Ensuite, tout dépend de l’endroit où l’on positionne le curseur, et sur ce point nous avons, éventuellement, une divergence. Où place-t-on ce curseur ? Je vous entends, monsieur le ministre, parler de notaires qui ont plus de soixante ans, dire qu’après tout, on peut voir baisser son chiffre d’affaires sans licencier. Mais si le chiffre d’affaires baisse et qu’on maintient ses charges au même niveau, cela veut dire – dites-le clairement – que le résultat diminue.
C’est là accepter un postulat qui n’est pas forcément celui des professionnels : pour eux, s’il y a une baisse de chiffre d’affaires, il y a évidemment des conséquences.
Après, et c’est là que nous divergeons, le texte manque de clarté, ce qui laisse prévoir contentieux et indemnisations. Je vous rappelle, car je n’y reviendrai pas, la position du Conseil d’État : « en prévoyant que les professionnels nouvellement installés dédommageraient leurs confrères en place, le législateur se déchargerait sur eux d’une responsabilité qui lui incombe, la responsabilité du fait des lois. (…) Pour ces motifs, doit être préféré au dispositif prévu par le Gouvernement un mécanisme permettant, dans chaque zone géographique, une augmentation progressive du nombre d’offices sans faire peser la charge d’une indemnisation ni sur l’État ni sur les professionnels nouvellement installés ».
En d’autres termes, dans le cadre du raisonnement que je termine, le Conseil d’État vous dit tout simplement : ne créez pas plus d’offices qu’il n’y a de besoins. En vous contentant de répondre aux besoins, vous permettez l’arrivée d’un certain nombre de professionnels, tout en assurant le maillage territorial. Vous n’encourez pas le risque de déstabiliser, c’est-à-dire de paupériser les autres professionnels et vous ne mettez pas non plus à la charge des jeunes entrants une indemnisation que vous prévoyez pourtant, et ce pendant six ans, dans votre texte.
Les choses sont donc extrêmement simples. Si c’est cela que vous voulez faire, eh bien, monsieur le ministre, donnez un avis favorable à l’amendement que je présente. Celui-ci propose simplement, comme l’a préconisé la mission d’information de la commission des lois, d’établir une cartographie pour identifier les endroits où il serait nécessaire, pertinent, et utile de créer des offices, pour la proximité et afin d’atteindre tous les objectifs affichés au début du premier alinéa de l’article. Sur cette base, et sous réserve qu’il y ait des candidats, créons-les à ces endroits, et pas au-delà des besoins.
Or votre texte, et il s’agit là de la différence essentielle avec mon raisonnement, laisse à penser qu’on peut aller au-delà des besoins, par définition, ne serait-ce que parce que vous créez une indemnisation. Si indemnisation il y a, c’est qu’il y a préjudice. Et s’il y a préjudice, c’est qu’il y a, puisqu’il y a captation de clientèle, création d’offices au-delà des besoins.
Tout cela est très simple et on peut le dire – je ne sais pas si j’y suis parvenu – simplement comme je viens de le faire, plutôt qu’au moyen de trois pages auxquelles on ne comprend rien, qui vont devenir source de contentieux interminables et qui vont susciter à tort des inquiétudes pour un certain nombre et des espoirs pour d’autres. Il suffit pourtant, encore une fois, si c’est aussi votre objectif, de dire les choses ainsi. Mais si votre objectif est de paupériser, alors évidemment, vous serez probablement défavorable à l’amendement de réécriture que je soutiens.