Mes chers collègues, comme je l’ai dit hier soir, ce projet de loi nous a permis d’aborder un certain nombre de sujets dont je pensais à titre personnel qu’ils étaient tabous et que nous ne les aborderions jamais.
Mais force est de constater que nous suivons une mauvaise trajectoire. Pardonnez-moi de vous rappeler que nous ne nous sommes pas encore remis de la dernière réforme de la justice, en tout cas dans mon territoire.
La réforme territoriale de M. Valls va considérablement affaiblir notre territoire, nous le constaterons dans deux ou trois ans – quand je parle de territoire, je pense à nos immenses zones rurales, mais ce ne sera pas mieux dans les zones urbaines. D’où vous vient cette tentation de concentration, s’agissant de professions qui ne demandaient rien à personne ? Comme quelques-uns de mes collègues, j’ai rencontré un grand nombre de notaires, d’avocats, d’huissiers et de commissaires-priseurs : je n’en ai pas trouvé un seul pour dire qu’il y a quelque chose de bon dans ce que vous proposez.
Certes il s’agit d’un changement et je sais bien que la France est rétive au changement, mais la résistance que ce texte a suscitée, ainsi que la pertinence et la constance des raisonnements m’ont interpellé.
J’en suis venu à me poser la question suivante : allons-nous réussir un jour à dépasser les travaux préparatoires de la haute administration de notre pays, qui passe son temps à préparer des projets idylliques, totalement déconnectés du territoire, mais qui ont tous pour effet de recentraliser, alors que c’est le contraire qu’il faudrait faire ? Or quand on a perdu une certaine culture dans un territoire, il est très difficile de la retrouver – nous le voyons actuellement avec les médecins.
La recentralisation, monsieur le ministre, amènera les gens à se regrouper parce qu’ils y auront intérêt. Ensuite, nous aurons les pires difficultés à retrouver une répartition équilibrée des institutions judiciaires.
C’est un très gros problème. Nous promettons monts et merveilles avant les élections mais nous ne pouvons pas tenir nos promesses car, lorsque nous arrivons au pouvoir, nous proposons – pardonnez-moi l’image – des projets roses si la majorité est rose, des projets bleus si la majorité est bleue, mais depuis une trentaine d’années, leur contenu est le même. Cela n’est pas compris sur le terrain.
Je vous assure que cette réforme-là ne sera pas comprise non plus, ni par les notaires ni par les autres professions réglementées. Quel dommage qu’un grand pays comme le nôtre, qui est capable de fulgurances, qui est capable de réfléchir et de voir loin, se trouve depuis une trentaine d’année embourbé dans des textes qui vont toujours dans le même sens !