Je salue la qualité de ce rapport, qui ne se résume pas à une évaluation des dispositifs existants, assortie de préconisations, mais qui met également au jour des pratiques très positives et trop peu connues.
La mobilité des jeunes est nécessaire pour la formation, pour l'emploi, pour l'autonomie en général, et l'on voit bien que les handicaps, qu'ils soient financiers, sociaux ou géographiques, ont une fâcheuse tendance à se cumuler. Le milieu rural en fournit une bonne illustration, et toute la carte des formations est à revoir, car elle reste pensée en fonction de la proximité géographique. Les étudiants de Harvard sont loin d'habiter tous à vingt kilomètres de leur université, et j'ai pu constater dans ma propre circonscription que déplacer de sept kilomètres un lycée pose un problème à la fois pratique, social et culturel. Il y a vingt-cinq ans, j'ai expérimenté une formule de précontrat en fin de troisième : études payées, débouchant sur un recrutement. J'ai réuni toutes les administrations et tous les organismes concernés : tous m'ont dit que c'était impossible, et pourtant nous l'avons fait. Des jeunes qui seraient restés chez eux, en se contentant des formations disponibles sur place, sont allés habiter pendant trois ans en internat, à 200 kilomètres, et ont trouvé du travail à leur retour. La preuve est donc faite que c'est possible et que ça ne coûte pas très cher. Si on laisse les établissements ou les centres de formation monter des formations de leur côté, et les jeunes et leurs familles se débrouiller avec ce qu'on leur propose, ça ne marche pas. Il faut qu'à un moment donné les deux parties se rencontrent pour surmonter les obstacles. Sinon, les familles les moins aisées n'ont jamais la force pour le faire.
La linéarité constitue, elle aussi, un écueil. Une étude du CNRS a montré que le choix d'orientation des jeunes est conditionné par les métiers qu'ils peuvent observer dans leur vie quotidienne. Les jeunes urbains s'orientent très rarement vers l'élevage, et les jeunes ruraux très peu vers l'informatique. Il faut donc ouvrir le champ des possibles à ceux pour qui il est le plus réduit. Les enseignants, que je respecte beaucoup par ailleurs, n'ont pas dans leur formation l'obligation de passer un CAP, ce qui leur conférerait une certaine forme d'exemplarité auprès de leurs élèves et pourrait créer une proximité entre les différents types de formation. Je pense également que, quelle que soit la réussite future d'un jeune, il faut lui demander de passer, vers la troisième, la partie théorique d'une des dix grandes familles de CAP. De cette façon, un jeune qui se trouve bloqué en fin de première ou après le bac pourra mettre à profit cette base acquise sans régresser et, le moment venu, se comparer à des personnes exerçant d'autres professions, comme du temps du service national, où l'on s'entendait souvent demander combien de fautes on avait commis lors du certificat d'études...
Le tableau des aides est un casse-tête, une sorte de Rubik' cube, une matrice tridimensionnelle irrésolue. Il faut passer de l'obligation contrôlée, comparable à une montre suisse tellement perfectionnée qu'elle ne fonctionne plus, à une initiative responsable. Il faut accepter que ceux qui ont des décisions à prendre assument leurs choix et rendent des comptes. C'est là la voie de la simplification.
Par ailleurs, le rapport envisage-t-il un lien entre les dispositifs présentés et l'engagement citoyen, dans le service civique notamment ?
La question se pose, enfin, du mérite et de la mention. Pour ma part, je ne suis pas sûr d'avoir eu beaucoup de mérite à obtenir une mention. Il y a plus de mérite, même à un niveau de moindre reconnaissance, à s'élever, à monter la marche supérieure lorsqu'elle est haute, qu'à se maintenir au sommet quand on s'y trouve déjà. Pour moi, le mérite ne se confond pas avec l'élite.