Intervention de Philippe Houillon

Séance en hémicycle du 2 février 2015 à 21h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 13

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Houillon :

Je poursuis. Évidemment, la clientèle institutionnelle se comportera ainsi, et cela aura donc des conséquences sur le maillage territorial. Vous avez prévu un certain nombre d’exceptions, notamment en matière d’aide judiciaire – c’est le terme même retenu dans le texte, peut-être aurait-on pu en employer d’autres mais peu importe, nous comprenons bien ce que cela signifie. Cela veut dire que la personne qui sera éligible au bénéfice de l’aide juridictionnelle pour des affaires de droit commun, à l’inverse de celui qui n’en bénéficie pas, ne pourra choisir qu’un avocat du barreau devant lequel l’affaire se plaide. Vous créez ainsi deux régimes – cela existe déjà –, alors même que vous modifiez la territorialité de la postulation.

Nous reviendrons sur un certain nombre d’autres sujets lors de l’examen des amendements dont nous débattrons demain, mais je tiens dès à présent à mentionner un problème technique. Vous me direz peut-être que les choses peuvent s’arranger, mais comment procédera-t-on techniquement avec le réseau privé virtuel des avocats, le RPVA, système de communication qui aujourd’hui fonctionne entre un barreau et le tribunal de grande instance auprès duquel il est attaché mais ne fonctionne pas entre les différents TGI d’une même cour d’appel ? Par conséquent, je ne vois pas que cela puisse être mis en pratique demain matin. Je ne sais pas si vous avez étudié le coût d’une telle modification, ou qui sera à la manoeuvre pour mettre cela en place.

J’entendais des allusions à la récente suppression des avoués de cour d’appel. Depuis lors, les avocats peuvent postuler à la place des avoués devant la cour d’appel, et une idée un peu rapide pourrait laisser penser que le bon périmètre pour la postulation de première instance est également la cour d’appel. Si l’objectif est de se diriger vers des barreaux de cour à l’échelon d’une cour d’appel, avec éventuellement des suppressions de juridictions, il faut le dire. Nous craignons d’ailleurs que le texte n’y conduise.

Cela étant, nous avons auditionné les premiers présidents de cour d’appel, et leur avons demandé comment les choses se passaient depuis la suppression des avoués : plutôt mieux, ou plutôt plus mal ? Que pensez-vous qu’ils aient répondu ? Plutôt plus mal. En effet, il est bien évident que lorsque le tribunal ou la cour connaît un interlocuteur, les relations et les procédures sont infiniment plus fiables.

Enfin, dans la pratique quotidienne, dans toutes les procédures pour lesquelles le ministère d’un avocat n’est pas obligatoire, comme devant le tribunal de commerce, lorsqu’un avocat de Paris a une affaire devant le tribunal de commerce de Montpellier, il prend évidemment un correspondant. Et dans ce cas, on arrive au résultat que vous souhaitez par une autre disposition qui figure dans ce même article : la suppression du tarif de postulation, sauf dans certaines exceptions.

Je le disais : dans la pratique, pour des raisons de procédure, de mise en état et de lourdeur des dossiers, il n’arrivera pas qu’un avocat n’ait pas de correspondant quand il est chargé d’une affaire ailleurs. En tout cas, pour l’instant, il est techniquement très loin de pouvoir s’en passer.

Je ne m’étais pas rallié à la conclusion de la mission d’information, qui préconisait une expérimentation, parce que je pensais qu’elle allait déjà trop loin. Cependant, elle avait tout de même le mérite d’être beaucoup plus sage que votre proposition, qui consiste à tout effacer d’un coup, sans évaluation. Commençons éventuellement par expérimenter cette modification, à laquelle je ne suis pas favorable, au lieu de tout gommer d’un coup sans étudier les conséquences de cette mesure ni proposer aucune indemnisation.

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