Intervention de Fleur Pellerin

Séance en hémicycle du 27 novembre 2012 à 9h30
Questions orales sans débat — Pratiques commerciales d'agences de travail étrangères

Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique :

Madame la députée, vous avez attiré l'attention du Gouvernement sur les conditions d'intervention dans votre circonscription d'une entreprise de travail temporaire établie en Pologne. Celle-ci démarche des entreprises françaises pour leur proposer un service de mise à disposition de personnel dans les secteurs du BTP, de l'hôtellerie, de la restauration et de l'agriculture.

Cette entreprise polonaise ne respecterait en effet pas les règles inhérentes au détachement de travailleurs, en « proposant une main-d'oeuvre étrangère à bas coût et flexible à l'excès ».

Dans ce contexte, vous avez souhaité connaître les initiatives envisagées ou déjà prises afin d'apporter les solutions attendues et de mettre fin à ce type de pratiques, sources de dumping social et de concurrence déloyale.

Tout d'abord, le code du travail encadre strictement les conditions d'intervention en France des entreprises établies hors de France, conformément aux dispositions de la directive européenne du 16 décembre 1996, qui concerne le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services.

En effet, la mise à disposition de salariés intérimaires par une entreprise de travail temporaire établie hors de France auprès d'une entreprise utilisatrice en France est un des quatre cas de détachement définis par le code du travail. À ce titre, le code du travail prévoit l'obligation pour les entreprises établies hors de France d'être régulièrement immatriculées en tant que telles dans leur pays d'établissement et d'y exercer une activité significative. Elles doivent en outre justifier d'une garantie financière, afin d'assurer le paiement aux salariés détachés de l'intégralité des salaires dus pendant leur période de détachement.

Les entreprises de travail temporaire établies hors de France sont également tenues de respecter à l'égard des salariés détachés en France l'ensemble des règles du code du travail applicables relatives au travail temporaire. Ainsi s'appliquent notamment les règles françaises relatives à la durée des missions, aux cas de recours à l'intérim, à l'élaboration du contrat de mise à disposition et du contrat de mission, ainsi qu'aux droits individuels des salariés, notamment en matière de conditions de travail et de rémunération.

Plusieurs affaires, dont certaines ont eu un fort retentissement médiatique, notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics – je pense, par exemple, à l'EPR de Flamanville – et celui des transports – dans le transport aérien, les conditions d'intervention en France de certaines compagnies à bas coût –, ont mis en lumière des pratiques abusives de contournement des règles par certaines entreprises, aboutissant à des situations de concurrence déloyale, sources de précarité pour les salariés détachés.

Ces constats appellent l'ensemble des États de l'Union européenne à une grande vigilance sur la question de l'effectivité des règles du détachement. Pleinement conscient des enjeux liés au détournement des règles communautaires en matière de détachement, le Gouvernement français a déjà engagé un certain nombre d'actions. Dans le plan national de coordination de la lutte contre la fraude au titre de 2012, il a de nouveau retenu la lutte contre les détournements de la réglementation relative au détachement de salariés dans le cadre de prestations de services internationales comme l'un des axes prioritaires du volet relatif au plan national de lutte contre le travail illégal, tandis que le secteur du BTP figure dans la liste des cinq secteurs d'activité prioritaires.

Les services de contrôle interviennent donc activement pour s'assurer du respect des règles, notamment dans le secteur du BTP, qui reste en 2011 le secteur le plus contrôlé, avec 41 % des contrôles, et le plus verbalisé, avec un taux d'infraction voisin de 15 %.

Par ailleurs, plusieurs initiatives ont été engagées avec les partenaires sociaux, dans le cadre du protocole sur la prévention du travail illégal et les bonnes pratiques de la sous-traitance dans le BTP, qui a été conclu le 25 octobre 2005 entre les ministères du travail et de l'équipement, et plusieurs organisations professionnelles.

Le Gouvernement reste attentif à ce que la mobilisation des services soit encore renforcée dans les mois à venir, tant dans ses aspects préventifs que répressifs. À cet égard, la commission nationale de lutte contre le travail illégal se réunit ce 27 novembre à dix-sept heures, sous la présidence du Premier ministre, pour dresser le bilan des actions déjà engagées par les services de l'État et les organismes de recouvrement des cotisations sociales.

Elle fixera aussi les axes prioritaires du plan national d'action pour les années 2013-2015, à savoir : la nécessité d'être présent sur tous les fronts, le travail dissimulé classique comme l'absence de déclaration d'activité ou d'emploi, mais aussi les fraudes organisées ; le renforcement, dans la continuité de la Grande Conférence sociale, de la coordination avec les partenaires sociaux, qui ont d'ailleurs été associés à la préparation du plan pluriannuel. L'accent sera également mis sur la coopération entre les différents services de contrôle, indispensable pour améliorer l'efficacité de la lutte contre les fraudes organisées.

Lutter contre le travail illégal, c'est aussi défendre les salariés, leur statut immédiat de salarié mais aussi leur protection sociale, car, nous le savons bien, les précarités les plus extrêmes découlent de situations de travail illégal. Sur les étrangers sans papiers, une circulaire du ministère de l'intérieur est en cours de préparation, en association avec les partenaires sociaux. Enfin, dans le cadre des négociations de la proposition de directive visant à renforcer l'effectivité de la mise en oeuvre de la directive de 1996, le Gouvernement est extrêmement attentif à sensibiliser l'ensemble de nos partenaires européens à la nécessité de coopérer loyalement pour y parvenir et de mettre en place des mécanismes permettant de lutter plus efficacement contre les fraudes et les abus.

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