Intervention de Philippe Houillon

Séance en hémicycle du 3 février 2015 à 15h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 13

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Houillon :

Cet amendement vise lui aussi à supprimer les alinéas relatifs à la déterritorialisation de la postulation.

Les explications du ministre et du rapporteur général comportent beaucoup d’inexactitudes et d’amalgames.

Madame la rapporteure thématique, vous avez dit tout à l’heure qu’il fallait être attentif au principe de précaution. Or, quand on dépose un projet de loi visant à modifier la règle du jeu, le principe de précaution s’appelle « étude d’impact ». En l’occurrence, d’étude d’impact, il n’y en a pas. Il est inacceptable de modifier les règles du jeu sans avoir préalablement examiné les conséquences de ces dispositions !

J’ajoute que la mission d’information a entendu 160 personnes pendant plus de cinquante heures – excusez du peu. Je vous accorde que l’on a le droit de changer d’avis, mais notre mission d’information n’a pas sorti ses conclusions de son chapeau ! Celles-ci, qui ont été adoptées à l’unanimité, avaient été longuement mûries et conduisaient à vouloir d’abord étudier les conséquences qu’aurait une telle mesure. Or, pour l’heure, nous ne disposons que d’une étude d’impact réalisée à la demande du Conseil national des barreaux. Vous considérez, monsieur le ministre, que le montant en jeu serait de 54 millions d’euros, donc pas grand-chose ; mais vous semblez avoir confondu le tarif de postulation, qui correspond à un acte bien déterminé, avec le chiffre d’affaires ! En réalité, si j’ai bien lu l’étude d’impact, ces 54 millions correspondraient au manque à gagner lié à la seule activité de postulation.

Par conséquent, on peut considérer qu’il y aura bien un préjudice. Or, dès lors que ce dernier découle de la loi, cela engage la responsabilité de l’État, et il devrait y avoir une indemnisation. Votre réponse consiste à dire que vous ne supprimez pas un monopole, mais que vous l’étendez. Pourtant, il est bien évident que vous modifiez le système de manière substantielle, puisque vous injectez sur un territoire jusqu’alors soumis au monopole de la postulation, des centaines voire des milliers de concurrents supplémentaires. Il n’est pas sérieux d’écarter cette question d’un revers de la main ! Il aurait fallu pouvoir débattre de la question de l’indemnisation.

Vous dites que le système est dépassé et que le nouveau dispositif coûtera moins cher au justiciable. Mais c’est faux ! Vous avez là encore, monsieur le ministre, écarté d’un revers de la main la question de la mise en état. Or, puisque votre texte ne modifie pas le code de procédure civile, celle-ci existera toujours, et il y aura toujours des diligences intermédiaires entre l’acte introductif d’instance et la plaidoirie. Vous soutenez que dorénavant, n’importe quel avocat de France pourra plaider à Saint-Malo ; certes, mais c’était déjà possible – et, surtout, ce n’est pas le problème !

Le problème, c’est que le déroulement de la procédure donne lieu à des diligences intermédiaires, et que cela continuera même après l’adoption de votre texte. Or celles-ci auront un coût, qui devra être réglé, même si l’on supprime le tarif de postulation. Par conséquent, il est erroné de dire que le justiciable paiera moins cher : les honoraires de diligences resteront.

Les exemples pris par M. Tourret sont à cet égard intéressants, puisqu’il s’agit de procédures sans diligences intermédiaires. Ainsi la procédure devant les prud’hommes – qui va être réformée – prévoit une audience de conciliation ; si celle-ci échoue, l’affaire est portée devant le bureau de jugement pour plaidoiries. Entre ces deux phases, il y a un échange direct entre les parties, mais pas d’audience de mise en état, pas de diligence où le tribunal ou la juridiction concernée interviendrait.

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