Intervention de Philippe Nauche

Séance en hémicycle du 5 février 2015 à 9h30
Conditions d'accès aux installations nucléaires de base — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Nauche :

La réflexion aidant, les groupes SRC et UMP, au travers des amendements identiques déposés par Daniel Boisserie et Claude de Ganay, ont pu se retrouver sur un dispositif pénal proportionné qui apporte au juge un outil juridique adapté. Ce texte, tel qu’il a été modifié en commission, renforce notre droit de manière intelligente. Il contribue à renforcer la sécurité des personnes travaillant sur ces sites, tout en comblant une lacune juridique : il crée en effet un délit d’intrusion dans les installations civiles abritant des matières nucléaires.

Cet ajout permet au juge de disposer d’un outil efficace, lui évitant de procéder de manière hasardeuse à partir du délit de violation de domicile, car il faut bien convenir que pénétrer dans une installation nucléaire n’emporte pas les mêmes conséquences potentielles que d’entrer illégalement dans un domicile.

Autre nouveauté permise par cette proposition de loi : la possibilité de sanctionner les personnes morales. Cette faculté est particulièrement opportune dès lors que ces actes d’intrusion sont exécutés, pour la plupart, par des membres d’organisations non gouvernementales dans un but de communication. L’incitation ou l’encouragement à commettre ce délit sont également sanctionnés par cette proposition de loi telle qu’amendée en commission. Cela devrait refréner les velléités de certaines organisations qui ne manquent pas de s’enorgueillir de leurs « exploits ».

Il est en revanche évident que l’effet dissuasif de ces mesures est nul pour des terroristes qui souhaiteraient attaquer des installations nucléaires civiles ; mais ce n’est pas le même sujet. Toutefois, s’agissant de la sécurité même des sites nucléaires civils, il convient de noter que les effectifs des pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie ont augmenté de cent vingt unités en 2013, soit de 20 %. Cela montre bien que le Gouvernement n’a pas attendu les événements tragiques de janvier 2015 pour renforcer la sécurité sur notre territoire.

L’actualité de ces derniers mois, s’agissant des centrales nucléaires, a surtout concerné leur survol par des drones. Aussi déroutants qu’ils soient, ces survols illégaux ne doivent susciter ni panique ni hystérie. En effet, ces aéronefs, qui relèvent en réalité davantage du gadget technologique que du véritable drone au sens militaire du terme, ne sont pas en mesure d’infliger des dégâts notables aux installations survolées : cela a été rappelé par d’autres orateurs avant moi.

En revanche, les potentielles collectes d’information réalisées par ces engins sur des sites sensibles sont inquiétantes et peuvent servir à d’autres actions futures. À cet égard, le survol récent du site de l’Île Longue par l’un de ces aéronefs est préoccupant.

Conscient de ces problèmes, le Premier ministre a lancé une concertation interministérielle sous l’autorité du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, afin d’apporter une réponse technique et juridique à ces questions.

La présente proposition de loi demande qu’un rapport soit présenté d’ici le 30 septembre 2015. Il est en effet important de régler au plus vite un problème qui pourrait devenir une faille importante de notre dispositif de sécurité si aucune mesure n’était prise. Je fais toute confiance au Gouvernement et au secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale pour apporter une réponse adaptée au défi qui nous est proposé.

Les attentats qui ont frappé la France au début du mois de janvier dernier laisseront des stigmates profonds dans notre société. Touché dans ce qu’il a de plus cher, notre pays n’a pas sombré dans la tentation de prendre des mesures d’exception. Cette proposition de loi n’y cède pas davantage, tout en évitant l’écueil du laxisme.

Nos sociétés modernes sont étroitement dépendantes de l’électricité. La mise à mal de la sécurité des centrales produisant l’énergie nécessaire au fonctionnement de nos infrastructures nous rendrait très vulnérables.

Le risque est décuplé s’agissant des centrales nucléaires dans notre pays, d’abord parce que plus de 70 % de notre électricité y est aujourd’hui produite – cela évoluera dans le temps mais, pour l’instant, c’est la réalité – et ensuite du fait de la radioactivité des matières utilisées dont la diffusion pourrait présenter des risques.

La menace terroriste existe mais il convient de ne pas céder à la panique ni de plonger dans un climat anxiogène, tout d’abord car les personnes à l’origine de ces actes de terreur remporteraient une victoire certaine et, ensuite, car les autorités de notre pays, soutenues par le travail formidable de nos forces de défense et de sécurité, sont pleinement conscientes de la menace et prennent les décisions adaptées sans renoncer aux valeurs qui fondent notre contrat social et républicain.

Cette proposition de loi va dans ce sens. Aussi, j’invite mes collègues à la voter, en évitant toute posture politicienne et en gardant toujours la hauteur de vue qu’exige l’édification de l’intérêt général.

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