Intervention de Pierre Morel-A-L'Huissier

Séance en hémicycle du 3 février 2015 à 21h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Article 13

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Morel-A-L'Huissier :

Vous le savez, monsieur le ministre, la profession de notaire a été particulièrement choquée par le rapport de l’IGF et les propos tenus par votre prédécesseur, M. Arnaud Montebourg. Pourquoi s’en prendre à une profession qui constitue le fondement même de notre système juridique ?

Officier public et ministériel nommé par le garde des sceaux, délégataire de la puissance de l’État, le notaire donne aux actes conclus devant lui une date certaine, une valeur probante supérieure à celle de tout autre écrit et une force exécutoire équivalente à une décision de justice.

Je vous accorde que vous n’avez pas remis en cause le domaine réservé de l’acte authentique. Je vous accorde également que l’acte d’avocat, dont j’ai refusé de voter la création, n’a rien apporté à notre ordonnancement juridique. Cela étant, je ne peux souscrire à votre projet de loi qui n’aborde la profession de notaire que par le prisme économique et concurrentiel, en prévoyant l’intervention du ministre de l’économie, de l’Autorité de la concurrence et la négociation des tarifs – tout ceci, semble-t-il, pour redonner du pouvoir d’achat aux Français. Le notariat est-il vraiment un verrou pour le développement économique de notre pays ?

Aussi, je regrette qu’aucune étude préalable n’ait été menée sur la place du notaire dans la société française. Cette étude aurait permis de mettre en lumière l’impact de cette profession, tant pour les particuliers que pour les familles, les entreprises et les collectivités locales. Elle aurait permis également d’appréhender plus précisément la problématique de l’implantation des études sur le territoire.

Je regrette profondément qu’aucune vision interministérielle n’ait été élaborée conjointement par le ministère de la justice, le ministère de l’économie et les ministères chargés de l’aménagement du territoire, de la ville et de la ruralité. Affirmer la liberté d’installation tout en prévoyant une cartographie et la possibilité de refuser telle ou telle installation n’est pas source de clarté. Permettre une installation en plaçant le nouveau notaire sous l’épée de Damoclès d’un notaire déjà installé est purement extravagant.

En réalité, la charge des notaires vous gêne. Vous n’avez pas le courage de le dire, car il en coûterait 8 milliards d’euros d’indemnisation. Nous l’avons pourtant fait pour les avoués. Il faut savoir ce que vous voulez.

En réalité, votre projet marque une défiance vis-à-vis de cette profession. Élu de la nation, j’ai le privilège de pouvoir vous le dire, comme de nombreux notaires ruraux qui ont peur de l’avenir, et ces 48 000 salariés, soutenus par tous les syndicats, notamment la CGT, qui craignent pour leur emploi.

Avant de stigmatiser une profession, il eût été nécessaire d’en appréhender l’impact dans la société française. Il s’agit d’un réseau structuré de 8 500 notaires, dans près de 4 000 études, avec 48 000 salariés. Ce réseau pourrait servir de base avancée pour la redéfinition des services publics et des services au public en milieu rural.

C’est ce à quoi je vous demande de réfléchir, en proposant un groupe de travail associant tous les acteurs des territoires. Cela permettrait de confier aux notaires un certain nombre de missions que l’État réalise mal. Je pense notamment à l’évaluation faite par France Domaine, une véritable catastrophe, aux procédures d’expropriation et de remembrement, aux expertises foncières. Je regrette que nous légiférions aujourd’hui à l’emporte-pièce.

Vous allez définir une cartographie. Nous aurons donc des départements où la profession de notaire est mal représentée, et des secteurs où elle est surreprésentée. Quelle indemnisation allez-vous mettre en place pour régler ce problème ? Vous allez permettre à des jeunes de s’installer, mais pendant six ans, une étude notariale s’estimant lésée pourra demander une indemnisation. Il me semble que vous ne voulez pas assumer vos responsabilités et mettre en place une indemnisation qui serait fort nécessaire.

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