Intervention de Pascal Cherki

Séance en hémicycle du 3 février 2015 à 15h00
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 13

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Cherki :

Il faudrait que vous m’expliquiez quelque chose, monsieur le ministre : vous voulez créer dans la loi, et c’est discutable – ce n’est pas péjoratif : cela signifie que cela mérite d’être discuté –, une grande profession de l’exécution du droit. Or là, vous voulez créer une petite profession de la représentation devant la Cour de cassation et le Conseil d’État.

Je vous le dis très franchement, les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation sont aujourd’hui comme une rivière sortie de son lit : ils n’instrumentent pas que devant la Cour de cassation et le Conseil d’État. Eux-mêmes sont en situation de monopole pour ce qui concerne la représentation devant le Conseil d’État et la Cour de cassation – à l’exception des cas que j’ai évoqués devant le Conseil d’État pour le contentieux électoral et le recours pour excès de pouvoir –, mais ils peuvent aller en toute liberté braconner sur les terres des avocats pour d’autres contentieux, sans que la réciproque soit possible.

Je sais qu’ils constituent un lobby très puissant, très organisé, très parisien, dans lequel on se donne souvent du « Cher ami », ayant l’oreille du Conseil d’État ; je comprends donc que le Gouvernement soit extrêmement prudent. Mais, monsieur le ministre, quand on se bat avec votre énergie pour l’égalité des chances, je ne vois pas pourquoi, de ce point de vue, on ne franchit pas ce pas supplémentaire !

Avec mon amendement je propose deux choses : premièrement, il faut une spécialisation « Hautes juridictions », dont on peut confier la charge au barreau et, deuxièmement, je demande que cela se fasse par décret, donc sous votre contrôle, monsieur le ministre, et sous le contrôle de la garde des sceaux, de manière à ce que dans la rédaction du décret vous réfléchissiez aux voies et moyens – je vous fais confiance pour éviter ce risque d’indemnisation.

Je pense qu’il faut adresser un signal. Or, à partir du moment où les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation peuvent librement braconner sur les terres des 60 000 avocats, je ne vois pas pourquoi quelques avocats ne pourraient pas eux aussi, dès lors qu’ils seraient dûment titulaires de cette spécialisation délivrée par les barreaux, et comme ils le font avec bonheur en contentieux électoral ou en recours pour excès de pouvoir, tenter leur chance en faisant des pourvois devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation. Si ce sont de bons avocats, s’ils ont un bon taux de réussite, alors les justiciables iront vers eux ; mais s’ils ont un mauvais taux de réussite, alors les justiciables resteront entre les mains protectrices des avocats aux conseils.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion