Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, les journées réservées aux initiatives parlementaires ont toujours une saveur particulière.
Nos collègues du groupe UMP nous proposent d’examiner aujourd’hui une proposition de loi visant à lutter contre le gaspillage alimentaire. C’est une vraie question qui nous touche tous, un véritable sujet sur lequel nous devons agir, sans attendre et avec une volonté forte, car la situation actuelle est inacceptable. Au nom des députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, je tiens à vous remercier pour ce choix, et comme l’ensemble des orateurs, à saluer l’engagement personnel de notre rapporteur.
Projet de loi après projet de loi, amendement après amendement, commissions, séance publique, vous n’avez pas laissé passer beaucoup d’occasions pour porter haut les couleurs de votre combat contre le gaspillage alimentaire. Depuis plusieurs années, vous travaillez avec persévérance sur ce sujet important, votre implication nous inspire beaucoup de respect, d’autant plus que nous partageons vos intentions et vos objectifs.
Si le gaspillage alimentaire nous interpelle d’une manière particulière, c’est probablement parce que l’alimentation est une composante majeure et singulière de notre art de vivre à la française. Permettez à un député élu dans un beau département rural du Sud-Ouest, le Tarn-et-Garonne, pour ne pas le citer, un département où il fait bon vivre, de vous confier une conviction un peu intime : manger, déjeuner, dîner, ces actes qui ponctuent la journée, la semaine, les événements de la vie, font partie des véritables plaisirs de l’existence. Qui ne s’est délecté à la lecture de Rabelais ? C’est assurément un trait particulier à la France, qui explique notre tradition culinaire et notre gastronomie que le monde nous envie.
Le gaspillage de la nourriture renferme une forme d’outrage qui nous choque légitimement car manger, au-delà de l’impérative nécessité de vivre, est aussi un acte symbolique en ce qu’il enrichit les relations entre les êtres humains. Mais se nourrir engage également un rapport de confiance.
C’est d’ailleurs ce qui explique notre sensibilité bien française aux scandales sanitaires comme celui de la vache folle ou, plus récemment, des fraudes récentes à la traçabilité de la viande de cheval. Le problème est complexe : comment garantir avec toutes les précautions possible la qualité sanitaire des millions de repas préparés chaque jour tout en luttant contre les dérives du gaspillage par une société de consommation qui produit des millions de tonnes de déchets ?
À l’heure où la France traverse une profonde crise économique et sociale, une crise qui touche d’abord les plus fragiles, à l’heure où nombre de nos concitoyens rencontrent des difficultés grandissantes, un tel gâchis nous heurte, il est devenu intolérable.
Intolérable socialement et symboliquement, mais aussi intolérable sur les plans écologique et économique. Au niveau mondial, les chiffres paraissent inouïs.
Quelques images pour illustrer ce gaspillage : les pertes agricoles et alimentaires coûtent chaque année à la planète l’équivalent de trois fois le lac Léman en eau gaspillée. Tout au long des débats relatifs à la loi d’avenir agricole, nous avons regretté qu’un département de surface agricole utile disparaisse tous les sept ans. Nous avons cherché par tous les moyens à préserver cette surface, en tenant compte de l’équilibre nécessaire à trouver entre les problématiques de logement, de commerce ou d’équipement.
Comme dans le domaine de l’énergie, peut-être devrions-nous commencer par nous intéresser au gaspillage car les pertes agricoles et alimentaires occupent inutilement un tiers de sa surface agricole. En termes de pollution, la production des denrées non consommées provoque autant d’émissions de gaz à effet de serre que les États-Unis ou la Chine en six mois, soit 3,3 milliards de tonnes de CO2, selon le dernier rapport de la FAO, l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.
La FAO évalue à 1,6 milliard de tonnes l’ensemble des produits alimentaires perdus, environ un tiers de la production totale, soit plus de 565 milliards d’euros, alors même que les crises alimentaires sont de plus en plus fréquentes et que nous devons répondre aux enjeux des besoins alimentaires.
Les pertes se font tout au long de la chaîne, d’abord dans les phases de production, de récoltes et de stockage. Tout le reste relève du gaspillage alimentaire au sens propre, au stade de la préparation, de la distribution ou de la consommation. Dans les pays développés comme la France, ce dernier type de pertes domine. Face à ce constat, nous sommes tous d’accord pour dire qu’une volonté politique forte est nécessaire pour trouver des solutions.
Au niveau local, tous les élus ont été concernés un jour ou l’autre et se sont plus ou moins intéressés à ce sujet. Avec les associations, les producteurs et la grande distribution, il existe de très nombreuses initiatives éparpillées pour trouver des solutions. Les bonnes volontés ne manquent pas.
Monsieur le rapporteur, vous avez le mérite de proposer des solutions législatives au niveau national et nous soutenons votre démarche. Sous la précédente majorité, Bruno Le Maire, en fonction au ministère de l’agriculture avait commencé à jeter les bases d’une action nationale.
Plus récemment, en 2013, notre collègue Guillaume Garot, alors ministre de l’agroalimentaire, s’est emparé du sujet et avait entrepris une action plus ambitieuse en lançant le grand pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire avec un objectif fort, le réduire de moitié à l’horizon 2025. Il poursuit aujourd’hui son travail dans le cadre d’une mission parlementaire qui devrait rendre ses conclusions dans les prochains mois – le plus rapidement possible avons-nous dit.