L'entreprise d'aujourd'hui est en quelque sorte prise entre deux tapis roulants : les marchés et les clients, d'une part, et les sciences et les technologies, de l'autre, ne cessent d'évoluer. De plus, elle est confrontée à un environnement mondialisé, producteur de chocs violents : de vraies montagnes russes ! Elle doit donc continuellement s'adapter.
Comment, dans ces conditions, conserver l'emploi en France ? Ce doit être une préoccupation constante : je m'insurge en effet contre l'idée selon laquelle les entreprises auraient pour obsession unique de pouvoir licencier facilement. Former un décolleteur ou un régleur prend cinq ans et investir dans cette formation donne un atout que nous souhaitons bien évidemment conserver. Et puis il s'agit d'êtres humains, de Français… Il faut donc penser tous les matins à ce maintien de l'emploi, mais cela ne suffit pas.
Dans le cas de crises courtes, conjoncturelles, il faut réduire la voilure pour éviter de perdre trop d'argent et donc demander des efforts à tous. La réponse réside par conséquent dans plus de flexisécurité et d'adaptation, locale ou temporaire, en agissant sur trois leviers : l'emploi, la durée du travail et les salaires. Il conviendrait en particulier d'assouplir et de simplifier le recours au chômage partiel, à l'image de ce qui se fait en Allemagne. Mais chaque entreprise est un cas particulier ; c'est donc à ce niveau qu'il faut agir ou, tout au plus, à celui de la branche, en tenant un discours de vérité, en en appelant à la responsabilité collective tout en ouvrant la perspective d'un retour à meilleure fortune : « Nous allons souffrir pendant six mois, un an, mais nous nous en sortirons ! ».
Mais il y a des crises plus graves, qui peuvent entraîner la disparition de tout un marché : ainsi celle des télécommunications, qui a amputé de 40 % le chiffre d'affaires de Radiall. La mondialisation produit souvent de ces à-coups extrêmement brutaux. Licencier est alors inévitable, mais il ne faut pas le faire de façon sauvage. Il ne faut pas condamner nos ouvriers au chômage de longue durée. Cela implique qu'ils aient été formés tout au long de leur vie professionnelle, qu'ils aient amélioré leur qualification, peut-être même qu'ils aient eu l'expérience d'autres métiers : la formation continue est tout à fait cruciale pour garantir cette employabilité.
Si les salariés savent qu'ils retrouveront un emploi parce qu'ils sont formés, leur crainte – légitime – du licenciement en sera atténuée. Inversement, si le licenciement devient plus facile pour l'entreprise et cesse de représenter pour elle un risque juridique majeur, elle redoutera moins d'embaucher. Il faut faire reculer simultanément ces deux peurs qui nous paralysent collectivement depuis des années.
Sur la durée du travail, je n'ai pas de position absolument arrêtée. Il serait bon de l'accroître, non pas pour la porter à 45 ou 50 heures de travail par semaine comme au Mexique ou en Chine, mais pour nous situer dans la moyenne européenne – celle de la plupart de nos concurrents et clients. Je ne sais pas si cette question pourra être abordée dans la négociation en cours entre les partenaires sociaux, qui porte plutôt sur la flexisécurité et sur la sécurisation des parcours professionnels, mais il faudra en tout cas en discuter, de façon sereine et équilibrée.