalité, vous enclenchez une mécanique qui peut conduire à des décisions loin d’être anodines pour les entreprises, comme une cession d’actifs, sur une base dépourvue d’appréciation objective.
Non !
Bien sûr que si, monsieur le ministre ! Des entreprises, des groupes d’entreprises qui détiennent plus de 50 % de l’activité dans un secteur donné, il y en a un paquet !
Alinéa 2.
Peut-être pas tant que cela dans les zones urbaines. Encore qu’il existe parfois de gros opérateurs de commerce, y compris dans les rues principales dans nos villes plus ou moins importantes, qui sont dans cette situation. Tout le monde est potentiellement menacé par une telle disposition dès lors qu’il y a un peu d’activité, un peu de regroupement, une ou deux filiales. Ce sont des situations que l’on rencontre.
Et en l’espèce, parce que quelqu’un se sera levé du mauvais pied, un beau matin, à l’Autorité de la concurrence, il enclenchera la mécanique infernale. Vous avez mentionné l’alinéa 2, monsieur le ministre, j’entrevois ce que vous allez me répondre.
La réalité.
Certes, il y a une procédure contradictoire, des explications etc. Le problème, c’est que cela manque de caractère objectif. Potentiellement, beaucoup d’entreprises sont concernées par les seuils que vous mentionnez, y compris les petites entreprises comme une supérette dans un village par exemple. Bref, nombreux sont ceux qui sont concernés par cette situation.
Bien sûr que si, cher collègue. Ce qui nous gêne, c’est que les pouvoirs d’appréciation, d’injonction et de décision confiés à l’Autorité de la concurrence vont très au-delà de ceux dont elle devrait disposer.
J’ai l’impression que nous n’arriverons pas à nous mettre d’accord même si je crois que nous sommes en réalité tout de même d’accord.
Sourires.
Le fait d’être dans une position dominante n’est pas répréhensible, avez-vous dit. Nous sommes d’accord. En revanche, le fait d’abuser de cette position est répréhensible. C’est pourquoi nous vous proposons de l’introduire dans le texte.
Je vous rassure, madame la présidente, je vais conclure. Monsieur Poisson, vous avez introduit le doute.
Sourires.
C’est pourquoi je vous ai renvoyé à l’alinéa 2. Nous ne parlons que du commerce de détail. L’alinéa 2 le qualifie.
L’abus de position dominante est une notion vague. C’est le droit positif et on n’a jamais réussi à l’appliquer. L’alinéa 2 qualifie ce qu’on veut faire : plus 50 % de part de marché et prix ou marges décalés par rapport à la moyenne. Si ce ne sont pas là des critères objectifs !
Monsieur Lurton, je vous dirai la même chose. Citons, au hasard, Saint-Malo
Sourires
et prenons l’exemple d’une supérette qui a bien réussi et qui a signé votre accord de territoire, cet accord de territoire exemplaire. Si elle vend la baguette à 1 euro, je ne vais pas lui reprocher d’avoir bien réussi : elle vendra des baguettes à 1 euro à toute la population de Saint-Malo et tout le monde s’en trouvera heureux.
Mais si elle la vend à 3 euros, vous êtes couvert par cet article. Aujourd’hui, parce que l’abus de position dominante est insuffisamment qualifié, une telle situation n’est pas couverte. Aujourd’hui, grâce à l’article 11, l’Autorité de la concurrence pourra ouvrir un dialogue contradictoire avec la supérette de Saint-Malo et lui dire qu’il n’est pas normal de vendre une baguette 3 euros parce que les conditions d’acheminement ne le justifient pas et que sa marge est trop élevée. Elle peut l’enjoindre soit à baisser le prix – alinéa 4 –, soit à céder une partie de ses surfaces afin que quelqu’un ait la chance de vendre la baguette à 1 euro.
Ce n’est pas plus compliqué que cela et au demeurant, cela contribue à notre objectif commun.
D’abord, je paie la baguette 0,85 centime d’euro, mais c’est un détail.
Sourires.
Si la boulangerie en question vend la baguette à 3 euros, elle est dans une position dominante abusive et cela mérite de figurer dans votre article. Je maintiens donc mon amendement. Nous ne serons pas d’accord.
Avant de donner la parole à M. Cinieri pour présenter son amendement no 2287 , j’invite aimablement, avec tout le respect que nous lui portons et le plaisir que nous avons à l’entendre, le Gouvernement à être plus économe de son temps de parole même si ses réponses sont très précises et intéressantes. Nous sommes dans le cadre du temps programmé et si nous poursuivions à ce rythme, nous risquons fort de ne pas pouvoir tenir les délais.
La parole est à M. Dino Cinieri.
Madame la présidente, vous aurez noté que les parlementaires UMP sont très sages.
Le présent amendement a pour objet d’inclure dans le champ d’application du dispositif la position dominante de certains commerces de gros de nature à soulever d’éventuelles préoccupations de concurrence préjudiciables notamment aux petites entreprises artisanales.
Cette situation, fréquente en zone rurale, rend les artisans particulièrement dépendants de leur fournisseur. En outre, les prix pratiqués en raison de ce monopole de fait renchérissent d’autant la prestation ou le service facturé au consommateur final.
Avis défavorable.
Sourires.
L’amendement no 2287 n’est pas adopté.
Pour rester cohérent, je propose à la première phrase de l’alinéa 2 de l’article 11, de substituer aux mots : « soulève des préoccupations de concurrence », les mots : « donne lieu à des pratiques abusives ».
À mon sens, « les préoccupations de concurrence » sont des termes plus vagues que « les pratiques abusives », que l’on caractérise assez bien.
Avis défavorable. En parlant de « préoccupations de concurrence », on peut entrer dans la procédure sans présumer de son résultat.
L’amendement no 520 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement no 1127 .
L’amendement no 1127 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 667 .
L’amendement no 521 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’amendement no 2290 , accepté le Gouvernement, est adopté.
Le présent amendement vise à supprimer l’évaluation de la part de marché déclenchant l’intervention de l’Autorité de la concurrence, sur le fondement du chiffre d’affaires réalisé dans le secteur d’activité et dans la zone de chalandise concernée ou selon les surfaces commerciales exploitées dans ladite zone.
Avis défavorable afin que les entreprises ne soient pas exposées à l’arbitraire de l’Autorité de la concurrence dans ce que serait la définition de la part de marché.
L’amendement no 522 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement no 1123 .
Monsieur le ministre, serez-vous capable d’établir le lien entre les surfaces commerciales exploitées et la prétendue position dominante qui en résulterait ? Je ne vois vraiment pas comment on pourrait établir un tel parallèle. L’ensemble des éléments qui fondent l’article 11 ne tiennent pas.
Vous êtes trop suspicieux, mon cher collègue. La question n’est pas d’établir la position dominante, mais d’avoir une porte d’entrée. Si l’on ne connaît pas le chiffre d’affaires, on peut considérer qu’une surface commerciale très importante peut être une présomption et on engage la procédure.
Défavorable.
L’amendement no 1123 n’est pas adopté.
Le présent amendement vise à introduire des critères qui nous semblent importants dans le déclenchement du mécanisme que vous proposez : des critères d’aménagement du territoire et de services rendus à la population. Dans certains cas, la part de marché peut atteindre plus de 50 % sans que le service vital rendu à la population soit en cause et sans que cela constitue une entrave à la concurrence.
Il importe que vous puissiez ouvrir cette perspective afin que le mécanisme innovant que vous proposez soit fondé sur des réalités de territoires et de terrain plus fortes que les simples chiffres qui sont contenus dans le texte tel qu’il est rédigé.
Dédoublement de la personnalité. La commission a donné un avis défavorable, mais à titre personnel, j’y suis favorable.
Aucun dédoublement de personnalité pour ce qui me concerne. Mon avis sera défavorable, mais je veux vous expliquer pourquoi.
Si j’émettais un avis favorable à votre amendement, j’irais dans le sens du reproche que m’adressent certains, c’est-à-dire de la non-objectivité. Le critère que vous introduisez est assez peu objectif. Or, monsieur Vitel, plus de 50 % de parts de marché et un prix ou une marge décalés par rapport à la moyenne sont des critères objectifs. Je vous rassure, les services de l’État peuvent les qualifier, l’Autorité de la concurrence aussi. Les critères d’aménagement du territoire ou de bons services apportés à la population sont beaucoup moins objectifs.
Monsieur le député, votre amendement est satisfait. Sans travestir votre pensée, je pense que vous cherchez à protéger un certain nombre de situations : le cas d’un commerce ou d’un village en fond de vallée où les prix seront supérieurs parce que l’acheminement est plus difficile ; le cas de certaines zones ultramarines où les prix sont plus élevés de manière justifiée.
Mais vous ne le retrouverez pas dans les marges : s’il est plus compliqué d’acheminer les produits, les marges ne vont pas gonfler artificiellement, mais les coûts d’acheminement sont supérieurs. Ce que l’on cible ici, alors qu’il n’y a aucune contrainte objective pour bien servir la population, acheminer les denrées, c’est une pratique de prix excessive, supérieure à la moyenne. Il y a aussi le cas que l’on a commencé à couvrir avec l’injonction structurelle en outre-mer. En sus de conditions d’acheminement difficiles qui justifient des prix plus élevés que la moyenne, ces prix sont encore plus élevés pour avoir une marge accrue.
Compte tenu des objectifs visés par l’article 11 s’agissant de prix ou de marges nettement supérieurs à la moyenne et plus de 50 % de parts de marché, on prendra en compte le bon service rendu à la population et les conditions d’aménagement du territoire. Pour toutes ces raisons, je pense que votre amendement est satisfait et je vous invite à le retirer. Si tel n’était pas le cas, j’émettrais un avis défavorable car nous introduirions une condition subjective et que nous donnerions à l’Autorité de la concurrence la capacité de prononcer des injonctions sur des éléments beaucoup moins factuels que ceux prévus par l’article.
Monsieur le ministre, j’entends bien votre argument, mais je maintiens cet amendement, notamment parce que vous n’avez pas convaincu le rapporteur – il a en effet déclaré qu’à titre personnel, il était favorable à l’introduction de cette réalité, ce qui signifie bien qu’un problème peut se poser. Un effort de pédagogie s’impose donc. Quant à moi, je le répète, je maintiens cet amendement et chacun prendra ses responsabilités.
L’amendement no 1840 n’est pas adopté.
Cet amendement porte sur l’alinéa 4 de l’article 11, qui décrit les modalités de l’injonction structurelle : l’Autorité de la concurrence pourra, après avoir recueilli la réponse de l’entreprise, lui imposer deux modalités de sanctions consistant respectivement à lui demander de modifier, compléter ou résilier des contrats ou de procéder à des cessions d’actifs. Tout cela paraît très coercitif et l’amendement tend donc à la suppression de cet alinéa.
Monsieur Hetzel vient d’inventer l’injonction structurelle sans injonction. Avis défavorable, donc.
Défavorable.
L’amendement no 523 n’est pas adopté.
Il s’agit d’un amendement de repli, car je prévoyais le caractère taquin du rapporteur. De fait, dès lors que l’on vide l’injonction structurelle de son sens, il est un peu difficile de défendre l’amendement. Je reviens donc à la charge, car le délai de deux mois paraît très court pour donner suite aux demandes très précises adressées aux entreprises – qu’il s’agisse de cessions d’actifs ou de modifications, voire de ruptures contractuelles. L’amendement tend donc à porter ce délai de deux à trois mois, ce qui semble très raisonnable.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 668 .
Monsieur le ministre, admettons que vous disposiez de données « objectives » pour susciter les préoccupations de l’Autrorité de la concurrence et enclencher une procédure. Mais qu’en sera-t-il pour les « moyennes habituellement constatées dans le secteur économique concerné » auxquelles se réfère l’alinéa 2 ? Lorsque, pour rédiger le décret, vos services devront définir ce « secteur économique concerné », il apparaîtra vite que l’objectivité dont vous vous targuez est plus difficile à atteindre que vous ne le pensez. Je me borne à vous le signaler et nous regarderons tout cela avec une grande attention.
Je devine, aux échanges que vous avez avec votre cabinet, que vous ne voyez pas là de problème. Mais reportez-vous, par exemple, à une étude de chambre de commerce destinée à déterminer une zone de chalandise. Celle-ci n’est pas un simple cercle, mais est constituée de cercles concentriques de diamètre croissant ou par des systèmes en araignée ou en étoile. Il est déjà compliqué de définir un secteur économique, mais quand vous y parvenez, la moyenne établie pour ce secteur, que vous pensez objective, n’a en réalité aucune espèce d’objectivité. Je vous promets donc des contentieux à propos de la définition du secteur de référence.
Quant à la proposition de porter le délai de deux à trois mois, je ne répéterai pas l’argumentation que vient d’exposer Monsieur Hetzel.
Monsieur Poisson, je tiens d’abord à vous rassurer pleinement : ce critère est exactement celui qui est utilisé pour les contrôles de concentration. L’Autorité en fait une centaine par an et les contentieux sont assez peu nombreux. Nous ne venons pas d’inventer ces critères, les services les utilisent déjà et savent les qualifier. Je vous renvoie, je le répète, au contrôle des concentrations : nous savons faire et il n’y a pas de problème, rassurez-vous.
Je suis sensible, en revanche, à l’argument qui vous conduit à proposer, dans vos deux amendements, de porter le délai de deux à trois mois. Compte tenu du caractère raisonnable de cette proposition et de votre préoccupation légitime, avis favorable sur cet amendement.
La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement no 1125 .
L’alinéa 4 inclut les terrains, bâtis ou non, dans le champ des cessions d’actifs que l’Autorité de la concurrence pourra imposer. Cela constitue une atteinte directe au droit de propriété et l’amendement tend donc à supprimer les mots : « y compris de terrains, bâtis ou non ».
Avis très défavorable, compte tenu des stratégies grossières de rétention d’actifs qui se développent autour de certains centres commerciaux, lesquels achètent des terrains pour les neutraliser et éviter que la concurrence ne vienne s’y installer.
Défavorable, pour les mêmes raisons.
L’amendement no 1125 n’est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement no 1126 .
Même avis.
L’amendement no 1126 n’est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement no 1124 .
L’amendement no 1124 , repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article 11, amendé, est adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 11.
La parole est à M. Yves Jégo, pour soutenir l’amendement no 1844 .
Au-delà de son caractère apparemment anecdotique, cet amendement, qui me tient à coeur, touche en fait à l’objet de votre loi, à savoir la croissance, laquelle repose d’abord sur la confiance.
De nombreuses entreprises françaises qui se battent pour continuer à produire dans notre pays se voient concurrencées par des entreprises qui ne produisent plus du tout, ou qui ne produisent plus que partiellement, sur le territoire national. C’est la réalité, bien connue, des délocalisations, à laquelle on pourrait ajouter les « délocalisations partielles », de nombreux produits étant fabriqués en partie hors de France, et en partie seulement sur le territoire national. Ce phénomène crée évidemment bien des inquiétudes pour l’emploi et l’industrialisation de notre pays et il nous faut tenter par tous les moyens de lutter contre ces dérives. À cette fin, il faut que nous donnions aux consommateurs les armes du choix et de la lutte, afin qu’ils puissent arbitrer leur acte d’achat en toute connaissance de cause.
Depuis plusieurs années se développe un phénomène, renforcé par une récente remise au goût du jour du « made in France » : la prolifération sur de nombreux produits – il suffit pour s’en convaincre de se rendre dans les rayons de n’importe quel magasin, grand ou petit – de drapeaux bleu-blanc-rouge, sans autres indications, qui sont souvent un repère laissant penser au consommateur que le produit auquel il s’intéresse est français ou fabriqué en France. Or, il est rare que, lors de l’achat, on passe une heure à examiner toutes les étiquettes : le drapeau attire l’oeil et les entreprises ne s’y trompent pas.
Il y a dans cette utilisation du drapeau français une série de fraudes, certaines entreprises et certains producteurs utilisant impunément le drapeau bleu-blanc-rouge parce que la recette ou une partie du produit est française, ou parce que l’un de ses éléments a pu passer par la France.
Ces fraudes sont punissables par la loi – j’anticipe en cela la réponse que vous allez me faire et que vous m’avez du reste déjà faite en commission, selon laquelle la fraude et la tromperie du consommateur sont un délit qui peut déjà être puni. Cependant, compte tenu des moyens limités de la direction ad hoc de vos services, les sanctions sont faibles, le nombre des contrôles insignifiant – pour ne pas dire qu’ils sont inexistants – et la puissance des producteurs est évidemment bien supérieure à celle dont dispose l’administration pour procéder à des contrôles.
L’amendement propose donc une mesure simple : le contrôle ne s’opérera plus a posteriori, mais il s’agit d’interdire l’utilisation du drapeau bleu-blanc-rouge sur un produit, sauf si l’entreprise a les moyens de démontrer que ce produit est bien fabriqué en France. Cette mesure très simple ne nuira pas aux entreprises de bonne foi, mais leur permettra au contraire de mieux valoriser leur différence. Elle contribuera à donner au combat pour le « made in France », que nous soutenons tous, sur tous les bancs de cet hémicycle, une traduction concrète et opérationnelle et évitera des dérives et des pratique de marketing destinées à tromper le consommateur et à dévoyer l’esprit de vérité qui doit commander la présentation des produits.
C’est là, même si elle peut sembler anecdotique, une vraie question, qui sous-tend une réorientation de la consommation vers des produits véritablement français. Si l’on ne réorientait même qu’un pourcentage infime de la consommation, ce sont des centaines, des milliers d’emplois qui seraient concernés. Cette disposition qui ne coûte pas un sou d’argent public peut être un levier intéressant, faisant rimer « croissance » avec « confiance » et indiquant aux consommateurs que, s’ils aperçoivent un drapeau bleu-blanc-rouge sur un produit, il peuvent avoir la certitude que ce produit a vraiment été fabriqué en France et que, s’ils le choisissent, leur acte d’achat est citoyen, avec un retour sur l’emploi.
Vous savez, monsieur le ministre, mon attachement à cette question. J’ai d’ailleurs eu l’occasion, par l’intermédiaire d’un rapport parlementaire, de proposer la mise en oeuvre du label « Origine France garantie », qui fixe des critères assez exigeants pour qualifier l’origine des produits. C’est dans ce cadre que je m’exprime et que je propose, au nom des milliers d’entreprises qui produisent en France et qui n’en peuvent plus de voir d’autres entreprises, qui ne le font plus, s’attribuer scandaleusement l’origine française de leurs produits malgré les contrôles que vous diligentez. Je ne doute pas que vous allez me dire que vous allez renforcer les contrôles, mais cela ne suffira pas si l’on n’inverse pas le mouvement.
C’est, je le répète, sur une mesure simple et qui ne coûtera pas un sou d’argent public que j’invite l’Assemblée réfléchir. Se battre pour l’emploi, c’est aussi parfois faire des choses très simples qui peuvent se révéler des leviers très appréciables.
J’attends avec impatience votre réponse, et avec moi les 350 entreprises de l’association Pro France qui portent le label « Origine France garantie ». Elles l’attendent avec d’autant plus d’impatience qu’elles emploient en France, qu’elles ont fait le choix de rester sur notre territoire, de respecter les normes et les règles sanitaires et sociales et de payer des impôts et des charges élevées, et qu’elles entendent être défendues face à ceux qui s’attribuent le drapeau français alors qu’ils ont depuis bien longtemps délocalisé leur production.
Monsieur le ministre, votre engagement et votre réponse seront, pour moi-même et pour le groupe UDI, importants dans la détermination de la position que nous adopterons globalement sur votre texte.
Monsieur le ministre Jégo, vous avez rappelé à juste titre que la commission s’était prononcée défavorablement sur votre proposition. Cependant, les délais de réflexion ont permis d’évoluer et les arguments que vous venez d’exposer mettent clairement en lumière qu’il est très difficile de combattre en aval l’usurpation des couleurs du drapeau visant à laisser croire qu’un produit serait fabriqué en France alors qu’il ne l’est pas et qu’il faut donc, comme vous le suggérez, combattre ce phénomène en amont. J’émets donc un avis favorable à cet amendement.
Monsieur le député Jégo, j’ai entendu votre argumentation. Il est vrai que j’ai émis un avis défavorable et, si je suivais scrupuleusement ce que mes services m’ont préparé, je vous répondrais que le droit de la consommation, et en particulier l’article L. 121-1 du code de la consommation, qui prohibe les pratiques commerciales trompeuses, permet de couvrir le cas que vous évoquez.
C’est vrai que vous avez des services comparables, lesquels ont donc dû vous fournir des réponses comparables !
Néanmoins, je dois dire que l’exposé des motifs que vous venez de faire montre bien la sensibilité du sujet. Mon prédécesseur a initié un travail sur la marque « France », travail qui continue parce qu’il est important, et je sais que vous y tenez également. Il s’agit d’un label : on parle non pas de droit « en dur » mais, en quelque sorte, d’éléments de signalisation de la qualité et de reconnaissance de certains producteurs français. Nous voulons continuer cette entreprise, pour laquelle nous proposerons des initiatives dans les prochains mois. Nous voulons développer ces pratiques en France et à l’international.
Pour toutes ces raisons, je vais donner un avis favorable à votre amendement, contrairement à ce qui m’est suggéré. Je crois en effet qu’il s’agit d’un signal fort envoyé à beaucoup de nos producteurs qui en ont besoin, et je pense que la préoccupation que vous manifestez ici est pleinement légitime. De plus, je pense que c’est le début d’une série d’initiatives que l’on peut prendre de manière collective dans les prochains mois, car je sais que cette préoccupation est partagée sur nombre de ces bancs. Ces dispositions aideront ainsi certaines de nos entreprises à accroître leur compétitivité ; avis favorable pour ce faire.
L’amendement no 1844 est adopté.
Cet amendement a été adopté à l’unanimité.
Les deux amendements suivants, nos 2864 et 2865 rectifié, ont été repris par M. le rapporteur général.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 2864 .
S’agissant de l’amendement no 2864 , je vous confirme que la commission a rendu un avis favorable à cet amendement qui vise à donner toute son effectivité à l’action en suppression des clauses illicites ou abusives dans les contrats de consommation. Il s’agit ici de préciser que les associations de consommateurs peuvent demander réparation de tous agissements ou clauses illicites, y compris après leur cessation.
L’amendement no 2864 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 2865 rectifié .
L’amendement no 2865 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 11 bis est adopté.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 11 bis.
La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement no 1654 .
Le récent scandale de la viande de cheval estampillée « pur boeuf » dans différents produits transformés, a mis en avant une défaillance dans l’étiquetage des produits alimentaires à base de viande.
Aujourd’hui, de nombreux industriels de l’agroalimentaire, certainement afin de réduire les coûts à tout prix, utilisent dans leurs préparations du minerai de viande.
La législation actuelle ne contraint pas les industriels à préciser le type de viande utilisée. Or, bien souvent, ces plats préparés sont estampillés « pur boeuf », alors qu’il s’agit en réalité de déchets reconstitués qui ont l’apparence de la viande.
Cet amendement a pour but de préciser le type de viande utilisée – morceau de chair ou minerai – afin de mieux informer le consommateur et de mettre fin à une pratique qui peut s’apparenter à de la tromperie.
La préoccupation exprimée par l’amendement que vous venez de présenter, monsieur Gibbes, est partagée par le Gouvernement. Elle vise à mieux protéger les consommateurs concernant la qualité de la viande dans les plats préparés – les scandales des dernières années ont montré l’importance de ce sujet.
Depuis le 13 décembre 2014 et l’entrée en vigueur du règlement communautaire relatif à l’information du consommateur, dit INCO, il est obligatoire de mentionner dans la dénomination de vente d’un produit qu’il est reconstitué lorsqu’il est composé de petits morceaux reconstitués pour donner l’apparence d’une pièce entière – je vous restitue là une science récente afin d’apporter pleine réponse à votre préoccupation.
Il me semble que l’objet de votre amendement est satisfait par l’adoption de ce règlement communautaire qui, comme vous le savez, est d’application immédiate : il est donc aujourd’hui de droit.
Tel qu’il est rédigé, si j’en crois votre exposé des motifs, l’amendement ne répond pas totalement à l’objectif d’une information plus claire du consommateur. La qualité de la viande se définit en effet par la quantité plus ou moins importante de matières grasses et de collagène dans les morceaux de muscle, et non par le fait qu’elle ait été broyée ou non. Voilà ce que ce règlement communautaire a cherché à viser et que nos services ont d’ailleurs précisé à la suite des scandales que nous avons connus il y a un peu plus de dix-huit mois.
Par ailleurs, les plats préparés tels que les lasagnes, raviolis ou hachis parmentier, que vous cherchez à couvrir de manière parfaitement légitime, contiennent une viande qui n’est pas broyée puis reconstituée, mais qui est hachée. Si votre amendement n’apporte donc pas à cet égard la clarification que vous recherchez, il est toutefois satisfait par l’adoption du règlement que j’évoquais. Ces clarifications étant apportées, je vous invite donc à le retirer.
Les arguments du ministre m’ont convaincu. Après toutes ces précisions, je retire mon amendement.
L’amendement no 1654 est retiré.
La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour soutenir l’amendement no 2593 .
Il s’agit de rendre opérationnel, de façon directe, l’article L. 117-1 du code de la consommation qui devait assurer la transparence sur les conditions sociales de fabrication des produits en renvoyant à un décret. Ce décret n’ayant pas été pris, ces dispositions ne sont pas applicables.
Au moment où nous réfléchissons à la responsabilité environnementale et sociale des entreprises, au moment où, en Inde, on vient de libérer plusieurs centaines d’enfants esclaves qui travaillaient à la fabrication de bijoux, je pense que la suppression d’une référence réglementaire pour rendre opérationnelle de plein droit cette exigence de transparence serait la bienvenue.
Sagesse.
L’amendement no 2593 est adopté.
La parole est à M. Olivier Carré, pour soutenir l’amendement no 1966 rectifié .
Cet amendement tend à éclaircir une situation rendue un peu confuse par l’adoption, dans la loi de protection des consommateurs, de dispositions relatives au régime des contrats immobiliers.
Les contrats immobiliers en France sont déjà soumis à toute une série de procédures permettant de protéger l’acquéreur. Par ailleurs, et nous reviendrons sans doute sur ce point, l’intervention des notaires sécurise aussi la vente.
Il apparaît aujourd’hui que les dispositions adoptées dans ce texte entraînent un flou et finissent par décourager certains acquéreurs, voire par embrouiller la position des professionnels sur ce point.
Le présent amendement vise donc à rétablir la situation. Dans un souci de cohérence, le délai de réflexion octroyé à l’acquéreur avant la signature d’un acte authentique, lorsque ce dernier n’est pas précédé d’un avant-contrat, est porté à quatorze jours, alors qu’il est aujourd’hui de sept jours.
Je voudrais être parfaitement sûr de répondre aux préoccupations exprimées par M. le député Carré. Avant la transposition de la directive dans la loi consommation, les contrats de construction de biens immobiliers – ceux que vous cherchez à couvrir – étaient également soumis, lorsqu’ils étaient conclus par démarchage, aux règles du code de la consommation, avec un délai de rétraction fixé par le code de la consommation à sept jours qui venait s’articuler avec un autre délai de sept jours du code de la construction et de l’habitation.
Ce sujet n’est donc pas nouveau, et la transposition de la directive 201183UE et la loi consommation n’ont à cet égard pas créé d’obligations nouvelles pour ces professionnels. Simplement, le délai de rétractation pour tout contrat conclu par démarchage est passé de sept à quatorze jours.
Il est donc important de maintenir les règles protectrices pour les contrats immobiliers conclus par voie de démarchage. De plus, certains contrats spécifiques, notamment ceux qui portent sur le transfert de droits immobiliers – la vente en viager, par exemple –, peuvent concerner eux aussi des publics fragiles. Il me semble donc important de préserver ces dispositions.
Enfin et surtout, votre amendement passe sous silence les tout récents travaux qui ont été réalisés sur le sujet dans le cadre de la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises. Afin de répondre aux inquiétudes des professionnels, les dispositions du code de la consommation ont été clarifiées, le point de départ du délai de rétractation étant précisé.
Il me semble donc que l’on couvre le point que vous avez mentionné : en effet, en vertu de cette loi, le délai commence à courir à la signature du contrat pour la vente en futur en l’état d’achèvement – la VEFA – ou à la signature du contrat de construction pour le contrat de construction de maison individuelle – le CCMI.
La question consistant à savoir s’il convient d’aller plus loin que le simple cas des VEFA se pose ; peut-être est-ce là votre objectif ? C’est la raison pour laquelle je veux aller au bout du raisonnement.
Il me semble que les dispositions récentes couvrent l’ensemble des cas, CCMI et VEFA. Si vous voulez aller au-delà, il faudrait travailler davantage à la rédaction du présent amendement. Je suis prêt à m’engager à parvenir à une rédaction plus précise dans les prochaines semaines si ce sont d’autres cas que vous voulez couvrir, car la présente rédaction ne permet pas de le faire de manière appropriée.
Je vous invite donc à retirer votre amendement et je m’engage à ce que l’on travaille à une nouvelle rédaction en vue de la première lecture au Sénat, parce que c’est dans ce contexte qu’on peut le faire. Si vous y tenez particulièrement, vous pouvez d’ailleurs préciser vos objectifs et mon avis sera alors la sagesse.
Mais nous allons donc poursuivre le travail en vue de corriger le texte d’ici l’examen au Sénat ; mais je voulais apporter ces précisions parce que, si la motivation qui est la vôtre est partagée, je voulais être sûr que l’on s’entende bien sur les points que j’ai mentionnés.
Je vais retirer cet amendement, monsieur le ministre. Il faut effectivement vérifier si on balaye bien l’ensemble des champs afin de verrouiller le dispositif et d’éviter tout malentendu. Il semble tout de même qu’un certain nombre de professionnels s’interrogent aujourd’hui au moment de la conclusion des actes, notamment sur ces questions de délais.
L’amendement no 1966 rectifié est retiré.
Il s’agit d’un amendement sur lequel la commission a émis un avis favorable. La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a introduit un dispositif de protection du consommateur vendant des métaux précieux à un professionnel.
L’amendement propose trois choses : faire passer le délai de rétractation de vingt-quatre à soixante-douze heures ; supprimer la disposition prévoyant que l’exécution du contrat est suspendue avant l’expiration du délai ; enfin, prévoir, en cas de rétraction, que si le professionnel refuse de restituer les objets, ce dernier verse au consommateur une somme égale au double de la valeur des objets.
Cet amendement accroît donc la protection du consommateur, sans entraver le professionnel dans son activité puisque le contrat peut commencer à être exécuté dès sa conclusion.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement no 3234 .
Ce sous-amendement a pour objet de fixer le délai non pas à soixante-douze heures, mais à quarante-huit heures. En effet, cet amendement risquerait de contraindre certains professionnels à conserver les valeurs pendant soixante-douze heures dans leur magasin, ce qui pourrait présenter des risques en termes de sécurité.
Le délai de quarante-huit heures nous semble constituer un bon équilibre entre, d’une part, la protection des consommateurs et, d’autre part, la sécurité des biens. Nous proposons donc un sous-amendement portant les soixante-douze à quarante-huit heures.
Le sous-amendement no 3234 est adopté.
L’amendement no 2869 , sous-amendé, est adopté.
Cet amendement a pour objet de prévoir un encadrement des enquêtes anonymes que pourront mener les agents de la DGCCRF, à l’instar des enquêtes de police. Autrement dit, une preuve est illégale si elle a été obtenue suite à une provocation à l’infraction qui, sans intervention des autorités, n’aurait pas eu lieu.
Cet amendement est favorable à l’activité des entreprises.
Je suis défavorable à cet amendement. D’abord le principe de loyauté dans l’administration de la preuve et le droit à un procès équitable interdisent d’ores et déjà la provocation à la commission d’une infraction par un agent de l’autorité publique, et les juridictions sanctionnent une telle déloyauté par l’irrecevabilité des éléments de preuve ainsi obtenus.
En reconnaissant aux enquêteurs de la DGCCRF la faculté de se faire passer pour des consommateurs, par exemple en souscrivant un prêt ou en faisant un achat en ligne, dans le but de vérifier si un professionnel respecte ses obligations, la loi Hamon n’a fait que consacrer ce que la jurisprudence autorisait déjà : ces pratiques avaient déjà cours avant d’être pleinement légalisées par la loi Hamon. Elles sont aujourd’hui bien encadrées par le principe de loyauté que j’évoquais. Il ne me paraît donc pas nécessaire de voter une telle disposition.
L’amendement no 1655 est retiré.
L’article 11 ter est adopté.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 1845 , deuxième rectification, portant article additionnel après l’article 11 ter.
Cet amendement vise à mettre fin à l’inégalité qui existe entre la création et la reprise d’entreprise sur le plan fiscal.
Je rappelle que chaque année, environ 50 000 commerces ou services de proximité sont transmis. Ce chiffre est quasi équivalent à celui des créations d’entreprise.
Pourtant la reprise d’entreprise, de commerce notamment, ne bénéficie pas des avantages fiscaux dont bénéficie la création d’entreprises, tels que l’exonération de divers impôts directs, de la cotisation foncière ou de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Ainsi un commerce créé avant le 31 décembre 2014 dans une zone d’aide à finalité régionale peut bénéficier d’une exonération d’impôt sur les bénéfices, de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation foncière des entreprises. Ces exonérations d’impôts ne s’appliquent pas à la reprise d’entreprise lorsque celle-ci n’implique pas la création d’une nouvelle entreprise.
Nous vous proposons au travers de cet amendement d’étendre aux repreneurs d’entreprise le bénéfice des exonérations d’impôts accordées aux créateurs.
En votant cet amendement, nous enverrions un signal fort à un moment où trop d’entreprises de nos territoires ferment faute de repreneur. En effet il y a souvent moins d’intérêt à reprendre ces entreprises, souvent petites, qu’à en créer une nouvelle.
Avis défavorable. Une telle mesure mérite un débat plus approfondi, de préférence dans le cadre d’un projet de loi de finances. L’introduire dans ce texte serait un peu « cavalier », si j’ose ce mot. Nous ne disposons pas des éléments qui nous permettraient d’en évaluer l’impact.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je comprends votre préoccupation, madame Louwagie, mais, premièrement – et votre exposé des motifs le reconnaît « en creux » – il est tout de même plus risqué de créer une entreprise, et les bénéfices des premières années sont moindres qu’en cas de reprise d’une entreprise. C’est la première raison qui justifie le ciblage de ces exonérations. S’il faut sans doute envisager un dispositif adapté à certaines zones où la reprise est particulièrement compliquée, ce n’est pas la finalité du dispositif d’exonération dont vous proposez l’extension.
Deuxièmement, une telle extension aurait un coût budgétaire qui n’est pas prévu ici.
Votre souci, qui est aussi le mien, de favoriser la reprise d’entreprise en zone rurale ou dans des territoires qui souffrent de graves difficultés économiques ne peut trouver sa traduction que dans un autre type de dispositif. Nous allons y travailler, et je vous invite à retirer votre amendement.
Je remarque avec plaisir, monsieur le rapporteur, que vous n’avez pas d’objection de fond à notre amendement, même si vous jugez qu’il s’agit d’un cavalier.
J’ai entendu votre préoccupation, monsieur le ministre. Une telle mesure mériterait effectivement un travail approfondi en raison de son impact budgétaire, mais surtout parce qu’une entreprise qui ne trouve pas de repreneur, ce sont des salariés qui se retrouvent au chômage. Par ailleurs, revendre un petit commerce ou une petite entreprise artisanale peut être un moyen de se constituer un petit capital pour sa retraite.
C’est pourquoi, si je retire cet amendement, c’est dans la perspective qu’une telle disposition sera retenue dans le cadre d’un autre texte, un projet de loi de finances par exemple, et j’y serai très attentive.
L’amendement no 1845 , deuxième rectification est retiré.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 1846 rectifié .
Nous proposons par cet amendement qu’en cas de cession d’entreprise, le vendeur puisse différer le règlement de l’impôt dû au titre des plus-values jusqu’au moment où il reçoit effectivement la totalité du prix de cession.
Il s’agit là encore de favoriser la transmission d’entreprise en développant le crédit-vendeur, qui permet aux acquéreurs de boucler leur plan de financement. En effet, dans un tel dispositif, le cédant n’obtient pas immédiatement l’intégralité de la somme due par le cessionnaire ; en revanche il est soumis au paiement de l’impôt dans les conditions de droit commun.
Cet amendement prévoit donc qu’au cas où le paiement d’une partie du prix de cession est différé, l’imposition des plus-values professionnelles le soit également dans une certaine limite.
Mêmes observations que précédemment. Cette piste est très intéressante, et même pertinente. Elle mériterait d’être creusée, mais faute de pouvoir en mesurer l’impact budgétaire, la prudence me conduit à prononcer un avis défavorable.
La mesure que vous proposez viserait à décaler le recouvrement de l’imposition jusqu’à trois ans à compter de la cession de l’entreprise. Si nous partageons l’objectif que vous poursuivez, il reste le problème budgétaire que je viens d’évoquer et c’est pourquoi je vous propose que nous y travaillions dans la perspective de la prochaine loi de finances.
Par ailleurs, l’article 151 septies B du code général des impôts, que vous proposez de compléter, vise uniquement la cession de biens immobiliers puisqu’il prévoit un abattement en cas de plus-value de cession de biens immobiliers affectés à une exploitation professionnelle. Cette approche est trop restrictive au regard de l’objectif qui est le vôtre puisque c’est la transmission d’entreprise en général que vous voulez favoriser par cet amendement, comme au travers de l’amendement précédent.
Je vous invite donc à retirer cet amendement pour que nous puissions, avec mes services et ceux de Michel Sapin, travailler à de nouvelles propositions d’ici l’automne.
Je suis très sensible, monsieur le ministre, à votre volonté de donner la plus large extension à ma proposition dans le cadre d’un autre texte, car je crois que nous pourrons ainsi apporter une vraie réponse qui facilitera la transmission des entreprises.
L’amendement no 1846 rectifié est retiré.
La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement no 322 rectifié .
Le présent amendement tend à instaurer, en cas d’ouverture d’un nouveau compte bancaire, un service simple de transfert des opérations vers le nouveau compte par l’établissement gérant le compte initial, service qui s’inspire du suivi du courrier assuré par la Poste, établissement qui vous tient à coeur, monsieur le ministre. Ce dispositif s’inscrirait dans le prolongement des avancées de la loi consommation adoptée en mars 2014, qui rend obligatoire pour les banques l’aide à la mobilité bancaire.
Je comprends la réaction spontanée du rapporteur. Développer la portabilité est aussi un objectif du Gouvernement. Michel Sapin l’a défendu, et un rapport qui nous a été remis à la fin du mois de décembre souligne la nécessité de compléter le dispositif actuel.
Je vous demanderais cependant de retirer votre amendement en considération du fait que le comité consultatif du secteur financier est en train de travailler sur ce sujet de la mobilité bancaire et que nous comptons proposer un ensemble de mesures en ce sens.
L’amendement no 322 rectifié est adopté.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement no 1883 .
Je voudrais appeler votre attention sur la filière des pièces de rechange. Nous revenons vers vous, car pendant l’examen de la loi Hamon sur la consommation, Yannick Favennec avait soulevé cette difficulté. Vous savez qu’actuellement, les pièces de rechange, notamment sur les véhicules automobiles, sont protégées au titre des dessins et modèles et du droit d’auteur. Or, ce droit d’auteur ne bénéficie qu’aux constructeurs automobiles, ce qui nous place en situation de concurrence déloyale par rapport aux États voisins de la France, en particulier au sein de l’Union européenne. Cela crée une vraie difficulté pour développer des filières chez les équipementiers automobiles.
Il y a eu d’ailleurs un avis de l’Autorité de la concurrence, en date du 8 octobre 2012, estimant que cette exception posait un problème : prévue par le droit français de la propriété intellectuelle, elle engendre des distorsions de concurrence et des freins au développement de véritables filières.
Je me permets d’insister sur ce sujet. Cela fait plusieurs mois que nous n’arrivons pas à le régler et deux ans que l’Autorité de la concurrence s’est prononcée. Cet amendement a été retravaillé, en préparant ce texte, avec les services du ministère, mais nous n’avons pas pu aboutir : il faudrait vraiment pouvoir donner l’impulsion nécessaire pour que cette distorsion de concurrence n’existe plus. Les Italiens sont très performants, les Anglais le sont également. Ce sont des emplois que nous perdons à chaque fois.
Comme l’a dit M. le président Vigier, c’est un problème bien connu. Je pense qu’il y a deux sujets à traiter différemment : l’automobile et l’aéronautique. Les filières ne sont pas dans la même situation et modifier la loi créerait une ouverture importante dans la protection de la propriété intellectuelle, alors que notre économie, de plus en plus fondée sur la connaissance, doit pouvoir plutôt bénéficier de protections.
Ensuite, la situation n’est pas tout à fait satisfaisante dans le secteur automobile, je le reconnais pleinement ici. Nous avons regardé : contrairement à ce qui a été trop souvent dit, les études d’impact ont été faites, les conséquences de ce qui est proposé dans ce projet de loi ont été évaluées, et en l’espèce, les risques inhérents à une ouverture telle que vous la proposez, sur la filière automobile, sont trop importants pour aller en ce sens à ce stade.
Je vous parle de manière très transparente. Nous avons réfléchi à ce sujet. J’ai de la sympathie intellectuelle pour l’amendement que vous défendez…
… mais les conséquences concrètes ne rendent pas raisonnable son adoption, au regard de la situation économique de la filière. C’est pourquoi j’émettrai un avis défavorable, après avoir regardé de près le sujet et avoir mesuré toutes les conséquences de cette mesure.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Je vous donne ma réponse. Cela ne va pas changer dans les six mois. Cela vient en prémisse d’une discussion qui va venir, monsieur le député Poisson. Nous avons bien mesuré les conséquences de ce que nous faisons.
Il y a des endroits où l’ouverture a des conséquences qui ont été vues précisément et qui seraient réellement nuisibles à l’activité économique, ce qui n’est pas le cas dans d’autres professions, quoi qu’elles en disent, ou quoi qu’on puisse en dire. Cela donne d’autant plus de force à ma résolution de défendre d’autres mesures.
C’est un sujet sur lequel la commission des affaires économiques a beaucoup travaillé. Le design est l’une des forces de l’économie de notre pays, dans beaucoup de domaines : pas seulement dans l’industrie du luxe, mais aussi dans l’industrie automobile. Je pense que nous ne devons rien céder sur le terrain de la propriété intellectuelle. Des pans entiers de notre économie dépendent de notre capacité créatrice. J’appelle à la plus grande prudence sur ce sujet, y compris M. le ministre.
Je voudrais dire au président Brottes qu’il y a un grand équipementier automobile dans ma circonscription : Total-Hutchinson. Nous fabriquons des pièces de rechange pour Ford, pour BMW. Si demain les autres pays de l’Union procédaient à une telle fermeture des marchés, ces constructeurs-là appliquant les mêmes règles qu’en France, les pertes de part de marché seraient considérables. Si vous avez des doutes, je vous invite à rencontrer les professionnels quand vous voulez.
Sourires.
L’amendement no 1883 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement no 1955 .
Par cet amendement, suite aux ouvertures faites en commission spéciale, nous proposons d’encadrer davantage la construction de nouvelles grandes surfaces sur des terres agricoles, naturelles ou cultivables, en conférant le pouvoir d’émettre un avis systématique et contraignant aux commissions départementales de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers. Actuellement, c’est le préfet qui décide.
En effet, les hypermarchés et grandes surfaces en périphérie des villes ont vécu. Ce modèle est destructeur pour les commerces et les emplois en centre-ville, les sols et les paysages.
Il vrai, comme vous nous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le ministre, qu’il y a déjà une réglementation et une législation sur ce sujet, mais force est de constater que ça ne fonctionne pas. Ce n’est pas efficace et la Cour des comptes…
… en octobre dernier l’a rappelé, en soulignant l’urgence d’agir et les insuffisances des politiques menées pour lutter contre l’artificialisation des sols.
Quand les règles ne sont pas bonnes, il faut les changer : c’est ce que nous vous proposons par cet amendement.
Avis défavorable, parce que cet amendement est excessif dans son caractère général. Il peut y avoir des situations locales dans lesquelles, malheureusement, on ne peut développer la ville que sur quelques terres arables, même en étant précautionneux.
J’ajoute que les pouvoirs de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ont été considérablement accrus par la loi d’avenir agricole ; en particulier, elle donne un avis conforme quand il s’agit de terres susceptibles d’accueillir des AOC.
Nous pensons qu’il y a un équilibre à tester avant d’aller plus loin dans la coercition.
J’ai déjà développé mon argumentation tout à l’heure, puisque cet amendement est voisin de celui présenté par M. Aubert.
Sous votre contrôle, la Cour des comptes ne vise pas que l’urbanisme commercial. Les principales causes d’artificialisation des sols qu’elle dénonce vont bien au-delà. C’est pourquoi la mesure nous semble disproportionnée.
Je maintiens donc l’avis défavorable prononcé tout à l’heure, en le complétant par cette précision.
Je ne peux pas laisser passer le plaisir de soutenir cet amendement présenté par Mme Pompili, avec néanmoins un regret.
Vous dites qu’il est excessif, mais je constate que vous ne présentez pas de proposition alternative. Il y a des points de diagnostic sur lesquels nous sommes d’accord : nous sommes d’accord qu’il y a eu un grignotage des terres, nous sommes d’accord qu’il y a eu une explosion des constructions de zones commerciales, nous sommes d’accord que dans certains endroits, il y a une vraie pression sur le sol. Nous sommes également convaincus que laisser agir la concurrence, malgré tous les filtres mis en place, se traduit par la pression qui s’exerce sur les maires et les élus locaux, avec ce célèbre argument : « La commune d’à côté va autoriser l’hypermarché, si nous ne le faisons pas les premiers, toute la valeur marchande va se déporter et nous perdrons de la richesse. »
Cette concurrence malsaine entre les territoires fait de l’environnement sa première victime.
De la part d’un Gouvernement qui a défendu la transition énergétique et qui a fait de l’environnement l’une de ses grandes batailles, je conçois que vous ne soyez pas d’accord avec un dispositif peut-être excessif, mais dans ce cas, j’ai envie de vous demander : que proposez-vous en échange ?
Le temps passe. Attendons-nous que dans dix ans, un rapport de la Cour des comptes, excellente source par ailleurs, constate que la situation s’est aggravée ?
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
L’amendement no 1955 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement no 1956 rectifié .
Ceci est ce qu’on appelle un amendement de repli : plutôt que de demander un avis contraignant, il demande un avis simple de la commission départementale.
Avis défavorable. On ne voit pas pourquoi cela ne concernerait que les commerces. Les terres arables étant précieuses, les conserver et les protéger me semble devoir s’étendre à toutes les activités humaines. Pour les AOC, un avis conforme est demandé.
Pour le reste, monsieur Aubert, vous nous demandiez ce que nous faisons. Je vous rappelle quand même que la commission départementale de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers se prononce systématiquement sur les PLU et sur les SCOT. Ses prescriptions sont très importantes pour la rédaction des documents d’urbanisme et elles sont surveillées de très près par les organismes agricoles.
Nous avons déjà des mécanismes très précautionneux pour les terres arables. Et vous avez oublié, tout de même, un élément important : la population française augmente, et elle augmente de façon différentielle selon les régions.
Il n’est pas toujours possible d’appliquer des mesures aussi systématiques que celles qui sont proposées. Dans mon département, nous créons tous les ans une ville de 15 000 habitants. Avis défavorable.
L’amendement no 1956 rectifié , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La loi sur la consommation et ce projet ont deux points communs importants, qui sont la lutte contre la rente et la défense du consommateur.
Nous abordons un point particulier : l’enjeu des prestations d’appareillage de l’ouïe, d’optique et de lunetterie. Vous le savez, une logique sous-tendant notre politique de santé, visant notamment au plafonnement des remboursements par les complémentaires, portait directement sur ce type d’appareillages.
Pour revenir aux conclusions de la Cour des comptes, l’année dernière…
…elles insistaient sur la nécessaire connaissance par le régulateur des prix réels pratiqués et sur la qualité des produits pris en charge, qui doivent répondre non seulement aux normes en vigueur, mais aux attentes en matière de service médical. C’est ce qui m’a conduit à déposer cet amendement.
Il vise à spécifier précisément qu’avant la vente, il y aura un devis normé sur ce type d’appareillages, devis qui sera disponible pour l’usager, le patient, afin de connaître ce que sont véritablement les prix. On sait en effet qu’à chaque étape du processus, la rente engrangée est assez importante et qu’une opacité totale règne sur les tarifs. Or, dans une logique de plafonnement des remboursements, il ne faudrait pas que, par un effet de ciseaux, nous constations une baisse de la qualité des prestations, avec des produits au rabais et le maintien des prix : la première victime en serait le patient, le consommateur, et la seconde, le réseau de soins qui, mal informé de la qualité des produits et des prix, se trouverait en situation de rembourser uniformément, malgré des différences de qualité, des appareillages dont le prix total serait identique.
Bref, la défense du consommateur motive mon amendement. C’était aussi le cas sur d’autres textes ou en d’autres points de ce projet, y compris – à bon entendeur, salut – lorsque j’ai visé la grande distribution en déposant aujourd’hui même les amendements qui n’ont pas été acceptés, avec ma collègue Annick Le Loch, au sujet d’un certain nombre de normes et de clauses abusives dans les contrats de renégociation. Mais nous aurons l’occasion d’en rediscuter.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement no 3198 .
Ce sous-amendement de précision vise à spécifier les dispositifs médicaux qui sont pris en charge par l’assurance maladie pour bien définir le périmètre de la proposition de M. le député Hammadi – qui est importante, améliore la transparence, constitue une étape complémentaire par rapport à ce qui a été fait dans la loi dite Hamon, et sera prolongée dans le cadre de la loi de santé, qui sera examinée dans quelques semaines, où nous pourrons aller encore plus loin en matière de transparence pour nombre de ces dispositifs.
La commission avait émis un avis défavorable, notamment parce que cet amendement aurait pu prendre place plus aisément dans la future loi de santé.
Toutefois, nous sommes bien dans le champ de la consommation et, compte tenu des arguments qui viennent d’être exposés par M. Hammadi et du sous-amendement du Gouvernement, qui précisent que sont visés les dispositifs médicaux remboursables par la Sécurité sociale, j’émets à titre personnel un avis favorable à son adoption.
Je soutiens le point de vue du rapporteur. Il est vrai que les arguments développés témoignent de ce que M. Hammadi n’a pas seulement une bonne compréhension du monde de la distribution, mais aussi du monde des consommateurs, engagement que je tenais à saluer.
Le sous-amendement no 3198 est adopté.
L’amendement no 1064 , sous-amendé, est adopté.
La séance, suspendue à vingt-trois heures trente, est reprise à vingt-trois heures cinquante.
La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général, pour soutenir l’amendement no 2291 .
Cet amendement vise à tirer la conséquence de l’insertion de la disposition contenue dans cet article à l’article 10 ter, pour des raisons rédactionnelles. La commission y a donné un avis favorable.
L’amendement no 2291 , accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 11 quater est supprimé.
Article 11
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 2945 deuxième rectification.
Cet amendement vise à autoriser le maintien de délais de paiement dérogatoires en faveur des secteurs à saisonnalité particulièrement marquée. Plusieurs d’entre vous avaient évoqué ce sujet en commission spéciale. Il s’agit d’ajuster la rédaction de l’article L. 441-6 du code de commerce et de l’article 121 de la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives pour parfaire la transposition de la directive européenne sur les délais de paiement.
La commission spéciale a adopté un article 11 quinquies qui permet aux secteurs fortement saisonniers de continuer à bénéficier de délais de paiement plus longs. Le Gouvernement partage cet objectif, mais le texte prévoit un retour aux délais appliqués en 2011, ce qui est incompatible avec l’objectif général de réduction des délais de paiement que s’est fixé le Gouvernement. C’est pourquoi nous proposons de fixer un plafond transversal à quatre-vingt-dix jours et d’insérer ces dispositions dans le code de commerce, pour pouvoir en contrôler le respect, et éventuellement sanctionner les retards abusifs.
C’est sous l’impulsion, en particulier, de nos collègues Bernard Gérard et Martial Saddier que cette disposition avait été discutée en commission spéciale. Dans la mesure où cet amendement fait droit à leur demande d’aménager les délais pour les secteurs saisonniers, le groupe UMP votera l’amendement du Gouvernement.
L’amendement no 2945 deuxième rectification est adopté et l’article 11 quinquies est ainsi rédigé.
L’objet du présent amendement est d’offrir la possibilité aux opérateurs agréés en France d’ouvrir leurs tables de poker à des joueurs inscrits auprès d’opérateurs opérant légalement dans un autre État membre de l’Union européenne.
L’ouverture des tables de poker à l’international, à condition qu’elle soit strictement encadrée, favoriserait ainsi l’offre légale du poker en ligne au détriment de l’offre illégale, tout en permettant de réguler et de fiscaliser une partie du marché qui échappe à ce jour à tout contrôle.
On notera notamment, à cet égard, que l’adoption à venir d’une quatrième directive anti-blanchiment, visant à modifier la directive 200560CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, devrait permettre de garantir, dans les États concernés par la présente mesure, l’équivalence et la fiabilité des conditions de contrôle en matière de blanchiment.
Cet amendement est favorable à la croissance et à l’activité, objet du projet de loi.
Je souhaite faire un rappel au règlement sur la base de l’article 58, alinéa 1 de notre règlement.
J’aimerais savoir pourquoi nous n’avons pas examiné le sous-amendement no 3178 rectifié du rapporteur à l’amendement no 2945 deuxième rectification du Gouvernement, qui a été adopté à l’article 11 quinquies.
Je l’ignorais, monsieur le rapporteur. Je vous remercie de votre réponse et vous prie de m’excuser.
Je vous demanderai de retirer cet amendement, monsieur Cinieri, même si je partage votre volonté de travailler sur ce sujet.
Comme je l’ai déjà dit tout à l’heure, nous sommes en train, avec l’Autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL, qui est l’autorité compétente sur ces questions, d’y travailler en vue du projet de loi numérique. C’est dans cette perspective, plutôt que dans une approche sectorielle, que nous voulons traiter ce sujet. Je vous demanderai donc de retirer votre amendement, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.
Monsieur le ministre, cet amendement émanant de notre collègue Damien Abad, je ne peux pas le retirer.
L’amendement no 1658 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement no 1253 .
Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai en même temps l’amendement no 1252 , puisque ces deux amendements sont de même nature, l’un traitant des assurances et l’autre des banques. Ils nous tiennent particulièrement à coeur, notamment à mon collègue Éric Alauzet.
Notre assemblée a adopté en juin 2014 une loi relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance-vie en déshérence, une loi chère au secrétaire d’État chargé du budget, puisqu’il en a été l’initiateur lorsqu’il était rapporteur général de la commission des finances. Cette loi intègre des dispositions importantes, notamment en obligeant les banques et les compagnies d’assurances à interroger le répertoire national d’identification des personnes physiques, afin de vérifier si les personnes sont décédées et s’il faut, dans ce cas, activer la résolution des contrats et le transfert des actifs aux héritiers.
Néanmoins, il est vraisemblable que cette démarche ne soit pas aussi efficace que nous l’espérions. Afin d’améliorer la collecte d’informations, dans l’intérêt des ménages comme dans celui de l’État, ces deux amendements proposent donc d’inscrire dans la loi un délai, au terme duquel une compagnie d’assurances, pour le premier, une banque, pour le second, aura obligation de se faire communiquer la déclaration de succession ou la dévolution successorale, afin de connaître les noms et coordonnées des bénéficiaires du ou des contrats et comptes.
Cette disposition serait bénéfique aux finances publiques, qui pourraient bénéficier d’une recette correspondant à 60 % des sommes concernées lorsqu’il s’agit de parents éloignés ; à l’économie, puisque cela permettrait de libérer l’épargne correspondante ; aux institutions financières, enfin, qui pourraient bénéficier du réinvestissement de ces sommes dans un contexte de sécurité juridique.
La commission propose que ces deux amendements soient retirés, considérant qu’ils sont satisfaits par l’article 8 de la loi du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance-vie en déshérence, et qu’en conséquence, cette disposition devant entrer en vigueur le 1er janvier 2016, il n’y a pas lieu de la dédoubler dans la présente loi.
Les amendements ici proposés soulèvent plutôt des problèmes d’effectivité. Nous avons eu l’occasion d’en parler en commission spéciale, et je ne suis pas très heureux que nous n’ayons pas réussi à progresser depuis. Je m’en veux et j’ai bien conscience de ma propre inefficacité.
Les amendements tels qu’ils sont rédigés posent tout d’abord des problèmes de séquençage. Le dépôt de la déclaration de succession par les héritiers auprès du centre des finances publiques du domicile du défunt intervient dans les six mois suivant le décès, mais il n’est pas exclu que l’établissement s’adresse aux services fiscaux avant que ceux-ci ne disposent de l’information sollicitée.
Par ailleurs, cette disposition implique que l’établissement bancaire ait effectivement connaissance du centre des finances publiques dont dépendait son client défunt. À défaut, il reviendra au centre des finances publiques auquel la demande a été adressée de retrouver le service compétent.
En disant cela, on ne vous a pas proposé mieux.
Je vous rends grâce de la chose, et je trouve que nous n’avons pas été bons. Remédier à ces difficultés nécessiterait de compléter et d’alourdir la procédure, en prévoyant notamment les délais dans lesquels devrait intervenir cette nouvelle formalité, et en organisant plus avant cette procédure pour le traitement de cette demande par l’administration fiscale.
Ce que vous proposez n’avait pas été retenu au moment de la loi dite Eckert. On constate une grande réticence des acteurs du secteur à aller en ce sens, et je trouve que notre propre administration est également trop réticente. Nous n’avons donc pas réussi à faire bouger les choses. Je le dis en toute honnêteté, comme je l’ai fait en commission spéciale, il n’est pas normal que nous n’arrivions pas, collectivement, à avancer et à aller plus loin.
L’amendement que vous proposez n’est pas satisfaisant, et en même temps, les arguments que je vous oppose sont en quelque sorte nos propres turpitudes.
J’émettrai donc un avis défavorable, honteux, mais défavorable quand même.
Sourires.
Nous connaissions l’avis défavorable, l’avis très défavorable, voilà l’avis défavorable honteux !
J’entends bien votre honte, monsieur le ministre, et je la partage : lorsque l’on fait des lois sans arriver à les rendre effectives, c’est tout de même ennuyeux ! J’aimerais donc avoir une perspective qui nous permette d’avancer tous ensemble sur le sujet. Tant que je n’aurai pas cette perspective, je ne peux retirer ces amendements, mais je souhaite vivement que nous aboutissions !
Devant l’intérêt transi de M. le ministre, on pourrait être favorable à vos amendements, madame Pompili.
Sourires.
L’amendement no 2868 est repris par la commission. La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général, pour le soutenir.
Cet amendement a été déposé par M. Joël Giraud, et il a reçu un avis favorable de la commission. Il tend à pérenniser l’expérimentation de l’affichage du double prix. L’article 4 de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation autorisait pour certains produits, à titre expérimental et jusqu’en 2017, un double affichage des prix : prix de vente et prix d’usage. Le prix d’usage est défini comme la valeur marchande associée à l’usage du service rendu par un bien meuble, et non à la propriété de ce bien.
Favorable.
Cet amendement mérite que l’on s’y arrête une minute. En mars 2014, le Parlement a voté une mesure d’expérimentation, puis vous expliquez que ce secteur est paralysé du fait du grand nombre d’initiatives sur ce sujet et qu’en conséquence, on abroge l’expérimentation pour faire figurer cette mesure dans le « dur » de la loi – autrement dit, il ne s’agit plus d’une expérimentation.
Un an, c’est tout de même court pour estimer qu’une expérimentation est concluante. Généralement, les expérimentations sont plus longues, à moins que vous ne tiriez très rapidement les conséquences de celle-ci, qui a été décidée en mars 2014. N’est-ce pas aller un peu vite en besogne ?
L’objet de cet amendement est de pérenniser l’expérimentation de l’affichage du double prix. Chargé d’une mission sur ce sujet, le Conseil national de la consommation a conclu que cette expérimentation ne pouvait pour l’heure être lancée, et a donc appelé à la pérennisation de la mesure.
Ce n’est pas très clair à la lecture de l’exposé sommaire. Il est écrit : « En effet, à l’issue de ces travaux, étant apparu que les modèles économiques en vigueur ne permettent pas encore la mise en oeuvre de cette expérimentation, les membres du groupe ont, à l’unanimité, souhaité pérenniser cette disposition. » Êtes-vous sûrs que c’est bien l’expérimentation que vous voulez pérenniser ? Dans ma première intervention, je vous demandais si l’on arrêtait l’expérimentation pour pérenniser définitivement la mesure. Est-ce bien l’expérimentation que l’on pérennise ?
L’amendement no 2868 est adopté.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et les sous-amendements ?
Avis favorable.
Je suis allé voir le site internet du collectif Georgette Sand, qui est à l’initiative de cet amendement. Il utilise un vocabulaire assez marqué, et pas toujours français – d’où les sous-amendements, qui ont été proposés pour rectifier ceci. Néanmoins, je ne discerne pas la plus-value de l’amendement. On nous explique qu’une enquête est menée, et vous voulez voter au Parlement un rapport supplémentaire pour aller plus loin. Quelle est la plus-value par rapport à l’enquête qui a été décidée par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ? Quels seront la portée et le périmètre de cette disposition, et en quoi ce rapport au Parlement sera-t-il utile ?
Le Gouvernement est souvent plus disert. Nous avions proposé toute une série de rapports, mais on nous a expliqué qu’il fallait arrêter d’encombrer l’administration. Ici, on semble en acter un sans discussion. Je voudrais savoir quelle est sa plus-value.
L’amendement no 2237 , sous-amendé, est adopté.
Fondé, madame la présidente, sur l’article 58 alinéa 1 de notre règlement. L’article 55 alinéa 6 prévoit que lorsque le débat est organisé selon la procédure du temps programmé et que le Gouvernement ou la commission déposent un amendement hors délai, un président de groupe ou son représentant a la faculté de demander un temps supplémentaire pour discuter de l’article.
Or il semble que l’amendement no 3201 de la commission ait été déposé hors des délais prévus pour les parlementaires. Par conséquent, je demande que notre groupe bénéficie d’un temps supplémentaire sur l’article 12.
Madame la présidente, il s’agit exactement du même rappel au règlement que mon collègue Jean-Frédéric Poisson. En vertu de l’article 55 alinéa 6 de notre règlement, cet amendement déposé hors délai permettra à chacun des groupes de disposer de dix minutes supplémentaires.
Ce rappel au règlement est fondé sur l’article 58 alinéa 1. Tout d’abord, je déplore que la véritable course contre la montre que le Gouvernement impose à notre assemblée sur ce texte nous amène, ce samedi à minuit dix, à entamer la discussion d’un chapitre extrêmement important de ce projet de loi. Cette pratique est tout à fait contraire à l’esprit qui a présidé il y a quelques semaines à la modification de notre règlement. Dans une dizaine de jours, un débat est prévu à l’initiative du groupe RRDP sur l’amélioration des relations entre le Gouvernement et le Parlement : nous aurons à l’évidence beaucoup de choses à nous dire.
Ma deuxième remarque est tout aussi importante. Cette discussion sur les conditions d’exercice des professions juridiques réglementées va s’engager dans l’hémicycle en l’absence de Mme la garde des sceaux. Elle a été absente pendant les travaux de la commission spéciale – c’était paraît-il une décision du Premier ministre que seul le ministre de l’économie représenterait le Gouvernement sur l’ensemble du texte. Je me souviens que le président Brottes nous avait alors indiqué que Mme la garde des sceaux serait présente dans l’hémicycle à l’occasion de la discussion de ce chapitre.
La garde des sceaux est effectivement venue lundi dernier, avec le ministre du travail, tout au début de la présentation de ce projet de loi. Elle a tenu un propos intéressant et général sur le projet, mais elle n’est évidemment pas entrée dans les détails. Pour chacun des articles qui composent ce chapitre, sa présence serait fort utile pour que nous puissions discuter avec elle du détail des différentes dispositions qui nous sont proposées.
Vous l’avez compris, madame la présidente, j’interviens à la fois pour regretter les conditions dans lesquelles nous travaillons et pour souhaiter, si c’est encore possible, que Mme la garde des sceaux puisse nous rejoindre pour la discussion de ce chapitre.
Je précise que le Gouvernement ayant en effet déposé un amendement après l’expiration du délai opposable aux députés, un temps supplémentaire est attribué à chaque groupe. Il est de dix minutes par groupe, et de deux minutes pour l’ensemble des députés non-inscrits.
De nombreux orateurs sont inscrits sur l’article 12. La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général.
Les deux chapitres qui vont nous occuper et qui représentent une dizaine d’articles portent sur la modernisation des professions réglementées. Cet enjeu a fait l’objet d’un long processus de concertation et d’études depuis plusieurs mois.
Je voudrais rappeler tout d’abord le rapport de l’inspection générale des finances, commandé par le ministre en charge en 2013, que M. le ministre Emmanuel Macron a rendu public en septembre 2014. Par la suite, j’ai eu l’honneur de lui remettre un rapport au mois de novembre dernier, ce qui a permis de mener un grand nombre d’auditions et d’avoir des échanges extrêmement approfondis avec les professions concernées. Dans le même temps, une mission d’information était conduite par Mme Cécile Untermaier et M. Philippe Houillon à l’initiative de la commission des lois. Naturellement, à cette occasion également, l’ensemble des professionnels concernés ont pu être auditionnés et entendus sur leurs propositions et leur vision de l’avenir des professions qu’ils représentaient.
Enfin, l’étude du projet de loi déposé par le Gouvernement a été aussi l’occasion de très nombreuses auditions de l’ensemble des professionnels concernés.
Je tiens à rappeler qu’à côté de ces moments d’échanges et d’écoute, le Gouvernement lui-même – le ministre de l’économie, personnellement – a eu l’occasion d’organiser une série de réunions et de rencontres qui ont permis là aussi, en lien avec la Chancellerie, d’approfondir les différents débats mis sur la table. Certains se souviennent des premières ébauches de projet de loi qui ont circulé ici ou là – non que cela fût souhaité, mais ce fut ainsi – et qui ont donné à toutes les parties prenantes l’occasion de s’exprimer.
Cette concertation avec les professions a donc bien eu lieu. Cependant, il faut savoir se dire les choses : s’il faut dialoguer, s’il faut s’écouter, écouter ne signifie pas obéir.
Aujourd’hui, le projet de loi issu des travaux de la commission poursuit un objectif central, un objectif précis – favoriser l’installation de nouveaux professionnels – que le régime actuel qui préside à l’installation d’officiers publics ministériels ne satisfait pas. L’enjeu premier est donc de développer cette liberté d’installation, de sortir de ce système de cogestion qui contingente la capacité des uns et des autres à se mettre à leur compte, alors même qu’ils ont les compétences et les qualités requises pour le faire. L’objectif de ce texte est de donner une perspective à la jeunesse et, dans la foulée, une nouvelle jeunesse à ces professions.
Toutefois, parallèlement à cette volonté, la liberté d’installation dont il est question sera régulée. Nous examinerons les modalités de cette régulation dans le détail. Les territoires seront cartographiés, le choix du lieu d’installation sera ouvert, mais en même temps, afin de ne pas fragiliser ce qui existe aujourd’hui, le garde des sceaux, qui donnera in fine son autorisation, pourra, le cas échéant, s’opposer à telle ou telle installation si d’aventure celle-ci venait à mettre en péril la continuité de l’exploitation d’études ou de cabinets d’officiers publics ministériels en activité.
De la même manière, l’ambition de ces dix articles et de ces deux chapitres est de permettre le développement de l’interprofessionalité, ce qui est également une véritable innovation à bien des égards. Lorsque ces professionnels l’auront eux-mêmes choisi, ils pourront offrir des services de nature différente en se regroupant.
Une autre mesure importante résultant des diagnostics que nous avons établis est le rebasage de la définition des prix et des tarifs appliqués. Tout le monde sait ici que les tarifs pratiqués ne sont bien souvent pas révisés depuis plusieurs décennies. Au fond, tout le monde s’était accommodé d’un système de régulation silencieuse et cogérée, dans lequel un certain nombre de tarifs étaient totalement déconnectés des coûts, que ce soit d’ailleurs à la baisse ou à la hausse. Pendant plusieurs décennies, on a laissé s’opérer une sorte de péréquation interne, dont les différents travaux que nous avons menés ont mis en lumière le caractère aujourd’hui déséquilibré. Un rebasage de l’ensemble des tarifs pratiqués devra donc être décidé.
De même, il conviendra de distinguer les prestations qui relèveront toujours de tarifs fixes – j’ai envie de dire « réglementés » –, celles auxquelles s’appliqueront des tarifs proportionnels, et celles qui donneront lieu à des péréquations, ces dernières étant horizontales et pas simplement internes à la profession.
Lorsque le Parlement aura approuvé ces différentes orientations, l’ensemble de ces dispositions aboutira à plus de liberté et à moins de cooptation, à plus de liberté d’association et à moins de rigidité, à plus de liberté de mobilité, et ceci, évidemment, avec l’obsession de garantir la sécurité juridique et un maillage convenable de notre territoire. Là encore, réformer n’est pas casser, contrairement à ce qu’on a pu entendre ces derniers temps.
Face à cette volonté de réforme, nous avons pu constater des réactions contrastées au sein des différentes professions. Aussi vrai que les huissiers de justice, les commissaires-priseurs judiciaires, les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires se sont montrés conscients des nécessités de faire évoluer un certain nombre de professions, des résistances plus fortes ont été rencontrées, notamment chez les professionnels du notariat. Là aussi, on a observé des contrastes : de nombreux notaires, parfaitement conscients des enjeux propres à leur profession et de la nécessité d’évoluer, ont marqué leur intérêt pour le sens de la réforme, tandis que d’autres ont manifesté leur opposition au projet du Gouvernement, parfois avec une véhémence totalement inappropriée.
Souvenez-vous : dans le cadre de la liberté d’expression, en effet, on nous a d’abord fait le coup de l’insécurité juridique. Rappelez-vous ces spots publicitaires diffusés à la télévision où l’on voyait des Françaises et des Français qui rentraient chez eux et qui, soudain, voyaient leur maison habitée par d’autres, parce qu’en raison de l’affreuse réforme Macron, un acte sans doute établi à la va-vite les avait spontanément dépossédés de leur propriété. Certes, il s’agit là de la liberté d’expression, jusqu’à la caricature.
Ensuite, on nous a expliqué qu’après les déserts médicaux, voilà qu’allaient venir les déserts juridiques.
Ceux qui déplorent aujourd’hui l’existence de déserts médicaux sont les mêmes qui, lorsque l’on parle de réguler l’installation des médecins, hurlent au sacrilège au motif qu’il ne faut pas toucher à la liberté des professions libérales. Enfin, nous ne sommes pas à un paradoxe près, et personne n’a le monopole du paradoxe.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Quant au maillage territorial, aujourd’hui satisfaisant, il ne sera nullement atteint, précisément parce que les choses seront cartographiées, par la liberté d’installation que nous attendons de consentir à celles et ceux qui ne demandent qu’à se mettre à leur compte et à rendre des services comme d’autres le font.
Nous le savons tous : au cours de la dernière décennie, le nombre de transactions n’a cessé de croître, en volume comme en valeur, alors que le nombre de professionnels n’a cessé de diminuer.
Il y a eu des épisodes intermédiaires sur lesquels je reviendrai, monsieur Aubert.
…a été l’annonce de l’apocalypse pour l’emploi dans l’ensemble des études.
La situation a été analysée en détail, puisque nous avons bénéficié d’une évaluation par circonscription du plan social que suscitera la mise en oeuvre de cette loi dans les études. On nous a expliqué par avance que déverrouiller une profession, faciliter l’installation, allait inéluctablement déboucher sur des plans de licenciements massifs.
Dans l’expression publique, il y a eu des manifestations – il s’agit d’une liberté constitutionnelle naturellement garantie à toutes et à tous, au point d’ailleurs que des intermittents du spectacle avaient été conviés à s’associer à l’effort collectif. En outre, on a pu voir des pages de publicité dans la presse quotidienne nationale et régionale…
…pour expliquer, au-delà des spots télévisés, à quoi cette réforme pourrait conduire. Là encore, le sens de la mesure des opposants à la réforme contrastait avec la rigueur professionnelle que nous reconnaissons tous à l’ensemble de ces grands professionnels du droit qui constituent, dans notre modèle français, une fierté collective.
Comme si cela ne suffisait pas, il y eut ensuite des modèles de lettres que chaque professionnel pouvait adresser à ses propres clients, au maire de sa commune, avec une motion pré-écrite visant précisément à appeler l’attention du Parlement.
Enfin, toujours dans le cadre de la liberté d’expression chère à toutes et à tous, il y eut des envois massifs de courriels et de projets d’amendements. Nous pourrons constater que nous retrouvons ces éléments, à la faute d’orthographe près, dans de très nombreux amendements déposés par les membres de notre assemblée.
Une fois encore, ce débat vise un seul objectif : aérer l’accès à ces professions, permettre et faciliter l’exercice de ces métiers par des jeunes qui peuvent tout à fait y prétendre. Nous nous attacherons à démontrer que cette réforme est utile, comme cela a été acté en commission, nécessaire, pertinente et cohérente avec l’ensemble des points que nous avons déjà abordés et de ceux que nous aborderons après avoir traité ces deux chapitres. Au sortir de la commission, nous sommes très fortement déterminés à porter l’ouverture,…
…à oeuvrer pour que les uns et les autres aient la possibilité d’exercer des professions aujourd’hui interdites…
…par le verrouillage consenti, depuis un certain nombre d’années, tant par les pouvoirs publics que par la profession.
Sourires sur les bancs du groupe UMP.
Non, monsieur Aubert, il ne s’agit pas du tout d’utiliser cette emphase, ni d’estimer qu’on passerait de l’ombre à la lumière. Il s’agit simplement de dire que l’on a le droit de préférer l’égalité républicaine du vingt et unième siècle à ce que fut la sécurité dynastique…
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur général, madame la rapporteure, chers collègues, je rejoins évidemment les propos tenus tout à l’heure par notre collègue Marc Dolez. C’est sans doute une heure pour travailler dans cet hémicycle – ce n’est pas la première fois –,…
…mais était-ce le moment adapté pour entamer des discussions aussi lourdes, aussi pesantes, aussi graves ? Sans doute que non. Je joins à ceux du groupe GDR, représenté ici par notre collègue Dolez, les protestations et l’étonnement réitérés du groupe UMP devant les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte dans l’hémicycle. Comme nous l’avons souligné au début de la discussion de ce texte en séance publique, nous verrons bien que le choix de recourir au temps législatif programmé, opéré par un ou plusieurs groupes de la majorité, va se fracasser sur la réalité de nos échanges ici même.
Cela étant, vous avez, monsieur le rapporteur général, fait de ce projet de loi une présentation quelque peu différente de l’appréciation majoritaire que mon groupe en a. Je passe sur la liberté d’installation : plusieurs de mes collègues entreront davantage dans le détail lors de la discussion des amendements. Je retiens toutefois des travaux en commission que l’installation est libre, sauf quand elle est interdite, et que l’on peut s’installer partout, hormis là où ce n’est pas autorisé. Convenez qu’il existe des modèles de liberté plus souples !
On pourrait en dire autant des tarifs raisonnables, de la rémunération pertinente et de plusieurs autres notions qui, lorsqu’elles ne sont pas précisément l’inverse du discours que l’on tient, sont si floues que je me demande bien comment pourra s’écrire sereinement le décret les précisant. Restent encore, pêle-mêle, la question de la concertation – interrogées, les professions ne tiennent guère le même discours que vous, monsieur le rapporteur général – et celle du risque, bien réel, d’apparition de déserts juridiques, ou encore les questions que nous avons soulevées lors de la discussion générale concernant les effets de concentration, tant sur le plan capitalistique que sur le plan juridique.
Quoi qu’il en soit, monsieur le rapporteur général, nous lisons les quatorze articles que nous abordons maintenant en lien avec l’article 22. Je vais interpeller M. le ministre pour la troisième fois sur ce point, car je ne vois rien pour nous démentir : en réalité, il se profile un entrebâillement qui est la cause de notre désaccord. En faisant entrer le ministre de l’économie, si honorable soit-il,…
…et l’Autorité de la concurrence dans un ensemble de professions qui, jusqu’à présent, se tenaient purement et simplement à l’écart d’une logique de marché, nous prétendons que vous ouvrez la porte à une forme de marchandisation de services qui ne doivent pas s’y soumettre.
Vous me répondrez, monsieur le ministre, que la porte n’est pas grand’ ouverte. Je conviens qu’avec tous les garde-fous que vous avez essayé d’instaurer, la porte, en effet, pourrait n’être qu’entrebâillée. Cependant, depuis ce grand logicien qu’était Aristote, chacun sait qu’une porte doit être ouverte ou fermée ! En l’occurrence, vous l’avez ouverte. C’est le principal reproche que nous avons à vous faire.
À cause de cette question de principe, vous êtes en effet obligé d’en décliner toutes les conséquences, jusqu’à cette mécanique particulièrement paradoxale qui consiste par exemple à ouvrir la profession aux jeunes : excellente idée, même si la profession y était prête sans avoir à s’y résoudre le couteau dans le dos, en étant poussée plus fort que d’habitude, car tout cela était possible dans le système qui perdure – M. le rapporteur général n’a-t-il pas failli à l’instant remonter jusqu’à la loi salique ? – depuis plusieurs siècles en France.
Nous avons été sensibles aux signaux envoyés par la profession, même si nous partageons le sentiment qu’ils ont pu être exprimés sous des formes contestables ou à tout le moins maladroites. Pourtant, ne s’agit-il pas là d’une forme d’action, ou plutôt de réaction à la manière dont cette profession s’est sentie mise en danger par les dispositions qui la concernent ? De surcroît, monsieur le rapporteur général, ce n’est pas la première fois que les députés reçoivent dans leur boîte électronique des propositions d’amendement, des injures, des menaces ou encore des pressions !
Ceux d’entre nous qui siègent ici depuis quelque temps savent que ce n’est pas la première fois.
Certes, mais c’est aussi la première fois qu’on les embête de la sorte, monsieur le président de la commission ! Il n’existait pas jusqu’alors de précédent.
Avant que d’être interrompu par moi-même, comme disait Pierre Desproges, je disais donc qu’au bout du compte, cette objection de principe perdurera tout au long de l’examen des articles concernant les professions judiciaires.
J’ajoute qu’outre cette position symbolique – mais ne sommes-nous pas ici dans la maison du symbole par excellence ? – des professions judiciaires placées sous l’autorité du marché, même si elle est par ailleurs compensée par une forme de maintien de la présence de la ministre de la justice, il reste que l’article 22 a vocation à ouvrir à des sociétés étrangères la possibilité d’investir dans les professions judiciaires en France. Ne dites pas non de la tête, monsieur le ministre : c’est écrit en toutes lettres dans le texte, et vous l’avez plusieurs fois confirmé au cours du débat.
Vous souhaitez oxygéner ces professions – M. le rapporteur général a même employé le verbe « aérer », comme si cela sentait le renfermé. Convenez que c’est un peu sévère !
Disons donc, pour mieux coller à votre pensée, monsieur le rapporteur général, que vous souhaitez faire respirer cette profession, permettre à des jeunes d’y accéder et assouplir les choses : c’est parfait. Selon nous, le faire de cette manière comporte un risque pour ce qui constitue la tradition de notre droit – et la tradition, ce n’est pas rien – et le refus qui a toujours été celui de la France de s’aligner sur des modèles qui, au fond, ne sont pas les siens. Il y a d’excellentes raisons à cela, notamment la tradition de l’État en France qui, il est vrai, n’est pas comparable à celle des États qui nous entourent : il y a là aussi une exception française que l’on pourrait défendre jusque dans le statut des professions réglementées, et il est regrettable que vous y renonciez. De même, il est tout aussi regrettable que ce soit sous un gouvernement de gauche que l’État fasse un tel pas : c’est très étonnant !
Enfin, peut-être existe-t-il ailleurs d’autres contraintes qui ne sont pas abordées dans ce débat et – je vous l’ai dit lors de la discussion générale – que vous auriez échangées faute de pouvoir, comme on vous le demande, réduire les déficits publics,…
…ce qui vous conduirait à donner quelques assurances pour que l’on vous embête moins et moins longtemps ! Et si, in fine, c’était cela ? On aurait alors sacrifié un système efficace, même s’il n’est pas parfait, qui apporte une grande sécurité aux Français. Si vous agissiez vraiment pour cette raison, alors vous pourriez faire et dire tout ce que vous voudrez : si le système que vous instaurez fonctionne, ce que nous ne croyons pas, vous aurez dépensé beaucoup d’énergie et mis en péril tout un ensemble de professions pour des motifs qui n’en valent pas la peine.
À supposer que des amendements très graves – au sens étymologique du terme – ne viennent plus modifier l’économie de ce texte, car j’entends parler d’une suppression du tarif corridor qui poserait un problème de cohérence avec tout le reste du dispositif, mais nous aurons le temps d’y venir le moment venu, il me semble que quelle que soit l’issue de cette discussion, nous ne voyons pas comment notre groupe pourrait apporter son soutien à tel ou tel de ses articles.
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Alors que nous abordons à l’article 12 les professions réglementées du droit, vous avez, monsieur le rapporteur général, commis en guise d’entrée en matière une belle plaidoirie mais, hélas, les pièces du dossier ne suivent pas.
Je ne développerai pas tous les items que vous avez évoqués, car nous aurons l’occasion de le faire lors de l’examen des amendements. En revanche, je ferai quelques observations techniques sur l’article 12, qui traite des tarifs. Tout d’abord, vous introduisez en matière de tarifs la notion de rémunération raisonnable. Cela signifie-t-il que les rémunérations n’étaient pas auparavant raisonnables et que, partant, le ministère de la justice n’aurait pas correctement fait son travail ?
En outre, il est vrai que cette notion de rémunération raisonnable, que vous allez définir par des critères réglementaires, ne s’appliquera dans votre esprit qu’aux professions réglementées du droit, mais dès lors qu’un texte aborde une telle notion en en définissant les critères, il va de soi qu’une porosité se créera qui permettra de l’exporter dans d’autres matières. De ce point de vue, j’ignore si vous avez étudié l’impact de cette nouveauté.
Vous évoquez la péréquation, interne et externe. Nous aurons l’occasion de revenir sur la péréquation interne lors de l’examen des amendements ; la péréquation externe, en revanche, ou plutôt ce que vous appelez comme telle, consiste à ponctionner une partie des rémunérations afin d’alimenter un fonds qui, en l’état actuel du texte, servira à financer ce qui s’appelle « l’aide judiciaire » ainsi que les maisons de justice et du droit. Il ne s’agit pas de péréquation ; c’est plutôt une taxe parafiscale. Qualifiez donc cette ponction comme elle doit l’être, et ne parlez pas de péréquation, puisque les recettes en question alimentent tout à fait autre chose que les professions concernées.
J’en viens aux « tarifs corridor ». Vous avez, monsieur le rapporteur général, évoqué une large concertation, et je comprends que vous ayez abordé ce thème, puisque tous les professionnels ont indiqué que mises à part les auditions que vous avez mentionnées, aucune concertation n’a été mise en oeuvre. La mission de la commission des lois a conduit des auditions, et la commission a unanimement conclu qu’il fallait s’opposer aux tarifs corridor, pour des raisons déjà expliquées et sur lesquelles nous reviendrons.
Nous avons donc logiquement déposé devant la commission spéciale un amendement de suppression des tarifs corridor, non seulement parce que la mission précitée avait formulé des conclusions en ce sens, mais également pour des motifs techniques qui ont été expliqués. Vous vous y êtes opposés, y compris Mme la rapporteure Untermaier qui, alors qu’elle présidait la mission, avait conclu à cette suppression.
Or, nous apprenons aujourd’hui qu’un amendement viendra bientôt en débat pour supprimer les tarifs corridor.
Avec de tels paradoxes, vous ne pouvez guère donner de leçons en matière de cohérence.
Enfin, il demeure un élément essentiel, comme l’a indiqué M. Poisson : vous dénaturez le caractère continental de notre système juridique, qui est civiliste et constitué de professions qui se trouvent hors du commerce. Je regrette que Mme Taubira soit absente car, ces derniers temps, elle a plusieurs fois communiqué sur ce point en rappelant que le droit n’est pas une marchandise et qu’il est hors du commerce. Or, non contents d’intégrer les tarifs dans le code de commerce, vous donnez compétence au ministre de l’économie pour arrêter les tarifs et à l’Autorité de la concurrence pour communiquer son avis préalable sur ces tarifs. Or, je constate que l’avis de l’Autorité de la concurrence, dont nous n’avons pas encore parlé, comporte des termes de nature commerciale tels que « remise » ou « devis » : c’est parfaitement inacceptable en pareille matière ! Encore avons-nous la chance d’avoir évité dans cet avis la référence aux promotions, aux soldes et autres termes commerciaux qui ont l’air de plaire, puisqu’on les emploie dans ce texte.
Vous donnez également compétence à la DGCCRF et au Conseil national de la consommation. En clair, vous incluez ces professions – et donc le droit – dans le commerce, alors même que c’est l’inverse de notre système.
Pour conclure, permettez-moi de vous soumettre une question pour laquelle j’éprouve une certaine « sympathie intellectuelle », pour reprendre votre expression, même si, en toute honnêteté, je ne suis pas certain de la rectitude du raisonnement. Comme vous le savez, le législateur peut déléguer à une autorité administrative indépendante de l’exécutif la définition de telle ou telle norme permettant d’appliquer la loi. Pourtant, le Conseil constitutionnel a estimé que cette capacité ne pouvait être autorisée que lorsqu’elle est limitée dans son champ et dans son contenu. Or, vous donnez compétence à l’Autorité de la concurrence pour tout. Sa compétence s’accroît, elle peut désormais donner un avis sur l’urbanisme, et voici qu’en plus elle donnera des avis sur les cartes, sur les tarifs ou encore sur la liberté d’installation.
Certes, il ne s’agit pas de définir la norme, mais dès lors que vous dupliquez un système identique qui consiste à solliciter un avis préalable de l’Autorité de la concurrence, à publier cet avis pour le rendre opposable, puis à inciter le pouvoir réglementaire à écrire la norme à partir de cet avis, je suis en droit de me demander s’il n’y a pas là un contournement de la règle par ce biais. Vous me répondrez très simplement qu’il ne s’agit que de l’écriture d’un avis, et non de celle de la norme. Malgré cette réponse facile, le sujet mérite d’être posé. J’éprouve une certaine sympathie pour ce raisonnement, qui devra être approfondi.
Pour le reste, nous développerons l’ensemble des points abordés par le rapporteur général à l’occasion de la discussion des amendements.
Madame la présidente, nous débutons l’examen du chapitre relatif aux conditions d’exercice des professions juridiques réglementées, et plus précisément de l’article 12, qui a trait à la détermination des tarifs réglementés.
Je commencerai mon propos par plusieurs remarques d’ordre général que m’ont inspirées les propos de nos collègues.
Tout d’abord, on peut s’interroger sur l’inclusion d’un tel texte dans un code aussi peu approprié que le code de commerce, dont l’objet et l’inspiration sont très éloignés de ceux qui doivent régir des professions réglementées du droit.
Ces professionnels du droit sont soumis à la tutelle de l’État du fait de leur mission de service public de la justice, et leurs tarifs sont des éléments constitutifs d’un statut qui les situe radicalement hors de la sphère de la concurrence.
Le code de commerce, à l’inverse, concerne les activités professionnelles situées dans le secteur libéralisé et concurrentiel. On quitte donc le ministère de la justice pour aller vers le ministère de l’économie. Intégrer les tarifs des professions du droit dans le code de commerce, comme vous le faites, est révélateur d’une orientation vers la commercialisation du droit. Finalement, l’absence de Mme la garde des sceaux n’est pas surprenante au regard de l’orientation que vous donnez à ce texte.
Le rapporteur faisait état du large processus d’études et de concertations engagé depuis de nombreux mois. Aux dires des professionnels, il n’en est cependant rien. Certes, des concertations ont eu lieu, mais ils n’ont pas été entendus. L’accès au droit constitue pourtant, pour nos concitoyens, un enjeu de taille qui mérite qu’on lui accorde toute l’attention nécessaire.
Certes, cet article 12 est emblématique dans votre texte, puisque vous avez fondé vos arguments sur le pouvoir d’achat des Français. Vous avez d’ailleurs motivé cette révision des tarifs en assimilant les actes de droit à des biens marchands. En abordant la question des tarifs sous cet angle, vous supprimez le cadre de la mission de service public, et c’est fortement regrettable.
En confiant à l’Autorité de la concurrence le soin de fixer un tarif, vous commercialisez le droit. Et mettre dans cet article les associations de défense des consommateurs agréées sur le même banc que les organes professionnels et les instances ordinales revient, là encore, à marchandiser le droit. Or nous ne pouvons banaliser des actes de droit qui offrent à ce jour en France, chacun le reconnaît, sécurité et garantie à nos concitoyens.
Par ailleurs, et nous aurons l’occasion d’y revenir, dans la modification des tarifs que vous préconisez, vous retenez un certain nombre de critères qui nous interpellent. Vous parlez de coûts pertinents, qu’en est-il ? Il sera difficile de trouver une adéquation entre un service rendu et un coût de production, car en la matière, il y a beaucoup d’éléments subjectifs.
Vous retenez également comme critère la rémunération raisonnable. Qu’est-ce qu’une rémunération raisonnable ? Nous avons abordé cette question en commission spéciale, mais vous n’y avez jamais répondu. Elle soulève pourtant de vraies interrogations.
Il y a en outre quelque chose de choquant dans cet article. Vous parlez, ce qui est révélateur de l’orientation que vous souhaitez prendre, de prestations. Ce n’est pas du tout pertinent : les professions réglementées sont avant tout des métiers de rédacteurs d’actes. Le fait de retenir ce mot est révélateur du caractère commercial que vous voulez donner à ces professions.
L’article 12 est inquiétant, parce qu’il s’oriente vers la libéralisation de l’installation et la modification des conditions d’installation. Tous ces éléments auront des impacts économiques et financiers sur les études et les offices. Ces impacts, car c’est cela qui est important, se traduiront par la fermeture d’études et la fermeture d’offices.
Et comme l’a indiqué le rapporteur, nos territoires ruraux seront moins attractifs que les grandes métropoles et nous assisterons à la fermeture d’études ou d’offices.
C’est le droit de chaque citoyen de disposer d’un accès au droit qui est ici remis en cause. Nous ne pouvons l’accepter, car il y va du principe d’égalité entre nos concitoyens.
La crainte qu’inspirent les dispositions relatives aux professions réglementées est de voir s’installer petit à petit la désertification juridique, après les déserts médicaux. Et ne nous dites pas que notre analyse n’est pas juste, parce que vous le constatez vous-même dans votre texte. Lorsque vous mettez en place une péréquation, vous envisagez en effet d’utiliser une partie des fonds issus de celle-ci pour financer l’aide juridictionnelle et les maisons de justice et de droit : vous avez donc fait le constat qu’il manquera un certain nombre de professionnels du droit dans nos territoires.
À travers l’ensemble des articles de ce texte, vous contribuez à créer une justice à deux vitesses.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, comme bon nombre de mes collègues et de professionnels, je suis plutôt partisan d’un meilleur encadrement ou d’une révision plus régulière des tarifs pratiqués.
Reste que, comme bon nombre de mes collègues et de professionnels, je suis surpris que cette réforme trouve sa place dans un projet de loi « pour la croissance et l’économie ».
Envisagée sous le seul prisme économique et concurrentiel, cette réforme n’a en outre pas fait l’objet d’une étude d’impact pleinement impartiale, qui aurait pourtant été éclairante sur les conséquences économiques et sociales que ce bouleversement plus qu’hasardeux ne manquera pas de provoquer.
Cette réforme va particulièrement affecter les notaires. En effet, les études présentées par les professionnels du notariat, même si le ministre de l’économie les balaie d’un revers de main parce qu’il remet en cause leur impartialité, ont au moins le mérite, à mon sens, de mettre en lumière certains aspects inquiétants de la réforme.
Certes, le droit peut assurer un meilleur développement économique et donc produire de la croissance, mais il y parvient lorsque son application est organisée de manière à sécuriser et à pacifier transactions et transmissions, ce qui n’est plus le cas avec les dispositions prévues par l’article 12 et les articles suivants.
Les notaires ne sont pas des commerçants du droit, et ils ne doivent en aucun cas le devenir. Déréguler l’activité actuelle du notariat en lui substituant une organisation de type anglo-saxon, parce que c’est bien de cela dont il s’agit avec ce projet de loi, aboutir à une absence pure et simple d’organisation, c’est considérer le droit comme un marché productif parmi d’autres, et non plus comme un instrument de sécurisation de l’économie.
Alors que nos tribunaux sont d’ores et déjà surchargés, voulons-nous vraiment nous mettre à cultiver un modèle à l’anglo-saxonne, dont nous connaissons les fondements – il suffit pour cela de comparer le nombre de procédures contentieuses dans notre pays avec celui d’outre-Atlantique ou d’outre-Manche…
Cette modification de l’organisation notariale porte sur deux niveaux : la liberté d’installation, proposée par l’article 13 bis, et la réforme du tarif actuel, qui fait l’objet de l’article 12.
Sur ce point, monsieur le ministre, il n’est peut-être pas inutile de rappeler non seulement que c’est l’État qui fixe le tarif des notaires, mais aussi qu’il ne se trouve personne, professionnels compris, qui ne conteste la nécessité de le réformer.
Ce tarif n’est ni farfelu, ni sorti de nulle part : il a une raison d’être, qui tient notamment au fait que les notaires sont délégataires de l’État et que le recours à leur intervention étant obligatoire dans certains domaines, il est indispensable d’une part d’en fixer le coût, et de l’autre d’assurer l’égalité des citoyens à cet égard.
En outre, le tarif actuel tient également compte du rôle primordial de collecteur d’impôts et de taxes assuré par la profession sans que l’État, faut-il le rappeler, ne dépense un sou de sa poche pour cela.
Si nous adhérons en nombre à la nécessité de réformer le tarif actuel, il est important de rappeler qu’il y a une grande différence entre réformer et détruire.
En instaurant un tarif négociable au cas par cas, et ce malgré la notion de plafond ou de fourchette tarifaire, on met bel et bien fin au tarif public, lequel assurait jusqu’ici l’égalité de tous.
En effet, le citoyen va pouvoir négocier, comparer, et je veux bien l’entendre. Mais un citoyen aisé, averti, sera toujours mieux à même de le faire qu’un autre moins aisé et moins habile, et le citadin, qui bénéficiera de nombreux offices notariaux dans sa ville, pourra bien plus facilement se livrer à la traque au meilleur prix que le rural ou l’ultramarin. Là est la réalité !
Et l’on imagine sans peine, en matière immobilière, les tractations que pourront mener les promoteurs avec leurs notaires, ce qui ne pourra que porter préjudice à la sécurité juridique.
Il est tout aussi évident que les offices notariaux, en fonction de leur taille et de leur localisation, finiront par se jeter dans une « guerre des prix » à laquelle le droit et la sécurité juridique n’ont rien à gagner. Soumettre les notaires à la loi du marché au prétexte d’une libéralisation de leur activité, c’est encore une fois réduire leurs prestations à une marchandise. Cela n’ira pas sans la dégradation d’un service public essentiel à la sécurité juridique de nos concitoyens.
De plus, l’instauration d’une concurrence tarifaire risque de créer une concurrence par les coûts entre les études notariales, et donc d’entraîner des licenciements dans la profession – le Conseil supérieur du notariat avance le chiffre de 12 000 licenciements, et certains députés socialistes celui de 20 000 !
Encore une fois, tout cela aurait pu être chiffré dans une étude d’impact solide.
Plus de justice tarifaire, plus de lisibilité et plus de transparence, je l’entends. Mais à quel prix pour nos professionnels et nos concitoyens ?
Monsieur le ministre, vous l’aurez compris, c’est avec intérêt que je suivrai le débat sur l’amendement du rapporteur qui supprime le corridor tarifaire.
Pour conclure, et au risque de me faire taxer de corporatisme par mes collègues, je tiens à dire que je suis notaire diplômé, même si je n’exerce pas, et que je l’assume.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre, je n’ai pas la prétention d’être versé dans la profession du notariat comme mon collègue Daniel Gibbes, ni spécialiste du droit comme Philippe Houillon. Je voudrais simplement vous faire part des inquiétudes qui se manifestent sur le terrain chez les professions réglementées, en particulier les notaires, et sur lesquelles le rapporteur général me semble être passé un peu légèrement et rapidement.
Quand des notaires de nombreuses petites villes de province ou communes rurales vous disent qu’ils voient avec inquiétude cette libéralisation de l’installation, car ils ont le sentiment que cela pourrait conduire, sinon à des déserts juridiques, du moins à des zones entières du territoire qui seraient privées d’un petit office notarial, on ne peut rayer d’un trait de plume cet argument.
Certes, cette libéralisation est organisée par une cartographie. Mais que vaudra cette cartographie, et d’ailleurs pourquoi libéraliser si c’est pour mettre en place une cartographie qui sera ensuite validée, lors de l’installation d’un nouvel office notarial, par la garde des sceaux ? Vous avez indiqué tout à l’heure que vous aviez parfois honte d’émettre un avis défavorable. Nous, nous avons l’impression que le Gouvernement a la libéralisation honteuse…
…et qu’il n’ose pas aller au bout de son projet – c’est pourquoi il se rattache à une cartographie qui pourrait le déposséder de cette libéralisation.
S’agissant des tarifs, je ne suis pas non plus un spécialiste des tarifs notariaux, mais je ferai observer quelques évidences. D’abord, l’organisation des tarifs par l’État, cette péréquation, aboutit au fond à créer de nouvelles taxes. Ensuite, si les tarifs sont aussi élevés, c’est d’abord parce que les taxes de l’État sont élevées.
Dans mon département de l’Eure, les droits d’enregistrement sont passés de 5,05 % à 5,85 %.
Faites baisser les taxes, et vous ferez baisser les tarifs ! Cela me paraît beaucoup plus simple que le corridor tarifaire qui a été décidé et mis en place.
Enfin, beaucoup de notaires ont exprimé leur crainte à propos de la financiarisation, c’est-à-dire l’ouverture à des investisseurs financiers, des offices notariaux. On notera le paradoxe de ce gouvernement choisi par un Président de la République qui disait lui-même pendant sa campagne « Mon ennemi, c’est la finance ! » et qui ouvre les offices notariaux à cette même finance, leur faisant perdre un caractère public auquel ils sont viscéralement attachés.
Il y a là au moins un paradoxe, en tout cas une inquiétude légitime, car cela signifie qu’au fond, seuls les offices importants seront rentables et pourront rester ouverts, tandis que les petits offices, qui s’occupent des actes peu importants, ne seront plus rentables et fermeront, quelle que soit la cartographie que vous mettrez en place.
Ce dont vous parlez ne figure pas dans la loi ! Vous inquiétez les notaires à tort !
Enfin, à quoi sert cette disposition prévue par l’article 12 ? On nous dit qu’elle créera des emplois. Combien d’emplois allez-vous réellement créer grâce à cette dérégulation, ou cette libéralisation, des offices notariaux ? Avec plus de 3,4 millions de chômeurs en France, nous avons atteint un niveau de chômage absolument sans précédent. Et nous allons passer des heures à déréglementer une profession qui se porte bien, qui tourne bien et qui garantit la sécurité juridique aux Français !
Si vous voulez vous attaquer à une profession réglementée, commencez donc par la fonction publique : vous y trouverez beaucoup plus d’économies et d’emplois pour l’avenir !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Chacun sait depuis quelques semaines, monsieur le ministre, que l’on trouve à l’article 12 l’une des dispositions les plus controversées et les plus décriées de votre projet de loi par ailleurs très hétéroclite, qualifié à plusieurs reprises de « loi fourre-tout ». Mais nous touchons là aux fondements d’une grande partie de l’organisation de notre système juridique.
Commençons par nous interroger sur les origines de la proposition de « corridor des tarifs » que l’on entend réglementer d’une autre manière. On peut en évoquer deux. Comme l’a indiqué tout à l’heure Philippe Houillon, sans doute faut-il donner des gages supplémentaires de libéralisation à Bruxelles ! Peut-être aussi la pure politique politicienne exige-t-elle de donner à la gauche de la gauche quelque satisfecit en stigmatisant une profession censée gagner beaucoup d’argent !
Cela ne marche pas, en effet !
Mais si vous aviez bien regardé les choses, monsieur le ministre, et je reviendrai tout à l’heure sur l’indigence de l’étude d’impact, vous sauriez que la profession notariale est caractérisée par des revenus très diversifiés, et que tous les notaires ne sont pas des gens riches à stigmatiser. Voilà pour les origines. J’en viens aux conséquences. J’ai bien entendu M. le rapporteur général développer tout à l’heure un propos axé sur la nécessité de l’installation. Il existe pourtant un précédent, une loi de 1999 votée aux Pays-Bas, avec les mêmes objectifs et à peu près les mêmes dispositions que celles présentées aujourd’hui. Que s’est-il passé entre 1999 et 2014 aux Pays-Bas ? Le nombre de notaires a diminué en raison de dispositions analogues aux vôtres, monsieur le ministre !
Il en ira ainsi en France, à n’en pas douter, des chiffres tout à fait sérieux le montrent, certes pas dans l’étude d’impact qui n’en comporte aucun, mais dans celle du Conseil supérieur du notariat. Vous pouvez la contester, mais elle a été conduite sur un certain nombre d’offices ministériels. Or elle prévoit d’inéluctables baisses du revenu professionnel, comprises entre 15 % et 25 %, voire 50 % dans certains cas, avec les conséquences que cela implique – on parle de 12 000 à 15 000 suppressions d’emplois. Vous nous répondrez sans doute, monsieur le ministre, mais en attendant, nous ne trouvons strictement aucun chiffre dans l’étude d’impact.
Il y aura aussi sans nul doute, vous ne pouvez prétendre le contraire et M. le rapporteur général l’a d’ailleurs presque admis tout à l’heure, un véritable problème d’accès au droit dans certaines parties de notre territoire. Cela vaut pour les notaires comme pour les huissiers de justice. Des difficultés surgiront à coup sûr en certains endroits. Comme vient de le dire Bruno Le Maire, les grands cabinets concentrés dans quelques grandes villes et grandes régions coexisteront avec les offices en milieu rural. Depuis que votre projet de loi est connu, comme je l’ai dit l’autre jour en commission spéciale, des offices notariaux qui pourraient être vendus ne le sont pas, précisément en raison du projet de loi.
Nous avons beaucoup discuté ce matin du permis de conduire. Nous avons compris que vous étiez cramponné à la notion de service public, et que vous entendiez mener une réforme du permis de conduire axée sur la seule augmentation du nombre des inspecteurs. Voilà ce qui a été fait ce matin. Les notaires ont aussi une mission de service public, mais vous n’avez pas à leur égard les mêmes scrupules, ni la même rigueur intellectuelle qu’à l’égard des inspecteurs du permis de conduire ! Plusieurs dispositions nous amènent à vous poser depuis longtemps un certain nombre de questions, auxquelles nous n’avons pas de réponse. Très franchement, monsieur le ministre, vous êtes en train de porter un très mauvais coup à l’organisation juridique de notre pays !
L’article 12 et ceux qui suivent sont la traduction de ce qu’a annoncé le Président de la République à l’occasion de ses voeux et de ce qu’annonce le Gouvernement depuis maintenant plusieurs mois. Votre prédécesseur M. Montebourg se targuait déjà, monsieur le ministre, d’augmenter de six milliards d’euros par mois le pouvoir d’achat des Français par la réforme des professions réglementées, comme si les Françaises et les Français allaient chez leur notaire ou leur avocat comme ils vont faire leur marché ! J’ai pour ma part quelque difficulté à comprendre comment une révision du tarif des professions réglementées serait susceptible d’entraîner une telle augmentation du pouvoir d’achat. Mais venons-en au fond. Il nous faut accepter de considérer que nous avons là des professions qui ne peuvent être assimilées à des professions commerciales. Il s’agit de professionnels exerçant une mission de service public reconnue, qui s’exporte et présente l’avantage de sécuriser une grande partie des actes juridiques.
Contrairement à ce que vous avez répondu à la question posée par Mme la rapporteure Untermaier lors de la séance des questions au Gouvernement mercredi après-midi, le projet de loi risque bien d’entraîner une déqualification des prestations, une insécurité des actes juridiques, et, en conséquence, de nombreux recours contentieux judiciaires alors que nous savons tous ici combien notre système judiciaire a du mal à absorber tous les dossiers qui lui sont soumis. En s’attaquant au notariat, le Gouvernement oublie que la tarification de nombreux actes remplis par cette profession juridique est fixée par l’État et constitue des recettes garanties que le notaire est souvent seul habilité à percevoir. Le Gouvernement oublie que les frais de notaire pour les ventes comprennent au bas mot 85 % de taxes prélevées par l’État.
Vous entendez redonner du pouvoir d’achat aux Français. Pourquoi donc le gouvernement dont vous êtes membre a-t-il augmenté les taxes sur les prix de vente et la TVA ? Pourquoi a-t-il augmenté l’an dernier les droits de mutation au profit des départements, alors que la France est déjà championne d’Europe de la ponction sur l’achat immobilier ? Tout cela gonfle les frais de notaire pour les Français, mais ce ne sont pas les notaires qui s’enrichissent ! Vous oubliez, encore, que les tarifs appliqués par cette même profession intègrent des recettes fiscales que les notaires perçoivent au nom de l’État. Vous oubliez que le métier de notaire a aussi très souvent une fonction de conseil donné gratuitement. Vous oubliez enfin que cette profession accomplit, surtout dans nos secteurs ruraux, un très grand nombre d’actes peu rémunérateurs, comme je l’ai dit lors de la discussion générale.
Vous le verrez, votre réforme amènera la profession à ne plus accomplir ces actes aux dépens d’une population parfois modeste ! Les notaires ne sont pas tous issus de milieux aisés ; beaucoup d’entre eux ont dû emprunter pour financer leurs études.
Ils ont ensuite acheté un office à un prix déterminé en fonction d’un tarif. En abaissant ce tarif, vous les plongez dans la plus grande difficulté.
Vous risquez de les obliger à licencier leur personnel, aboutissant ainsi à l’effet inverse de celui recherché. J’ai noté en examinant au préalable les amendements que M. le rapporteur général et Mme la rapporteure thématique nous proposeraient au cours de cette lecture de supprimer le système du corridor tarifaire tel qu’il a été imaginé dans le texte d’origine lors des travaux de la commission spéciale. Supprimer le corridor tarifaire pour maintenir le principe d’une tarification unique, d’après ce que j’ai compris du texte, voilà ce que nous demandions et que vous nous avez refusé tout au long des travaux de la commission spéciale. Encore faut-il que nous sachions sur quelles bases sera fixé le tarif unique ! Quelles sont vos intentions à ce sujet ? Une telle proposition modifie considérablement le caractère du texte examiné en commission spéciale, si toutefois elle se confirme, car nous sommes maintenant habitués au dépôt d’amendements en dernière minute, ce qui s’est produit plusieurs fois ce matin !
Je finis par me demander ce qu’il restera du texte initial quand nous aurons terminé les travaux !
Vous avez affirmé lors de votre intervention préalable, monsieur le rapporteur, que les commissaires-priseurs, les huissiers et les mandataires judiciaires avaient fait preuve de compréhension vis-à-vis de la réforme et étaient prêts à faire évoluer leurs professions. Nous n’avons pas dû rencontrer les mêmes personnes – et j’en ai pourtant rencontré beaucoup !
C’est très possible en effet : nous rencontrons tous nos interlocuteurs dans nos circonscriptions. Comme je le montrerai au cours de l’examen des différents articles, ils m’ont fait part de leur très grand mécontentement et de leur très grande inquiétude pour leurs métiers. Enfin, nous sommes ici dans un pays démocratique, où la liberté d’expression est de droit. Quoi de plus normal que les représentants d’une profession s’adressent à ceux qu’ils ont élus pour leur faire part de leur mécontentement, de leurs inquiétudes et de ce qu’ils pensent des réformes que nous entamons ? Le système de notre République est ainsi fait, et nous devons continuer à travailler avec eux ainsi !
Il est bientôt une heure dix du matin, et nous attaquons une partie délicate du projet de loi relative à la réforme des professions réglementées. Vous savez comme nous, monsieur le ministre, que les notaires s’y opposent en nombre. Nous les avons tous rencontrés dans nos circonscriptions, et je m’étonne qu’on tienne sur les bancs de la gauche un discours méprisant alors qu’ils offrent à nos concitoyens une indéniable garantie juridique. Peut-être certains notaires de grandes villes gagnent-ils bien leur vie, mais les notaires de mon département de la Loire, dans la vallée de l’Ondaine et les monts du Pilat et du Forez ne sont pas des nantis ! Certains notaires ont de bas revenus, et vous le savez. Leurs portes sont ouvertes à tous. Ils conseillent gratuitement nos concitoyens, et l’organisation actuelle constitue une garantie de l’accès de tous au droit, mes collègues l’ont dit avant moi, mais je le répète tant c’est important ! N’ajoutez pas un désert juridique aux déserts médicaux dont souffrent déjà nos territoires ruraux !
Un notaire de trente-cinq ans de ma circonscription me disait la semaine dernière employer onze salariés dans son étude. Selon lui, le projet de loi en menace trois ou quatre. Sa première crainte réside dans la liberté d’installation, qui offre la possibilité à n’importe quel notaire ou autre professionnel du droit de le concurrencer, ce qui divisera de facto un chiffre d’affaires inchangé par un nombre de notaires éventuellement plus important. Sa deuxième crainte, c’est l’encadrement des tarifs. Les notaires ne pourront plus fixer librement pour partie, ce qui met leur pérennité en péril en raison de charges incompressibles. La seule charge que l’on puisse diminuer, c’est la charge de personnel. C’est pourquoi on estime qu’à peu près un tiers des emplois sont menacés. Dès lors, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, cessez de parler d’un soi-disant lobbying surpuissant ! Nous connaissons nos territoires, et savons le service précieux rendu par les notaires ! Nous vous demandons par conséquent de revoir votre copie.
Beaucoup d’arguments ont été énoncés jusqu’ici, et il ne sera pas tout à fait illogique que j’en reprenne certains. Premièrement, le dispositif que vous proposez, monsieur le ministre, est un dispositif de destruction économique. Le mécanisme de corridor que vous entendez annuler, ce qui prouve au moins que vous avez en partie pris conscience de son effet négatif, induit une compétition par les prix. Je défends dans cet hémicycle l’idée que ces professions ne doivent pas se distinguer par une compétition tarifaire, mais par une compétition en qualité, et j’ai très peur que la concurrence ne fasse disparaître les plus faibles, qui ne sont pas forcément les moins compétents.
Ce déséquilibre économique produira, comme l’a dit mon collègue Dino Cinieri, une espèce de carnage social en raison des suppressions de personnel. La paralysie économique produit déjà des effets négatifs, un certain nombre de ventes étant suspendues depuis quelques mois puisque les notaires ne savent pas à quelle sauce ils seront mangés. Enfin, le projet de loi est caractérisé par un terrible court-termisme : on se compare avec d’autres pays, mais on oublie que le ministère de la justice a un budget deux fois inférieur au budget britannique, pour une simple et bonne raison qui est l’exercice gratuit ou à faible coût de fonctions juridiques et judiciaires, de conseil en particulier, par les professions d’auxiliaire de justice !
Si l’on veut effectivement entrer dans un régime de compétition par les prix, l’État devra réabsorber ces missions et les financer. Deuxièmement, le système de la péréquation, dont mes collègues ont moins parlé, est pour moi un mélange des genres : on fait financer avec la péréquation non pas les offices les plus petits par les offices les plus riches, mais des missions de service public ou l’aide juridictionnelle.
Pour moi, c’est la démission de l’État. Nous votons ici des mesures, des maisons de la justice, un accès au droit et, in fine, comme nous n’avons pas d’argent, nous faisons supporter de manière insidieuse par ces professions le financement de ces mesures, ce qui est inacceptable.
Troisième critique contre votre dispositif, monsieur le ministre : le parisianisme. De fait, je crains qu’il n’y ait, chez les notaires ou chez les avocats, deux types de messages suivant à qui l’on s’adresse. Je peux concevoir qu’à Paris, les avocats ou les notaires trouvent ce projet de loi intéressant, mais – c’est cela que mes collègues ont voulu vous dire – vous avez oublié la ruralité. Vous avez oublié que le mécanisme de massification, de concentration, de regroupement métropolitain de ces offices ou de ces cabinets se fera au détriment de l’accès au droit. Vous créez ces fameux déserts juridiques…
…contre lesquels nous nous apprêtons à lutter.
Enfin, votre conception des choses vous conduit à transformer des professions plutôt artisanales, en tout cas de petites structures, en grosses structures : c’est un choix économique que je respecte, mais j’observe que vous voulez faire du droit un objet de la sphère marchande. Pour ma part, je ne souhaite pas l’apparition dans notre pays d’hypermarchés du droit au détriment de la qualité.
Au surplus, ces dispositions sont la résultante d’une contrainte européenne : je trouve qu’il est désagréable de réformer dans l’urgence parce qu’il faut donner des gages à Bruxelles et montrer que l’on fait des réformes structurelles. Attaquez-vous aux régimes spéciaux, réformez le régime social des indépendants, vous aurez un véritable impact sur l’activité !
Nous maintenons à l’UMP que votre réforme, qui voudrait s’inspirer de ce qui se pratique à l’étranger, en mélangeant les professions, en les fusionnant, en créant des statuts de sociétés anonymes, est dictée par une forme d’idéologie anglo-saxonne. Je suis désolé de vous dire que le renforcement de l’activité ne passe pas nécessairement par la mise en concurrence. Le rapporteur a employé tout à l’heure, dans un argumentaire assez frivole, les mots « aérer » – mais ces professions ne sont pas renfermées –, « déverrouiller » – mais il n’y a pas de magot caché –, « ouvrir » – mais ils ne sont pas en prison. Il faut cesser de filer la métaphore de l’ouverture et de considérer que cette dernière est nécessairement positive.
Ce projet de loi ouvre tard mais ferme tôt. Par conséquent, j’y opposerai, pour ce qui me concerne, tous les arguments possibles, afin de vous faire changer d’avis.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons, avec cet article 12, la discussion sur le volet relatif aux professions juridiques réglementées. Notre groupe reviendra évidemment, dans le cours de la discussion, sur chacun des points soulevés.
En préambule, je veux d’abord rappeler les positions de fond de notre groupe sur le sujet et l’appréciation que nous sommes amenés à porter sur cette partie du projet de loi, qui donne leur sens aux nombreux amendements que nous serons amenés à déposer dans la discussion.
Je veux d’abord dire que nous ne partageons absolument pas l’idée qu’il faudrait réviser les conditions d’exercice des professions réglementées du droit pour simplifier les règles qui entravent l’activité économique. Cette antienne n’est pas récente : elle a été exprimée en 2011 – nous l’avions alors dénoncée – dans le cadre du projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées, qui trouvait son inspiration dans le rapport Darrois, dont l’objet était de « relever les défis de la concurrence internationale dans le domaine du droit ».
Le rapport Attali « Pour la libération de la croissance française », largement inspirateur du projet de loi dont nous discutons, considère pour sa part les professions juridiques réglementées comme des freins à l’économie. À en croire ces avis soi-disant autorisés, les grandes institutions européennes et la Commission européenne, c’est l’ensemble de notre système juridique qui, par opposition à la common law britannique, serait un obstacle à la croissance. C’est le sempiternel cliché de la flexibilité anglo-saxonne, opposée à la rigidité interventionniste française, celui-là même qui nous sera immanquablement opposé dans le cadre du futur traité transatlantique, pour achever de déréguler l’ensemble du marché du droit.
Nous le disons pour notre part avec force : le droit n’est pas une marchandise ou un objet économique banal. Il ne saurait être soumis à la loi du marché.
Pour notre part, nous réaffirmons notre attachement indéfectible à notre système de droit continental, notre opposition résolue à toute dérégulation et à toute dérive administrative et politique vers le droit anglo-saxon, à toute dérive au détriment des justiciables ou du droit des citoyens à un service public national de la justice ainsi qu’à l’égal accès à ce service sur l’ensemble du territoire.
C’est pourquoi toute réforme concernant les professions juridiques réglementées ne doit avoir pour objet que d’améliorer l’équité et la protection du justiciable, sans remettre en cause les piliers de notre système de droit continental, fondé sur l’égalité de droit de tous les citoyens. C’est aussi la raison pour laquelle toute réforme touchant à ces professions ne devrait être mise en oeuvre que par le ministre de la justice, et non par le ministre de l’économie. C’est le choix inverse qu’a fait le Gouvernement, ce qui, quoi qu’il en dise, est évidemment lourd de signification.
Je veux rappeler que la première demande légitime des professions juridiques, qui étaient toutes rassemblées dans la rue à la mi-décembre, était d’abord de pouvoir discuter de la réforme de leur profession avec leur ministre de tutelle. Comme cela a été fait pour les professions de santé, qui vont pouvoir discuter avec leur ministre de tutelle, le plus sage aurait évidemment été de retirer de ce projet de loi la partie les concernant, pour permettre de reprendre, avec le ministre de tutelle, une grande réflexion sur la totalité de l’institution judiciaire. Hélas, cela n’a pas été le choix du Gouvernement.
Aussi allons-nous aborder la discussion des articles avec le souci – je veux le dire avec une certaine gravité, une certaine fermeté –, non pas, comme on essaie de le faire croire, de défendre je ne sais quel intérêt pécuniaire ou corporatiste, mais de préserver notre service public, de préserver le rôle des professionnels délégataires de cette mission de service public, de préserver l’égal accès à ce service sur l’ensemble du territoire.
Voyez-vous, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons, pour notre part – et nous le dirons, au cours du débat, avec beaucoup de conviction et de sincérité – la conviction que ce service public va être mis à mal par les impacts conjugués des dispositions de votre projet de loi et des propositions de l’Autorité de la concurrence, dont la fonction, je le rappelle, est de veiller au libre jeu de la concurrence. Vous voulez en effet confier un rôle majeur à cette dernière, ce à quoi nous nous opposons, et que nous aurons à coeur, avec nos amendements, de remettre en cause.
Au groupe UDI, comme beaucoup de nos collègues, nous avons choisi de nous impliquer fortement sur la question des professions juridiques réglementées. À cet effet, nous avons participé aux missions, aux différentes commissions, et avons conduit, au sein du groupe, une série d’auditions. Je partage la plupart des arguments qui ont été développés, et je ne les reprendrai donc pas.
Je voudrais aborder trois sujets, pour vous montrer que, même si nous entendons le souhait de M. le rapporteur général de remplir l’objectif – que nous partageons – de l’installation de nouveaux professionnels, certaines mesures vont produire un effet contraire à celui qui est recherché. De quelles mesures s’agit-il ? Tout d’abord, vous allez cartographier des zones en tension et permettre des implantations : très bonne idée. Seulement, on ignore comment va se développer la création de ces offices. On nous dit que ce sera par décret : très bien, mais on nous dit aussi que le ministère ne pourra pas refuser une demande de création dans une zone en état de carence. Concrètement, cela signifie que dans une zone en état de carence, vous ne pourrez pas refuser à un professionnel déjà installé d’ouvrir un deuxième bureau. Où sont les créations, où sont les nouveaux postes, où sont les nouveaux notaires ? En quoi arrangez-vous les choses ? Pour essayer de résoudre ce problème, nous vous proposons de recourir au concours, tel qu’il existe actuellement, et de le réserver aux primo-accédants. Ainsi permettra-t-on à des jeunes de s’installer dans les zones en tension. En revanche, avec votre texte, vous ne garantissez rien du tout.
Au contraire, vous allez peut-être renforcer les offices existants. Il ne me semble pas que ce soit l’objectif recherché.
Deuxième sujet : la formation des notaires, dont on ne parle pas beaucoup. Les notaires s’impliquent beaucoup, financièrement, dans la formation. Si vous appauvrissez les offices, ils ne la financeront plus, ou moins, et les conséquences seront dramatiques. Actuellement, les frais de scolarité dans une école de notariat sont d’environ 4 800 euros, ce qui est correct au regard de la formation dispensée. Cela n’est rendu possible que par le fait que la profession finance cette formation à hauteur de quatre millions par an. Si la profession ne le fait plus, qui le fera ? L’État ? Sur quels fonds ? Non : on va augmenter les frais de scolarité. Vous voulez démocratiser ces professions, et vous allez les rendre encore moins accessibles, en multipliant par deux ou trois les frais de scolarité.
Est-ce vraiment comme cela que vous entendez démocratiser ces professions et ouvrir leur accès à des jeunes dépourvus de moyens, à des jeunes qui ne sont pas « fils de » ? Drôle de méthode que la vôtre !
Il est un troisième aspect de votre texte qui me tient beaucoup à coeur : l’ouverture du capital des sociétés d’exercice des professions juridiques aux experts-comptables. Je sais que cette question est source de difficultés pour vous : vous avez d’ailleurs déposé un amendement à ce sujet en commission. Vous nous avez dit qu’il solutionnait tout. Eh bien non ! En vertu de votre amendement, ne pourront être associés en France qu’un véritable professionnel et un expert-comptable : si cela est cohérent en droit français, cela ne l’est pas en droit européen. Pourquoi ? Parce que, chez nombre de nos voisins, il n’est pas besoin d’être expert-comptable pour ouvrir une société d’expertise-comptable. Prenons l’exemple d’une société financière, qui crée un cabinet d’expertise-comptable dans certains pays d’Europe et s’associe avec un huissier en France : elle sera maître des choses. Telle est la réalité. Il n’y a aucune interdiction en la matière.
Prenons l’exemple d’une société de crédit à la consommation qui fait travailler beaucoup d’huissiers : c’est une compétence hors monopole, qui peut être exercée sur le territoire national. De manière fort logique, nombre de cabinets d’huissiers travaillent pour des sociétés de recouvrement. Cela représente 20, 30, voire 50 % du chiffre d’affaires de ces cabinets d’huissiers. Que vont-elles devenir ? Considérons le cas d’une société financière qui ouvre une société dans un pays européen et qui s’associe à un seul huissier en France : ils vont créer un cabinet d’huissiers qui va travailler dans toute la France, avec un centre d’appels, qui peut très bien être domicilié au Maroc. C’est ce que vous allez faire, et cela va entraîner la fermeture de dix, vingt, voire trente cabinets d’huissiers. Voilà quel sera le résultat de votre projet de loi.
Si vous pouvez nous garantir qu’il n’y a pas un pays d’Europe où l’on puisse créer une société d’experts-comptables sans l’être soi-même, alors, oui, votre mesure est acceptable – mais ce n’est pas le cas. Si vous voulez ouvrir le capital de ces sociétés aux financiers ou aux fonds de pension, dites-le, ouvrez-le directement, car tel sera le résultat de votre loi.
Voilà toutes les dérives que nous voulons corriger. Nous ne voulons pas nous opposer au texte, mais simplement nous assurer que son application ne conduira pas à une situation pire que celle que nous connaissons actuellement. Or, avec ces dispositions relatives aux experts-comptables, vous ouvrez le capital des professions juridiques aux financiers et aux fonds de pension.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
Nous abordons un sujet qui cristallise beaucoup d’oppositions et d’incompréhension, à savoir la réforme des professions réglementées. La réforme que vous entendez faire valoir et qui s’applique à ces professions au motif que ces dernières seraient par trop protégées, et donc insuffisamment soumises à une concurrence salvatrice pour les consommateurs, est, à mon avis, un faux problème. En effet, il s’agit de professionnels qui, pour la plupart, exercent des missions de service public. Ces praticiens sont d’ailleurs des officiers ministériels et, à ce titre, ne tirent pas toujours la quintessence d’une juste rémunération de toutes leurs prestations. Il en est ainsi, par exemple, de la profession de notaire, dont vous entendez à la fois libéraliser les installations, modifier les grilles tarifaires et ouvrir le capital à des tiers. Je ne reviendrai pas sur ce que nos collègues ont déjà pu dire à ce sujet.
Vous êtes ministre de l’économie, et cet article 12 – et plus généralement ce texte – sont censés promouvoir l’activité et la croissance.
Je voudrais associer à mon propos notre collègue Arlette Grosskost, qui fait partie du conseil de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.
En effet, une autre conséquence néfaste, que je souhaite ici mettre en exergue, vous a peut-être échappé : si d’aventure les notaires venaient à réviser les modalités de leurs relations avec la Caisse des dépôts, partenariat historique qui les lie et qui porte sur la gestion des fonds de tiers, les conséquences seraient plus que dommageables pour l’ensemble du système financier.
C’est du chantage !
La perte de cette ressource stable aurait un impact sur l’appréciation de la Caisse des dépôts et consignations par les agences de notation et sur sa perception par les investisseurs internationaux, mais aussi sur sa liquidité et sa capacité de résistance aux chocs.
Je rappelle que l’ensemble des dépôts des professions juridiques s’élèvent aujourd’hui à 30 milliards d’euros, dont 23 milliards pour les notaires et 6,5 milliards pour les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires. On peut craindre une remise en cause de l’obligation de dépôt qui, je le rappelle, est une spécificité française. Puisque vous voulez aller vers une logique différente, vous risquez de mettre à mal cette singularité au profit d’autres institutions financières. Ces ressources sont pourtant essentielles pour la stabilité du modèle de la Caisse des dépôts et consignations.
Certes, celle-ci procure aux notaires des outils qui simplifient leur installation lorsqu’ils commencent, qui facilitent l’exercice de leur profession, la dématérialisation ou encore la modernisation de leurs études, mais si ces derniers déplaçaient leurs fonds collectés, cela entraînerait des conséquences des plus préjudiciables sur le financement de l’ensemble de notre économie. C’est la raison pour laquelle je tiens à mettre l’accent sur ce point spécifique, monsieur le ministre de l’économie.
En effet, il ne vous aura pas échappé que la section générale de la Caisse des dépôts finance bien des secteurs stratégiques et participe à la politique économique de la France. C’est un point que nous ne devrions pas ignorer et dont nous devrions pouvoir débattre ici à l’occasion de l’examen de l’article 12 de ce projet de loi.
Comme le disaient mes professeurs : ne dites pas « je serai bref », soyez-le !
Nous avons tous rappelé notre attachement à un système de droit, la confiance que nous accordons aux professionnels du droit. Le respect que nous témoignons à ces derniers, qui n’a rien d’une révérence, et qui n’est que l’hommage donné aux services qu’ils rendent à la République, doit nous porter à purger ce débat de deux formes d’archaïsme.
Notre collègue Jean-Frédéric Poisson parlait d’action et de réaction, d’outrances en réponse peut-être à d’autres outrances. Purgeons ce débat de ces allégations stériles !
Ces professions ont pu être à un moment donné stigmatisées, c’est vrai, et cette stigmatisation a sans doute été médiatisée, forcément exagérée.
Cependant, cette liasse d’amendements tous identiques, ces mails, ces pressions ne sont pas une réponse digne du débat que nous devons à ces professions.
Je souhaiterais, mes chers collègues, que nous laissions cet épisode derrière nous, et que nous nous fassions mutuellement confiance pour parvenir à répondre aux questions que les professions elles-mêmes se posent. Le notariat sait très bien qu’il n’a pas su remplir ses engagements en termes d’installation, il sait très bien qu’il faut faire quelque chose, et nous le savons aussi. Nous ferons quelque chose.
La sédimentation tarifaire qui a abouti à une forme d’équilibre n’est pas non plus d’une grande transparence. Il y a forcément matière à moderniser, et il y a lieu de rendre les choses plus lisibles pour l’ensemble de ces professions. Nous devons croire en notre capacité de réformer l’exercice de professions qui sont au service du droit et que nous respectons.
En matière de tarifs, il y aura des évolutions ; nous allons y travailler. Il est inutile de s’engager dans une guerre de tranchées sur des projets de texte qui remontent à plusieurs mois, alors que nous avons engagé un travail de recherche de solutions.
À cette heure tardive, je tenais simplement à adresser ce message de confiance en nos travaux. La mutualisation n’est pas la marchandisation. L’ouverture à d’autres professions est la garantie que les professionnels du droit puissent s’installer de manière correcte dans les territoires ruraux ; elle n’est en rien une ouverture à tous vents, à tous les capitaux, qui viendraient dynamiter le système français.
Nous pouvons être modernes sans être destructeurs. Nous le devons à ces professions. Personnellement, je suis persuadé que si nous abandonnons ces postures qui polluent notre propre élocution, mes chers collègues, nous saurons progresser.
Mes chers collègues, le dernier orateur inscrit sur l’article 12 s’est exprimé. La prochaine séance s’ouvrira donc sur l’examen des amendements de suppression de cet article, ce qui permettra à M. le ministre de répondre aux orateurs.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, lundi 2 février, à seize heures :
Suite du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
La séance est levée.
La séance est levée, le samedi 31 janvier 2015, à une heure trente-cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly