La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
La parole est à M. Claude de Ganay, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, mes chers collègues, je suis très heureux de défendre aujourd’hui cette proposition de loi, laquelle n’est pas un texte comme un autre, ainsi qu’en témoignent ses conditions d’élaboration.
Avec le soutien de plusieurs de mes collègues du groupe UMP, j’ai déposé cette proposition de loi il y a près d’un an et demi, en septembre 2013, mais ce n’est que très récemment qu’elle a été inscrite à l’ordre du jour. Il s’agissait, à l’époque, d’ouvrir le débat et d’alerter les pouvoirs publics sur la nécessité de faire évoluer les dispositions législatives relatives à la protection des installations nucléaires civiles.
Depuis septembre 2013, le contexte a changé. En 2014, les intrusions ou tentatives d’intrusion se sont multipliées, touchant plusieurs centrales, impliquant des dizaines de militants bien équipés et très organisés.
J’ai également eu la chance de pouvoir échanger de manière très constructive avec l’ensemble des acteurs concernés et intéressés par cette question : notre collègue Daniel Boisserie, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet ; les services gouvernementaux ; la gendarmerie ; les opérateurs. Je profite de cette intervention pour les en remercier chaleureusement.
La proposition de loi qui vous est présentée, mes chers collègues, est non un texte de droite ou de gauche, mais un texte nécessaire. Ce constat me semble largement partagé, au-delà des appartenances politiques. Il a été élaboré en concertation, bonne intelligence et dans une entière transparence entre le Parlement et le Gouvernement, entre la majorité et l’opposition. Je suis particulièrement fier d’avoir pu travailler dans de telles conditions afin de parvenir à une solution qui, j’en suis persuadé, répond à un impératif d’intérêt général.
Je ne reviendrai pas ici sur le dispositif qui a été adopté par la commission de la défense à la quasi-unanimité. J’ai déjà eu l’occasion de le présenter en détail devant la commission, dont le rapport et le texte sont disponibles.
Je m’efforcerai plutôt de répondre à quelques questions et réactions, et de corriger certaines contre-vérités. Tout d’abord, je souhaiterais préciser qu’il ne s’agit pas d’autoriser les acteurs qui assurent la sécurité des installations nucléaires à recourir plus facilement à la force armée. Il n’y a absolument rien de tel dans cette proposition de loi, qui vise à créer un régime pénal spécifique applicable aux intrusions dans les installations civiles abritant des matières nucléaires, et rien de plus. La réponse est pénale. Formulée par le juge, elle n’est pas physique, et encore moins armée.
M’adressant maintenant à nos collègues du groupe écologiste, je m’efforcerai de répondre point par point à leurs principales remarques.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Une telle déclaration m’a fait douter de la définition de ce terme, telle que je la croyais communément admise. Qu’est-ce qui est surréaliste ? Le fait de créer un dispositif de protection juridique renforcé pour des installations qui sont, objectivement, extrêmement sensibles ? Ou celui de se contenter du droit existant, qui voit les intrusions dans de tels sites incriminées du chef de violation de domicile ? J’insiste sur ce point : pénétrer illégalement dans un site civil abritant des matières nucléaires est juridiquement poursuivi et puni de la même manière que l’intrusion dans un appartement !
On m’accuse également de persécuter certaines organisations écologistes.
Or je répète que les évolutions proposées ne privent les militants antinucléaires d’aucune liberté publique, d’aucun droit fondamental constitutionnellement reconnu et protégé.
Ces personnes pourront évidemment continuer à manifester et à exprimer leurs convictions. En revanche, le délit d’intrusion sera plus sévèrement puni compte tenu de la sensibilité des sites concernés. Manifestement, il semble utile de rappeler que l’intrusion non autorisée dans une installation nucléaire ne saurait être un droit. Elle constitue un délit. À cet égard, le texte ne retire ni ne restreint aucun droit, à personne.
Les critiques qui me sont adressées relèvent donc presque de la paranoïa, à moins d’estimer que le législateur a vocation à reconnaître et à protéger le droit de commettre des infractions. Ce serait assurément une conception originale de notre rôle. Telle n’est pas la mienne.
Selon une autre accusation relevant de ce même champ de la persécution, le texte serait inefficace face au risque terroriste et ne viserait qu’à contrarier l’action de certaines associations militantes. Je ne suis pas naïf. Il est évident que ce dispositif ne dissuadera pas des terroristes déterminés…
…en particulier ceux qui se réclament d’un terrorisme médiatique et sacrificiel, par nature aveugle aux condamnations encourues.
Mais il pourra priver de tels individus d’une possibilité d’intrusion sur des sites sensibles. En effet, si les organisations à l’origine des intrusions sont effectivement non violentes, on ne peut pas totalement écarter le risque que de faux militants malintentionnés et dangereux s’infiltrent en leur sein. Or ce risque est d’autant plus plausible que les groupes investissant les sites nucléaires sont souvent multinationaux et qu’ils peuvent donc comporter des individus inconnus des forces de l’ordre françaises.
En réduisant, par leur caractère dissuasif, le nombre d’intrusions dites politiques, les peines proposées permettront de diminuer le risque d’actions réellement malveillantes. De plus, les forces de sécurité pourront mieux discriminer les intrus, rendant ainsi leur action et leur réponse plus efficaces. L’enjeu du renforcement de la réponse pénale est de permettre à ces forces de ne pas avoir de doute quant aux intentions des potentiels intrus.
On m’a également reproché de chercher à « casser le thermomètre » que constituent ces actions militantes. Mais le thermomètre est déréglé ! Prétendre qu’une intrusion réussie prouve l’existence d’un risque radiologique est un contresens, qui témoigne d’une méconnaissance totale des missions et de la doctrine d’emploi des forces chargées de la sécurité des installations nucléaires.
Je n’évoquerai que le cas des centrales. Le rôle des pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie n’est pas de jouer au chat et à la souris avec les militants, mais de contrer le terrorisme nucléaire. En cas d’intrusion, leur mission prioritaire consiste à se regrouper autour des points d’importance vitale, ceux qui présentent un risque effectif, afin de les sécuriser. Ces pelotons n’appréhendent les intrus qu’une fois que tout risque sur ces points est écarté. L’intrusion ne prouve donc strictement rien, en matière de risque radiologique.
La sécurité des installations nucléaires est multiforme. Il s’agit de leur protection physique, bien entendu, mais la question de leur protection juridique est tout aussi fondamentale. Si nos collègues opposés à ce texte étaient responsables et cohérents, ils devraient en réalité s’en réjouir et le voter !
La sécurité d’un site nucléaire dépend aussi de son régime de protection juridique.
Peut-on continuer de se satisfaire de la qualification de violation de domicile en cas d’intrusion ?
Mes chers collègues écologistes, si vous souhaitez réellement un renforcement de la sécurité des installations nucléaires, je vous invite à commencer par leur sécurité juridique, ce sera un premier pas !
Un dernier reproche m’a été adressé, selon lequel le texte ne propose rien d’autre sur la question du survol par des drones que la remise par le Gouvernement au Parlement. C’est vrai. Certains auraient sans doute préféré que l’on légifère à l’aveugle, dans l’urgence, que l’on adopte des dispositions inadaptées et inopérantes. Je ne suis pas favorable au parlementarisme médiatique, ce n’est pas ma conception du travail législatif.
La question des survols illégaux de sites sensibles par des drones est un sujet trop important pour être traité dans la précipitation. De trop nombreuses questions juridiques et techniques demeurent quant aux méthodes envisageables pour détecter, neutraliser, brouiller, intercepter ces engins, et punir de manière effective les survols illégaux. Il n’était donc pas possible, à ce stade, d’apporter une réponse législative satisfaisante à ce problème.
Des groupes de travail ont été mis en place à la demande du Premier ministre. Je salue cette initiative. Leurs analyses, conclusions et recommandations devraient pouvoir être transmises au Parlement d’ici à l’automne. Tel est l’objet du rapport demandé. Ce n’est que par la suite, en nous fondant sur ce travail, que nous pourrons, le cas échéant, élaborer une réponse efficace à ce problème.
Les événements tragiques qu’a vécus notre pays en ce début d’année 2015 confèrent à notre débat une acuité particulière et rendent d’autant plus nécessaire et urgente l’adaptation du régime de protection des installations civiles abritant des matières nucléaires.
Je ne suis pas particulièrement friand de grandes déclarations lyriques. Mais, à un moment où tous évoquent l’union nationale, et sans surestimer, naturellement, la portée de ce texte, je pense que si notre Assemblée adoptait cette proposition de loi…
…elle enverrait un premier signal fort et concret, prouvant que majorité et opposition peuvent, face à des problèmes qui dépassent les clivages politiques, travailler en commun et proposer des solutions ensemble.
Si tel était le cas, j’estime que nous aurons accompli notre travail de député.
Je vous propose donc d’adopter le texte issu des travaux de la commission.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale.
Madame la présidente, madame la présidente de la commission de la défense, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, j’interviens devant vous pour exprimer la position du gouvernement sur la proposition de loi de M. de Ganay.
En préambule, je rappellerai qu’il n’est pas question pour le Gouvernement d’entraver l’expression d’un courant d’opinion. La France s’est d’ailleurs engagée, dès 2006, dans une logique de transparence sur les sujets du nucléaire, en érigeant une autorité indépendante, l’Autorité de sûreté nucléaire. Celle-ci est unanimement reconnue : par la qualité de son travail sans concession, elle apporte aujourd’hui une vision technique, objective et publique, de grande qualité.
Il faut à présent replacer cette proposition de loi dans son contexte. Depuis décembre 2011, diverses actions ont été menées illégalement sur des installations nucléaires civiles pour exprimer une contestation des choix énergétiques de la France. Si l’expression d’une opinion doit évidemment demeurer un droit fondamental, elle ne saurait passer par la transgression des lois et encore moins fragiliser les dispositifs que l’État met en place pour protéger ses installations dites d’importance vitale.
Les attentats tragiques de janvier, auxquels M. le rapporteur a fait référence, démontrent que nous devons, plus que jamais, exercer une vigilance totale et montrer une détermination de tous les instants pour la défense de notre patrimoine, qu’il soit immatériel ou matériel. C’est pour cela qu’aujourd’hui nous ne pouvons laisser perdurer la confusion, ni laisser penser à des individus ou groupes d’individus mal intentionnés que nos installations nucléaires ne sont pas bien protégées.
Ces dispositifs de protection sont d’ailleurs en constante évolution pour s’adapter et faire face, notamment, aux capacités de la menace terroriste.
C’est dans ce cadre que s’inscrit la proposition de loi de monsieur le député de Ganay, à laquelle le Gouvernement apporte son soutien.
Car l’objectif de cette proposition de loi est avant tout de valoriser l’efficacité des dispositifs de protection existants. Conçus pour répondre à des menaces de forte intensité dans un environnement industriel très sensible, ces dispositifs ne doivent pas être détournés de leur vocation initiale, qui est le contre-terrorisme. Quel citoyen français peut admettre aujourd’hui que la protection de nos installations nucléaires civiles ne soit pas optimale, dans le seul souci de laisser se dérouler illégalement une action de contestation alors même que cette action militante peut se réaliser librement à l’extérieur ?
De manière similaire, l’épisode de survol illégal de certaines installations nucléaires civiles au mois d’octobre dernier, qui n’a pas présenté de danger pour la sûreté des installations, je tiens à le préciser, doit recevoir une réponse appropriée des autorités. Il est nécessaire d’anticiper et d’adopter dès que possible les mesures nécessaires à l’efficacité requise pour la protection physique de ces installations.
Enfin, à l’heure à laquelle le Premier ministre est à nouveau contraint d’élever le niveau de vigilance antiterroriste à la suite de l’attaque perpétrée mardi sur notre territoire contre des militaires, le contexte nous oblige à assumer plus que jamais la responsabilité de la sécurité de nos concitoyens.
C’est donc au titre des responsabilités de l’État, et plus particulièrement de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, qui assume les prérogatives de la sécurité nucléaire, que la représentation nationale doit adopter cette proposition de loi qui permettra une protection plus efficace en prenant mieux en compte les menaces potentielles.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jacques Lamblin, premier orateur inscrit.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission de la défense, monsieur le rapporteur, comme beaucoup de ceux qui sont ici, j’ai cosigné le texte initial de cette proposition de loi. Il nous a semblé qu’il s’agissait d’un texte nécessaire. Comme le rapporteur vient de le rappeler, rien n’existait sur le plan pénal, hormis l’incrimination de violation de domicile généralement retenue par les tribunaux lorsque des manifestants pénétraient dans les enceintes de centrales nucléaires, ce qui n’était donc pas réprimé davantage que l’intrusion dans un appartement.
Le texte initial prévoyait que les installations nucléaires de base soient qualifiées juridiquement de zones de défense hautement sensibles. Cela aurait été le cas des centres nucléaires de production de l’électricité, c’est-à-dire les centrales nucléaires.
Je salue au passage la présence de nombreux députés d’Alsace ce matin, sans doute se sentent-ils tout particulièrement concernés par le sujet.
Il semblerait que vous vous trompiez, cher collègue.
Le classement en zone de défense hautement sensible aboutissait à ce que les forces de l’ordre – en l’occurrence les gendarmes – puissent ouvrir le feu sur des intrus même hors cas de légitime défense, un petit peu à l’image des méthodes employées aux États-Unis où les sanctions pénales ne sont pas très sévères, mais où l’usage des armes est plus largement autorisé que chez nous.
Cette proposition semblait inconcevable à bon nombre de députés, et je tiens à saluer la démarche de Claude de Ganay qui, estimant que le mieux était l’ennemi du bien, avec beaucoup de pragmatisme et d’esprit de synthèse, a trouvé le chemin permettant de construire un texte qui convienne à une majorité. C’est d’ailleurs pour cela que la commission de la défense, il y a quelques jours, a adopté à l’unanimité…
Presque à l’unanimité. Mais vous allez le regretter, je vais vous expliquer pourquoi.
Nous avons donc voté deux amendements identiques présentés par le parti socialiste et l’UMP. Il était en effet essentiel de progresser car on ne peut pas, dans les circonstances actuelles particulièrement inquiétantes, en rester aux sanctions pénales actuelles, tout à fait insuffisantes. Je rappelle d’ailleurs qu’il y a quelques mois, le directeur général de la gendarmerie nationale déclarait devant la commission de la défense que c’est faute de dispositions juridiques appropriées que ses hommes ne pouvaient pas protéger efficacement nos centrales nucléaires. Entendre le directeur général de la gendarmerie – qui dirige les hommes et les femmes sur place dans les centrales – dire cela doit nécessairement nous interpeller. Voilà pourquoi le chemin a été trouvé pour proposer ce matin un texte à notre honorable assemblée.
L’idée maîtresse en est simple : il faut absolument réduire le nombre d’intrusions dans les centrales nucléaires. Je rappelle qu’en quelques années, trois ou quatre ans, cent cinquante-six personnes ont réussi à pénétrer à l’intérieur des centrales nucléaires.
Une fois un groupe de vingt-neuf personnes, une fois un groupe de dix-sept, une autre fois un groupe de cinquante-cinq, plus quelques individualités plus ou moins brillantes.
Lorsque l’on ne risque pas grand-chose, ce n’est pas compliqué de jouer les héros. En revanche, avec les dispositions qui sont proposées, on risque au moins un an de prison et 15 000 euros d’amende. Et si l’action des intrus est plus élaborée, s’ils agissent par exemple en bande organisée, qu’ils violent les dispositifs de sécurité passive, ou qu’ils sont armés, une gradation de la sanction est prévue qui peut aller jusqu’à 100 000 euros d’amende et sept ans de prison. On peut espérer que de telles dispositions calment les enthousiasmes.
Nous avons bien compris que le but était de calmer les militants de Greenpeace, mais cela ne suffira pas !
Nous verrons si cela ne suffit pas.
Messieurs les écologistes, je voudrais vous poser une question : quelle est la différence, au moment où ils pénètrent dans l’enceinte, entre un écologiste de Greenpeace qui vient manifester son rejet des centrales nucléaires à l’intérieur de celles-ci et un vrai terroriste déguisé en écolo ? Ce n’est bien souvent même pas une question de barbe !
Sourires.
Quelle est la différence entre une centrale dans laquelle il est interdit de s’introduire et une dans laquelle on s’introduit ? Si la sécurité des centrales tient à la longueur d’une barbe, nous sommes mal engagés ! Il faudrait surtout éviter que quiconque puisse s’y introduire !
Le dispositif actuel étant ce qu’il est, le premier travail des gendarmes est de se regrouper près du coeur du dispositif, le point le plus dangereux, et ensuite d’aller identifier les intrus. Comme cela arrive assez souvent, les gendarmes sont en difficulté pour régler le problème, en tout cas cela fait courir des risques. Il me semble donc que prendre toutes les dispositions nécessaires pour qu’il n’y ait pas d’intrus constitue déjà une première démarche, et nous pouvons penser qu’elle sera efficace.
Ce n’est que du papier, on n’arrête pas les terroristes avec du papier !
Je ne comprends pas que vous soyez remontés comme des coucous suisses contre cette proposition !
Sourires.
Ils n’arriveront pas à me déstabiliser, pas plus qu’ils n’arriveront à déstabiliser les défenseurs des installations nucléaires.
Finalement, si cette proposition de loi est débattue, c’est votre victoire, messieurs les écologistes. À partir du moment où des manifestants appartenant à des mouvements de type écologiste ont réussi à pénétrer dans les centrales, et ainsi démontrer que la sécurité anti-intrusion n’était pas au rendez-vous…
…notre réaction visant à prendre les dispositions nécessaires constitue un succès dont vous pourriez vous attribuer le mérite, au lieu d’en être les contempteurs.
Je trouve d’ailleurs paradoxal que vous demandiez au fond de baisser la garde pour permettre encore plus d’intrusions dans les centrales nucléaires. C’est insensé !
L’adoption de cette proposition de loi aura une autre conséquence importante. En effet, les opérateurs déclaraient depuis un certain temps que vu le grand nombre d’intrusions, ils n’étaient pas très enthousiastes pour améliorer les protections passives. En effet : à quoi bon mettre des grillages plus élevés, des systèmes de détection par caméra ou que sais-je encore si ceux qui pénètrent dans les centrales sont de plus en plus nombreux et fort peu condamnés ? Il existait donc un attentisme des opérateurs, mais désormais, ils ne pourront plus se réfugier derrière les faits pour reculer la mise en place d’une sécurité passive encore plus efficace que celle qui existe aujourd’hui.
C’est une avancée qui est absolument majeure.
Si les intrusions persistaient, comme nos collègues écologistes le prétendent sans preuves, rien ne nous interdit, dans un texte ultérieur, de revenir au texte initial. Il faut simplement considérer la proposition que nous examinons aujourd’hui comme un pas important. Nous espérons qu’il suffira, mais si d’aventure tel n’était pas le cas, nous avons encore la latitude d’aller un peu plus loin le cas échéant.
Enfin, non pas pour me faire pardonner par mes collègues écologistes, mais pour leur démontrer que j’ai lu leurs amendements contrairement à ce qu’ils pensent, je trouve que l’amendement qu’ils proposent à l’article 2 peut être intéressant. Il tend à élargir le sujet du rapport demandé au Gouvernement, actuellement limité aux survols de drones, à d’autres thématiques concernant les centrales nucléaires.
En effet, dans les centrales nucléaires, outre le coeur de la centrale, il y a des équipements annexes dont la destruction pourrait compromettre gravement le fonctionnement des centrales. Je veux parler des transformateurs et des canalisations qui amènent l’eau jusqu’au coeur de la centrale. Ces sujets sont si importants que des spécialistes, techniciens comme ingénieurs, nous invitent à les prendre très au sérieux.
En effet, des terroristes ne seraient peut-être pas capables de pénétrer dans le coeur d’une centrale, mais pourraient la mettre hors d’usage, et si une ou deux centrales étaient hors d’usage en France, sans qu’il n’y ait de risque nucléaire, cela pourrait néanmoins perturber considérablement l’activité dans le pays, en particulier l’approvisionnement en électricité. Par un effet en cascade, on peut imaginer les conséquences qu’aurait sur le fonctionnement de notre pays une panne géante d’électricité dont la réparation exigerait plusieurs semaines. C’est un risque réel, et je pense qu’il serait intéressant de pousser les investigations dans un rapport au-delà du seul sujet des drones. Mais il s’agit là d’une opinion tout à fait personnelle.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission de la défense,
monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la sûreté des installations civiles abritant des matières nucléaires, et en particulier celle des centrales, est, à juste titre, un sujet de préoccupation majeure depuis de nombreuses années.
Tout d’abord, les mesures permettant de garantir la sûreté de ces installations face aux incidents et accidents nucléaires doivent être exemplaires.
Si les accidents de Fukushima ou de Tchernobyl sont les cas les plus connus, nous ne devons pas sous-estimer la probabilité de tels événements sur le sol français, comme en témoigne l’incident de la centrale nucléaire du Blayais après la tempête de décembre 1999.
Les prescriptions de l’Autorité de sûreté nucléaire après l’accident de Fukushima, d’un coût global estimé à 10 milliards d’euros, permettront de renforcer profondément le niveau d’exigence et de garantir à nos sites nucléaires une sûreté maximale.
Pourtant, même si l’amélioration draconienne de la sûreté des installations nucléaires de base françaises constitue une avancée considérable, il est un autre risque que nous nous devons d’appréhender de façon particulièrement approfondie : je veux parler du risque extérieur humain.
Depuis une dizaine d’années, les intrusions répétées dans au moins une dizaine de centrales nucléaires françaises, notamment par des militants de Greenpeace, ont mis en lumière des failles de sécurité, tant au niveau terrestre qu’au niveau aérien. Ces événements sont particulièrement préoccupants car ils peuvent mettre en doute la sécurité des centrales nucléaires et la fiabilité de leurs mesures de protection.
Face à ce constat, les pouvoirs publics ont pris certaines mesures afin de renforcer les conditions de sécurité de nos centrales nucléaires.
Force est cependant de constater que les intrusions ou tentatives d’intrusion illégales de militants à l’intérieur d’installations nucléaires civiles se font de plus en plus régulières et se sont multipliées en 2014, impliquant des dizaines de militants bien équipés et très organisés. La dernière en date, il y a moins d’un an, le 18 mars 2014, a été particulièrement spectaculaire. Une soixantaine de militants de Greenpeace se sont introduits dans la centrale de Fessenheim et ont pu atteindre le dôme de protection de l’un des deux réacteurs. Les dernières interpellations ont eu lieu près de six heures après l’intrusion. Nous le voyons : de telles actions continuent de représenter un défi majeur, pour les pouvoirs publics comme pour les opérateurs du secteur.
Certes, ces intrusions dans les centrales nucléaires se sont toujours, jusqu’à présent, avérées sans menace directe et sans risque majeur pour la sécurité des installations et des populations. L’objectif de ces opérations militantes était avant tout de dénoncer les failles de sécurité existantes ou de protester contre l’utilisation du nucléaire. À ce jour, nos centrales nucléaires n’ont heureusement eu à subir ni attaque terroriste ni sabotage.
Toutefois, au lendemain des attentats meurtriers qui ont frappé notre pays, nous ne pouvons fermer les yeux sur l’éventualité d’une attaque terroriste contre une centrale nucléaire, attaque dont les conséquences seraient potentiellement désastreuses, alors que la moitié de la population française vit à moins de quatre-vingts kilomètres d’une centrale.
Des attaques ont d’ailleurs visé des installations énergétiques à l’étranger ces dernières années : en juillet 2010 sur la centrale hydroélectrique de Baksan, dans le Caucase russe ; en janvier 2013 sur le site gazier d’In Amenas, en Algérie ; en avril 2013 sur la centrale thermique de Peshawar, au Pakistan ; en mai 2013 sur l’usine de traitement d’uranium Somaïr, filiale d’Areva, au Niger.
Plus d’une centaine d’installations nucléaires de base sont implantées en France, et notre pays compte cinquante-huit réacteurs nucléaires. Ces installations doivent impérativement être protégées face aux tentatives de pénétration, qu’elles soient d’origine militante ou, plus grave, terroriste.
On comprendra aisément que les tentatives d’intrusion de militants non violentes doivent absolument être évitées, afin de nous protéger contre le risque terroriste.
Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.
Le risque que de faux militants mal intentionnés et dangereux s’infiltrent dans des installations nucléaires dans le cadre d’actions a priori non violentes ne peut pas être totalement écarté. Ce risque est d’autant plus grand que, d’une part, les organisations militantes n’ont évidemment pas vocation à filtrer leurs adhérents en amont, et que, d’autre part, les groupes investissant les sites nucléaires sont souvent multinationaux et peuvent donc compter des individus inconnus des forces de l’ordre françaises.
Les mesures de sécurité doivent donc être renforcées, mais nous devons également adapter notre arsenal juridique pour répondre à cette menace. Depuis 2009, 156 personnes ont été interpellées lors d’intrusions ou de tentatives d’intrusion. Toutefois, les peines sont toujours restées relativement clémentes puisque, comme l’a souligné notre rapporteur, en l’absence de régime adapté, les magistrats ont régulièrement retenu le simple délit de violation de domicile. Il nous semble donc indispensable de renforcer le cadre juridique, qu’il s’agisse d’amendes ou de peines de prison.
Au-delà des intrusions, je souhaite évoquer rapidement un autre phénomène qui s’est développé ces derniers mois : je veux parler des survols de drones. En effet, depuis le 10 septembre dernier, dix-neuf sites abritant des matières nucléaires ont été illégalement survolés par des drones, au cours de quarante épisodes distincts. Parmi les dix-neuf sites visés, on compte quatorze centrales nucléaires. Si, à ce stade, les engins utilisés ne sont pas de nature à constituer un risque direct, force est de constater que ces survols ne sont pas accidentels. Sans réponse ferme et rapide, nous prenons le risque de voir cette menace évoluer – je pense au risque de collecte d’informations sensibles, d’intrusion, voire d’endommagement, de sabotage ou d’action terroriste.
Au-delà des interdictions de survol qui ne sont à l’évidence pas respectées, ne pourrait-on pas envisager, monsieur le secrétaire d’État, un brouillage des ondes dans le même périmètre afin de rendre impossible l’approche de tels drones ? Je souhaite également que le Gouvernement fasse toute la lumière sur les survols de drones et propose rapidement à la représentation nationale, par exemple dans le cadre du prochain projet de loi de programmation militaire, des mesures techniques et juridiques visant à lutter efficacement contre ce phénomène.
Mes chers collègues, les députés du groupe UDI sont convaincus de la nécessité de renforcer notre réponse pénale aux cas d’intrusion, qui reste aujourd’hui totalement inadaptée compte tenu de la sensibilité des sites nucléaires et des risques potentiels en cas d’atteinte à leur intégrité. À ce titre, nous saluons l’initiative de nos collègues du groupe UMP et nous la soutiendrons.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission de la défense, monsieur le rapporteur, avec un parc de production nucléaire composé de cinquante-huit unités de production réparties sur dix-neuf sites, la France a fait du recours à l’énergie nucléaire l’un des piliers de sa politique énergétique, puisqu’elle contribue à l’indépendance énergétique nationale, garantit la sécurité d’approvisionnement, assure un prix compétitif de l’énergie et préserve la santé humaine et l’environnement, en particulier en luttant contre l’aggravation de l’effet de serre.
En raison des risques ou des menaces que peuvent présenter les installations nucléaires ou le transport de substances radioactives en matière de sécurité, de santé, de protection de la nature et de l’environnement, l’énergie nucléaire ne peut être exploitée que dans un cadre juridique spécifique. Ce dernier est notamment défini par la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, qui a précisé les règles applicables aux installations nucléaires et a créé, entre autres, une Autorité de sûreté nucléaire indépendante, la fameuse ASN.
L’ASN remplit des missions importantes puisqu’elle est chargée de contrôler les activités nucléaires civiles en France et d’assurer, au nom de l’État, le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour protéger les employés, le public et l’environnement des risques liés aux activités nucléaires. Elle contribue aussi à l’information des citoyens. Dans ce cadre, les installations nucléaires de base sont soumises à un régime strict d’autorisation et de contrôle. Plusieurs niveaux de protection sont établis pour assurer la sûreté des sites.
Le premier niveau repose sur un peloton spécialisé de protection de la gendarmerie – PSPG – basé dans chaque site nucléaire. Ces unités, créées en 2009 pour tenir compte de la menace terroriste après les attentats du 11 septembre 2001, sont formées par le GIGN et chargées de lutter contre les intrusions et les actes de malveillance, ainsi que d’assurer une surveillance des centrales et de leurs abords. Chaque centrale est protégée, selon l’importance du site, par quarante à soixante gendarmes, tous volontaires, qui patrouillent vingt-quatre heures sur vingt-quatre et doivent pouvoir intervenir dans les plus brefs délais. Formés aux risques toxiques et nucléaires, les PSPG sont basés à l’intérieur des implantations nucléaires et dotés d’importants moyens matériels. En cas de problème, ils coordonnent l’ensemble du dispositif, comme le bouclage de la zone autour de la centrale.
Le deuxième niveau de protection consiste, si nécessaire, en l’intervention d’un groupement de gendarmerie du département du site. En dernier ressort, une équipe d’alerte du GIGN peut se déployer sur un site attaqué ; elle est capable d’intervenir en moins de deux heures avec un hélicoptère positionné.
Le dispositif de protection des centrales est par ailleurs important, puisque tous les sites nucléaires sont équipés d’un système de vidéosurveillance en continu et protégés par plusieurs périmètres de sécurité.
Le premier périmètre est une clôture électrifiée, équipée d’un système d’alarme qui se met en action en cas d’intrusion. En cas de franchissement de ce premier périmètre, le site est « bunkerisé » : les accès aux salles de commande et aux bâtiments réacteurs sont bloqués. Le deuxième périmètre, dans lequel est situé le réacteur nucléaire, est placé sous haute surveillance : son accès est restreint et protégé par une deuxième clôture. Le troisième périmètre, l’espace aérien au-dessus de la centrale, est également étroitement surveillé : il est placé sous la protection directe de l’armée de l’air, et un radar et une batterie de missiles opérationnels surveillent la zone. En cas de transgression de l’espace aérien, des avions de chasse peuvent intervenir en moins de quinze minutes.
Cependant, les intrusions répétées, ces dernières années, dans l’enceinte d’installations nucléaires civiles attestent du caractère insuffisamment dissuasif des dispositions pénales en vigueur. En effet, s’introduire dans une infrastructure protégée comme une centrale nucléaire ne relève d’aucun délit spécifique. Les auteurs de l’intrusion sont donc simplement poursuivis du chef de violation de domicile, ce qui n’est ni adapté ni dissuasif, compte tenu de l’importance de ces installations et du contexte sécuritaire actuel – les orateurs précédents l’ont déjà dit. La création d’un délit spécifique s’avère donc indispensable.
Tel est le dispositif de l’article 1er de la présente proposition de loi. Le texte prévoit a minima des peines pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Mais il prévoit aussi des peines plus sévères en cas de circonstances aggravantes : trois ans de prison et 45 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise en réunion, lorsque son auteur prend indûment la qualité d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, ou lorsqu’elle est précédée, accompagnée ou suivie d’un acte de destruction, dégradation ou détérioration ; cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende lorsque sont constatées deux de ces trois circonstances aggravantes ; sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée ou avec l’usage ou sous la menace d’une arme. Enfin, des peines complémentaires sont prévues, non seulement à l’encontre des personnes physiques – par exemple, l’interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans, une arme soumise à autorisation, ou encore la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction –, mais aussi à l’encontre des personnes morales – la confiscation des biens ayant servi à commettre l’infraction ou destinés à la commettre, ou l’affichage ou la diffusion de la décision de justice.
En sus de ces intrusions physiques, on constate l’incursion de plus en fréquente de drones, des aéronefs télépilotés, sur les sites nucléaires. Alors que le survol des centrales est interdit dans un périmètre de cinq kilomètres et à moins de 1 000 mètres d’altitude, et qu’il est passible d’un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, quinze centrales nucléaires sur dix-neuf en ont fait l’objet au cours des derniers mois.
Certes, la menace directe serait visiblement faible puisque le ministère de l’intérieur a assuré en octobre dernier que ces survols ne représentaient « aucun danger pour la sécurité des installations survolées ». Ces propos ont été confirmés par le secrétariat général à la défense et à la sécurité nationales, qui dépend du Premier ministre et qui est chargé de la sécurité des centrales. Ces drones, même transportant des explosifs, ne pourraient pas infliger de graves dégâts à une centrale nucléaire, compte tenu de leur petite taille, de leur faible poids et de leur incapacité à porter de grosses charges, l’enceinte de béton du bâtiment réacteur étant censée résister au crash de petits avions.
Cependant, l’existence d’une menace indirecte, à savoir la possibilité d’un repérage des équipements des centrales en vue d’un acte terroriste, ne peut être écartée. C’est la raison pour laquelle la proposition de loi prévoit qu’avant le 30 septembre 2015, le Gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant les risques et menaces que constituent les survols illégaux d’aéronefs télépilotés. Ce rapport présentera également les solutions techniques et capacitaires envisageables afin d’améliorer la détection et la neutralisation de ces appareils, ainsi que les adaptations juridiques nécessaires afin de réprimer de telles infractions.
Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient cette proposition de loi qui, en prévoyant l’instauration d’un régime pénal spécifique réprimant toute intrusion physique dans les installations nucléaires de base et l’évaluation des risques liés aux survols de drones, participera au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense, monsieur le rapporteur, chers et nombreux collègues extrêmement mobilisés sur ce sujet,…
Sourires
…nous voici saisis d’une proposition de loi déposée par notre collègue Claude de Ganay, inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée par le groupe UMP et visant à créer un délit pénal d’intrusion dans les installations nucléaires civiles. Ce délit pourrait être passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, davantage si des circonstances aggravantes sont retenues.
Disons-le tout net : ce texte a suscité chez les députés du groupe écologiste une réaction de surprise, de déception et même de consternation.
De surprise d’abord, parce que l’on nous avait annoncé un texte visant à renforcer les conditions d’accès aux installations nucléaires de base ainsi que la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires. En réalité, nous avons découvert un texte visant uniquement à pointer du doigt, voire à criminaliser, mais je ne veux pas employer des termes trop forts, un certain type d’actions militantes, pacifiques et inoffensives. Elles ne sont pas dangereuses et ne visent pas à provoquer d’accidents. S’il en allait autrement, nous serions les premiers à les dénoncer.
De la déception ensuite, car la sécurité des installations aurait mérité un autre traitement. Ce n’est pas avec cette proposition de loi, avec un petit texte de loi que l’on va protéger nos centrales nucléaires et lutter contre des intrusions hostiles, des menaces réelles.
C’est bien dommage, mon cher collègue, parce que le sujet du moment est plus que jamais la surveillance des installations nucléaires civiles. À cet égard, il est intéressant de noter que l’on considère enfin que le nucléaire, notamment les installations nucléaires civiles, représentent un danger particulier pour nos concitoyens, pas seulement pour leurs riverains immédiats. Je le dis bien sûr devant les députés alsaciens ici présents que je salue. Pour ma part, je suis député breton et je me félicite que l’Armorique résiste à l’envahisseur nucléaire depuis plusieurs décennies. C’est la seule région de France qui a réussi à ne pas se faire imposer une centrale nucléaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Cela étant, nous nous sommes beaucoup battus et cela ne s’est pas fait sans peine. On se souvient qu’à une époque, EDF envisageait d’installer une centrale nucléaire à la pointe de la Bretagne, croyant pouvoir le faire aisément, puisque certains pensaient les Bretons pas très instruits – vous savez, la Bretagne, c’est Bécassine, et tout ce que l’on peut raconter de tel…
Dès l’information rendue publique, la Bretagne s’était levée en masse et le président Mitterrand avait mis fin à ce funeste projet de centrale nucléaire à Plogoff. De même, le Premier ministre mit fin en 1997 au non moins funeste projet de centrale nucléaire du Carnet, entre Nantes et Saint-Nazaire, dont la déclaration d’utilité publique avait été signée par Alain Juppé.
Mais revenons au texte dont nous débattons. Après de la surprise et de la déception, il a aussi suscité de la consternation au sein de notre groupe. L’occasion nous était donnée de nous pencher sur la question du survol des centrales nucléaires par des drones, sujet dont les Français parlent depuis plusieurs mois. Il ne s’agit pas d’agiter des peurs, mais de regarder la menace en face. Le texte, hélas, ne propose pas grand-chose en la matière.
En réalité, mes chers collègues, ce texte repose sur une triple erreur. Premièrement : une erreur, manifestement intentionnelle, sur son objet même.
Car il n’y a guère de doute, ce texte n’a nullement vocation à renforcer la sécurité des installations nucléaires.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Si tel avait été son objectif, nous l’aurions partagé. Les plus hautes autorités pronucléaires de notre pays reconnaissent du reste que les écologistes ont joué un rôle positif en France en faveur de la sécurité, que la pression écologiste – politique, associative, citoyenne – a contribué à faire en sorte que les centrales nucléaires françaises fassent l’objet de protocoles de sécurité, même si ceux-ci ont encore besoin d’être renforcés.
Mais tel n’est pas l’objet de cette proposition de loi.
À cet égard, sa présentation en commission a été particulièrement éclairante. Vous l’avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, « ce dispositif ne dissuadera pas des terroristes ». Je m’adresse là à notre collègue Lamblin qui s’est laissé aller à faire une plaisanterie, pas très opportune, sur les déguisements et le port de la barbe. Un tel sujet n’invite guère à la plaisanterie.
À la limite, peu importe. L’enjeu, c’est la sécurité dans les centrales nucléaires. Or vous n’y répondez pas en faisant valoir à l’apprenti terroriste qui pénétrerait dans une installation nucléaire civile qu’il risque un an de prison et 15 000 euros d’amende. Pensez-vous que cela lui fasse peur ?
Pensez-vous que le terroriste y réfléchira à deux fois avant de commettre son acte hostile ? Tel n’est pas le sujet, vous le savez fort bien.
Ce qui importe c’est de développer des protocoles extrêmement sérieux et transparents de protection anti-intrusion.
Le texte – et nous sommes en désaccord sur ce point – vise à renforcer l’arsenal répressif applicable à ceux que vous qualifiez, monsieur le rapporteur, de « militants déterminés et bien équipés ». On le sait, c’est principalement l’association Greenpeace qui est visée. Toutes ses actions sont autant de tests grandeur nature visant à démontrer s’il est possible ou non de pénétrer dans une centrale nucléaire. Et malheureusement, ces militants ont fait la démonstration qu’on pouvait non seulement s’y introduire, mais encore y déployer une banderole. Cela a beaucoup surpris et choqué les Français, pas tant par l’action des militants de Greenpeace elle-même que par le fait d’avoir eu la preuve que ces sites n’étaient pas correctement sécurisés.
Au départ, monsieur le rapporteur, vous souhaitiez tout simplement que les installations nucléaires civiles soient assimilées aux installations nucléaires militaires. Des installations nucléaires militaires, nous en avons en Bretagne, avec le site de l’Île Longue. À une certaine époque, des militants de Greenpeace – dont l’un est même devenu par la suite député européen – ont tenté de pénétrer dans la zone, mais ils ont été refoulés – et votre texte n’existait pas alors ! Simplement les militaires sont organisés et disposent de protocoles et de procédures à déclencher dans de tels cas, ce qui est tout à fait normal. Bref, la démonstration a été faite que l’on ne rentrait pas comme ça dans une zone telle que l’île Longue.
La presse s’est fait l’écho d’aspects plus subtils comme la gestion des badges pour les personnels extérieurs, les fournisseurs, les sous-traitants. Il faut en effet toujours être vigilant et renforcer la sécurité, mais on ne pénètre pas dans de telles installations aussi facilement que cela.
Deuxième erreur : la finalité même de cette proposition de loi. Il pourrait y avoir un large consensus sur les bancs de cette assemblée pour affirmer que nous sommes confrontés à une menace d’une nature et d’une ampleur nouvelles en ce qui concerne la protection de nos centrales nucléaires. Depuis près de six mois, quelque vingt sites nucléaires ont été survolés par des drones, parfois à répétition, sans qu’il n’y ait eu de réponse, donnant le sentiment d’une forme de passivité et d’impuissance. Plusieurs procédures judiciaires sont en cours. Nous verrons si elles aboutissent.
Voilà le sujet qui aurait dû nous occuper. L’enjeu aurait mérité mieux qu’une énième demande de rapport au Parlement à remettre dans six mois – et encore, on le sait, souvent ces rapports ne sont pas remis. Il faudrait ouvrir une vraie réflexion sur le sujet et prendre des mesures.
Troisième erreur : la méthode. Comment ne pas s’étonner que cette proposition de loi ait été examinée par la commission de la défense alors qu’elle était davantage du ressort de la commission du développement durable, ou bien encore de la commission des affaires économiques, puisqu’il s’agit de nos installations énergétiques.
C’est d’ailleurs pour ces raisons que mon collègue Denis Baupin défendra dans quelques instants une motion de renvoi en commission. Notre approche, vous l’aurez compris, diffère profondément de la vôtre concernant la sécurité. Ce qui importe pour nous, c’est d’assurer la sécurité réelle, ce n’est pas d’afficher des peines visant des actions militantes. Ce n’est pas en cassant le thermomètre – car ces actions ont permis de « prendre la température » si je puis dire en démontrant si oui ou non, on avait progressé en matière de sécurité anti-intrusion, car des intrusions pourraient être hostiles –, mais en regardant la réalité en face et en prenant des mesures sous la houlette de l’Autorité de sûreté nucléaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, on peut être pour ou contre le nucléaire comme source d’énergie. Mais nous devons tous être pour sa sécurisation. L’intrusion répétée de militants anti-nucléaires dans les installations nucléaires de base françaises – les INB selon le jargon technique – n’est pas acceptable.
Ces intrusions, de plus en plus fréquentes, posent problème. Elles posent un problème de sécurité. Elles présentent un risque pour les salariés des centrales, pour les gendarmes des pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie, mais aussi pour les militants eux-mêmes.
Actuellement, les exploitants des sites ne peuvent porter plainte que pour violation de domicile. Pour cela, les intrus encourent seulement quelques mois de prison avec sursis.
On peut aisément convenir que l’environnement juridique applicable à ces sites n’est pas adapté. Initialement, la proposition de loi tendait à renforcer les conditions d’accès aux INB en les classifiant « zones de défense hautement sensibles ».
Cette classification aurait dégagé les militaires de toute responsabilité pénale et les aurait autorisés à faire usage de la force armée, si nécessaire. J’ai posé la question en commission d’un possible effet pervers d’une telle classification d’installations civiles.
Bien entendu, les gendarmes suivent un protocole d’action sur l’usage de la force, pour empêcher les intrusions et menaces. Mais on n’est jamais à l’abri de drames humains.
Après l’adoption d’un amendement du rapporteur et de notre collègue Boisserie, nous pouvons être satisfaits de l’évolution de la proposition de loi dans laquelle il n’est plus question de zones de défense hautement sensibles.
Le texte propose de rendre l’intrusion dans des " installations civiles abritant des matières nucléaires " passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Les peines seraient portées à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise en réunion ou lorsqu’elle est précédée, accompagnée ou suivie d’un acte de dégradation ; et à sept ans et 100 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise avec l’usage ou sous la menace d’une arme.
Ces sanctions pénales se substituent à la disposition initiale qui autorisait les militaires à faire plus facilement usage de la force armée en cas d’intrusion.
La création de ce délit spécifique est satisfaisante. Comme l’a souligné le rapporteur, le fait de pénétrer illégalement dans un site civil abritant des matières nucléaires ne peut être juridiquement poursuivi et puni de la même manière que l’intrusion dans un appartement.
Bien entendu, et nous en avons convenu, ce nouveau délit ne fera pas obstacle pour des terroristes déterminés, en particulier ceux qui se réclament d’un terrorisme médiatique et sacrificiel. Ces fous sont aveugles et insensibles aux condamnations encourues.
Mais ce délit pourra, par ricochet, priver des individues dangereux d’opportunités d’entrées sur ces sites sensibles.
En effet, si les organisations jusqu’à présent à l’origine des intrusions sont effectivement non violentes, on ne peut pas écarter le risque que de faux militants, mal intentionnés, s’infiltrent dans leurs rangs.
En clair, un terroriste pourrait rejoindre Greenpeace ou toute autre organisation pacifiste pour commettre un attentat. Ce risque est d’autant plus grand que ces organisations militantes n’ont pas vocation à « filtrer » leurs recrues et qu’elles n’ont de toute manière pas les moyens d’enquêter sur leurs membres.
Empêcher toute manifestation dans les centrales est donc une bonne chose. Cela ne porte pas atteinte aux libertés.
L’article 2 de cette cette proposition de loi a trait au survol par des drones. Depuis quelques mois, la majorité des centrales nucléaires françaises ont été survolées par des drones, dans des opérations coordonnées.
Ces engins volants, de plus en plus utilisés pour la guerre,sont-ils une menace pour la sécurité de la France ?
Rappelons que notre pays est le deuxième producteur d’énergie nucléaire au monde, derrière les États-Unis : 75 % de notre électricité est produite par cinquante-huit réacteurs nucléaires répartis dans dix-neuf centrales, ce qui fait du nucléaire une source d’énergie incontournable. Avec la sécurité des centrales, c’est la sécurité énergétique de notre pays qui est en jeu, et donc sa vulnérabilité.
Depuis le début du mois d’octobre 2014, dix-sept sites nucléaires ont déjà été survolés par des drones très perfectionnés, et ce régulièrement. Ainsi, le premier survol « d’un aéronef assimilable à un drone » a été détecté le 5 octobre au-dessus d’une centrale en déconstruction, dans l’Isère.
Bien sûr, l’espace aérien au-dessus des centrales nucléaires est formellement réglementé. Le survol d’une centrale nucléaire, dans un périmètre de 5 kilomètres et en dessous de 1 000 mètres d’altitude, est strictement interdit. Le risque terroriste exige une protection importante de l’espace aérien des centrales, surveillé par l’armée de l’air dans le cadre d’un protocole avec EDF.
Officiellement, ces mystérieux survols, dont les motivations demeurent indéterminées, seraient sans conséquences : les drones évoqués par les témoins sont « des mini-drones », « en vente dans le commerce », d’après le porte-parole de l’armée de l’air. Au vu de la taille de ces engins, il n’y a, selon l’armée, « pas de menace avérée contre les installations en elles-mêmes ». EDF aussi se veut rassurant.
Cependant, je suis inquiet de voir que l’État est incapable de faire cesser le survol de centrales par des drones. D’après moi, il existe une menace terroriste réelle pour les piscines d’entreposage du combustible irradié, qui peuvent être la cible de bombes. Il faut s’occuper du problème.
Avant le 30 septembre 2015, le Gouvernement remettrait au Parlement un rapport évaluant les risques et menaces que constituent les survols illégaux par des aéronefs télépilotés.
Ce rapport présenterait les solutions techniques et capacitaires envisageables afin d’améliorer la détection et la neutralisation de ces appareils, ainsi que les adaptations juridiques nécessaires afin de réprimer de telles infractions.
En annonçant d’ores et déjà notre vote positif sur ce texte, je souhaite conclure en félicitant les militaires pour leur travail difficile de sécurisation et de protection de nos sites nucléaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, UMP et UDI
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission de la défense, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en préambule de mon intervention, comme j’ai eu l’occasion de le faire la semaine passée lors de la réunion de la commission, je veux souligner l’esprit de responsabilité et de cohésion qui préside aux travaux des commissaires à la défense et auquel, madame la présidente, vous n’êtes pas étrangère.
Notre devoir est de nous réunir autour de nos valeurs, de faire front commun face à ceux qui cherchent à s’attaquer à la République. Il s’agit là de l’essence même de notre commission. À cet égard, je tiens à saluer l’initiative de M. Claude de Ganay, dans le prolongement de mon rapport budgétaire sur la gendarmerie pour 2015.
J’avais déjà agi par voie d’amendement lors des débats relatifs à l’adoption de la loi de programmation militaire, habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances afin de renforcer la protection des installations nucléaires. Cet amendement avait alors été adopté à l’unanimité par la commission de la défense.
Ces dispositions devaient se concrétiser par la création d’un régime pénal spécifique au délit d’intrusion au sein des sites civils abritant des matières nucléaires. Cependant, le Gouvernement n’a pas encore légiféré : c’est la raison pour laquelle nous sommes aujourd’hui saisis de ce texte.
Ce débat prend évidemment un sens particulier dans le contexte de ce début d’année. La semaine dernière encore, des drones ont survolé le site militaire de l’Île Longue, dans le Finistère. Cette action n’est pas fortuite et ne doit pas être négligée. Elle relève d’une stratégie coordonnée et sans doute conduite depuis l’étranger. Elle s’inscrit, plus largement, dans une série d’opérations d’une ampleur sans précédent menée à l’encontre de nos sites stratégiques : on ne dénombre pas moins de 17 sites nucléaires survolés depuis octobre dernier !
Une unité particulière de la gendarmerie est affectée à la protection de ces sites : les pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie, ou PSPG. Elle comprend à ce jour 882 militaires, avec lesquels j’ai pu m’entretenir et auxquels je veux rendre hommage pour leur professionnalisme. Je ne reviendrai pas sur le système opérationnel qu’a largement détaillé tout à l’heure M. Moignard. En 2013, 122 militaires supplémentaires ont renforcé les vingt PSPG. Le Gouvernement a donc pris au bon moment la mesure du problème.
Or, bien qu’elle n’ait été jamais confrontée à aucun sabotage ni acte terroriste, cette force a dû gérer des intrusions inopinées. Ainsi, depuis 2009, elle a procédé à l’interpellation de 156 militants dans les centrales nucléaires productrices d’électricité.
Ces envahissements n’ont pas mis en évidence de défaillance de nos systèmes de sécurité, mais par ces actes militants se sont fait jour les insuffisances de la réponse pénale et la nécessité d’adapter le dispositif judiciaire. Actuellement, en effet, l’infraction retenue par les magistrats est celle de violation de domicile.
Il ressort de cette inadaptation de notre droit pénal que les peines retenues à l’encontre des militants se révèlent fort peu dissuasives. Dans de nombreux verdicts, les sanctions prononcées n’ont été que de quelques mois de prison avec sursis, assorties du paiement d’amendes tout à fait modiques.
On constate donc une décorrélation totale entre la sensibilité extrême des sites nucléaires et le cadre légal relatif à leur protection.
Comme je vous l’ai dit, j’avais déjà préconisé dans mon rapport une révision du dispositif juridique applicable aux intrusions dans de tels sites. Ma ligne n’a pas changé : les sanctions pénales doivent être rationalisées et les installations sensibles protégées. Leur caractère stratégique et le contexte sécuritaire nous imposent d’être intransigeants. C’est notre devoir politique et moral que de répondre aux attentes des Français en matière de fermeté et de sécurité. C’est aussi un devoir vis-à-vis des gendarmes, qui en assurent la sécurité dans des conditions difficiles.
En effet, ces intrusions présentent un risque pour le personnel de ces sites, pour les forces chargées de leur protection, mais également pour les militants antinucléaires eux-mêmes.
Il convient donc de créer un régime pénal spécifique, plus dissuasif, applicable au délit d’intrusion dans de tels sites. C’est ce que propose la proposition de loi modifiée par la commission de la défense.
Je vous épargne, et j’espère que vous m’en remercierez, la liste des peines proposées, largement détaillée par les précédents orateurs.
Je peux comprendre certaines des critiques formulées à l’égard de ce texte.
En effet, des sanctions pénales accrues ne dissuaderont pas tous les terroristes. Cependant, il faut comprendre qu’il est particulièrement difficile de distinguer une opération militante d’une opération terroriste, comme en ont unanimement témoigné les gendarmes – qu’il s’agisse du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale, le GIGN, ou des PSPG – lors des entretiens que j’ai eus avec eux. De ces difficultés d’appréciation peuvent résulter de très graves bavures.
Les conséquences pénales plus lourdes de ces intrusions décourageront les organisations antinucléaires et apporteront ainsi une solution à cette complexité opérationnelle.
Il n’est toutefois pas exclu qu’au sein de ces organisations, plutôt pacifistes, figurent des éléments terroristes infiltrés. Ce risque est d’autant plus important que ces ONG sont de dimension internationale et que leurs adhérents sont pour la plupart inconnus de nos services de police. Des sanctions plus lourdes sont de nature à diminuer le risque d’intrusions et, je l’espère, le risque d’actions plus malveillantes et plus dangereuses.
Monsieur de Rugy, il n’y a aucune raison, pour manifester, de pénétrer dans une centrale nucléaire. Je tiens à insister sur le fait que ce volet répressif, volontairement musclé, n’est nullement liberticide. Les militants antinucléaires pourront toujours manifester en dehors des centrales nucléaires et exercer leur droit d’expression, librement et en toute sécurité,…
… mais ils devront s’adapter en adoptant un autre mode opératoire.
Je suis heureux et fier que nous parvenions ici à dépasser les traditionnels clivages politiques pour parvenir à un consensus presque parfait sur cette question.
Cette proposition de loi est sans doute incomplète, je le conçois, mais à titre personnel, je regrette qu’elle intervienne si tardivement, qu’elle ne soit pas suffisamment audacieuse et proactive, car elle ne prend pas en considération le survol de nos centrales. Compte tenu des progrès techniques, ces drones constituent en effet une menace nouvelle.
Notre droit doit évoluer constamment et nous devons redoubler de vigilance.
Cette nécessité est également valable pour les opérateurs, au premier rang desquels EDF, qui doivent investir dans leurs installations, comme cela a été déjà été fait dans d’autres pays, pour enrayer la menace terroriste. L’important est en effet de retarder l’intrusion des terroristes et il est vrai que le territoire français présente une certaine faiblesse dans ce domaine et qu’il faudra sans doute demander à EDF d’investir plus fortement pour limiter les risques.
Je me félicite néanmoins de l’adoption de l’amendement du rapporteur visant à la remise par le Gouvernement d’un rapport énonçant les risques des survols illégaux d’aéronefs télépilotés. Je suis convaincu qu’il constituera une base de travail consistante pour notre Assemblée afin de répondre aux préoccupations nouvelles de nos concitoyens et d’adapter notre droit pénal.
L’adoption de cette proposition de loi constitue une première étape, mais demain nous devrons nous saisir de nouveau de ce dossier.
Face à un tel enjeu de sécurité, les clivages politiques doivent s’effacer avec la seule préoccupation qui doit être la nôtre : la sécurité des Français et la défense de nos valeurs républicaines.
C’est la ligne que défend depuis toujours le groupe socialiste, qui soutiendra bien évidemment cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je concentrerai mon intervention sur le survol de centrales et d’autres installations nucléaires françaises par des drones, en violation de la loi, à la fin de l’année 2014.
L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques – l’OPECST – a organisé le 24 novembre 2014 une audition en deux temps : l’un, confidentiel, avec tous les responsables de la défense, et l’autre public, traitant notamment des technologies de détection des drones. L’exercice était délicat, car il s’agissait de trouver un bon équilibre entre l’information du public pour lever les inquiétudes, et la nécessité de confidentialité pour couvrir les investigations.
Il ressort des auditions que ces survols ne représentent pas une menace supplémentaire.
Les drones ne peuvent pas apporter de renseignements radicalement nouveaux par rapport aux données disponibles et aux sources satellitaires. Ils ne constituent pas un vecteur d’agression d’une ampleur supérieure à celle déjà envisagée et la réflexion de M. Jacques Repussard, directeur général de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire – l’IRSN –, selon laquelle « les risques associés aux survols des drones sont faibles » a été partagée par la quasi-totalité des intervenants.
Tant l’IRSN que l’Autorité de sûreté nucléaire n’ont pas attendu ces survols pour organiser la protection en profondeur des installations nucléaires, notamment après l’accident de Fukushima. Les études complémentaires de sûreté effectuées après cet accident au Japon ont déjà conduit à une relance des efforts en ce sens.
De mon point de vue, les auditions ont clairement invalidé la thèse d’une action terroriste, car, avec des appareils restant manifestement dans la gamme des drones civils, tout a été fait pour que les survols attirent l’attention – ce qui n’est pas l’habitude des terroristes dans la phase préliminaire de leurs actions –, notamment grâce aux lumières intentionnellement diffusées par les drones et éteintes seulement au moment de fuir les hélicoptères de l’armée de l’air. Il semble ainsi très probable que l’opération ait été montée par des militants antinucléaires voulant provoquer l’émotion publique à propos de la sécurité des installations nucléaires.
On n’a interrogé que Greenpeace France, qui dément être impliquée, mais il existe d’autres organisations dans d’autres pays européens.
Les conclusions que nous en avons tirées ont été contestées par l’organisation Greenpeace France et le cabinet d’ingénieurs John Large
Ce sont les informations dont je dispose : ce cabinet a au moins un grand client et doit en être très content.
L’une des hypothèses d’une capacité de survol d’une durée d’une heure a été contestée au cours de l’audition publique par la fédération professionnelle des constructeurs de drones, qui a précisé qu’une telle durée relevait uniquement des possibilités d’appareils militaires.
Quand on entend cela, on s’aperçoit finalement qu’on a vraisemblablement – il faut toujours se méfier – affaire à une mise en scène.
Les deux auditions ont été riches d’enseignements. Elles ont mis en valeur le fait que l’effort de recherche devait être accru, notamment sur les technologies de détection – nous insistons sur ce point, monsieur le ministre.
Nous avons d’ailleurs été entendus puisque le secrétariat général de la défense nationale, quatre jours après l’audition, a demandé à l’Agence nationale de la recherche une étude sur les techniques audio et vidéo de détection des drones.
La situation montre l’utilité – sur ce point, nous sommes tous d’accord – du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire – le HCTISN – créé par la loi de 2006, qui ne fonctionne plus depuis le départ de son dernier président, Henri Revol, c’est-à-dire depuis près d’un an. Je demande donc, du haut de cette tribune, que l’on reconstitue le bureau du HCTISN,…
…car il aurait été très utile dans cette période un peu trouble pour notre pays.
En outre, il nous a semblé que la législation française devait évoluer dans trois directions. Premièrement, il convient d’instaurer l’obligation d’une formation certifiée des pilotes de drones – ce n’est pas le sujet aujourd’hui, mais je tenais à le dire en incidente.
Deuxièmement, sans revenir sur la distinction – il y aura un amendement de M. Baupin et du groupe écologiste sur ce sujet – entre sécurité et sûreté nucléaires, car seul le pouvoir régalien doit demeurer chargé de l’organisation des forces de l’ordre, il faut étendre les compétences de l’Autorité de sûreté nucléaire – l’ASN – à la gestion des mesures garantissant la robustesse des mécanismes de sûreté. C’est un point sur lequel nous devrons travailler, notamment dans le cadre du rapport demandé par nos rapporteurs.
Troisièmement, nous devons renforcer les sanctions à l’encontre de tout type d’intrusion dans un point d’importance vitale, notamment dans des installations nucléaires, ce qui fait l’objet de la présente proposition de loi. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques, à une très grande majorité, s’est déclaré favorable à la création d’un délit spécifique pour les tentatives d’intrusion sur les sites nucléaires et, plus généralement, sur les sites industriels présentant un enjeu de sûreté.
Je n’ai pas très bien compris M. de Rugy, qui disait tout à l’heure que si on légiférait sur ce point, c’était parce qu’il y avait des dangers en matière nucléaire : oui, bien sûr !
Oui, bien sûr ! J’ai été le rapporteur de la commission d’enquête après l’explosion de l’usine d’AZF : il est évident qu’on doit prendre des mesures de sûreté sur des installations présentant un certain nombre de risques, qu’il s’agisse de sites nucléaires ou de sites civils.
Cette proposition de loi va donc dans le bons sens et je l’approuve, mais il faut aller plus loin. Je regrette d’ailleurs, et je l’ai dit à notre collègue rapporteur, que l’ASN n’ait pas été auditionnée en préalable à cette étude.
Sans doute a-t-il été été pris par le temps. D’ailleurs, l’ASN devrait être auditionnée puisque la loi de 2006 dispose que sur toute question traitant de la sûreté et de la sécurité, elle doit l’être. Il faudrait donc profiter du temps de la navette parlementaire pour l’auditionner, de même que l’IRSN.
Pour conclure, ces survols constituent vraisemblablement une manoeuvre de harcèlement puisqu’il semble que tout soit fait pour appeler l’attention : ce n’est pas le mode opératoire classique des terroristes ! Ces survols n’augmentent pas les menaces ni ne fournissent de capacités supérieures d’observation des centrales nucléaires. Il existe malheureusement d’autres techniques de mise à l’épreuve des périphériques des centrales, il faut s’en préoccuper. Notre collègue Candelier a évoqué tout à l’heure l’alimentation en électricité et en eau, les générateurs de vapeur et les piscines de stockage : l’ASN a appelé l’attention sur la sécurité de ces éléments, qu’il faut renforcer.
Si cette hypothèse est vraie et qu’il s’agit bien d’opérations de harcèlement, alors celles-ci sont irresponsables car elles n’ont comme seul but que de décrédibiliser la sûreté et la sécurité de nos installations nucléaires.
Je pense le contraire.
Il y a un paradoxe : comment dire que cela décrédibilise la sûreté et refuser de renforcer les sanctions,…
…alors que l’arsenal juridique est manifestement insuffisant ? Ces survols sont répréhensibles mais le pire est sans doute qu’ils visent à effacer vingt-cinq ans de travail pour arriver à plus de transparence dans le domaine de la sûreté et de la sécurité nucléaires.
C’est pourquoi, à mon sens et au sens du groupe socialiste, il convient de sanctionner plus sévèrement ces délits car on ne joue pas avec le nucléaire, surtout si on le conteste !
Je souhaite également, comme le propose la commission de la défense et à l’initiative de nos collègues Boisserie et de Ganay que, sur les bases d’un rapport du Gouvernement, un point puisse être fait assez rapidement sur les risques et les nouvelles menaces de ces survols, ainsi que sur les moyens d’améliorer la détection et de neutraliser ces drones.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, monsieur le rapporteur, chers collègues, il est appréciable d’observer que l’esprit d’union nationale qui nous a réunis voilà quelques semaines continue de souffler sur certains sujets,…
…en particulier sur des sujets aussi importants que la sécurité de nos centrales nucléaires, qui pourraient constituer des cibles de choix pour des attaques terroristes.
La première version de la proposition de loi présentée par M. de Ganay était à mon sens excessive et n’apportait pas d’innovation juridique pertinente à la question de droit soulevée par les intrusions sur les sites nucléaires civils.
La réflexion aidant, les groupes SRC et UMP, au travers des amendements identiques déposés par Daniel Boisserie et Claude de Ganay, ont pu se retrouver sur un dispositif pénal proportionné qui apporte au juge un outil juridique adapté. Ce texte, tel qu’il a été modifié en commission, renforce notre droit de manière intelligente. Il contribue à renforcer la sécurité des personnes travaillant sur ces sites, tout en comblant une lacune juridique : il crée en effet un délit d’intrusion dans les installations civiles abritant des matières nucléaires.
Cet ajout permet au juge de disposer d’un outil efficace, lui évitant de procéder de manière hasardeuse à partir du délit de violation de domicile, car il faut bien convenir que pénétrer dans une installation nucléaire n’emporte pas les mêmes conséquences potentielles que d’entrer illégalement dans un domicile.
Autre nouveauté permise par cette proposition de loi : la possibilité de sanctionner les personnes morales. Cette faculté est particulièrement opportune dès lors que ces actes d’intrusion sont exécutés, pour la plupart, par des membres d’organisations non gouvernementales dans un but de communication. L’incitation ou l’encouragement à commettre ce délit sont également sanctionnés par cette proposition de loi telle qu’amendée en commission. Cela devrait refréner les velléités de certaines organisations qui ne manquent pas de s’enorgueillir de leurs « exploits ».
Il est en revanche évident que l’effet dissuasif de ces mesures est nul pour des terroristes qui souhaiteraient attaquer des installations nucléaires civiles ; mais ce n’est pas le même sujet. Toutefois, s’agissant de la sécurité même des sites nucléaires civils, il convient de noter que les effectifs des pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie ont augmenté de cent vingt unités en 2013, soit de 20 %. Cela montre bien que le Gouvernement n’a pas attendu les événements tragiques de janvier 2015 pour renforcer la sécurité sur notre territoire.
L’actualité de ces derniers mois, s’agissant des centrales nucléaires, a surtout concerné leur survol par des drones. Aussi déroutants qu’ils soient, ces survols illégaux ne doivent susciter ni panique ni hystérie. En effet, ces aéronefs, qui relèvent en réalité davantage du gadget technologique que du véritable drone au sens militaire du terme, ne sont pas en mesure d’infliger des dégâts notables aux installations survolées : cela a été rappelé par d’autres orateurs avant moi.
En revanche, les potentielles collectes d’information réalisées par ces engins sur des sites sensibles sont inquiétantes et peuvent servir à d’autres actions futures. À cet égard, le survol récent du site de l’Île Longue par l’un de ces aéronefs est préoccupant.
Conscient de ces problèmes, le Premier ministre a lancé une concertation interministérielle sous l’autorité du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, afin d’apporter une réponse technique et juridique à ces questions.
La présente proposition de loi demande qu’un rapport soit présenté d’ici le 30 septembre 2015. Il est en effet important de régler au plus vite un problème qui pourrait devenir une faille importante de notre dispositif de sécurité si aucune mesure n’était prise. Je fais toute confiance au Gouvernement et au secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale pour apporter une réponse adaptée au défi qui nous est proposé.
Les attentats qui ont frappé la France au début du mois de janvier dernier laisseront des stigmates profonds dans notre société. Touché dans ce qu’il a de plus cher, notre pays n’a pas sombré dans la tentation de prendre des mesures d’exception. Cette proposition de loi n’y cède pas davantage, tout en évitant l’écueil du laxisme.
Nos sociétés modernes sont étroitement dépendantes de l’électricité. La mise à mal de la sécurité des centrales produisant l’énergie nécessaire au fonctionnement de nos infrastructures nous rendrait très vulnérables.
Le risque est décuplé s’agissant des centrales nucléaires dans notre pays, d’abord parce que plus de 70 % de notre électricité y est aujourd’hui produite – cela évoluera dans le temps mais, pour l’instant, c’est la réalité – et ensuite du fait de la radioactivité des matières utilisées dont la diffusion pourrait présenter des risques.
La menace terroriste existe mais il convient de ne pas céder à la panique ni de plonger dans un climat anxiogène, tout d’abord car les personnes à l’origine de ces actes de terreur remporteraient une victoire certaine et, ensuite, car les autorités de notre pays, soutenues par le travail formidable de nos forces de défense et de sécurité, sont pleinement conscientes de la menace et prennent les décisions adaptées sans renoncer aux valeurs qui fondent notre contrat social et républicain.
Cette proposition de loi va dans ce sens. Aussi, j’invite mes collègues à la voter, en évitant toute posture politicienne et en gardant toujours la hauteur de vue qu’exige l’édification de l’intérêt général.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
J’ai reçu de Mme Barbara Pompili et des membres du groupe écologiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Denis Baupin.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, je voudrais commencer par féliciter notre collègue de Ganay pour avoir déposé cette proposition de loi – une loi anti Greenpeace,…
…mais qui a au moins le mérite de sortir enfin de l’angélisme et du déni en matière d’insécurité nucléaire.
Que n’avons-nous pas entendu ce matin ! Nous avons entendu M. de Ganay nous déclarer que nous avions des installations objectivement sensibles ! J’ai entendu M. Lamblin nous dire que notre système électrique présentait une très forte vulnérabilité ! J’ai entendu notre collège Le Déaut dire que le nucléaire, c’était dangereux ! J’ai entendu notre collègue Boisserie nous dire que la sensibilité de nos sites nucléaires était extrême ! Enfin, notre collègue Nauche nous a dit il y a quelques instants que les risques sont décuplés dans notre pays du fait de ces installations nucléaires !
Enfin ! Enfin on ouvre les yeux ! Enfin on dit la vérité aux Français : oui, le nucléaire, c’est dangereux ! C’est bien que cette proposition de loi permette enfin de le dire ici à nos concitoyens ! C’est d’autant plus important que le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, Pierre-Franck Chevet, reconnaît que la sécurité des installations nucléaires est un sujet orphelin aujourd’hui en France. Nous parlons bien ici de la sécurité face aux agressions extérieures, et non de la sûreté, car l’ASN fait son travail. Mais s’agissant de la sécurité face aux agressions, c’est Pierre-Franck Chevet lui-même qui le dit.
On aurait pu s’attendre, sur ces bases, à examiner ce matin un texte visant à améliorer la sécurité – et finalement, on tombe sur une loi anti-Greenpeace, qui vise à criminaliser les militants ! Je suis d’ailleurs surpris que certains collègues qui, il y a peu, nous demandaient l’amnistie pour les syndicalistes, soient aujourd’hui favorables à une criminalisation des militants qui sont des lanceurs d’alerte et tentent d’appeler l’attention sur les risques que comporte le nucléaire.
Certes, on n’en est plus au projet initial de M. de Ganay, qui visait à mettre des miradors et à tirer à vue sur les militants.
On n’en est plus vraiment non plus à l’époque où l’on posait du plastic pour couler le Rainbow Warrior à Auckland, entraînant d’ailleurs la mort de Fernando Pereira, pour empêcher Greenpeace d’agir. Aujourd’hui, il s’agit seulement d’embastiller ses militants ! On nous propose que puissent être mis en prison pour un an des militants venus pour faire une action militante, et ce à peine un mois après les grandes manifestations du 11 janvier en faveur de la liberté d’expression ! Chez M. Poutine, on nous a dit que le problème principal en Arctique, ce n’était pas le forage pétrolier, mais Greenpeace, et on a mis les militants de Greenpeace en prison pendant plusieurs semaines.
Eh bien, en France, on nous dit que le problème de la sécurité nucléaire, ce ne sont pas les terroristes, c’est Greenpeace ! Alors on propose d’emprisonner non pas quelques semaines, mais une année entière qui mèneraient des actions militantes dénonçant les risques que comporte aujourd’hui le nucléaire !
Chacun a reconnu que cette loi n’aurait absolument aucun effet sur le vrai problème que constitue le risque terroriste. On imagine bien qu’une amende de quelques dizaines de milliers d’euros, voire cent mille euros, et un an de prison ne sont pas de nature à dissuader des terroristes tels que les frères Kouachi de s’attaquer à une centrale nucléaire. Ce n’est pas avec du papier qu’on s’attaque aux terroristes, mais avec des actes.
Ce texte vise donc clairement à casser le thermomètre, en interdisant aux militants de Greenpeace de réaliser ce qu’on peut qualifier de véritables audits, gratuits d’ailleurs, sur la sécurité des centrales nucléaires d’EDF. Il ne s’agit pas de prévenir les actes terroristes, mais d’empêcher au contraire qu’on attire l’attention sur les risques. Comme le dit l’avocat Arnaud Gossement, ce texte risque d’être contre-productif en matière de sécurité.
L’examen des amendements sera l’occasion de connaître les intentions réelles des uns et des autres. Je remercie d’ores et déjà M. Lamblin d’avoir dit qu’il était favorable à l’un de nos amendements. Si nous avons déposé des amendements, c’est précisément pour savoir, fidèles en cela à la stratégie qui est celle du groupe écologiste, quelle la volonté réelle est derrière ce texte.
Je note à ce propos qu’aucun autre groupe n’a déposé d’amendement. Pour une fois que nous examinons un texte sur la sécurité nucléaire, sujet préoccupant et et pour lequel vous prétendez vouloir ardemment vous battre, vous ne faites aucune proposition concrète par voie d’amendement.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Nous verrons quel accueil vous réserverez à ceux de nos amendements relatifs aux sanctions proposées à l’encontre des militants pacifiques.
Tout le monde a reconnu l’importance de la sécurité. Alors pourquoi, au lendemain de l’accident de Fukushima, lorsque la Commission européenne a demandé à tous les pays de l’Union européenne qui ont des centrales nucléaires de se livrer à des évaluations complémentaires de sûreté, la France, à la différence de ses voisins, a refusé de faire de telles évaluations en ce qui concerne le risque d’agression extérieure, celui de piratage informatique et celui de crash d’avion ?
Nous demandons que ces évaluations, que les survols de drones ont rendues encore plus urgentes, soient faites. Nous demandons aussi qu’on puisse travailler réellement à sécuriser les cibles potentielles. Comment croire que, dans un grand pays industrialisé comme le nôtre, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, de prétendus militants écologistes, donc des gens pas très organisés, aient réussi à monter une opération qualifiée par M. Boisserie d’ « opération sans précédent », sans que nos services de renseignement aient été capables de les détecter, et encore moins de les arrêter ? C’est là une situation pour le moins inquiétante.
Si nous ne sommes pas capables d’anticiper les agressions, améliorons au moins la protection des cibles. Nous proposons qu’on sécurise au moins les points les plus vulnérables, c’est-à-dire qu’on « bunkérise » les piscines –cela fait des années que l’ASN le propose – et les transformateurs. Voilà des installations particulièrement sensibles dont la sécurité doit être renforcée.
Cela fait des années également que l’ASN, dont chacun vante les mérites, demande que ses compétences soient étendues aux questions de sécurité, comme c’est le cas partout ailleurs. Il ne s’agit évidemment pas de lui reconnaître une compétence en matière de déploiement des forces de police, mais elle devrait avoir la capacité de donner des consignes aux exploitants nucléaires – EDF, Areva, le CEA – pour qu’ils protègent mieux leurs installations.
Nous avions proposé des amendements en ce sens, mais ils ont été censurés au titre de l’article 40. On se demande d’ailleurs pourquoi cet article interdirait de doter l’ASN de nouvelles compétences. Et quand bien même cela se traduirait par un coût supplémentaire, il serait à la mesure de l’enjeu que l’ASN puisse intégrer les questions de sécurité dans ses référentiels de sûreté et contraindre les exploitants à doter les centrales des protections nécessaires, d’autant plus qu’elle-même le demande, comme elle l’a dit au cours des auditions de l’OPECST sur la question des drones.
Quoi qu’il en soit, nous ne pourrons pas soumettre cette question au débat.
Il est une autre question que l’examen de nos amendements nous permettra de poser : que faut-il pénaliser le plus ? Faut-il, comme vous le proposez, infliger des amendes de 100 000 euros aux militants de Greenpeace qui viennent manifester, alors qu’EDF n’est sanctionné que d’une amende de 7500 euros, ce qui est risible au regard du budget qui est le sien, pour fuite de matières radioactives dans l’environnement ? On voit le deux poids deux mesures : 100 000 euros pour les lanceurs d’alerte contre 7 500 euros pour les pollueurs.
La question des drones est similaire à celle de la cybersécurité, dont le ministre de la défense, interrogé il y a quelques jours dans le cadre des questions au Gouvernement, a dit à quel point elle était importante. Dans le domaine du nucléaire, et particulièrement avec les nouvelles générations de centrales, notamment l’EPR, chacun peut se rendre compte combien les questions de cybersécurité sont centrales.
Il en va de même s’agissant des drones. Ce n’est avec des miradors et des grillages supplémentaires qu’on pourra lutter contre ces nouvelles menaces pour la sécurité des centrales nucléaires. Il y a quelques semaines, le journal Libération comparait la situation du nucléaire face aux nouvelles technologies à celle des forteresses du Moyen-Âge.
Nous devons avoir une politique bien plus efficace pour parer ces nouvelles menaces. Il faut non seulement améliorer la protection des installations, mais aussi s’attaquer à la racine du problème, ce qui serait d’ailleurs pour nous plutôt arrêter de construire des équipements aussi dangereux.
Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Le Déaut, je trouve inacceptables vos critiques à l’encontre de John Large. John Large est un expert pronucléaire…
… même si c’est à la demande de Greenpeace qu’il a consacré une étude aux conséquences dramatiques que pourrait avoir le survol d’installations sensibles par des drones. Il doit d’ailleurs être entendu à ce propos par l’ASN.
Je tiens à souligner l’esprit de responsabilité avec lequel John Large et Greenpeace se sont refusé à diffuser ces travaux dans la presse, afin de ne pas donner à des gens mal intentionnés les moyens de s’attaquer aux installations les plus sensibles de notre pays.
L’ASN et l’IRSN ont prévu d’inviter John Large et Greenpeace à une réunion de travail pour étudier tous ces scénarios, qui ne sont malheureusement pas exhaustifs.
J’ai du mal à comprendre qu’on nous dise d’un côté, comme le fait M. Boisserie, qu’on est face à une opération sans précédent, alors qu’on prétend de l’autre, comme M. Le Déaut, que ces survols ne posent aucun problème de sécurité et que tout cela est déjà prévu. Si tel est le cas, on se demande pourquoi les services de l’État sont tout à coup sur les dents. Et si la proposition de loi que vous vous apprêtez apparemment à voter prévoit qu’un rapport sera consacré à ce sujet, c’est bien que vous estimez que le problème est réel.
Ma confiance dans les services de l’État est plus grande que la vôtre : j’espère que les services chargés de la sécurité des centrales nucléaires n’attendent pas que l’Assemblée, puis le Sénat, puis à nouveau l’un et l’autre en cas de navette, adoptent un texte prévoyant un tel rapport pour se préoccuper du sujet. Heureusement, nos auditions nous ont montré que les services de l’État s’en préoccupaient déjà, et d’une façon beaucoup plus sérieuse que ce que vous avez laissé entendre.
Franchement, en matière de déni de la réalité, persister à attribuer à Greenpeace ou à des militants écologistes la responsabilité de ces survols, c’est vraiment se bercer d’illusions. Quelle incapacité à mesurer la gravité de la situation ! Chaque fois qu’il y a quelque chose de dangereux dans ce pays, c’est Greenpeace.
Excusez-moi, mais j’ai l’impression que s’il s’agissait de Greenpeace ou d’une autre association écologiste, le sujet n’aurait pas paru aussi préoccupant. Si tel était le cas, on se demande d’ailleurs pourquoi, alors que les survols de centrales nucléaires par des drones continuent, même si on a donné consigne aux exploitants de ne plus s’exprimer sur le sujet, pourquoi ne retrouverait-on pas en ligne des vidéos de ces survols ?
Pour ma part, j’ai d’autres hypothèses quant à l’identité des personnes ayant intérêt à de tels survols, mais je pense que ces choses ont avantage à être discutées dans des enceintes plus confidentielles si l’on est vraiment attaché à la sécurité.
Si nous défendons cette motion de renvoi en commission, c’est d’abord parce que ce texte pas à la hauteur des enjeux, comme chacun l’a reconnu.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Il vise à pénaliser les lanceurs d’alerte et ne renforce pas la sécurité.
Il n’a été discuté que par la seule commission de la défense, ce qui pouvait être justifié dans sa version initiale, qui visait à autoriser de tirer à vue sur les militants de Greenpeace. Mais il a été depuis, fait exceptionnel, totalement modifié, jusqu’à son titre, M. de Ganay s’étant montré particulièrement sensible aux demandes du Gouvernement. Il devrait donc au minimum être réexaminé par les commissions concernées, notamment la commission des affaires économiques et la commission des lois.
Le fait même que le ministre de la défense ne soit pas au banc du Gouvernement prouve, non seulement la gêne du Gouvernement, mais surtout le fait que le sujet ne relève pas de la défense nationale.
Il n’est pas normal non plus que l’Autorité de sûreté nucléaire n’ait pas été préalablement auditionnée sur une proposition de loi ayant trait à la sécurité des installations nucléaires.
Pour éviter tout risque d’inconstitutionnalité au motif que ce texte n’a pas été examiné par les commissions compétentes, et parce que ce texte est insuffisant et qu’il n’a pas donné lieu à une véritable discussion, nous vous proposons de le renvoyer en commission. Cela nous permettra d’élaborer un texte dont l’objectif sera vraiment de sécuriser les centrales nucléaires et non de criminaliser l’action de Greenpeace.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
Je voudrais d’abord remercier tous les intervenants qui m’ont apporté leur soutien, avant de répondre à M. Baupin et à M. de Rugy. La manière, époustouflante dont tous deux, tels des drones, ont survolé ce sujet m’a impressionné.
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La notion de sécurité est multiforme et vous n’ignorez pas qu’elle intègre celle de sécurité juridique. Le fait que l’intrusion dans une installation nucléaire ne constitue pas un délit spécifique est totalement aberrant. Il ne s’agit pas d’un texte anti-Greenpeace : il ne retire aucun droit, aucune liberté aux militants. L’intrusion illégale n’est pas un droit, c’est un délit.
Le sujet des drones n’est pas mûr. Trop de questions se posent encore et légiférer dans l’urgence aurait peut-être été payant médiatiquement, mais juridiquement totalement inutile. Il est préférable d’attendre de disposer d’informations précises avant d’agir : tel est l’objet du rapport qui est demandé.
Le texte privera des individus réellement malveillants d’une possibilité d’intrusion en cas d’infiltration au sein de groupes d’action écologiste. Personne ne peut prétendre que ce risque est nul dès lors que les associations n’ont pas vocation à filtrer leurs membres.
Si ce texte était réellement contre-productif en matière de sécurité, comme vous le prétendez, comment expliquez-vous qu’un tel dispositif était réclamé depuis longtemps par l’ensemble des opérateurs, par les forces concrètement chargées de la sécurité des installations, je pense bien sûr à la gendarmerie ?
Je souhaite rétablir la vérité : le texte initial ne permettait évidemment pas aux gendarmes de tirer à vue sur les militants et ne modifiait absolument pas le protocole d’usage de la force, qui est très strict et très encadré. Le seul et unique effet du texte était de décharger les militaires de leur responsabilité pénale dans l’hypothèse où elle aurait été mise en cause.
La parole est à Mme la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Je tiens à rappeler un certain nombre d’éléments.
Je souhaite dire, d’abord, qu’au sein de la commission de la défense nous avons l’habitude de travailler sérieusement sur les questions sérieuses. Nous travaillons toujours en responsabilité et en conscience, comme cela doit être le cas en démocratie.
C’est ainsi qu’il faut faire, en particulier sur un sujet sensible comme les installations nucléaires, dont la protection relève de notre code de la défense – ce pourquoi la commission de la défense a toute compétence pour traiter de cette question, monsieur Baupin.
Contrairement à ce que j’ai entendu, ce n’est pas dans les médias que nous allons chercher les informations mais bien auprès des services compétents.
Cette proposition de loi, évidemment, ne résout pas l’ensemble des questions que les uns et les autres ont évoquées et sur lesquelles nous continuerons à travailler.
Comme cela a été dit, le Gouvernement présentera un rapport sur les problèmes posés par les drones au mois de septembre. Il a fait l’objet d’un travail approfondi, piloté par le secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale.
Un amendement prévoit son examen formel, à partir de quoi nous examinerons les dispositions que nous devrons prendre en matière de sécurité pour les installations sensibles qui, certes, concernent le secteur nucléaire mais pas uniquement.
Il va de soi que la question des drones sera traitée tant sur le plan législatif que technique puisque des questions se posent à ce niveau-là également.
Je remercie M. Claude de Ganay pour le travail accompli depuis longtemps déjà puisque le texte a été déposé au mois de septembre 2013, ainsi que Daniel Boisserie, spécialiste des questions de gendarmerie qui, à travers un amendement déposé dans la loi de programmation militaire, proposait que le Gouvernement puisse légiférer par voie d’ordonnance. Finalement, peu importe le support législatif – ce sera donc une proposition de loi – le principal étant que ce texte ait pu aboutir.
Je les remercie également pour avoir su travailler de manière intelligente et responsable avec les services de l’État afin de proposer des amendements qui ont été adoptés quasiment à l’unanimité en commission – à une voix près – afin de parvenir à une proposition de loi importante, correcte, responsable, grâce à quoi nos services de gendarmerie pourront travailler en responsabilité et en toute connaissance de cause.
Comme nombre d’entre vous l’ont dit, cela n’empêchera évidemment pas les mouvements opposés, notamment à l’énergie nucléaire, de manifester si bon leur semble : nous sommes en démocratie.
En démocratie, précisément, il est toujours difficile de légiférer pour la sécurité tout en préservant les libertés de chacun. Or, c’est ce que nous faisons ici, en responsabilité.
Nous aborderons à nouveau ces questions dans les mois et les semaines à venir et je ne doute pas que nous parviendrons à des propositions responsables.
Bien évidemment, je ne suis pas favorable à l’adoption de cette motion de renvoi en commission demandée par M. Baupin.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Dans les explications de vote – de deux minutes au maximum – la parole est à M. Jacques Lamblin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Je m’écarterai de la vision excessive des écolos en recentrant le sujet.
Actuellement, quelle est la question que se pose le peloton spécialisé de gendarmerie lors d’une intrusion dans une centrale nucléaire ? Simplement : « Qui va là ? ». Sont-ce des militants plutôt pacifiques ou des terroristes ?
Or, la réponse prend du temps et laisse aux intrus le temps d’avancer, ce qui est dangereux.
En vérité, la réalisation d’un audit de sécurité par des militants, comme vous le dites, l’existence même de ces intrusions au sein des centrales nucléaires, accroissent le danger.
Pourquoi ? Parce qu’il est facile de se façonner l’âme d’un héros lorsque l’on ne risque rien.
Si nous durcissons la loi, nous pouvons estimer que les candidats à l’intrusion de type « militant » seront moins nombreux et, donc, que les gendarmes seront à même de penser que toute intrusion signale, a priori, un danger terroriste.
Cette avancée législative est une façon d’améliorer la sécurité de nos centrales.
Le groupe UMP ne voit donc pas la moindre raison de relancer le débat en revenant en commission. Ce texte n’entraîne pas de profonds bouleversements mais il répond à notre préoccupation principale : il faut que les intrusions au sein des centrales nucléaires cessent car, je le répète, elles augmentent les risques et entravent le travail des gendarmes.
La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Même si elles ont un but pacifique et si elles visent d’abord à manifester une opposition au nucléaire, les intrusions répétées des militants de Greenpeace ont montré combien il est facile de pénétrer dans ces sites.
Il n’est pas possible de continuer ainsi car cela peut vraiment donner des idées à certains. Après les événements de ce début d’année, il faut prendre les mesures qui s’imposent.
Les seules que nous puissions adopter en l’état sont de type législatif et doivent tendre à punir davantage ce genre d’intrusions, ce qui n’empêche évidemment pas de continuer à sécuriser nos sites d’une manière plus forte, plus militarisée.
En procédant ainsi, nous ne militons pas contre Greenpeace, organisation qui a tout à fait le droit de faire connaître ses opinions – ce qu’elle fait d’ailleurs très bien – comme il est de règle en démocratie.
Mais précisément, aujourd’hui, les voix sont majoritaires pour que ces installations soient plus encore sécurisées et que l’on ne laisse pas faire n’importe quoi dans ces sites.
Le groupe UDI ne votera donc pas cette motion.
Je souhaite revenir sur les propos de M. le rapporteur ? selon lequel les mesures préconisées par cette proposition de loi sont réclamées par les opérateurs des centrales nucléaires – en l’occurrence, l’opérateur EDF.
Je ne suis pas surpris, mon cher collègue, mais ne nous sommes pas forcément là pour satisfaire d’abord un intérêt particulier…
… celui de l’opérateur des centrales nucléaires, surtout lorsqu’il veut tout faire pour que l’on empêche de mettre en évidence ses propres faiblesses quant à la possibilité de se défendre d’une intrusion. C’est d’ailleurs bien normal et assez logique de sa part.
Mais notre logique d’élus de la nation, qui sommes là pour protéger les Français contre la menace d’un accident nucléaire – dont, je n’y reviens pas, l’ampleur des conséquences serait sans précédent, incomparable avec tout autre accident – c’est aussi de considérer que cette menace peut être liée à une intrusion hostile.
Mes chers collègues Lamblin ou Ganay, nous voulons que les représentants de Greenpeace ou d’autres organisations soient refoulés lorsqu’ils se lancent dans une tentative d’intrusion pour montrer que la sécurité d’un site n’est pas assurée. Nous ne souhaitons aucun distinguo ! Nous voulons que les installations nucléaires soient suffisamment sécurisées pour être impénétrables et que l’opérateur puisse le démontrer ! Les tentatives de Greenpeace ou d’autres organisations doivent échouer afin de montrer que les installations nucléaires civiles sont inviolables.
Voilà pourquoi, sur le fond, nous n’avons pas du tout la même approche.
Je termine, madame la présidente, en disant notamment à mes collègues socialistes que certaines propositions de loi ont déjà fait l’objet d’un renvoi en commission, y compris récemment, lorsque nous avons considéré que le travail n’était pas assez abouti.
En l’occurrence, c’est un vrai problème que ni la commission des affaires économiques ni la commission du développement durable n’aient été saisies alors que la sécurité des installations énergétiques est en jeu.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Je serai très bref, madame la présidente.
J’ai écouté les uns et les autres. Si l’on excepte une voix contre et un vote nul, la commission a donc demandé à l’Assemblée à une très large majorité de voter cette proposition de loi. Je ne vois pas l’opportunité d’un renvoi. Passons donc à l’examen des articles !
Au nom du groupe GDR, je voterai contre cette motion.
La parole est à M. Daniel Boisserie, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Nous pouvons presque remercier le Gouvernement de ne pas avoir légiféré par ordonnance car cela permet d’enrichir l’Assemblée de notre débat même s’il est évidemment possible d’avoir des désaccords.
La motion de Denis Baupin m’interpelle. J’ai l’impression qu’il veut absolument que l’on puisse pénétrer dans l’enceinte des installations nucléaires.
Imaginez un instant que nous considérions, désormais, que des manifestants puissent pénétrer dans la cour d’honneur de l’Assemblée nationale plutôt que de rester sur l’esplanade des Invalides ! Imaginez la suite !
Je ne comprends pas votre attitude, d’autant plus que cette proposition de loi vise simplement à être suffisamment dissuasive pour que l’on ne pénètre pas sur les sites nucléaires et que l’on puisse distinguer non le bon grain et l’ivraie mais le manifestant classique – qui n’est tout de même pas dangereux – et le terroriste.
Faute d’une telle dissuasion, je ne vois pas comment il serait possible d’éviter des accidents.
Enfin, ceux qui sont préposés à la défense des centrales sont aussi en danger.
Nous nous trouvons d’ailleurs dans une situation particulière, cela a été dit, vous l’avez dit vous-même : nos installations sont peut-être moins protégées que dans d’autres pays – je pense, notamment, à l’Angleterre.
Il faut donc faire en sorte qu’à l’avenir l’opérateur EDF améliore encore cette protection afin de retarder l’arrivée éventuelle de terroristes. Là-dessus, nous sommes d’accord.
Je ne vois donc pas ce qui motive le renvoi de ce texte en commission. Le groupe SRC ne votera évidemment pas votre motion.
La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Je profite de cette intervention pour remercier nos collègues Claude de Ganay et Daniel Boisserie et saluer le travail qu’ils ont accompli.
Comme Mme la présidente de la commission de la défense l’a rappelé, ce travail a été mené en responsabilité et en conscience, dans le strict respect des règles démocratiques.
C’est d’ailleurs pourquoi un consensus s’est dégagé très rapidement – comme nous l’avons encore vu ce matin avec bonheur – avec le Gouvernement et les différents mouvements, à l’exception des écologistes…
… qui ne souhaitent pas s’associer à cette union nationale, à cette concorde autour d’une question essentielle pour notre pays.
En effet, les intrusions dans les centrales constituent bel et bien un danger. Cette proposition de loi est donc devenue nécessaire et il convient plus que jamais de la soutenir.
Je salue cette démarche de nos collègues et je salue à nouveau, en particulier, le travail de rapporteur effectué par M. Claude de Ganay.
Je souhaite intervenir à mon tour parce que M. de Rugy expliquait tout à l’heure que les manifestations des écolos sont pacifiques et non violentes.
La centrale de Fessenheim se trouve dans ma circonscription. Or, lors de la dernière intrusion, les clôtures d’enceinte ont été défoncées à l’aide d’un poids lourd. Pour de la non-violence, cela se pose un peu là…
Il est donc temps de sortir des ambiguïtés et de stopper ce type d’intrusions.
Si des écolos ont pu monter sur le toit du réacteur, c’est parce que les gendarmes n’ont pas pu faire leur travail.
Prenant conscience qu’il s’agissait de manifestants, ils n’ont pas utilisé leurs armes. S’ils l’avaient fait, nous aurions eu des incidents beaucoup plus graves.
Il importe de sortir de cette ambiguïté, à un moment où les terroristes sont présents partout sur le sol national.
Vous évoquez enfin, monsieur Baupin, le droit à manifester. À chaque réunion de la commission locale d’information et de surveillance de Fessenheim, nos amis écologistes sont présents à la préfecture. Nous avons d’un côté les manifestants, de l’autre les salariés de l’usine, qui ne veulent pas voir leur outil de travail attaqué ou arrêté. Ces manifestants viennent principalement de Suisse ou d’Allemagne – la CLIS, qui est très ouverte, accueille volontiers les associations environnementales, y compris celles de Suisse et d’Allemagne. Ce sont principalement nos voisins allemands qui viennent manifester : ils manifestent chez nous pour la fermeture de la centrale de Fessenheim, mais aussi, de l’autre côté de la frontière, contre la mise en service des centrales au charbon, et ils font l’aller-retour à vélo.
Il faut que chacun prenne ses responsabilités et que l’on sorte de cette situation ambiguë. Il est grand temps que nous respections les sites nucléaires : il y va de la sûreté de ces sites et de l’alimentation de nos foyers et de nos industries.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je veux appuyer ce qui vient d’être dit et soutenir la proposition de loi portée par notre collègue Claude de Ganay. Il faut que chacun se montre responsable et comprenne qu’il importe de renforcer la sûreté et la sécurité de nos centrales. Monsieur Baupin, il faut sortir de la politique politicienne, des débats de posture et des clivages idéologiques stériles, pour rappeler à tout le monde que la sûreté des centrales est absolument indispensable.
Dans le département de l’Ain, nous avons la centrale du Bugey, qui a été survolée par un certain nombre de drones. Nous ne pouvons pas rester inactifs, les bras croisés, et laisser faire en disant qu’il s’agit seulement d’actions militantes pacifiques. Il est de notre responsabilité de garantir à la fois la sûreté et la sécurité nucléaires.
J’irai plus loin : on est en train de construire des parcs éoliens à côté de centrales – vous en savez quelque chose, monsieur Baupin. Or ils posent, eux aussi, des questions de sécurité et de sûreté. Chacun doit prendre conscience du problème et soutenir cette proposition de loi qui nous rassemble, au-delà des clivages politiques. Il est important de rappeler que nous ne pouvons pas nous passer de notre énergie nucléaire.
On ne peut pas, d’un côté dénoncer les failles qui existent dans nos systèmes de sécurité et, lorsque des propositions sont faites pour renforcer la sécurité, les contester et aller à reculons. Il est de notre devoir et de notre responsabilité de faire en sorte que nos centrales nucléaires, qui sont nécessaires, et même indispensables, à notre pays et à nos territoires, présentent toute la sécurité et la sûreté nécessaires. C’est ce que nos concitoyens nous demandent, et c’est ce que nous devons faire, en tant que parlementaires.
Je voudrais seulement revenir sur quelques points évoqués lors de la discussion générale. Le nucléaire est dangereux : oui, bien sûr…
Absolument ! sur les bancs du groupe UMP.
Je le sais bien, pour avoir été le rapporteur de la commission d’enquête sur l’usine AZF. C’est bien pour cela que nous avons adopté une loi sur la sûreté nucléaire et la radioprotection. C’est pour cela, aussi, que nous avons progressé très fortement sur ces questions, en 1998 et en 2006 – et vous le savez très bien. Face à une technologie qui peut présenter des risques, il faut prendre toutes les garanties de sûreté, et le gendarme du nucléaire, l’Autorité de sûreté nucléaire, que nous avons contribué à créer, constitue une bonne réponse.
Monsieur Baupin, vous faites dire au président de l’Autorité de sûreté nucléaire, M. Pierre-Franck Chevet, des choses qu’il n’a jamais dites. Il a rappelé devant nous, lors de son audition, que l’ASN était en charge de la sûreté, et non des aspects de sécurité ; qu’elle était une autorité indépendante, notamment vis-à-vis du Gouvernement, et qu’elle était attachée à consolider ses relations avec le Haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère de l’écologie. Il a rappelé qu’elle partageait de l’information avec celui-ci, à l’occasion de deux réunions annuelles, et qu’il fallait encore renforcer cette collaboration.
Ce qu’il appelle le « trou dans la raquette » de la sécurité ne vient pas des drones, selon lui, mais de la sécurité des sources radioactives, que l’on utilise sur des chantiers et qui se trouvent partout en Europe aujourd’hui. Voilà ce que dit M. Chevet : ce n’est pas ce que vous lui avez fait dire tout à l’heure.
Par ailleurs, vous ne pouvez pas dire que cette loi est anti-Greenpeace. Vous ne pouvez pas dire, à la fois que les militants de Greenpeacen’ont rien à se reprocher, et que cette loi est dirigée contre eux !
Il sera question des drones dans les décrets qui seront adoptés par la suite.
Il est question d’un périmètre de sécurité au-dessus des installations.
Je n’ai pas dit qu’il n’y avait pas de problème. J’ai seulement dit que nos centrales nucléaires ne sont pas plus visées par des menaces terroristes que n’importe lesquelles de nos installations, y compris nos stades de football, qui réunissent un grand nombre de personnes.
Vous prétendez, monsieur Baupin, que nous muselons l’information relative à d’autres survols. Nous en avons connaissance, et il y en a eu très peu. Ce n’est pas du tout au niveau de ce qui s’est passé au mois de novembre. Les centrales sont impénétrables : c’est ce que vous voulez…
Je voudrais m’associer aux félicitations qui ont été adressées au rapporteur Claude de Ganay pour son travail. Il est tout à l’honneur de notre Assemblée de pouvoir répondre de manière concrète, et au terme d’un travail en commun, à un problème aussi important.
On assiste à un étrange engrenage : des provocations et des manifestations ont lieu, qui suscitent naturellement des réponses. Et les mêmes qui ont encouragé les provocateurs et les manifestants viennent ensuite dénoncer la prétendue logique sécuritaire de ces réponses !
Il faut absolument briser cet engrenage et avoir un discours cohérent pour montrer que nous veillons ensemble à assurer la sûreté d’établissements aussi importants que nos installations nucléaires. Voilà pourquoi je soutiendrai cette proposition de loi.
« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Je voudrais réagir aux déclarations, aux relents vaguement xénophobes, de notre collègue Michel Sordi sur les militants allemands et suisses qui viennent manifester à Fessenheim.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
C’est un fait personnel ! Pourquoi pas « raciste », tant que vous y êtes ?
Tout le monde n’a pas forcément conscience que les vents dominants à Fessenheim vont en direction de l’Allemagne. Ce n’est pas un hasard si les Allemands sont particulièrement préoccupés par cette centrale vétuste, qui se situe sur la nappe phréatique la plus importante d’Europe. Si un accident nucléaire se produit, les Allemands seront concernés.
C’est d’ailleurs la collègue de votre amie Mme Merkel, la ministre de l’environnement allemande, qui a écrit à Ségolène Royal, pour demander que l’on arrête la centrale de Fessenheim. François Brottes pourrait témoigner du fait que, lorsque nous sommes allés au Bundestag avec la commission des affaires économiques, le représentant du gouvernement allemand a dit qu’il serait bienheureux si l’on fermait cette centrale.
Les nuages radioactifs ne s’arrêtent pas aux frontières, et c’est pourquoi nos collègues allemands et suisses sont préoccupés par cette centrale vétuste et dangereuse.
Monsieur Le Déaut, ne mélangez pas tout. Il y a deux articles dans cette loi. Nous avons dit clairement que ce ne sont pas les militants écologistes qui sont responsables du survol par des drones…
…mais l’article 1er, qui vise les manifestations dans les centrales nucléaires vise clairement Greenpeace : nul ne peut le contester.
Il faut faire preuve d’un peu de rigueur dans l’argumentation, monsieur Le Déaut !
Je souhaite faire un rappel au règlement sur la base de l’article 58, alinéa 1, de notre règlement. Monsieur Baupin a ouvertement traité l’un de nos collègues de xénophobe.
Si ! Vous avez dit qu’il tenait des propos xénophobes, ce qui est inadmissible. Je vous renvoie à la définition du mot dans le dictionnaire ! Je vous demande donc de retirer ces propos : M. Sordi n’est pas xénophobe et ses propos ne l’étaient pas.
« Exactement ! sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Respectez les propositions et les déclarations de chacun !
Ce rappel au règlement était nécessaire, pour que ce genre d’incident ne se reproduise plus au cours de cette séance qui était consensuelle, constructive, et que nous appréciions jusqu’à maintenant.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
suite
Je vous donne à nouveau la parole, monsieur Chrétien, puisque vous avez demandé à vous exprimer sur l’article 1er.
Retrouvons un peu de sérénité. Claude de Ganay a fait un premier constat très simple : jusqu’à présent, dans le droit positif, le fait de s’introduire dans un silo à grain ou un entrepôt de sel est sanctionné de la même manière que le fait de s’introduire dans une centrale nucléaire.
Le deuxième constat, c’est que l’on ne peut pas en rester là. S’introduire dans un silo à grain ou un entrepôt de sel, ce n’est pas la même chose que s’introduire dans une centrale nucléaire.
À ces deux constats, Claude de Ganay apporte une réponse juridique, en distinguant ces deux actes délictueux et en ne les mettant par sur le même plan : c’est aussi simple que cela.
Ces constats et ce diagnostic devraient être partagés par tout le monde. Nous ne sommes pas en train de dire que les centrales nucléaires sont dangereuses : ce n’est pas notre problème, nous ne faisons pas un diagnostic technique. Nous ne sommes pas en train de mettre en cause qui que ce soit. Vous avez évoqué à plusieurs reprises une association de défense de l’environnement, mais il n’en est pas question, dans cette proposition de loi. Nous disons seulement que s’introduire dans une centrale nucléaire, ce n’est pas la même chose que s’introduire dans un bâtiment classique, précisément parce qu’une centrale nucléaire n’est pas un bâtiment classique.
Cette proposition de loi répond tout simplement à cette distinction, monsieur Baupin. Vous êtes un peu seul aujourd’hui, puisque, pour une fois, droite et gauche sont d’accord sur cette question. Il n’y a pas de quoi s’énerver : il s’agit là d’une proposition de bon sens, pour préserver l’intégrité de ces installations stratégiques. J’ai même proposé, en commission de la défense, d’élargir le caractère stratégique à d’autres installations qui produisent de l’énergie, qu’elle soit nucléaire ou pas, parce qu’il s’agit d’installations, elle aussi très stratégiques, pour la sécurité du pays. Elles doivent donc être protégées d’une autre manière que les immeubles classiques.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Ce rappel au règlement répond à celui de M. Chrétien. Mon propos ne visait pas personnellement Michel Sordi, que je respecte, même si nous avons des désaccords : nous nous sommes notamment rendus ensemble à la centrale de Fessenheim.
En revanche, il me semble dangereux, lorsqu’il est question des manifestations qui ont lieu à Fessenheim, de mentionner systématiquement les militants allemands et suisses…
…comme s’ils avaient moins de raisons d’être présents, moins de légitimité à manifester. Cela me choque, surtout dans une région où l’on a intérêt à vivre en bonne intelligence avec ses voisins. Je ne considère pas Michel Sordi comme xénophobe, mais il me semble que ce type de propos peut prêter à confusion.
suite
Je crois que ce n’est pas un hasard si une large majorité de la représentation nationale se retrouve autour de ce texte, qui est à la fois bon, nécessaire et efficace.
Il est dommage que les écologistes ne s’y associent pas, mais je crois qu’ils font preuve d’une fausse naïveté…
… parce qu’ils ont deux objectifs bien précis. Le premier, c’est de permettre que tout le monde puisse accéder partout librement, ce qui n’est pas possible en démocratie ; le second, c’est de renchérir le coût du nucléaire, en demandant des protections absolument aberrantes.
Je crois qu’au triptyque « Surprise, déception, consternation » proposé par M. De Rugy tout à l’heure, il faut opposer le triptyque « Provocation, réaction, condamnation ».
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Il importe que le législateur soit réactif. Des mesures techniques doivent être prises, mais il faut aussi des mesures juridiques. La naïveté n’a pas sa place dans ce domaine ; il faut au contraire que la République garde pleinement sa réactivité.
« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Je n’avais pas prévu d’intervenir dans ce débat, car il y a déjà assez de spécialistes pour le faire, mais comme j’ai été cité par M. Baupin, je vais tout de même dire un mot sur l’article 1er. Nous sommes effectivement allés rencontrer nos collègues allemands au Bundestag pour parler avec eux des questions d’énergie. Et un certain nombre de groupes politiques, dont les Verts, ont effectivement demandé à quelle date nous commencerions à fermer nos réacteurs, notamment Fessenheim. Le Gouvernement, qui était représenté par un secrétaire d’État, a indiqué que chaque État, en Europe, gérait son mix énergétique comme il l’entendait, même si j’ai bien compris qu’ils n’auraient pas été désespérés d’apprendre que nous allions fermer un certain nombre de nos réacteurs.
Mais ils n’ont pas demandé expressément à la France de fermer ses réacteurs.
A la question sur la date, j’ai d’ailleurs répondu que nous commencerions à fermer des réacteurs dès qu’ils commenceraient à fermer des centrales à charbon.
Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.
C’était une note d’humour, j’avoue que je n’ai pas eu un grand succès au Bundestag.
La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement no 1, qui tend à supprimer l’article 1er.
Monsieur Brottes, je vous ferai parvenir la lettre écrite par la ministre allemande de l’environnement à Ségolène Royal pour demander la fermeture de la centrale de Fessenheim, ce qui prouve bien que c’est le choix du gouvernement. Je vous transmettrai aussi des informations sur des fermetures de centrales à charbon en Allemagne il y a quelques mois,…
…ce qui vous permettra de soutenir la fermeture de centrales nucléaires en France.
Si nous demandons la suppression de l’article 1er, c’est tout simplement parce que la loi prévoit déjà qu’il est interdit d’entrer dans les centrales nucléaires. Ce que vous voulez en l’occurrence, c’est criminaliser les militants, en proposant des peines extrêmement lourdes.
M. Le Déaut nous explique que le nucléaire, c’est bien sûr dangereux, comme toutes les installations technologiques et autres. Dans ce cas, pourquoi ne prévoyez-vous pas le même dispositif de sanction pénale pour l’ensemble des personnes qui entrent sur tous les sites industriels de France ?
Si vous êtes pour, pourquoi ne le proposez-vous pas ? C’est une proposition de loi de votre groupe.
Pourquoi stigmatiser certains ? C’est tout de même dangereux de stigmatiser le nucléaire, cela m’étonne de votre part. Vous êtes tous en train de dire que le nucléaire est plus dangereux que le reste alors que M. Le Déaut, lui, essaie de le banaliser.
Nous qui voulons que l’on traite l’ensemble des risques à égalité, nous proposons la suppression de l’article 1er.
La commission a repoussé cet amendement.
Au cours de la discussion générale, j’ai rappelé l’intérêt du dispositif proposé par le texte. Pour résumer, il s’agit de créer un régime pénal adapté à l’extrême sensibilité des installations abritant des matières nucléaires.
C’est un dispositif qui permettra aux forces en charge de leur sécurité de mieux discriminer les intrus et, par conséquent, d’apporter une réponse plus efficace aux intrusions tout en respectant les libertés et droits fondamentaux des organisations et militants anti-nucléaire.
À cet égard, prétendre, comme l’indique l’exposé sommaire de l’amendement, que l’article 1er vise uniquement à criminaliser des actions militantes pacifiques et ne répond en rien aux enjeux liés à la sécurité nucléaire est un non-sens total.
Certes, le groupe écologiste a fait un effort d’imagination, et M. Baupin est un expert en la matière, pour supprimer ou vider de sa substance de différentes manières l’article 1er. Je ne peux cependant que donner un avis défavorable à cette proposition. L’adoption de cet amendement de suppression reviendrait à maintenir le droit existant, notoirement inadapté.
Défavorable.
Nous sommes évidemment pour le maintien de l’article 1er.
Ce trop grand nombre d’incursions prouve la grande efficacité des gendarmes, qui arrivent à séparer le bon grain, si j’ose dire, de l’ivraie. À ce jour, on a bien su faire la distinction entre militants et terroristes, et aucun de ces derniers n’a pu pénétrer dans les enceintes des centrales nucléaires. Je réaffirme donc que la fréquence des intrusions, en compliquant la tâche des gendarmes, accroît l’insécurité, accroît le risque.
Il est donc impératif d’éviter le plus possible les risques d’intrusion.
Je salue moi aussi le sang-froid des personnes qui travaillent à la protection des centrales nucléaires. C’est un métier difficile. Il faut tout de même signaler que, lorsque Greenpeace mène une telle opération – personne ne veut stigmatiser une association mais vous avez tous cité son nom à plusieurs reprises –…
… les responsables préviennent les responsables de la centrale. Cela permet que les choses se passent dans de bonnes conditions. Ce ne sont pas des fous furieux et ils pensent à leurs propres militants, ils savent que la sécurité est une question importante.
L’amendement no 1er n’est pas adopté.
Il s’agit de clarifier les choses. Le texte qui mélange tout sans tenir compte des raisons pour lesquelles des gens pourraient éventuellement pénétrer dans l’enceinte d’une centrale nucléaire.
Je pense que chacun a bien conscience, vu l’actualité mais aussi celle de ces derniers mois sur un certain nombre de sites où il y a des manifestations, des controverses sur des sujets environnementaux, qu’il faut faire une différence très claire entre les militants pacifiques et ceux qui ne le sont pas. On ne peut pas tout niveler. Le Président de la République a d’ailleurs souligné lors de la conférence environnementale qu’il était important d’améliorer la concertation, le débat sur l’environnement, de mieux associer les citoyens à la réflexion.
Nous proposons donc que les manifestations pacifiques soient exclues du champ de la criminalisation. Notre objectif à tous, je crois l’avoir compris, c’est de dissuader les terroristes. Que les peines s’appliquent pour les terroristes, évidemment, mais pas pour les militants pacifiques.
Cet amendement a été repoussé par la commission.
Je suis attaché à la liberté de manifester, à plus forte raison s’il s’agit de manifestations pacifiques. Toutefois, comme vous le savez, la liberté de manifester doit s’exercer sur la voie publique. Elle ne peut en aucun cas s’exercer de manière illégale sur des terrains privés, cela a été rappelé à plusieurs reprises, tels que les centres nucléaires de production d’électricité.
Les militants concernés pourront toujours, et c’est bien normal, continuer à exercer ce droit fondamental dans toute sa plénitude, à l’extérieur des sites. Vous devez renouveler, mot que, je n’en doute pas, vous connaissez bien, votre mode de manifestation. Vous pourrez donc organiser des pique-niques si vous voulez, mais à l’extérieur.
Le vote d’un tel amendement reviendrait à délivrer un permis d’intrusion, à donner le droit de commettre un délit. On ne saurait raisonnablement l’envisager.
En outre, pacifiques ou non, de telles actions font peser des risques inconsidérés aussi bien sur les salariés de ces sites que sur les militants eux-mêmes.
Enfin, cet amendement vide de sa substance la proposition de loi qui vise à protéger les installations civiles abritant des matières nucléaires contre toutes les intrusions et tentatives d’intrusion. Pour être dissuasive, l’interdiction doit être générale.
Défavorable, pour les mêmes raisons.
Nous touchons vraiment au coeur du problème, la possibilité de séparer ceux qui sont dangereux de ceux qui ne le sont pas.
Nous avons auditionné des représentants du GIGN et des PSPG. Les gendarmes sont formels, il est impossible aujourd’hui de savoir s’il y a ou non des terroristes dans une manifestation, serait-elle pacifique. Il est là le problème et c’est la raison pour laquelle je suis en désaccord avec Denis Baupin.
Je suis d’accord par contre sur un point, il faut sans doute bâtir des zones de protection autour des centrales pour éviter tout terrorisme.
J’ai bien noté la volonté de M. de Ganay de se recycler comme conseiller auprès de Greenpeace pour expliquer à ses représentants comment ils doivent dorénavant organiser leurs manifestations. Je pense qu’ils apprécieront le conseil. Greenpeace devrait peut-être même soumettre aux conseils d’administration d’EDF, d’Areva et du CEA la façon dont ils organisent leurs manifestations. Il y aurait davantage de liberté de s’exprimer et de manifester dans ce pays.
Je pense que, dans un pays dans lequel tout le monde manifeste pour la liberté d’expression, on pourrait laisser les associations décider de la façon la plus pertinente d’attirer l’attention.
Oui mais, plus on criminalise certaines façons de s’exprimer, moins on les rend possibles.
Je me souviens qu’il y a quelques mois, vous vous insurgiez contre le fait que des manifestations que vous souteniez avaient été réprimées. Vous étiez alors beaucoup plus attachés à la liberté de manifester de gens dont certains, à proximité, n’étaient tout de même pas totalement fréquentables et étaient beaucoup plus violents que les militants de Greenpeace.
Je ne parle pas des organisateurs mais de ceux qui étaient avec les manifestants. Vous étiez beaucoup plus tolérants vis-à-vis d’eux que vous ne l’êtes vis-à-vis des militants de Greenpeace.
Ce n’est pas à la loi d’expliquer à ceux qui manifestent la façon dont ils doivent se comporter.
L’amendement no 2 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à renforcer le dispositif que nous avons voté, à l’initiative des écologistes, dans une proposition de loi des écologistes du Sénat, celui des lanceurs d’alerte. Nous leur avons donné un statut afin de les protéger.
Il y a quelques jours encore d’ailleurs, le ministre de l’économie, alerté sur le fait que cela pouvait limiter la liberté de la presse, la liberté des lanceurs d’alerte, a retiré un amendement concernant le secret des affaires parce qu’il estimait que cela pouvait être mal compris.
Ce texte pourrait également avoir pour conséquence de limiter le pouvoir des lanceurs d’alerte. Nous proposons donc qu’ils ne soient pas concernés par les sanctions proposées.
Les lanceurs d’alerte doivent être systématiquement protégés parce qu’ils ont un rôle. Même les gens d’EDF, qui n’aiment pas que Greenpeace entre sur leurs centrales nucléaires, même les gens de la sécurité, dont certains sont présents ici et je salue leur présence, savent que, grâce aux militants de Greenpeace, leur attention a été attirée sur certains points.
Faisons attention, lorsqu’on limite le pouvoir des lanceurs d’alerte, on limite la protection de la société.
Sans méconnaître l’intérêt des lanceurs d’alerte, je ne suis pas certain qu’une telle qualité autorise à violer la loi. Je le répète, une intrusion est un délit réprimé par le code pénal.
L’amendement fait référence à l’article 1er de la loi no 2013-316, relative notamment à la protection des lanceurs d’alerte. L’analyse des travaux parlementaires est éclairante. Selon Marie-Line Reynaud, rapporteure pour avis de la commission de développement durable, la notion de bonne foi est au coeur de la définition du lanceur d’alerte. Cette notion correspond à la conviction de se trouver dans une situation conforme au droit, avec la conscience d’agir sans léser les droits d’autrui.
Respecter le droit et agir sans léser les droits d’autrui, ces deux critères essentiels pour caractériser un lanceur d’alerte ne sont manifestement pas réunis par les militants menant des actions d’intrusion dans les installations nucléaires.
En tout état de cause, la commission est défavorable à cet amendement.
Défavorable, pour les mêmes raisons.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Pour la commission d’enquête sur les coûts de la filière nucléaire en France, Denis Baupin et moi avons longuement rencontré des responsables de Greenpeace. Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion de les auditionner à l’occasion de cette proposition de loi, mais je voulais juste témoigner du fait qu’ils se rendaient compte qu’il était impossible de faire la différence entre les uns et les autres et qu’ils avaient conscience, avec la montée en puissance du terrorisme, de la gravité de la situation. Ils mesuraient le fait que, parfois, en allant jusqu’où ils allaient, ils prenaient un risque un peu inconsidéré.
Je voulais vous faire part de ce témoignage parce que l’échange était d’une grande sincérité.
Je vous remercie, monsieur Brottes, d’avoir apporté cet élément, cela vient au bon moment car les propos de M. de Ganay vis-à-vis des militants de Greenpeace sont insultants.
Nous pouvons être en désaccord, monsieur de Ganay. Vous pouvez estimer que le nucléaire, c’est l’avenir de l’humanité, c’est votre opinion et je ferai tout pour que vous ayez le droit de la défendre, mais vous ne pouvez pas insulter ceux qui ne pensent pas la même chose et prétendre qu’ils ne sont pas de bonne foi lorsqu’ils affirment que le nucléaire est dangereux.
Selon vous, ils ne pourraient pas rentrer dans la catégorie des lanceurs d’alerte parce qu’ils ne sont pas de bonne foi quand ils considèrent qu’il y a des failles dans la sécurité et la sûreté nucléaire. Mais, s’il n’y avait pas de failles, si tout était totalement sûr, il n’y aurait pas besoin d’une autorité de sûreté nucléaire. Or ils contribuent justement à détecter des problèmes.
Par ailleurs, pouvez-vous me dire qui a été lésé ? Les centrales nucléaires n’ont pas été arrêtées. Elles ont continué à fonctionner lorsqu’il y a eu des manifestations.
Quelque chose a été atteint ? A-t-on constaté une défaillance dans la centrale nucléaire ? Cela n’a lésé absolument personne. C’étaient des manifestations. Vous pouvez être en désaccord avec cette façon de procéder, mais, de fait, cela n’a lésé personne.
Votre réponse, qui refuse aux militants de Greenpeace le statut de lanceurs d’alerte, me paraît totalement hors de propos. Merci d’avoir rappelé ces deux critères qui montrent bien qu’ils doivent être considérés comme tels.
Nous avons défendu les lanceurs d’alerte dans un texte. Mais lorsque l’on ne respecte pas la loi, peut-on se prévaloir du titre de lanceur d’alerte ? Quand on détruit des installations qui ont été permises par la loi de la République française, on n’est pas un lanceur d’alerte.
Il est légitime qu’une partie de notre population soit contre le nucléaire, mais comment accepter que l’on pénètre dans une centrale pour attirer l’attention ? Les gendarmes s’occuperaient effectivement des intrus, mais non pas des autres problèmes qui pourraient survenir dans la centrale. Vous disiez tout à l’heure qu’il fallait que les centrales soient impénétrables. Il existe des techniques pour rendre impossible qu’on franchisse les limites d’une centrale nucléaire, mais elles sont dangereuses. Souhaitez-vous vraiment que l’on applique des techniques dangereuses qui risquent de provoquer des accidents et de faire que le nucléaire soit ensuite montré du doigt ? On doit pouvoir manifester son opposition au nucléaire, mais non pas pénétrer à l’intérieur des centrales.
L’amendement no 3 n’est pas adopté.
Certes, je n’ai pas obtenu satisfaction sur les amendements précédents, mais parlons des choses sérieuses, des installations réellement importantes dans une centrale nucléaire. Le texte, en l’état actuel, vise l’ensemble du territoire de l’installation nucléaire. Or, il y a des sites importants en matière de sécurité et d’autres qui le sont beaucoup moins. Spécifions les choses et disons dans quels cas et sur quels périmètres existe une réelle dangerosité. C’est pourquoi nous proposons qu’il soit écrit dans le texte que c’est « dans l’enceinte de bâtiments réacteurs ou dans les locaux de stockage de matières radioactives des installations nucléaires de base » qu’il y a vraiment des problèmes de sécurité.
Ainsi, le texte dira que l’intrusion sur des sites, qui sont réellement problématiques en matière de sécurité, est proscrite et pénalisée de la façon dont vous le souhaitez.
M. Baupin déborde d’imagination.
L’emprise physique sur laquelle se trouve une installation civile abritant des matières nucléaires constitue un tout, monsieur Baupin. Il serait totalement irresponsable et irréaliste de permettre l’intrusion dans les lieux censément les moins sensibles d’un tel site. Une installation nucléaire est une installation sensible en tant que telle, et sur l’ensemble de son emprise. Je rappelle à cet égard que la proposition de loi vise notamment à protéger les installations civiles abritant des matières nucléaires affectées aux moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la politique de dissuasion.
De plus, la protection des installations nucléaires est fondée sur la notion de défense en profondeur. L’interdiction d’accès doit se situer le plus en amont possible des zones les plus sensibles, permettant ainsi d’accroître le temps de réaction des forces chargées de la sécurité. Certains matériels essentiels au fonctionnement d’une installation nucléaire et à sa sûreté sont situés dans des locaux qui ne contiennent pas de matière nucléaire. C’est donc bien dans leur intégralité que ces sites doivent être protégés des intrusions. Avis défavorable.
Le même que celui de la commission, madame la présidente.
J’ai un peu pitié de M. Baupin que je trouve bien seul dans cet hémicycle pour se défendre.
Mais il me semble qu’il ne croit pas lui-même à tous les amendements qu’il propose et qu’il fait cela par principe.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
S’agissant des lanceurs d’alerte, c’est nous, la représentation nationale, qui disons qu’en démocratie on ne peut pas faire n’importe quoi, qu’il y a des lieux auxquels tout le monde ne peut pas accéder à tout moment. Il est normal que l’on ait de temps en temps la volonté d’éviter ce genre de choses. On ne peut pas distinguer, dans une centrale nucléaire, les lieux qui ont une importance majeure et ceux qui ont une importance moindre, ils ont tous de l’importance.
Vous savez que c’est interdit d’entrer dans les centrales nucléaires ! Il n’y a pas besoin d’une nouvelle loi ! Personne ne propose ici de permettre que l’on entre dans les centrales nucléaires comme dans un moulin. Le texte propose d’infliger des peines si lourdes que l’on rende les militants fautifs. Quand j’entends le rapporteur, sur le territoire duquel est implantée une centrale, nous dire que l’ensemble du territoire de la centrale nucléaire serait équivalent en termes d’importance, puis dans la phrase suivante qu’il s’agit d’une défense en profondeur, n’y a-t-il pas un paradoxe ? S’il y a une défense en profondeur, c’est bien qu’il y a différents niveaux de dangerosité.
Heureusement, d’ailleurs, qu’EDF ne permet pas au même type de personnes de pouvoir pénétrer dans les différentes zones et qu’il existe une différenciation. Heureusement, également, que l’Autorité de sûreté nucléaire traite de façon différente les différents secteurs d’une centrale nucléaire. Nous dire que tout est équivalent et que tout est banalisé, c’est totalement méconnaître le travail dans une centrale nucléaire. Essayez d’avoir des arguments un peu plus pertinents quand vous cherchez à dénigrer le travail que nous faisons pour essayer d’améliorer le texte et de faire en sorte qu’il soit le plus pertinent possible ! Vous voulez nous discréditer,…
…en disant que nous ne croirions pas à nos amendements. Nous essayons de faire en sorte que ce texte, s’il doit malheureusement être appliqué, n’ait pas des conséquences que nous regretterions tous.
L’amendement no 5 n’est pas adopté.
Je constate qu’il n’y a pas beaucoup de volonté de coconstruction autour de ce texte ! Il semble que personne n’ait le droit de l’amender, puisque l’on dénigre ceux qui déposent des amendements et que l’on évite le débat. S’il s’agit de dissuader des actes terroristes, de dissuader des gens dangereux d’entrer dans des centrales nucléaires, nous sommes favorables à ce que tout soit fait en ce sens. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’ajouter que, dans le cas de personnes qui ont la volonté manifeste de porter atteinte au bon fonctionnement des installations ainsi qu’à leur sécurité, les peines soient alourdies.
Cet amendement prévoit de ne rendre pénalement répréhensibles que les intrusions effectuées avec une volonté manifeste de porter atteinte au bon fonctionnement des installations et à leur sécurité. Une fois encore, il confère le droit de commettre le délit d’intrusion dès lors que les contrevenants ne sont animés d’aucune intention malveillante. L’amendement vide donc de sa substance la proposition de loi. Je rejoins les auteurs de l’amendement quant au fait que l’intrusion malveillante qui vise à porter atteinte au bon fonctionnement des installations et à leur sécurité doit être plus sévèrement punie. C’est pourquoi l’article 1er prévoit des circonstances aggravantes dans l’hypothèse où l’action est précédée, accompagnée ou suivie d’actes de destruction, de dégradation ou de détérioration. Avis défavorable.
Le même, madame la présidente.
Je suis surpris que le rapporteur continue à répéter inlassablement qu’aujourd’hui on peut entrer n’importe comment dans une centrale nucléaire. Cela n’est pas vrai : c’est interdit. Dire que si l’on adoptait notre amendement, cela signifierait que l’on pourrait entrer impunément dans une centrale nucléaire, c’est méconnaître le droit actuel.
J’ai compris que vous n’aviez pas auditionné l’ASN, ni Greenpeace, mais qui avez-vous auditionné pour penser qu’aujourd’hui on peut entrer dans une centrale nucléaire au titre du droit actuel sans qu’il y ait besoin de renforcer la loi ? On ne peut pas entrer dans une centrale nucléaire. Je remercie François Brottes d’avoir rappelé le travail que nous avons effectué lors de la commission d’enquête sur les coûts du nucléaire, pour laquelle nous avions auditionné un très grand nombre d’acteurs compétents. Je ne sais pas quel travail a été effectué en amont pour cette proposition de loi, mais avant de voter un texte comme celui-ci, je m’étonne que la commission de la défense n’ait pas exigé que les acteurs les plus compétents sur le sujet soient entendus.
En écoutant le débat, j’ai parfois l’impression que si certains arguments sont de bonne foi, d’autres sont de mauvaise foi, que ce sont des pétitions de principe. Aujourd’hui, essayer de faire des distinctions entre untel qui aurait de bonnes intentions et tel autre qui en aurait de mauvaises ou préciser que l’on peut rentrer dans une partie de la centrale, mais pas dans l’autre, c’est une façon de noyer le poisson et de décrédibiliser le débat. Une enceinte d’équipements nucléaires est une enceinte dans laquelle il n’est pas autorisé de pénétrer. Avancer des arguties pour dire que dans telle partie telle personne pourrait peut-être rentrer, c’est une façon de créer de fait un droit d’envahissement des périmètres des centrales nucléaires, sous forme d’un droit négatif. Il faut rejeter cet amendement comme les précédents.
La parole est à Mme la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Au vu de tous les amendements présentés par M. Baupin, je l’invite à changer de commission et à rejoindre la commission de la défense. Il verra que c’est avec sérieux que nous examinons l’ensemble des textes. Peut-être comprendra-t-il mieux d’ailleurs cette proposition de loi et le travail approfondi que nous avons fourni et qui se poursuivra dans les mois qui viennent.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
L’amendement no 4 n’est pas adopté.
L’article 1er est adopté.
Nous venons de discuter longuement des installations nucléaires. Mais, puisque ce texte vise à améliorer la sécurité en matière nucléaire, nous avons d’autres questions, une notamment que nous posons depuis de nombreuses années sur les transports de matières nucléaires qui traversent le pays. Il y a des trains, des camions transportant des matières nucléaires partout dans notre pays. Ce sont des milliers de trajets qui sont effectués chaque année dans des conditions incroyables. Je me souviens d’un jour, en gare de Versailles, à huit heures du matin, quand un train a traversé la gare. Nous étions en plan vigilance maximum, après la mort d’Oussama Ben Laden, et ce train est passé au milieu de la gare, au milieu des passagers, sans le moindre dispositif de sécurité.
J’étais à l’époque maire adjoint de Paris. Le préfet de police étant présent au Conseil de Paris, je l’avais interpellé pour savoir quelles informations avaient été données aux élus et à la population, quels dispositifs avaient été prévus en cas d’accident ou si un fou s’était jeté sur la voie pour faire sauter le train. Le préfet a répondu qu’il avait appliqué la législation existante. C’est logique, mais est-ce pour autant une réponse satisfaisante ? Nullement, car la législation existante aujourd’hui ne permet pas de sécuriser de telles situations. Puisque nous sommes le législateur et que nous sommes en train de traiter de questions de sécurité, nous proposons d’améliorer l’information donnée, notamment aux élus dont les agglomérations sont traversées par les trains de déchets nucléaires, pour assurer au mieux la sécurité de leurs concitoyens. Faisons confiance aux élus.
Je rappelle que les itinéraires sont validés par le haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère chargé de l’environnement. Sur le fond, il n’est pas surprenant, mais au contraire rassurant, que ces itinéraires ne fassent pas l’objet d’une large publicité, étant donné l’extrême sensibilité des matières transportées. Je précise que les informations relatives aux transports les plus sensibles sont protégées par le secret de la défense nationale. Pour parer à tout risque, notamment à toute tentative d’attaque et de détournement, les trajets suivis doivent rester connus du nombre d’intervenants le plus restreint possible, comme chacun peut le comprendre. Seuls 15 % des colis transportés sont destinés à l’industrie électronucléaire. La plupart des transports concernent les produits radio-pharmaceutiques ou la recherche. Avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons, madame la présidente.
Je voudrais revenir sur l’amendement précédent. Si j’écoute bien M. Baupin, il nous dit qu’il est interdit d’entrer dans une centrale, mais que l’on peut laisser entrer certaines personnes, d’autant qu’il existe deux zones. Il ne faudrait pas être trop méchant à l’encontre de ceux qui entreraient dans la première zone, mais on pourrait sévir contre les autres. Nous avons entendu le GIGN et les PSPG. Ils nous disent que ce qui est important, c’est de pouvoir retarder l’arrivée des terroristes. Imaginez un instant qu’il y ait une troupe de terroristes relativement nombreuse et que les PSPG ne soient pas en capacité de les neutraliser : la situation est alors du ressort du GIGN ; mais il faut du temps, sans quoi les terroristes seraient capables d’arriver à leurs fins et d’accéder aux éléments les plus dangereux de la centrale. Votre raisonnement ne tient pas, monsieur Baupin.
Je suis toujours surpris d’entendre des parlementaires nier qu’il faille une graduation des peines. Chacun sait bien que le juge ne condamne pas à la même peine selon qu’il y a eu volonté d’agresser ou non. Nous faisons la loi pour que les juges l’appliquent, et l’objectif de nos débats est de les éclairer sur la façon de le faire.
Par ailleurs, je vous indique, monsieur de Ganay, que quand nous avons auditionné, dans le cadre de la commission d’enquête, le haut fonctionnaire de la défense nationale chargé de la sécurité nucléaire au ministère de l’environnement, il nous a dit, lui, qu’il fallait améliorer l’information des élus sur les transports de matières nucléaires. Vous voyez que ceux-là mêmes qui s’en occupent estiment qu’il y a défaut d’information et qu’il faudrait faire mieux. Je trouve donc d’autant plus singulier aujourd’hui qu’on nous dise : « Surtout, n’informons pas les élus, faisons-en sorte que rien n’évolue »… En plus, à l’époque d’internet, où tout circule ! Seuls les élus devraient ne pas être informés !
L’amendement no 8 n’est pas adopté.
La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement no 9 rectifié.
Tout d’abord, je tiens à redire que je regrette que les amendements que nous avions déposés sur les compétences de l’Autorité de sûreté nucléaire en matière de sécurité aient été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 et ne puissent donc pas être examinés. Pourtant, lors de son audition par l’OPECST, Pierre-Franck Chevet, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, disait que là est le vrai sujet : la capacité ou non de l’ASN à traiter de la sécurité.
Puisque votre objectif, monsieur de Ganay, est de criminaliser, de mettre des peines, faisons-le au moins équitablement pour tous ceux qui sont sources de danger en créant de l’insécurité nucléaire : criminalisons aussi les dirigeants d’entreprise qui ne mettent pas en oeuvre les injonctions de l’Autorité de sûreté nucléaire. Vous pensez que c’est en criminalisant qu’on va dissuader les gens malintentionnés : appliquons alors les mêmes peines au PDG d’EDF ou aux responsables de centrale nucléaire s’ils ne les mettent pas en oeuvre parce qu’ils seraient en ce cas sources de vrais dangers ! Ils sont bien plus dangereux que les militants de Greenpeace ! Il me semble que c’est pour cette raison qu’on a crée l’Autorité de sûreté nucléaire et qu’elle se plaint de ne pas être écoutée, notamment par le CEA et AREVA – plus encore que par EDF.
L’amendement prévoit de créer une sanction pénale en cas de non-respect par les opérateurs des avis rendus par l’ASN. Dès lors, il est juridiquement bancal. En effet, en application des articles L. 592-25 et suivants du code de l’environnement, l’ASN ne rend que des avis, et non des injonctions, sur les projets de décret et d’arrêté ministériel relatifs à la sécurité nucléaire. Je rappelle par ailleurs qu’un régime très complet de sanctions est d’ores et déjà prévu vis-à-vis des opérateurs en cas de manquement à leurs obligations, notamment en cas de non-respect des injonctions de l’ASN, selon les articles L. 596-27 et suivants du code de l’environnement. Il n’y a donc pas lieu d’en ajouter de nouvelles. Je cite un exemple : est déjà puni de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait d’exploiter une installation nucléaire de base sans s’être conformé à une mise en demeure de l’autorité administrative de respecter une prescription ou de ne pas se conformer à une décision fixant les conditions de remise en état du site. L’avis est donc défavorable.
Je rappelle qu’il n’est pas possible de désigner l’exploitant comme seul responsable de la sécurité de ses installations. En effet, contrairement à la sûreté, la sécurité repose sur plusieurs maillons, dont certains restent de la responsabilité des pouvoirs publics – le renseignement ou la protection de l’espace aérien par exemple. Ce principe s’applique pour toutes les installations sensibles civiles, pas seulement les installations nucléaires.
Par ailleurs, il existe déjà, le rapporteur vient de le rappeler, toute un ensemble de sanctions pénales pour les exploitants nucléaires qui ne respectent pas la réglementation en vigueur ou les injonctions de l’Autorité de sûreté nucléaire. Il est donc inopportun d’en ajouter de nouvelles.
De plus, je vous ai dit, monsieur Baupin, que le Gouvernement envisage d’introduire dans le projet de loi sur la transition énergétique une disposition prévoyant des sanctions graduées en fonction du degré de non-conformité aux règles de prévention ou de lutte contre les actes de malveillance constatés chez les exploitants. Je demande donc le rejet de votre amendement.
Si j’ai bien compris ce que vient de dire le secrétaire d’État, le Gouvernement serait aujourd’hui d’accord avec des amendements similaires que j’avais défendus lors de la première lecture du projet de loi sur la transition énergétique, amendements qu’il avait refusés à l’époque. Cela me permettrait de les réintroduire avec bon espoir en deuxième lecture. L’Autorité de sûreté nucléaire aurait ainsi la compétence de sanctionner lorsque ses injonctions en matière de sécurité ne sont pas suivies d’effet. Ce serait une bonne nouvelle qui irait dans le sens de nos amendements que nous n’avons pas pu défendre aujourd’hui du fait de l’article 40. Cela étant, et je pense qu’il y a suffisamment de personnes présentes ici pour le confirmer, je rappelle que Pierre-Franck Chevet a dit à de nombreuses reprises que la graduation des sanctions est à l’heure actuelle totalement inefficace : soit elles sont trop limitées pour être dissuasives, soit tellement importantes – je pense à l’arrêt de la centrale nucléaire – qu’elles sont difficilement applicables.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, il n’est nullement écrit dans notre amendement que l’exploitant serait le seul responsable de la sécurité. Nous proposons que, quand l’Autorité de sûreté nucléaire demande à l’exploitant de mettre en oeuvre certaines mesures, celui doit s’y employer. Chacun ici devrait être d’accord là-dessus. Cela ne serait à rien d’avoir une autorité indépendante si les exploitants peuvent faire ce qu’ils veulent même après qu’elle a édicté des règles. Je rappelle qu’à La Hague, on en est quasiment à la mise en demeure d’AREVA pour des déchets nucléaires mal conditionnés et qui posent des problèmes de sécurité, et que la situation dure depuis des années. Il serait vraiment temps de taper du poing sur la table, d’autant plus que l’État est actionnaire ultramajoritaire dans le capital des trois exploitants nucléaires.
L’amendement no 9 rectifié n’est pas adopté.
« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.
Il concerne la question des drones que cet article propose de traiter par un rapport. J’ai déjà dit que cela ne me paraissait pas la mesure la plus évidente à prendre mais, tant qu’à faire, faisons en sorte que ce rapport apporte des éléments qui vont aider à la prise de décision. J’ai noté que M. Lamblin, lors de la discussion générale, a indiqué qu’il était plutôt favorable à cet amendement qui vise à préciser le contenu dudit rapport, notamment les mesures complémentaires nécessaires à la sécurité des installations nucléaires. Il s’agit de savoir ce qui peut être fait pour renforcer la protection contre les agressions extérieures de ce qui peut être considéré comme une cible. Quitte à faire un rapport sur les drones, autant en profiter pour en tirer des conséquences sur l’amélioration de la sécurité, notamment le renforcement de la protection des équipements les plus dangereux. Monsieur Le Déaut, vous avez dit que l’ASN s’en occupait… Mais non, et c’est bien là le problème : aujourd’hui, elle a la capacité à édicter des règles s’imposant aux exploitants en matière de sûreté mais pas en matière de sécurité. Tel était le motif des amendements que je n’ai malheureusement pas pu défendre. L’ASN devrait pouvoir enjoindre à l’exploitant, pour des raisons de sécurité, d’édifier tel mur de protection, de « bunkériser » tel transformateur, etc.
Même si je comprends l’esprit de cet amendement, je ne peux qu ’émettre un avis défavorable. En effet, le survol par des drones est un sujet à part entière qui mérite qu’on lui consacre un rapport dédié. Je ne suis donc pas favorable à l’inclusion d’autres problématiques.
La problématique des drones n’est pas spécifique au nucléaire. Elle est prise très au sérieux par les parlementaires et par le Gouvernement. Un groupe de travail piloté par le secrétariat général de la défense nationale et regroupant tous les acteurs concernés a été institué ; des financements seront dégagés pour rechercher des réponses techniques en matière de détection et de neutralisation des drones. L’Agence nationale de la recherche a lancé un appel à projets : la remise des offres est attendue en mai. Il n’existe pas aujourd’hui sur le marché de réponses techniques permettant de faire face parfaitement à ces menaces. Le brouillage est difficile à mettre en oeuvre dans des environnements électromagnétiques complexes et ne doit pas empêcher nos concitoyens d’utiliser le téléphone portable. Tout est donc mis en oeuvre pour trouver des solutions face à l’apparition d’une menace nouvelle liée à une évolution scientifique dans laquelle notre pays est d’ailleurs en pointe. Enfin, comme l’a évoqué Jean-Yves Le Déaut, les drones sont déjà pris en compte dans le référentiel des menaces – document évidemment confidentiel défense – de la directive nationale de sécurité du sous-secteur nucléaire. Je vous propose donc de retirer votre amendement, monsieur Baupin. À défaut, l’avis serait défavorable.
Le secrétaire d’État vient de faire un point très précis sur la problématique des drones. Le rapport demandé par la commission est nécessaire. Lors des auditions de l’OPECST, on a ouvert un certain nombre de pistes et nous devons avoir assez rapidement des réponses du Gouvernement à cet égard. Il s’agit de détecter et de neutraliser de petits engins. Par le passé, il y a eu notamment le projet AVALON – Audio-Visual Automatic Detection And Localization of Drones –, qui malheureusement n’a pas été financé parce que nos partenaires allemands ne l’ont pas souhaité. Mais l’Institut Saint-Louis coopère avec eux et quelque trente projets de détection, plusieurs de grande qualité, ont été remis à l’ANR, qui devrait prendre sa décision en mai.
Monsieur Baupin, l’Autorité de sûreté nucléaire prend évidemment en compte les périphériques d’une centrale que sont les piscines, les conduits d’alimentation en eau ou encore les générateurs de vapeur puisqu’ils contribuent au fonctionnement et à la sûreté de la centrale. Vous êtes bien placé pour savoir qu’on auditionne chaque année l’ASN à l’office parlementaire des choix scientifiques et technologiques et qu’on lui pose des questions à ce sujet, audition qui fait l’objet d’un rapport annuel. Celui-ci tient déjà compte de la problématique apparue avec Fukushima : ce n’est pas le coeur du réacteur qui est la plus grande source de dangers, mais les générateurs et l’alimentation en eau. Dire que tout cela n’est pas pris en compte aujourd’hui, c’est faire peur inutilement à nos concitoyens. On a renforcé la sûreté. Certes, l’on doit encore faire un effort en termes de coordination de la sécurité entre le pouvoir régalien, notamment la gendarmerie, et l’Autorité de sûreté nucléaire, mais je ne peux pas vous laisser tenir de tels propos sans réagir. Nous ne sommes pas des perdreaux de l’année.
Sourires.
Je pense d’abord aux insultes, mais aussi et surtout au fait que vous essayez de faire croire aux gens qu’on peut mélanger sécurité et sûreté. Que certains ne sachent pas faire la différence, c’est possible… Mais pas vous ! Il n’y a pas d’autorité de sécurité et de sûreté nucléaire, et l’ASN rend donc des rapports qui portent sur la sûreté et non sur les agressions extérieures, lesquelles sont bien l’objet de cette proposition de loi. Or les ASN des pays voisins ont aussi compétence en matière de sécurité. C’est tout de même un sujet majeur qui mérite mieux que des amalgames, comme si ceux qui se préoccupent du sujet essayaient de faire peur pour le plaisir. Ce n’est vraiment pas à la hauteur du débat.
Quant à la réponse du secrétaire d’État, elle m’a donné l’impression qu’il plaidait pour la suppression de l’article puisqu’il nous a expliqué que toutes les menaces étaient déjà prévues. Il n’y aurait donc pas besoin d’un rapport sur les drones. Dès lors, pouvez-vous me dire, monsieur le secrétaire d’État, pour quelle raison vous êtes contre l’amendement mais pour l’article ? En quoi le rapport tel qu’il est proposé à l’article 2 serait utile et l’amendement inutile ? Je n’ai pas complètement compris et je vous remercie par avance pour votre explication.
Eu égard à ce qu’a déjà engagé le Gouvernement, je pense, monsieur Baupin, que tout cela est prématuré.
L’amendement no 7 n’est pas adopté.
L’article 2 est adopté.
La proposition de loi est adoptée.
La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à douze heures quarante.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, rapporteur de la commission des affaires économiques.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, aujourd’hui en France de nombreuses personnes connaissent encore la précarité. Dans le même temps, notre société produit beaucoup plus qu’elle ne consomme et gaspille des tonnes de nourriture saine tous les ans. Cette situation est intolérable, et produit des injustices : ainsi, que penser du fait que trois jeunes se trouvent aujourd’hui devant le tribunal pour – je cite – avoir « frauduleusement soustrait des denrées périssables avec date dépassée » ? Ils ont simplement récupéré, pour se nourrir, des sacs de nourriture jetés par un supermarché !
C’est parce que la situation est devenue insupportable que j’ai pris l’initiative de déposer la présente proposition de loi, cosignée par quatre-vingt-douze collègues issus de tous les bords politiques. J’ai en effet été alarmé sur l’ampleur du gaspillage alimentaire, à la fois dans ma circonscription, où j’ai participé à plusieurs opérations de collecte de nourriture, et par de nombreux acteurs de la société civile qui connaissent mon engagement sur le sujet.
Alors que de nombreuses associations, soutenues par des centaines de bénévoles, des collectivités territoriales, mais également des grandes surfaces et des entrepreneurs sociaux se mobilisent pour lutter au quotidien contre le gaspillage de la nourriture, l’État détonne par son faible activisme. Rien n’est fait pour atteindre l’objectif ambitieux qu’il s’était fixé : la réduction de moitié du gaspillage alimentaire en France à l’horizon 2025. C’est cette carence que la présente proposition de loi entend pallier.
Il est vrai que le texte a été considérablement appauvri en commission, à l’initiative du groupe socialiste, pour se limiter désormais à une simple demande de rapport : celui de la mission Garot, qui devra rendre ses conclusions au printemps. Les solutions concrètes tardent donc à venir, et je ne saurais me satisfaire de la promesse du groupe majoritaire de déposer une proposition de loi rapidement : c’est aujourd’hui qu’il faut agir ! C’est pourquoi je souhaite que le texte soit rétabli dans son esprit originel, grâce aux amendements que j’ai déposés.
La proposition de loi avait initialement deux objectifs. Il s’agissait, en premier lieu, de favoriser le renouveau de la politique publique de lutte contre le gaspillage, qui, quoiqu’insuffisant, constitue un incontestable pas en avant : toutes les personnes que j’ai rencontrées à l’occasion de la préparation du texte l’ont reconnu.
En second lieu, la proposition de loi visait à susciter le consensus. Consensus parmi les acteurs de la société civile, tout d’abord : j’avais rédigé, l’été dernier, une première version de ce texte, que j’ai fait évoluer dans un sens qui puisse satisfaire à la fois tous les acteurs – grandes enseignes, milieu associatif – et tous les citoyens, ceux-ci me transmettant quotidiennement leurs encouragements pour ce combat.
Consensus aussi parmi les groupes politiques : si je ne me fais plus guère d’illusions aujourd’hui, c’était dans un esprit transpartisan, lavé de toute considération politicienne, que j’avais travaillé pour aboutir à ma proposition originelle. J’avais l’intime espoir que mes propositions, de bon sens, feraient l’unanimité sur nos bancs – à tort, faut-il croire.
Et pourtant, l’enjeu que représente le gaspillage alimentaire est aujourd’hui considérable. Quelques chiffres pour illustrer ce constat : au plan mondial, la FAO – l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture – estime que le tiers de la nourriture produite, soit 1,3 milliard de tonnes par an, n’est pas consommé. Selon la Commission européenne, le gaspillage alimentaire dans l’Union européenne représente 89 millions de tonnes par an, soit près de 180 kilogrammes par habitant ; la Commission estime que si l’on ne prend pas de mesures efficaces, il atteindra 126 millions de tonnes par an en 2020. Enfin, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, chaque Français jette en moyenne 20 kilogrammes de nourriture saine par an, dont 7 kilogrammes encore sous emballage.
Ces chiffres sont connus, et repris largement par les médias, les associations et toutes les initiatives publiques ou privées qui souhaitent sensibiliser nos concitoyens à l’ampleur du phénomène.
Pourtant, si l’on veut mener une action publique efficace, il convient d’aller plus loin dans la connaissance du problème. Si ces chiffres ont au premier abord une utilité, celle de frapper l’opinion publique, ils sont trop agrégés, établis selon une méthodologie imparfaite et trop rarement mis à jour.
Combattre le gaspillage alimentaire réclame, au contraire, de savoir ce qu’il en est précisément à chaque stade de la chaîne alimentaire : au sein des filières agricoles et agroalimentaires ; au sein de la grande distribution et de la restauration collective ; au sein des ménages. À cette condition seulement, il sera possible de mener des politiques publiques ciblées, en se focalisant sur les grands gisements de gaspillage. Je souhaite ainsi que l’État prenne ses responsabilités, et autorise une mesure plus précise sur l’ensemble de la chaîne, de la production à la consommation, sans oublier les phases de transport, de transformation et de distribution, qu’une telle mesure soit effectivement mise en oeuvre, par la mobilisation des instituts statistiques comme l’INSEE, ou des agences comme l’ADEME.
Comment expliquer l’ampleur du gaspillage alimentaire en France ? Nos sociétés développées sont des sociétés de consommation, où la valeur attachée à la nourriture n’est pas aussi importante qu’avant. En outre, les pratiques commerciales, qui mettent l’accent sur la satisfaction du client, préfèrent écarter un produit dont la qualité esthétique n’est pas parfaite plutôt que de le proposer au consommateur. Enfin, le souci de vendre et de consommer des denrées qui ne présentent aucun risque sanitaire entraîne souvent des comportements excessivement prudents, comme le fait de jeter un produit dont la date de péremption vient à peine d’être dépassée.
Mais le gaspillage alimentaire n’est pas que le problème de nos sociétés développées. Il pose une question beaucoup plus large, une question écologique au sens propre : comment nourrir neuf milliards de personnes à l’horizon 2050 sans assécher la planète, sans épuiser nos ressources naturelles, sans engendrer de nouvelles guerres de la faim ? Aujourd’hui, 800 millions de personnes souffrent déjà de la faim dans le monde.
C’est pourquoi j’estime pertinent d’examiner la question du gaspillage alimentaire au travers de deux prismes : le prisme de l’écologie, puisque la lutte contre le gaspillage alimentaire doit permettre de rendre nos modes de production de nourriture soutenables à l’échelle planétaire, et le prisme de la générosité, dès lors que notre effort pour ne pas gaspiller permet souvent d’aider les personnes qui ne peuvent pas se nourrir à leur faim. Dans les deux cas, le gaspillage alimentaire est une dénaturation de la valeur attachée à la nourriture : en étant prêt à la jeter, on lui nie toute valeur. La valeur de la nourriture n’est pas uniquement sa valeur marchande ; si c’était le cas, ce qui coûte peu pourrait alors être aisément gaspillé. La nourriture a aussi une valeur propre – c’est le fruit d’un travail – et une valeur sociale – c’est pouvoir manger à sa faim.
Le gaspillage alimentaire est sans doute symptomatique d’une société de consommation qui n’est plus habituée à la pénurie. C’est pour lutter contre cette dérive que j’ai consacré ces derniers mois à l’élaboration de propositions concrètes.
Avant de les expliciter, je souhaite lever une objection qui m’a souvent été opposée : une loi ne serait pas nécessaire. Le don alimentaire, par exemple, se pratique déjà ; faut-il légiférer sur le sujet ? Je pense que oui, dès lors que la loi peut encourager le développement de comportements vertueux et conduire à développer des moeurs plus responsables. L’intervention publique est donc légitime, car elle permettra de faire bouger les lignes, d’adresser un signe d’encouragement à tous les acteurs qui se mobilisent au quotidien.
Il ne faut cependant pas penser qu’on pourra mettre fin au gaspillage alimentaire par décret. En particulier, il ne faut pas minimiser la part que jouent les obstacles culturels et sociologiques dans l’évolution des comportements de consommation vers plus de responsabilité. Un exemple, qui peut paraître anecdotique mais qui n’en est pas moins pertinent, est l’attitude des Français face aux assiettes non terminées dans les restaurants. Tandis que les pays anglo-saxons admettent bien volontiers le principe du doggy bag, on reste gêné, en France, à l’idée de demande au serveur de pouvoir emporter les restes de nourriture chez soi. Plusieurs initiatives locales visent aujourd’hui à encourager les consommateurs à franchir le pas.
Dans cette perspective, une initiative de nature législative se justifie à plusieurs titres. Elle permet de donner, sur plusieurs fronts, plusieurs impulsions dans la lutte contre le gaspillage alimentaire.
En premier lieu, les actions de nature préventive demeurent prioritaires pour anticiper sur les comportements conduisant au gaspillage alimentaire. Il est possible d’intervenir en amont, dès l’école, pour que les futurs consommateurs que sont les enfants ne reproduisent pas les mauvaises habitudes et les mauvaises pratiques alimentaires qu’ils peuvent observer dans leur famille. C’était l’objet de l’article 1er de la proposition de loi, qui prévoyait d’organiser des actions de sensibilisation au gaspillage alimentaire dans les établissements scolaires. Je vous propose de rétablir cet article en adoptant mon amendement.
En second lieu, les actions de nature curative visent à donner une seconde vie aux denrées alimentaires qui risquent d’être gaspillées, notamment dans les commerces de détail. Il s’agit soit d’inciter les consommateurs à acheter des produits qui s’approchent de leur date limite de consommation – par des démarques, par exemple –, soit d’orienter ces denrées vers le don alimentaire, qui permettra, par le biais des associations caritatives, de soutenir les personnes en situation de précarité alimentaire. L’article 2 avait pour objet de prescrire un degré d’exigence minimal dans la lutte contre le gaspillage des commerces de détail : l’obligation de signer une convention de don des denrées invendues au profit d’associations caritatives. Par ailleurs, cet article gravait dans le marbre la doctrine fiscale qui autorise la défiscalisation du don alimentaire des grandes surfaces, pour mettre un terme aux tentatives continuelles de la remettre en cause. Je vous propose de rétablir cet article, avec les modifications qui m’ont été inspirées par les acteurs associatifs que j’ai rencontrés.
Enfin, c’est sur le cadre réglementaire que l’intervention législative se justifie. Il s’agit ici, en demandant un rapport au Gouvernement, d’inciter ce dernier à éclaircir les règles relatives aux dates limite de consommation et aux dates de durabilité minimale des produits alimentaires, dont la méconnaissance par le grand public encourage le gaspillage alimentaire. C’était l’objet de l’article 3.
Enfin, je me dois d’informer la représentation nationale de ce que je considère comme un incident dans le déroulement de nos travaux. La réunion de la commission au titre de l’article 88 du règlement de l’Assemblée nationale était programmée ce jeudi matin à dix heures. À dix heures vingt, soit vingt minutes après l’horaire annoncé, j’ai dû, en l’absence de présidence, présider moi-même cette séance… en l’absence aussi de députés.
C’est original, effectivement, mon cher collègue, mais cela ne me satisfait pas.
Je considère cette situation comme la manifestation d’une indifférence mal placée et indigne de notre assemblée devant un problème aussi sérieux que celui du gaspillage alimentaire.
Les fenêtres législatives pour engager des réformes importantes, de bon sens, et qui sont attendues par les Français, sont tellement rares ! J’espère donc que notre Assemblée fera preuve de la sagesse nécessaire et ira dans mon sens. Puisse l’esprit de janvier nous inspirer !
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous prie tout d’abord d’excuser Stéphane Le Foll de ne pas être présent, puisqu’en tant que porte-parole du Gouvernement il assiste à la conférence de presse du Président de la République.
En moyenne, les Français jettent vingt kilos de déchets alimentaires chaque année, dont sept de produits non consommés encore emballés. Il s’agit donc d’un défi majeur pour notre société : parce que cela peut permettre aux Français de gagner du pouvoir d’achat, parce qu’il n’est pas acceptable de jeter quand certains sont dans le besoin, parce que réduire nos déchets c’est économiser des ressources et protéger l’environnement, et parce qu’il faudra en 2050 être en mesure de nourrir neuf milliards d’humains. C’est pour cette raison que, sous l’égide de Guillaume Garot, alors ministre délégué à l’agroalimentaire, le Gouvernement avait lancé, le 14 juin 2013, un pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire.
Fruit de six mois de concertation entre les acteurs concernés, des producteurs aux consommateurs en passant par les industriels, la restauration collective, la distribution, les associations caritatives, ce pacte avait pour ambition de traiter le sujet dans tous ses aspects : prévention et évitement du gaspillage à tous les stades de la chaîne alimentaire, valorisation de ce qui est aujourd’hui jeté.
Le pacte vise un objectif clair : celui de mobiliser les acteurs pour atteindre une réduction du gaspillage de 50 % à horizon 2025, en procédant notamment par l’information, l’exemple, la diffusion de bonnes pratiques, l’encouragement aux démarches volontaires innovantes, plutôt que par la contrainte. Les engagements pris font l’objet d’un suivi, par un comité de suivi national présidé par le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Je ne citerai que quelques exemples des actions clefs de ce plan qu’on pourrait appeler « plan anti-gaspi », et qui font, vous l’avez compris, l’objet d’un suivi régulier depuis un an et demi.
En ce qui concerne la clarification des dates de péremption, le régime en vigueur jusqu’à présent n’étant pas compréhensible par nos concitoyens, la fameuse date limite d’utilisation optimale, peu comprise par les consommateurs, a été remplacée par la date de durabilité minimale, toujours assortie de la mention « à consommer de préférence avant ». Des campagnes d’information ont été lancées pour expliquer la différence entre cette date de durabilité minimale et la date limite de consommation pour les denrées devant impérativement être conservées sous température dirigée. Ce travail se poursuit.
Un arrêté datant du 24 septembre 2014 a permis de clarifier le cadre réglementaire de sécurité sanitaire dans le cas des dons à des associations, afin que les acteurs sachent quels produits ils peuvent donner, sans engager leur responsabilité.
Une campagne de communication grand public est mise en oeuvre, à la date du 16 octobre, chaque année, par le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Parallèlement aux actions relevant des pouvoirs publics, les acteurs privés travaillent, par exemple, au développement des sacs à emporter dans la restauration, et à l’adaptation des quantités et des formats aux besoins des consommateurs, en cohérence avec les politiques de prévention relatives aux déchets d’emballage.
En outre, le Gouvernement a souhaité faire de la lutte contre le gaspillage alimentaire, l’une des quatre grandes priorités de la nouvelle politique publique de l’alimentation. Celle-ci a été présentée en conseil des ministres par Stéphane Le Foll, le 8 octobre dernier. D’ailleurs, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, dans son article 1er, qui a recueilli un fort assentiment de cette assemblée, consacre la lutte contre le gaspillage alimentaire comme l’un des objectifs de la politique de l’alimentation. Cette loi a également introduit dans le code de l’éducation l’obligation d’inscrire dans les programmes scolaires et les projets éducatifs territoriaux l’éducation à l’alimentation, dans laquelle la lutte contre le gaspillage a toute sa place.
Excusez-moi, mais vous ne parlez plus au nom du Gouvernement, monsieur Lefebvre. Le passé, et le passé. En l’occurrence, il s’agit du présent.
L’article 22 decies introduit par le Gouvernement au projet de loi relatif à la transition énergétique et pour la croissance verte défendu par la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Mme Ségolène Royal, au cours de son examen en séance publique à la fin de l’année 2014 prévoit que l’État et les collectivités mettent en place, avant le 1erseptembre 2016, une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire au sein de leurs services de restauration collective. De façon générale, le ministère de l’agriculture appuie les opérateurs de la restauration collective, publics et privés dans leurs initiatives en termes de durabilité, notamment sur la question du gaspillage alimentaire.
Enfin, comme vous le savez, la Commission européenne a mis en place, à la suite de l’embargo russe sur les produits européens, des mesures de gestion du marché communautaire de certains produits, notamment des fruits et légumes. Certains produits sont retirés du marché, et une compensation est versée aux producteurs. Ces produits retirés peuvent être donnés, mais ils sont parfois détruits ou donnés pour l’alimentation animale, faute, souvent, de possibilité pour les associations de traiter de grandes quantités de produits frais. C’est pour cela que le ministère de l’agriculture a mis en place un dispositif permettant que ces produits retirés puissent être transformés avant d’être donnés sous forme de soupe, de compote ou d’autres produits.
Vous le voyez, le Gouvernement est pleinement mobilisé sur le sujet, et tente depuis déjà plusieurs mois, d’offrir tous les leviers mobilisables à tous les acteurs de bonne volonté, pour faire « la chasse au gaspi », mais ce sujet mérite un traitement global, dans toutes ses dimensions : économique, sociale, écologique, culturelle.
Pour qu’il soit traité dans toutes ces dimensions, de manière complète et dans la durée, il ne suffit pas de prendre des mesures ponctuelles, certes louables, mais qui ne suffisent pas. C’est pourquoi le Premier ministre a décidé de confier une mission sur ce sujet à Guillaume Garot en octobre 2014.
Le Gouvernement est confiant dans les propositions qui seront faites dans ce cadre. Vous l’aurez compris, nous préférons attendre les conclusions du rapport – prévues pour le mois d’avril de cette année – avant de décider de telle ou telle mesure supplémentaire, sans réfléchir au système global à mettre en place.
Le Gouvernement s’est engagé, dans cet hémicycle, à agir dans un délai de deux mois !
C’est pourquoi le Gouvernement, d’accord avec les groupes SRC et RRDP – et peut-être d’autres groupes, je l’ignore – souhaite que l’Assemblée renvoie en commission la proposition de loi inscrite à l’ordre du jour par le groupe UMP. Par la suite, la commission examinera une proposition retravaillée en tenant compte des propositions du rapport de Guillaume Garot. Celui-ci a engagé un travail lourd et complet sur ce sujet. Il rendra ses conclusion,s je l’ai dit, en avril.
Le président de la commission des affaires économiques est témoin que le Gouvernement a annoncé un délai de deux mois !
À ce stade du débat, il est utile de faire quelques remarques de fond au sujet de la proposition de loi déposée par M. Decool. Le Gouvernement partage l’objectif de lutte contre le gaspillage alimentaire : j’espère vous l’avoir démontré. Mais votre proposition, monsieur le député, ne peut être acceptée en l’état. En effet, obliger les opérateurs de la grande distribution à donner leurs invendus à des associations risque d’être contre-productif. De fait, cette idée est rejetée par les associations.
Premièrement, il existe déjà un flux important de dons faits par la grande et moyenne distribution aux associations. Le mouvement est lancé : il est légitime de se demander s’il est pertinent, au moment où la dynamique s’enclenche d’elle-même, de forcer les réfractaires à donner. Deuxièmement – ce point est très important –, forcer la grande et moyenne distribution à donner ses invendus, c’est en quelque sorte obliger les associations à les récupérer. Or ces dernières ont des moyens logistiques limités et craignent de jouer le rôle d’organisme de tri des déchets, voire de poubelle des grandes surfaces.
Aucun député, d’aucun groupe politique, ne souhaite cela. Cela soulèverait également des problèmes d’ordre sanitaire, liés au contenu des dons obligatoires, et à leur traitement.
Oui, les associations demandent des flux de dons plus importants ;…
…oui, malheureusement, l’hiver est rude pour les plus démunis.
Oui, les associations demandent d’améliorer et de clarifier les dispositifs de défiscalisation pour augmenter le volume des dons. Je rappelle, à cet égard, que le Gouvernement a facilité les mesures de défiscalisation des dons en nature des agriculteurs pour le lait fin 2013 et pour les oeufs fin 2014. Mais les associations demandent surtout des denrées triées et sélectionnées ; pour cela, il faut nouer un dialogue entre les acteurs. Or cette proposition de loi ne relève pas de cette logique de concertation, car elle impose à certains acteurs de donner des denrées. Les dons aux associations ne se passeraient donc pas dans de bonnes conditions, ce qui est pourtant indispensable.
Telles sont, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, les raisons principales qui justifient la position globalement défavorable du Gouvernement sur cette proposition. Malgré ces réserves, je ne doute pas qu’en soulevant cette question primordiale pour notre société devant la représentation nationale, vous ayez fait preuve de bonne volonté, et que votre intention était plus que louable.
Le Gouvernement sera donc au rendez-vous, à vos côtés, lorsqu’à la suite des travaux de Guillaume Garot, vous examinerez une proposition de loi sur ce sujet. Je ne doute pas que nous pourrons travailler avec toutes les bonnes volontés qui s’exprimeront sur les bancs de cette assemblée.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, je rends hommage au travail accompli par le rapporteur, M. Decool, qui travaille depuis des mois sur ce sujet. À chaque fois qu’une opportunité d’intervenir sur cette question se présente, il la saisit, afin d’aboutir à l’adoption d’une loi. Je rends également hommage au travail accompli par Guillaume Garot, à la fois son travail passé, en tant que ministre, et actuel, en tant que parlementaire. Il oeuvre actuellement à un rapport sur cette question, et nous expliquera tout à l’heure à quel point ce sujet est dense.
Monsieur le rapporteur, sans m’en excuser, vous devez prendre comme un geste d’élégance le fait que ce matin vous vous soyez trouvé à la fois président et rapporteur de la commission des affaires économiques, sans autres députés avec vous.
Sourires.
Au cas où la motion de renvoi en commission ne serait pas adoptée, les amendements – sur lesquels nous n’avons pas de désaccord de fond, vous le savez bien – pourront être les amendements de la commission.
Ne le prenez pas mal ; au contraire, prenez-le comme un geste positif. De notre part, c’est une manière élégante de rendre hommage à votre travail. Malgré cela, je soutiendrai la motion de renvoi en commission qui sera soutenue tout à l’heure, parce que nous devons tous prendre rendez-vous. J’ai vérifié ce point avec le président Le Roux il n’y a pas cinq minutes : lors de la prochaine « niche » du groupe socialiste, au mois de mai prochain, lorsque Guillaume Garot aura mené à bien son travail de réflexion,…
Eh bien tout est dit ! C’est la majorité qui défendra cette proposition de loi ! Il est inadmissible d’être sectaire à ce point !
…l’ensemble des groupes politiques pourra défendre la même proposition de loi. Il ne s’agit pas, pour le groupe socialiste, de récupérer quoi que ce soit. Sur ce sujet, nous sommes tous unis. Il est important de trouver une issue législative complète, tous ensemble !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la proposition de la loi visant à lutter contre le gaspillage alimentaire ;
Proposition de loi relative à la maladie de Lyme.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly