Ce tarif n’est ni farfelu, ni sorti de nulle part : il a une raison d’être, qui tient notamment au fait que les notaires sont délégataires de l’État et que le recours à leur intervention étant obligatoire dans certains domaines, il est indispensable d’une part d’en fixer le coût, et de l’autre d’assurer l’égalité des citoyens à cet égard.
En outre, le tarif actuel tient également compte du rôle primordial de collecteur d’impôts et de taxes assuré par la profession sans que l’État, faut-il le rappeler, ne dépense un sou de sa poche pour cela.
Si nous adhérons en nombre à la nécessité de réformer le tarif actuel, il est important de rappeler qu’il y a une grande différence entre réformer et détruire.
En instaurant un tarif négociable au cas par cas, et ce malgré la notion de plafond ou de fourchette tarifaire, on met bel et bien fin au tarif public, lequel assurait jusqu’ici l’égalité de tous.
En effet, le citoyen va pouvoir négocier, comparer, et je veux bien l’entendre. Mais un citoyen aisé, averti, sera toujours mieux à même de le faire qu’un autre moins aisé et moins habile, et le citadin, qui bénéficiera de nombreux offices notariaux dans sa ville, pourra bien plus facilement se livrer à la traque au meilleur prix que le rural ou l’ultramarin. Là est la réalité !
Et l’on imagine sans peine, en matière immobilière, les tractations que pourront mener les promoteurs avec leurs notaires, ce qui ne pourra que porter préjudice à la sécurité juridique.
Il est tout aussi évident que les offices notariaux, en fonction de leur taille et de leur localisation, finiront par se jeter dans une « guerre des prix » à laquelle le droit et la sécurité juridique n’ont rien à gagner. Soumettre les notaires à la loi du marché au prétexte d’une libéralisation de leur activité, c’est encore une fois réduire leurs prestations à une marchandise. Cela n’ira pas sans la dégradation d’un service public essentiel à la sécurité juridique de nos concitoyens.
De plus, l’instauration d’une concurrence tarifaire risque de créer une concurrence par les coûts entre les études notariales, et donc d’entraîner des licenciements dans la profession – le Conseil supérieur du notariat avance le chiffre de 12 000 licenciements, et certains députés socialistes celui de 20 000 !
Encore une fois, tout cela aurait pu être chiffré dans une étude d’impact solide.
Plus de justice tarifaire, plus de lisibilité et plus de transparence, je l’entends. Mais à quel prix pour nos professionnels et nos concitoyens ?
Monsieur le ministre, vous l’aurez compris, c’est avec intérêt que je suivrai le débat sur l’amendement du rapporteur qui supprime le corridor tarifaire.
Pour conclure, et au risque de me faire taxer de corporatisme par mes collègues, je tiens à dire que je suis notaire diplômé, même si je n’exerce pas, et que je l’assume.