Intervention de Pierre Gattaz

Réunion du 22 novembre 2012 à 10h30
Mission d'information sur les coûts de production en france

Pierre Gattaz, président du Groupe des fédérations industrielles, GFI :

La modernisation de notre secteur industriel se mesurera à trois critères : l'innovation sous toutes ses formes, l'excellence opérationnelle et la qualité du service aux clients. Nous devons proposer sur le marché des produits de qualité, robustes, livrés en temps voulu et au juste prix. C'est cela qui a fait le succès des automobiles de la marque Audi, de moyenne gamme il y a trente ans et maintenant de haut de gamme, avec un prix de 15 à 20% supérieur à ceux de la concurrence. La règle se vérifie dans tous les secteurs de l'industrie et, par exemple, pour nos connecteurs : la réputation de la marque en matière de qualité et de délais de livraison, et ce sur l'ensemble de la gamme de produits, est devenue fondamentale.

L'avantage concurrentiel résulte de l'activité des bureaux d'études, mais aussi du travail effectué sur les matériaux. Ainsi, chez Radiall, nous sommes passés en trente ans du bronze à l'acier, puis à l'inox, à l'aluminium, au zamac et, aujourd'hui, au composite, et il nous faut réfléchir demain à ce qui prendra la suite. En France, nos laboratoires et nos pôles de compétitivité permettent d'atteindre l'excellence en puisant dans le vivier de l'innovation dont on ne dispose pas forcément en Chine.

Après le choix du bon matériau, vient son traitement – décolletage, traitement de surface, moulage, etc. –, qui exige des équipements adaptés et des process industriels solides. Les Allemands ne s'y sont pas trompés, et se sont montrés experts à combiner sous-traitance et process intégrés de manière à réduire coûts, délais et stocks, afin d'accroître la qualité des produits.

L'innovation ne doit pas seulement s'appliquer à la production brute, mais aussi à la gestion des ressources humaines, déterminante pour la mobilisation, la motivation et l'épanouissement de tous les salariés : c'est le lean manufacturing que je mentionnais tout à l'heure. Quand on est cher, il faut savoir se mettre en « déséquilibre avant », comme des conquérants à la proue des vaisseaux de la conquête des marchés d'aujourd'hui et de demain. Ainsi fera-t-on communier sous la même espèce l'économique et l'humain.

L'excellence opérationnelle suppose d'investir dans l'automatisation, en particulier sur tous les points où il importe de conserver ses secrets de fabrication. Une chaîne de fabrication en série coûte cher mais cette dépense en vaut la peine quand les débouchés sont assurés pour quelques années : elle garantit le respect de la qualité exigée par le client, conformément à la méthode « six sigma ».

Permettant de conserver et d'accroître des parts de marché, la robotisation ne va pas à l'encontre de l'emploi. Cependant, du fait de la variabilité des volumes de production, on ne peut pas tout automatiser. Il est, par exemple, plus facile d'automatiser la production d'automobiles que celle d'armements et d'avions. La diversité des petites séries n'exige pas les mêmes équipements que les grandes séries : aux automates de volume on préférera alors des automatisations de process hybrides ou mixtes.

La bourse n'est pas forcément une bonne affaire pour les entreprises familiales, qui ne cherchent pas une « surcroissance » de 20 ou 25 % par an mais plutôt un développement dans la durée, grâce à des taux de croissance modérés, de 3 à 10 % par an. Dans ce cas, la présence en bourse ne rapporte pas grand-chose, si ce n'est des dépenses supplémentaires, en rapports obligatoires, en honoraires d'analystes financiers, en frais de communication divers… – de 300 000 à 500 000 euros par an pour Radiall, ce qui est beaucoup rapporté à notre chiffre d'affaires de 220 millions d'euros. En outre, cela contraint à une totale transparence vis-à-vis des concurrents qui, quand il s'agit par exemple d'entreprises familiales allemandes, ne livrent rien de leurs affaires et de leur stratégie. Enfin, une fois entré en bourse, on peut difficilement s'en retirer : il suffit qu'un actionnaire « flottant » détenant plus de 5 % du capital fasse preuve de mauvaise volonté pour que vous en restiez prisonnier.

Pour toutes ces raisons, un nouvel instrument de financement à long terme adapté aux PME ne serait pas superflu, à condition qu'on puisse en sortir aussi facilement qu'on y sera entré. À tout le moins, il conviendrait de fixer, pour la proportion de capital flottant, les mêmes seuils à l'entrée et à la sortie. Pourquoi ne pas envisager aussi des introductions en bourse pour une durée limitée, par exemple de cinq ou dix ans ?

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