Madame la députée, il s’agit là d’un problème très précis, lié – là encore – à des problèmes frontaliers, cette fois-ci avec la Suisse. Vous dénoncez, si j’ai bien compris, le fait que la formation des apprentis en France serve, ensuite, aux entreprises suisses. Vous avez également évoqué la question des parités monétaires. La forte appréciation du franc suisse a conduit la Banque nationale suisse à intervenir pour la limiter, faute de quoi l’économie suisse ferait face à de graves difficultés.
Pour répondre précisément à votre question, sachez que la liberté de circulation des travailleurs français est reconnue par le droit interne, européen, et international du travail. Elle interdit, en principe, la mise en place d’une contrepartie au fait d’avoir suivi une formation. Au passage, je vous ferai remarquer que la France, bien qu’elle ait un très haut niveau de formation, profite parfois de compétences acquises par des formations à l’étranger. Je pense en particulier aux médecins qui s’installent dans nos zones rurales, et qui ont été formés en Roumanie ou dans les pays d’Europe centrale. Cela pose des problèmes importants d’harmonisation à l’échelle européenne. Quoi qu’il en soit, la liberté de circulation interdit d’instituer des contreparties directes.
Ainsi, la clause dite de dédit-formation, qui permet à un employeur de se faire rembourser les frais d’une formation non obligatoire dispensée dans le cadre d’un contrat de travail de droit commun, est sévèrement encadrée par la jurisprudence. Elle constitue en effet une dérogation à ce principe, et ne doit pas être un frein à la mobilité – il faut prendre la mesure de cette liberté de mobilité.
En ce qui concerne le contrat de professionnalisation, cette clause est légalement interdite en cas de rupture du contrat de travail. Pour le contrat d’apprentissage, il convient de rappeler que si l’apprentissage se déroule dans le cadre d’un contrat de travail, il s’inscrit avant tout dans le cadre de la formation initiale. L’objet même de ce contrat est l’obtention d’un diplôme. Par ailleurs, l’engagement de demeurer au service d’un employeur pendant un temps donné et contre une formation reçue est contraire au principe précité, comme la Cour de justice de l’Union européenne l’a rappelé, et ce quel que soit le pays dans lequel le ressortissant français souhaite aller travailler.
Si le Gouvernement est sensible à la situation particulière des entreprises frontalières, qui peuvent souffrir de la concurrence salariale d’autres pays, il ne saurait introduire dans le régime juridique de l’apprentissage la possibilité de telles contreparties, au détriment du jeune en formation. En revanche, la loi du 5 mars 2014 permet de conclure un contrat d’apprentissage à durée indéterminée : cela constitue une réponse appropriée. La mise en oeuvre de ce nouveau contrat devra d’ailleurs être évaluée : c’est ce que propose M. le ministre de l’emploi.