Reste que, comme bon nombre de mes collègues et de professionnels, je suis surpris que cette réforme trouve sa place dans un projet de loi « pour la croissance et l’économie ».
Envisagée sous le seul prisme économique et concurrentiel, cette réforme n’a en outre pas fait l’objet d’une étude d’impact pleinement impartiale, qui aurait pourtant été éclairante sur les conséquences économiques et sociales que ce bouleversement plus qu’hasardeux ne manquera pas de provoquer.
Cette réforme va particulièrement affecter les notaires. En effet, les études présentées par les professionnels du notariat, même si le ministre de l’économie les balaie d’un revers de main parce qu’il remet en cause leur impartialité, ont au moins le mérite, à mon sens, de mettre en lumière certains aspects inquiétants de la réforme.
Certes, le droit peut assurer un meilleur développement économique et donc produire de la croissance, mais il y parvient lorsque son application est organisée de manière à sécuriser et à pacifier transactions et transmissions, ce qui n’est plus le cas avec les dispositions prévues par l’article 12 et les articles suivants.
Les notaires ne sont pas des commerçants du droit, et ils ne doivent en aucun cas le devenir. Déréguler l’activité actuelle du notariat en lui substituant une organisation de type anglo-saxon, parce que c’est bien de cela dont il s’agit avec ce projet de loi, aboutir à une absence pure et simple d’organisation, c’est considérer le droit comme un marché productif parmi d’autres, et non plus comme un instrument de sécurisation de l’économie.
Alors que nos tribunaux sont d’ores et déjà surchargés, voulons-nous vraiment nous mettre à cultiver un modèle à l’anglo-saxonne, dont nous connaissons les fondements – il suffit pour cela de comparer le nombre de procédures contentieuses dans notre pays avec celui d’outre-Atlantique ou d’outre-Manche…
Cette modification de l’organisation notariale porte sur deux niveaux : la liberté d’installation, proposée par l’article 13 bis, et la réforme du tarif actuel, qui fait l’objet de l’article 12.
Sur ce point, monsieur le ministre, il n’est peut-être pas inutile de rappeler non seulement que c’est l’État qui fixe le tarif des notaires, mais aussi qu’il ne se trouve personne, professionnels compris, qui ne conteste la nécessité de le réformer.