Intervention de Pierre Gattaz

Réunion du 22 novembre 2012 à 10h30
Mission d'information sur les coûts de production en france

Pierre Gattaz, président du Groupe des fédérations industrielles, GFI :

C'est bien difficile à évaluer ! Ce que je peux dire, c'est que lorsque je suis arrivé chez Radiall en 1992, j'avais une vingtaine de concurrents patrimoniaux en France et une quarantaine en Allemagne. Vingt ans après, toutes ces entreprises françaises ont été vendues, achetées, dépecées, en général par des Américains ; toutes les entreprises allemandes existent encore, et se sont même énormément développées. Le constat est terrible. Que s'est-il passé ?

La France a eu du mal à sortir des Trente Glorieuses ; nous avons, c'est un fait, très mal géré les trente années qui viennent de s'écouler. Certains ont vendu leur entreprise plutôt que d'affronter une conjoncture devenue plus difficile, mais les gouvernements successifs et les décideurs en général ont négligé l'industrie, se laissant séduire par le fabless. L'économie du numérique, Internet, c'est merveilleux, certes, mais cela ne flotte pas dans l'air ! Il faut des réseaux, des faisceaux hertziens, des connecteurs… Cela, on l'a oublié – ce qui m'a tellement meurtri que j'en ai fait un livre, Le printemps des magiciens.

En France, il n'est pas facile d'être patron ! Quand on y réussit, on est armé pour réussir partout, me dit-on… J'insiste donc sur la nécessité d'assurer la sérénité en matière fiscale : notre législation n'a pas su protéger les entreprises patrimoniales. Certes, il faut s'attaquer aux horribles spéculateurs, aux 5 % de brebis galeuses ; mais il aurait fallu encourager les 95 % restants. Au lieu de cela, il y a eu l'ISF, les droits de succession confiscatoires… La loi Dutreil a permis, enfin, la transmission des entreprises dans de bonnes conditions.

On sait que nous n'avons pas assez d'entreprises de taille intermédiaires (ETI), c'est-à-dire d'entreprises employant entre 250 et 5 000 salariés : nous n'en comptons que 4 500, contre 12 500 en Allemagne, mais, sur ce nombre, il y en a moins de mille qui soient des ETI industrielles patrimoniales, contre 5 000 à 6 000 Outre-Rhin. Il faut donc aider les PME à devenir des ETI. Pour la plupart, celles-ci ont leur centre de décision en France, et n'agissent donc pas de la même façon que des directions installées à New York ou à Palo Alto.

Sans qu'il soit pour autant question de sombrer dans un ultra-libéralisme débridé, nous devons prendre en compte les contraintes de la mondialisation. On n'élèvera pas de herses autour de notre pays pour le protéger ! La France peut néanmoins trouver une nouvelle harmonie, mais elle devra pour cela faire confiance à ses entrepreneurs et à leurs salariés.

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