Nous avons constaté une forme de continuité d'une génération à l'autre, de reproduction sociologique du statut, plus importante en France que dans d'autres pays, ce qui signifie que les jeunes Français ont davantage de mal à s'élever au-dessus de la condition de leurs parents et à accéder à l'autonomie. Lors de notre déplacement à Saint-Etienne, on nous a expliqué que, malgré un nombre important de dispositifs de soutien, d'aides, d'acteurs sociaux, etc., les jeunes éprouvaient de grandes difficultés à accéder à la formation, et tout simplement à quitter leur quartier. Ils ont du mal à sortir de leur milieu d'origine pour aller chercher ailleurs des solutions favorisant leur autonomie, leur insertion dans la vie professionnelle et sociale.
Par ailleurs, contrairement aussi à ce qui se passe dans d'autres pays européens, le schéma d'apprentissage est dominé par le modèle selon lequel on se forme d'abord et on travaille ensuite. En France, on ne sait pas se former un peu, puis travailler, puis continuer à se former et recommencer à travailler, etc. On – c'est-à-dire les employeurs – privilégie une sorte de parcours linéaire qui empêche les jeunes de travailler tant qu'ils ne se sont pas suffisamment formés. Naturellement, les choses évoluent, mais ce modèle est encore extrêmement présent dans les esprits. Cela pose la question de la capacité des enseignants à imaginer d'autres schémas, à appréhender le monde de l'entreprise, et aussi la question des passerelles qui doivent exister entre les deux. Cette situation a été pointée dans le rapport que nous avons remis il y a un an, mais elle est encore extrêmement prégnante.
Cela dit, on constate tout de même que l'accès aux diplômes d'enseignement supérieur est plus facile maintenant, et plus largement ouvert à des personnes issues de milieux qui ne sont pas favorisés à l'origine, ce dont il faut se féliciter. Toutefois, on note une forte prégnance de l'échec scolaire en France, et les comparaisons par rapport aux pays voisins ne sont pas flatteuses, ce qui, d'une certaine façon, vient contrebalancer cette possibilité élargie d'accès à l'enseignement, y compris supérieur.
L'accès au baccalauréat est plus difficile pour les élèves issus des catégories sociales défavorisées, et il y a une sorte de pré-orientation vers l'enseignement professionnel. Grosso modo, un élève qui ne réussit pas dans les filières d'enseignement général part dans l'enseignement professionnel, où l'on a moins besoin d'être bon en français et en mathématiques. On considère que c'est une solution qui permet à peu de frais de maintenir sous statut scolaire des jeunes dont on estime qu'ils n'ont pas grand-chose à faire dans l'enseignement général.
Vous trouverez, à la page 4 de la synthèse de notre rapport, un schéma qui montre l'empilement des mesures d'aide à l'emploi des jeunes… Si quelqu'un s'y retrouve, qu'il le dise ! Pour notre part, nous n'avons toujours pas compris. Le rapport initial contient un bel organigramme en couleur patiemment préparé par les services – ils ont dû s'y reprendre à huit reprises pour le faire – qui explique qui décide quoi. Vous avez là la preuve de l'incapacité de la puissance publique à proposer un schéma clair.