Séance en hémicycle du 5 février 2015 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Pierre Decool et plusieurs de ses collègues visant à lutter contre le gaspillage alimentaire (nos 2492, 2530).

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Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

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Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé des sports, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’aide alimentaire européenne engage aussi la France. Créé en 1987, le Programme européen d’aide aux plus démunis – PEAD – visait à mettre à la disposition des États membres des matières premières agricoles issues des stocks excédentaires de la politique agricole commune.

Dans les années 2000, les réformes de la PAC et la raréfaction des surplus agricoles ont conduit à remplacer la distribution de stocks alimentaires par le versement direct de subventions aux associations. Ce programme a été prolongé en 2011 grâce à la mobilisation du gouvernement français, sous l’impulsion de François Fillon et de Bruno Le Maire, alors ministre de l’agriculture. Le Conseil européen des ministres de l’agriculture, réuni le 14 novembre 2011, a décidé de poursuivre le financement du PEAD en 2012 et 2013. Malgré le désaccord de six pays de l’Union européenne, dont l’Allemagne, principal contributeur, le gouvernement français a réussi à obtenir une prolongation de ce financement jusqu’en 2014.

Depuis cette date, l’aide alimentaire européenne est financée par le Fonds européen d’aide aux plus démunis – FEAD –, qui dépend du Fonds social européen, avec un cofinancement national.

Aujourd’hui, un constat s’impose : il y a urgence à mettre en place des mesures concrètes et pragmatiques pour renforcer la lutte contre le gaspillage alimentaire, complément de l’aide alimentaire aux plus démunis.

La proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Decool répond parfaitement à cet objectif. Elle prévoit, dans son article 1er, de sensibiliser les élèves dans les établissements scolaires ; dans son article 2, d’obliger les commerces de plus de 1 000 mètres carrés à passer une convention d’organisation de la collecte sécurisée des denrées alimentaires avec une association, sans remise en cause des dispositifs de défiscalisation sur don ; enfin, dans son article 3, d’ouvrir une réflexion sur les dates limites de consommation et de péremption des denrées alimentaires.

Malheureusement, lors de son examen en commission, le texte a été profondément vidé de sa substance, signe du manque d’intérêt de la majorité sur ce sujet.

Exclamations sur les bancs du groupe SRC.

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L’article 1er dispose désormais que le Gouvernement remettra un « rapport » – un de plus ! – « portant sur des mesures concrètes, » que nous attendons, « assorties de propositions législatives » – elles sont là ! –, « pour lutter contre le gaspillage alimentaire ». Quant aux articles 2 et 3, ils ont été purement et simplement supprimés par la commission, donc par la majorité.

Parallèlement, le Gouvernement affirme qu’il veut faire de la lutte contre le gaspillage alimentaire une priorité, sans prendre pour autant de mesures concrètes et efficaces. C’est un effet d’annonce, qui n’est pas suivi de faits qui mettraient en oeuvre ces dispositions.

Le 14 juin 2013, un Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire a été lancé par Guillaume Garot, alors ministre délégué à l’agroalimentaire. Il prévoit essentiellement des actions de sensibilisation, notamment un label anti-gaspi, une campagne de communication, un site internet dédié, des modules dans les lycées agricoles et les écoles hôtelières, le remplacement de la mention « Date limite d’utilisation optimale » par « À consommer de préférence avant » ou un axe d’action spécifique anti-gaspillage dans le Plan national pour la prévention des déchets.

Coïncidence de date ou réactivité de l’actuelle majorité ? Le 15 octobre 2014, Jean-Pierre Decool interrogeait le Gouvernement sur la lutte contre le gaspillage alimentaire lors des questions d’actualité. Le soir même, Guillaume Garot était nommé parlementaire en mission sur le gaspillage alimentaire pour six mois, afin de présenter des propositions permettant de diminuer de 50 % le gaspillage alimentaire en France d’ici à 2025.

Dans les faits, la mission Garot rendra d’abord un rapport intermédiaire au mois de mars, puis ses conclusions au printemps. Leur traduction législative pourrait être présentée à la fin de l’année. Ce calendrier ne permet absolument pas de répondre à l’urgence actuelle.

Les grands froids sont là ; les besoins sont immenses. Quand l’Abbé Pierre a lancé son appel, lui a-t-on répondu qu’il fallait attendre qu’une mission soit installée et un rapport déposé pour prendre des dispositions ? Non.

Monsieur le secrétaire d’État, je veux aujourd’hui convaincre le Gouvernement et la majorité qu’il est nécessaire d’agir, et d’agir vite. Que proposera cette nouvelle mission Théodule ? Ses propositions trouveront-elles réellement une traduction législative ?

Saisissez nos propositions ! Vous ne voulez pas les prendre parce qu’elles viennent de l’opposition.

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Il est dramatique de voir que la pauvreté doit rester votre enjeu, et inquiétant d’entendre cela dans cet hémicycle.

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Nous n’avons jamais dit cela ! De telles propositions sont insuffisantes, c’est tout !

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Monsieur le secrétaire d’État, vous devez vous engager à accélérer les choses. Vous ne pouvez renvoyer le problème à plus tard, toujours plus tard. Tandis que de nombreuses associations, fortes de centaines de bénévoles, des collectivités territoriales, mais également des grandes surfaces et des entrepreneurs sociaux se mobilisent quotidiennement pour lutter contre le gaspillage de la nourriture, l’État détonne par son faible activisme.

Rien n’est fait aujourd’hui pour parvenir à l’objectif ambitieux que le Gouvernement s’est fixé : réduire de moitié le gaspillage alimentaire en France à l’horizon 2025. C’est cette carence que la présente proposition de loi entend pallier. Je salue à ce titre le travail de Jean-Pierre Decool sur ce sujet.

Il est intolérable que, dans un pays développé comme le nôtre, nous gaspillions plus du tiers des aliments produits pour la consommation humaine, alors que des millions de Françaises et de Français ne mangent pas à leur faim.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en France, le gaspillage alimentaire représente 1,2 à 6 millions de tonnes de nourriture par an, soit 20 à 90 kilogrammes de déchets alimentaires par personne, dont 30 % sont encore emballés. Pour un foyer de quatre personnes, le budget du gaspillage alimentaire équivaut à 400 euros par an.

En outre, 3,5 millions de Français bénéficient de l’aide alimentaire. Les associations de ma circonscription lancent un cri d’alarme sur la faiblesse des collectes par rapport au nombre de plus en plus important de personnes qui les sollicitent. Les entendrez-vous ?

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui ouvre la voie à des actions ciblées, concrètes, qui aboutiraient rapidement à des résultats.

Je regrette l’absence de M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, retenu ce matin par la conférence de presse du Président de la République, mais qui aurait pu nous rejoindre cet après-midi…

Debut de section - Permalien
Thierry Braillard, secrétaire d’état chargé des sports

Il est en déplacement !

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…ainsi que de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Ces absences témoignent-elles du manque d’intérêt du Gouvernement sur ce sujet ou, à défaut, de son manque de cohérence ? Vous êtes certes présent, monsieur le secrétaire d’État, mais ces sujets ne figurent pas au coeur des missions qui vous sont dévolues. Cette organisation du Gouvernement est regrettable.

Pour toutes ces raisons, malgré le fait que le texte soit vidé de sa substance, le groupe UMP votera, bien sûr, cette proposition de loi pragmatique qui ne remet pas au lendemain ce que l’on pourrait faire aujourd’hui. C’est ce que souhaitait le Gouvernement, – du moins j’avais cru l’entendre – mais celui-ci préfère, comme d’habitude, les effets d’annonce. Dans les faits et dans les actes, monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas rendez-vous avec les plus démunis. C’est l’opposition qui est là pour ceux qui souffrent de la faim !

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le gaspillage alimentaire est devenu un véritable fléau de notre société moderne. En France, les déchets alimentaires représenteraient, chaque année, 1,2 million de tonnes, soit près de 20 kilogrammes par personne. À l’échelle européenne, ce gaspillage représente 89 millions de tonnes par an, et pourrait atteindre 126 millions de tonnes d’ici à 2020.

Alors que notre pays traverse une crise sans précédent, il est temps d’agir pour aider les ménages en difficulté. Chacun doit y contribuer, à son échelle. En effet, l’entraide n’a jamais été aussi importante que ces derniers temps.

Naturellement, le gaspillage alimentaire n’est pas uniquement une problématique nationale : il touche, malheureusement, tous les pays, jusqu’à la Polynésie. Dès lors, il semble que le rôle des pays occidentaux – la France en tête – soit de montrer la voie vers un nouveau mode de consommation, plus respectueux et surtout plus responsable. Nous avons, en effet, un devoir, celui d’être un modèle pour les pays dont la consommation s’accroît : nous devons les aiguiller pour qu’ils ne commettent pas les mêmes erreurs que nous.

Aujourd’hui, 800 millions de personnes sont victimes de la faim dans le monde. L’alimentation constitue certainement l’un des enjeux les plus fondamentaux de notre ère moderne, auquel il est urgent d’apporter des réponses concrètes, mais surtout rapides.

La France et les Français, qui n’ont pas connu de pénurie alimentaire depuis de nombreuses années, doivent changer leur comportement, non seulement pour aider les plus démunis, mais aussi pour préparer l’avenir.

Le groupe UDI s’est toujours engagé dans la lutte contre le gaspillage alimentaire. Dès décembre 2012, notre collègue Philippe Folliot a déposé une proposition de loi visant à améliorer la gestion locale des surplus alimentaires. Ce texte, qui mériterait d’être discuté par notre assemblée, part d’un constat simple : bien que la lutte contre le gaspillage alimentaire représente un chantier d’envergure, il est possible d’agir rapidement sur le gaspillage des surplus alimentaires des grandes et moyennes surfaces.

Mais, si des banques alimentaires récupèrent puis redistribuent plusieurs milliers de tonnes de denrées alimentaires chaque année, ce processus demeure malheureusement marginal.

Pourtant, l’idée n’est pas nouvelle. Dès 1987, sous l’impulsion de Jacques Delors et de Coluche, la Commission européenne a mis en place le PEAD. Les stocks d’invendus issus directement de la PAC étaient redistribués aux associations caritatives impliquées dans ce combat, comme les Restos du Coeur. Puis, dans les années 2000, alors que les surplus liés à la PAC se faisaient de plus en plus rares, la redistribution a été remplacée par le versement direct de subventions aux associations.

Cependant, de nombreux pays, à l’image de l’Allemagne, du Royaume-Uni ou encore de la Suède, ont dénoncé l’existence d’un tel programme, affirmant que cette aide devrait plutôt être prise en charge par la politique sociale de chaque État. Dès 2012, le budget du PEAD est donc passé de 480 millions à 113,5 millions d’euros.

Face à l’avenir plus qu’incertain des politiques européennes en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire, la France doit enfin mener ses propres actions. Lancé en 2004, le Plan national d’aide alimentaire – PNAA – visait déjà à compléter le PEAD.

Puis, en 2013, l’État a instauré une journée de lutte contre le gaspillage alimentaire, chaque 16 octobre. Un pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire, le pacte « anti-gaspi », a également été signé. Il fixe l’objectif ambitieux de diviser par deux le gaspillage alimentaire d’ici à 2025. Si de tels objectifs sont indispensables, ils n’ont malheureusement pas été traduits par des mesures concrètes.

Seul le remplacement de la « date limite d’utilisation optimale » par une mention « à consommer de préférence avant » fait figure de mesure pragmatique et rapidement applicable, mais ce n’est malheureusement pas suffisant pour lutter contre un mal qui ronge de plus en plus notre pays. Notre collègue Philippe Folliot préconisait justement de confier aux collectivités territoriales l’organisation des réseaux de gestion locale des surplus alimentaires, au titre de leur compétence « action sociale ». Nous devrons nécessairement nous poser cette question un jour si nous voulons mener des politiques de terrain efficaces pour lutter contre le gaspillage alimentaire.

À défaut d’examiner cette proposition de loi, nous étudions aujourd’hui celle présentée par M. Jean-Pierre Decool, qui permet enfin à notre assemblée de débattre concrètement du sujet, car le temps presse.

Nous devons tous prendre nos responsabilités pour éviter de tomber dans une logique partisane qui ne ferait que desservir une cause aussi importante. En commission, chaque groupe a su reconnaître l’excellent travail du rapporteur, très impliqué dans ce combat depuis de nombreuses années déjà.

Monsieur le rapporteur, j’aimerais vous apporter le soutien du groupe UDI sur ce texte. Nous partageons votre constat et les solutions que vous proposez. Selon nous, les acteurs de l’alimentation – la grande distribution en tête – doivent impérativement contribuer à l’effort commun, car ils sont certainement les mieux à même d’aider efficacement les banques alimentaires.

Ainsi, l’adoption de ce texte permettrait enfin de mettre en place une véritable convention d’organisation de la collecte des denrées alimentaires invendues, pour toutes les grandes surfaces de plus de 1 000 mètres. Ces invendus seraient alors directement collectés par les banques alimentaires.

Nous connaissons tous les difficultés que traversent actuellement les associations d’aide alimentaire, qui ont besoin de recevoir des signaux forts de la part des pouvoirs publics. Vendredi dernier, lors de l’examen du projet de loi pour la croissance et l’activité, un amendement similaire à cette proposition a suscité de vifs débats dans notre hémicycle. Le ministre de l’économie a choisi de le repousser, préconisant d’attendre le rapport intermédiaire qui doit être rendu, sous peu, par M. Guillaume Garot. Mais est-ce incompatible ?

Nous avons la chance d’avoir une proposition de loi applicable rapidement, alors ne passons pas à côté sous prétexte d’attendre les conclusions d’un rapport ! Le groupe UDI a toujours soutenu le Gouvernement sur la question du gaspillage alimentaire. Nous avions d’ailleurs soulevé ce débat lors de la loi d’avenir agricole et lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique. Nous souscrivons également à la proposition formulée par M. Guillaume Garot en commission. Il est primordial de lancer un véritable chantier autour de la lutte contre le gaspillage alimentaire.

Récemment, des associations caritatives alertaient quant aux effets pervers de certaines actions. De plus en plus de supermarchés mettent en place, par exemple, des bacs de déstockage qui contiennent des produits dont la date limite de consommation est proche. Si l’idée est plus que louable, elle prive parfois les associations de denrées qu’elles collectaient auparavant. Par cet exemple, nous voyons bien que la lutte contre le gaspillage alimentaire est un combat compliqué à mener et qu’il faut le préparer en lien avec tous les acteurs concernés.

Notre pays a besoin de mesures fortes et applicables rapidement.

Mes chers collègues, si cette proposition de loi ne résout pas, à elle toute seule, la question du gaspillage alimentaire, elle représente néanmoins un premier pas nécessaire vers un changement de comportement des distributeurs et des consommateurs. Le groupe UDI ne peut donc que regretter le choix de la commission des affaires économiques de retenir une version « allégée » de ce texte, ne prévoyant plus que la rédaction d’un simple rapport.

Est-ce vraiment utile sachant que M. Guillaume Garot doit rendre ses premières préconisations d’ici à quelques semaines ? Plutôt que de demander un énième rapport au Gouvernement n’est-il pas plus urgent d’agir ?

Le groupe UDI soutiendra par conséquent les amendements défendus par le rapporteur afin de retrouver l’esprit initial de la proposition de loi. Nous serons néanmoins vigilants quant à l’encadrement de ce nouveau dispositif, s’il venait à être accepté. En effet, rendre « obligatoire » un procédé aujourd’hui « volontaire » peut provoquer l’effet inverse désiré.

Par ailleurs, les associations seront-elles capables d’assurer le nouveau rythme imposé par cette nouvelle obligation ? Il faudra enfin surveiller l’imbrication entre cette convention et la défiscalisation, déjà effective, des dons faits par les grandes surfaces.

Malgré ces questions, le groupe UDI soutient sans réserve la proposition de loi initiale de M. Jean-Pierre Decool, malheureusement dénaturée par la commission. Aussi, en l’absence d’un retour au texte du groupe UMP, nous nous abstiendrons, à regret, car face à l’urgence du problème alimentaire, il n’est plus l’heure de se contenter de simples rapports.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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J’aurais préféré faire ce rappel au règlement à la fin de la séance de ce matin, mais celle-ci a été levée immédiatement après l’intervention du ministre. Il est important pour le bon déroulement de nos travaux que je rappelle certaines circonstances dont a été témoin M. le président de la commission des affaires économiques puisque nous avons la chance qu’il soit aussi le président de la commission spéciale.

Au cours de l’examen du projet de loi relatif à la croissance et à l’activité, tout comme M. Decool, j’ai déposé un amendement que j’ai accepté de retirer après une longue discussion avec le ministre de l’économie et certains collègues des bancs de gauche de cet hémicycle, dont certains sont présents aujourd’hui, sur la question du gaspillage alimentaire.

Permettez-moi tout d’abord de saluer le travail réalisé par M. Garot, aussi bien lorsqu’il était au Gouvernement qu’aujourd’hui puisqu’il s’apprête à rédiger un rapport sur ce sujet. Je rends également hommage au travail du rapporteur….

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Ce n’est pas un rappel au règlement ! Sur quel article vous fondez-vous ?

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Sur celui qui se rapporte au bon déroulement de nos travaux. M. le secrétaire d’État a en effet tenu des propos qui ne correspondent pas à ceux du ministre de l’économie. J’ai accepté de retirer mon amendement parce que celui-ci s’était engagé à renforcer les pouvoirs et les moyens mis à la disposition de M. Garot dans un délai de deux mois – le président de la commission en a été témoin. Or M. le secrétaire d’État a fait état d’un rapport qui serait publié en avril, éventuellement d’une proposition de loi en mai, dont personne ne sait quand elle viendra en discussion, mais il est évident que l’engagement pris par le Gouvernement d’un délai de deux mois ne sera pas tenu.

Je souhaite que ces éléments soient actés, pendant nos travaux, à l’occasion de cette proposition de loi qui pourrait, demain, être portée par M. Garot et M. Decool puisqu’ils mènent le même combat. Ce serait le signal que chacun, ici, veut travailler dans le même sens.

Debut de section - Permalien
Thierry Braillard, secrétaire d’état chargé des sports

Ce n’est pas un rappel au règlement !

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Vos remarques seront prises en compte, mais je ne vois de rappel au règlement dans votre intervention.

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C’est parce que vous ne présidiez pas ce matin !

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On ne peut pas présider toutes les séances, monsieur le député !

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Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, les journées réservées aux initiatives parlementaires ont toujours une saveur particulière.

Nos collègues du groupe UMP nous proposent d’examiner aujourd’hui une proposition de loi visant à lutter contre le gaspillage alimentaire. C’est une vraie question qui nous touche tous, un véritable sujet sur lequel nous devons agir, sans attendre et avec une volonté forte, car la situation actuelle est inacceptable. Au nom des députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, je tiens à vous remercier pour ce choix, et comme l’ensemble des orateurs, à saluer l’engagement personnel de notre rapporteur.

Projet de loi après projet de loi, amendement après amendement, commissions, séance publique, vous n’avez pas laissé passer beaucoup d’occasions pour porter haut les couleurs de votre combat contre le gaspillage alimentaire. Depuis plusieurs années, vous travaillez avec persévérance sur ce sujet important, votre implication nous inspire beaucoup de respect, d’autant plus que nous partageons vos intentions et vos objectifs.

Si le gaspillage alimentaire nous interpelle d’une manière particulière, c’est probablement parce que l’alimentation est une composante majeure et singulière de notre art de vivre à la française. Permettez à un député élu dans un beau département rural du Sud-Ouest, le Tarn-et-Garonne, pour ne pas le citer, un département où il fait bon vivre, de vous confier une conviction un peu intime : manger, déjeuner, dîner, ces actes qui ponctuent la journée, la semaine, les événements de la vie, font partie des véritables plaisirs de l’existence. Qui ne s’est délecté à la lecture de Rabelais ? C’est assurément un trait particulier à la France, qui explique notre tradition culinaire et notre gastronomie que le monde nous envie.

Le gaspillage de la nourriture renferme une forme d’outrage qui nous choque légitimement car manger, au-delà de l’impérative nécessité de vivre, est aussi un acte symbolique en ce qu’il enrichit les relations entre les êtres humains. Mais se nourrir engage également un rapport de confiance.

C’est d’ailleurs ce qui explique notre sensibilité bien française aux scandales sanitaires comme celui de la vache folle ou, plus récemment, des fraudes récentes à la traçabilité de la viande de cheval. Le problème est complexe : comment garantir avec toutes les précautions possible la qualité sanitaire des millions de repas préparés chaque jour tout en luttant contre les dérives du gaspillage par une société de consommation qui produit des millions de tonnes de déchets ?

À l’heure où la France traverse une profonde crise économique et sociale, une crise qui touche d’abord les plus fragiles, à l’heure où nombre de nos concitoyens rencontrent des difficultés grandissantes, un tel gâchis nous heurte, il est devenu intolérable.

Intolérable socialement et symboliquement, mais aussi intolérable sur les plans écologique et économique. Au niveau mondial, les chiffres paraissent inouïs.

Quelques images pour illustrer ce gaspillage : les pertes agricoles et alimentaires coûtent chaque année à la planète l’équivalent de trois fois le lac Léman en eau gaspillée. Tout au long des débats relatifs à la loi d’avenir agricole, nous avons regretté qu’un département de surface agricole utile disparaisse tous les sept ans. Nous avons cherché par tous les moyens à préserver cette surface, en tenant compte de l’équilibre nécessaire à trouver entre les problématiques de logement, de commerce ou d’équipement.

Comme dans le domaine de l’énergie, peut-être devrions-nous commencer par nous intéresser au gaspillage car les pertes agricoles et alimentaires occupent inutilement un tiers de sa surface agricole. En termes de pollution, la production des denrées non consommées provoque autant d’émissions de gaz à effet de serre que les États-Unis ou la Chine en six mois, soit 3,3 milliards de tonnes de CO2, selon le dernier rapport de la FAO, l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.

La FAO évalue à 1,6 milliard de tonnes l’ensemble des produits alimentaires perdus, environ un tiers de la production totale, soit plus de 565 milliards d’euros, alors même que les crises alimentaires sont de plus en plus fréquentes et que nous devons répondre aux enjeux des besoins alimentaires.

Les pertes se font tout au long de la chaîne, d’abord dans les phases de production, de récoltes et de stockage. Tout le reste relève du gaspillage alimentaire au sens propre, au stade de la préparation, de la distribution ou de la consommation. Dans les pays développés comme la France, ce dernier type de pertes domine. Face à ce constat, nous sommes tous d’accord pour dire qu’une volonté politique forte est nécessaire pour trouver des solutions.

Au niveau local, tous les élus ont été concernés un jour ou l’autre et se sont plus ou moins intéressés à ce sujet. Avec les associations, les producteurs et la grande distribution, il existe de très nombreuses initiatives éparpillées pour trouver des solutions. Les bonnes volontés ne manquent pas.

Monsieur le rapporteur, vous avez le mérite de proposer des solutions législatives au niveau national et nous soutenons votre démarche. Sous la précédente majorité, Bruno Le Maire, en fonction au ministère de l’agriculture avait commencé à jeter les bases d’une action nationale.

Plus récemment, en 2013, notre collègue Guillaume Garot, alors ministre de l’agroalimentaire, s’est emparé du sujet et avait entrepris une action plus ambitieuse en lançant le grand pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire avec un objectif fort, le réduire de moitié à l’horizon 2025. Il poursuit aujourd’hui son travail dans le cadre d’une mission parlementaire qui devrait rendre ses conclusions dans les prochains mois – le plus rapidement possible avons-nous dit.

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La proposition de loi initiale – avant son détricotage en commission des affaires économiques – contenait des dispositions sur l’éducation alimentaire avec la mise en place d’actions de sensibilisation dans les établissements scolaires, et imposait des obligations concernant les surfaces de plus de 1 000 mètres carrés des enseignes de la grande distribution, notamment la mise en place de conventions avec des astreintes à proposer l’ensemble des invendus consommables à des associations caritatives avant qu’ils ne soient jetés.

Enfin, elle prévoyait la remise d’un rapport en vue de faire évoluer les règles concernant les dates limites de consommation et de péremption des denrées alimentaires, les fameuses date limite de consommation, ou DLC, et date limite d’utilisation optimale, ou DLUO.

Sur ces trois aspects du problème du gaspillage alimentaire, les députés du groupe RRDP sont convaincus que vos propositions vont dans le bon sens. Comme nos collègues du groupe RDSE au Sénat, nous avons d’ailleurs saisi l’occasion de plusieurs débats législatifs pour proposer des amendements visant à sensibiliser les élèves aux liens qui existent entre la production agricole, la santé, l’environnement et leurs habitudes de consommation alimentaire. Ces amendements n’ont pas été acceptés et, à l’époque, nous l’avons regretté.

Monsieur le rapporteur, il est probable que votre proposition de loi initiale connaisse le même sort, et nous le regrettons également. Faut-il pour autant se résigner ? Certainement pas. Cependant, l’honnêteté nous impose de dire que le sujet comporte de nombreux aspects dont la complexité est plus grande que ne le laissaient penser nos premières intuitions.

Mesurer avec précision le gaspillage, responsabiliser et mobiliser l’ensemble des acteurs – de l’élu local au principal d’un collège en passant par les directeurs des grandes surfaces –, créer des outils efficaces à tous les niveaux et lutter contre les blocages, les habitudes et les oppositions : tout ce travail nous semble indispensable pour atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés.

Nous connaissons l’engagement personnel de Guillaume Garot. Nous lui faisons confiance pour présenter un rapport exhaustif contenant des propositions concrètes sur tous les aspects du sujet – je dis bien tous les aspects – ainsi que des propositions négociées en amont avec les acteurs socio-professionnels, applicables et efficaces immédiatement. Vous pouvez compter sur nous pour être vigilants et exigeants afin de fonder une véritable politique publique de lutte contre le gaspillage alimentaire.

La méthode de travail proposée à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi en commission a permis de convenir de la remise d’un rapport, qui sera celui de Guillaume Garot. Certes, cela ne saurait satisfaire l’auteur d’une proposition de loi, et nous comprenons la déception légitime de notre rapporteur, mais nous connaissons aussi la volonté de travail en commun qui anime tous les députés sur ce sujet.

Monsieur le rapporteur, nous voulons vous remercier pour votre démarche. Nous ne doutons pas que votre proposition de loi et ce débat dans notre hémicycle seront des pierres supplémentaires à l’édifice que nous devons bâtir ensemble, au-delà des clivages politiques partisans.

Dans ces conditions, nous espérons que nous pourrons rapidement compter sur l’ensemble des groupes parlementaires pour soutenir et voter à l’unanimité une proposition de loi commune, car sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, c’est ce que les Français attendent de nous.

Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.

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Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous discutons aujourd’hui une proposition de loi sur un sujet qui, me semble-t-il, met tout le monde d’accord : la lutte contre le gaspillage alimentaire.

Cela fait plusieurs années, et même plusieurs dizaines d’années, que les écologistes travaillent sur les territoires à la réduction des déchets, avec une seule ligne de conduite : la sobriété.

En septembre dernier, à l’occasion de la journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire et alors que ma collègue écologiste Brigitte Allain annonçait qu’elle travaillait sur une proposition de loi intitulée « De la fourche à la fourchette », le Premier ministre missionnait un député socialiste, ancien ministre de l’agroalimentaire, Guillaume Garot – que je salue. Aujourd’hui, le groupe UMP – emmené par Jean-Pierre Decool – a inscrit cette nouvelle proposition à l’ordre du jour de sa niche.

Je ne reprendrai pas les statistiques déjà citées, mais le gaspillage alimentaire constitue un véritable fléau, en France comme partout ailleurs dans le monde. Le phénomène est d’autant plus criant dans les pays en voie de développement que de nombreuses personnes y meurent de faim.

Nous épuisons nos ressources naturelles par nos surproductions. Nos circuits de consommation sont exclusivement guidés par les marchés. Notre population s’accroît et le coût économique, écologique et social du traitement de nos déchets et de leurs pollutions devient plus élevé que celui de nos productions. Cela n’est plus tenable. La prise de conscience générale de tous les élus est donc une très bonne chose, tout comme le fait que se dessine autour de cet enjeu une politique publique nationale et européenne forte.

À ce jour, en effet, force est de constater que les plans successifs, qu’ils soient nationaux ou européens, n’ont pas été à la hauteur de l’enjeu ni des objectifs fixés : ils ont été bien trop axés sur la communication. Or, sur ce sujet comme sur tous ceux qui touchent de façon universelle à nos droits fondamentaux et à nos responsabilités d’êtres humains, il est indispensable de prendre des mesures concrètes, urgentes et efficaces, d’où la nécessité d’un volontarisme clair et déterminé, associant l’ensemble des acteurs. Tous les citoyens, des plus jeunes aux plus âgés, peuvent agir concrètement, et il en va de même des chefs d’entreprise ou des élus.

C’est grâce à de vastes projets alimentaires territoriaux et d’économie circulaire qui associent l’ensemble des parties prenantes que la réduction de nos déchets deviendra réalité. Et encore ne s’agit-il pas simplement de mieux gérer ceux-ci ; il faut aussi inventer des systèmes moins générateurs de déchets.

La proposition de loi que vous avez présentée en commission, monsieur le rapporteur, puis étoffée par rapport au texte initial, a été saluée. Elle prévoit la mise en place de programmes de sensibilisation dans les écoles, le don des invendus par les supermarchés aux associations caritatives via une convention, ainsi que la remise d’un rapport sur la suppression de la fameuse DLUO, la date limite d’utilisation optimale, qui est incomprise par les consommateurs. Ce sont autant de pistes qui ont montré leur efficacité dans d’autres pays européens ou que les experts préconisent.

C’est sur la base des déclarations du président de la commission des affaires économiques et de Guillaume Garot, dans lesquelles ils proposaient de mener un travail commun et concerté au cours des prochains mois, voire des prochaines semaines, que nous avons décidé d’attendre la sortie du rapport de M. Garot pour faire des propositions législatives complètes et présentées dans une proposition de loi rassemblant – nous l’espérons – les signatures conjointes des différents groupes de cette assemblée. C’est également sur les bases de cette confiance renouvelée que nous voterons aujourd’hui la motion de renvoi en commission.

Dans ces réflexions, plusieurs aspects cruciaux et peu documentés du gaspillage alimentaire devront être traités : celui de la production, ou plutôt de la surproduction des aliments, et celui de la valorisation des déchets.

Concernant la production, nous produisons beaucoup, parfois trop, et parfois pas assez bien. De nombreux aliments restent dans les champs, sont vendus par lots trop importants aux supermarchés ou sont sortis des rayons qui débordent de choix. Nous baignons dans l’opulence alimentaire.

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La France met à la disposition des Françaises et des Français bien plus de produits qu’ils n’en consomment : les commerces alimentaires regorgent de 180 % de la quantité de nourriture dont sa population a véritablement besoin !

Les deux étapes de la chaîne agroalimentaire qui représentent le plus de pertes sont la production et la consommation – à raison de 93 kilogrammes de déchets par habitant et par an chacune. Par comparaison, les secteurs des transports, de la transformation et de la distribution, avec respectivement 26, 31 et 17 kilogrammes par habitant et par an, produisent moins de déchets.

Le constat est fait, mais peu de solutions sont apportées à la question de la production alimentaire. Les forces économiques en présence ainsi que la prégnance du droit européen expliquent probablement ce manque de mesures.

Nous pourrions faire une gestion plus raisonnable de la production en définissant nos besoins alimentaires et nos capacités de commercialisation dans le respect de la souveraineté alimentaire, en évitant la destruction de denrées alimentaires pour cause de surproduction, en récupérant tous les produits non récoltés ou encore en contrôlant davantage le ratio entre les produits mis en rayon et les produits jetés. Ce sont autant de pistes que nous aurons – que vous aurez, monsieur Garot – à creuser.

C’est bien toute la chaîne qu’il faut étudier. Les pertes et les gaspillages sont liés non pas à un comportement irresponsable des acteurs, mais à un changement profond de notre système de production alimentaire et de notre modèle d’alimentation. La situation actuelle résulte de quarante années de productivisme et de consumérisme. Les filières sont « standardisées » et rejettent les produits non conformes aux attentes supposées des consommateurs, qu’il s’agisse de standards esthétiques ou de calibrage. C’est particulièrement frappant dans le secteur des pommes de terre et, plus largement, des fruits et légumes, où 20 % à 30 % de la récolte peuvent être exclus du système.

En outre, la faible valeur des produits agricoles, qu’entretiennent les subventions de la politique agricole commune, entraîne des effets pervers : une faible considération des aliments par les consommateurs, qui hésitent moins à les jeter, et parfois même l’abandon pur et simple des fruits et légumes dans les champs, car la main-d’oeuvre est plus chère que le produit lui-même.

Ainsi, seules des mesures structurelles traitant les causes du gaspillage alimentaire permettront d’en guérir les effets désastreux : non seulement une meilleure rémunération des producteurs pour le fruit de leur travail, mais aussi une véritable politique alimentaire sociale qui cible l’accessibilité des produits aux personnes dans le besoin. À cet égard, il faudra sans doute se pencher sur le Fonds européen d’aide aux plus démunis.

Par ailleurs, nous sommes persuadés que l’ancrage territorial de la production et l’utilisation de fruits et légumes de saison permettent de réduire le gaspillage alimentaire en responsabilisant les acteurs de la chaîne grâce au lien social et au lien de proximité. Nous confirmerons cela très prochainement lors des auditions que conduira la mission d’information parlementaire sur les circuits courts et la relocalisation des filières agroalimentaires, dont ma collègue Brigitte Allain est la rapporteure.

Concernant la valorisation enfin, les déchets alimentaires pèsent lourd sur le climat, en France. Pour l’essentiel, ils sont encore enfouis ou incinérés, et sont notamment responsables – surtout lorsqu’ils sont mis en décharge – de 19 % des émissions de méthane, un gaz dont le pouvoir de réchauffement climatique est vingt-trois fois plus élevé que celui du dioxyde de carbone !

Avec la loi de transition énergétique, nous avons l’opportunité dès aujourd’hui de généraliser l’obligation de tri à la source pour les particuliers et les professionnels, et de mettre en place une hiérarchie dans la valorisation des produits qui sont destinés à être mis au rebut. L’ordre des priorités devant être le suivant : nourrir les humains, transformer les rebuts en nourriture pour les animaux, encourager le compostage – c’est-à-dire le juste retour aux sols de la matière organique – et, enfin, la méthanisation, qui permet la production d’énergie.

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La dynamique de convergence entre nous étant à l’oeuvre, nous réussirons – nous en sommes certains – à travailler de concert pour lutter contre le gaspillage alimentaire et, avec le soutien du Gouvernement, à élaborer des propositions législatives qui s’insèrent dans une réflexion plus large sur les aspects réglementaires, financiers, européens et internationaux. Faisons-le le plus simplement, le plus rapidement et le plus sérieusement possible !

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.

M. Denis Baupin remplace Mme Laurence Dumont au fauteuil de la présidence.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous vivons dans une société d’abondance. Pourtant, dans cette société, les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres sont croissantes et atteignent un niveau insupportable. Officiellement, 20 % des Nordistes sont pauvres. Voilà qui fait réfléchir sur les priorités qui doivent être les nôtres. Certains de nos concitoyens ont de graves difficultés à se nourrir et souffrent de malnutrition. C’est inacceptable ! Le combat contre la pauvreté est un combat de longue haleine, qu’il faut mener en lien avec la lutte contre la précarité et contre le chômage.

Dans l’immédiat, nous constatons, sur tous les bancs, que le gaspillage alimentaire est d’année en année plus important. Chaque année, les Français gaspilleraient plusieurs millions de tonnes de nourriture, dont 30 % de produits encore emballés. Pour un ménage de quatre personnes, ce gâchis représenterait un montant d’environ 400 euros par an.

Il faut y remédier efficacement. En effet, ce n’est pas la première fois que la représentation nationale s’attaque au problème.

Le 14 juin 2013, un pacte national contre le gaspillage alimentaire a été lancé par le M. Guillaume Garot, alors secrétaire d’État, mais il ne comportait pas de solution concrète et opérationnelle satisfaisante.

Il est prévu de diminuer le gaspillage alimentaire en France de 50 % d’ici à 2025. Alors que la crise sociale fait rage, le problème du gaspillage alimentaire mérite que nous légiférions aujourd’hui. Le débat en commission des affaires économiques a été fort décevant, car la majorité a supprimé – en cherchant des faux-fuyants – plusieurs articles importants de cette proposition de loi, qui n’ont été ni réellement débattus ni combattus sur le fond.

À quoi servent donc les députés des groupes minoritaires et d’opposition ? J’ai toujours pensé que les journées d’initiative parlementaire devaient être non pas des journées de dupes, mais des journées de rassemblement. Bien entendu, le texte initial n’était sans doute pas parfait, mais il n’avait pas cette prétention. Quand un sujet est inscrit à l’ordre du jour de notre hémicycle, il convient de le travailler, de l’améliorer. C’est à cela que sert le droit d’amendement. Le vote éventuel d’une motion de renvoi en commission donnerait un très mauvais signal non seulement sur l’état de notre démocratie, mais aussi en matière de lutte contre le gaspillage. Il conviendrait d’élaborer très vite de véritables mesures incitatives pour renforcer la lutte contre ce gâchis scandaleux.

Pour lutter contre ce fléau, il est tout d’abord nécessaire de renforcer l’éducation alimentaire, notamment en restauration collective, car c’est là le lieu privilégié de l’éducation au goût et à une alimentation saine et équilibrée. L’une des priorités doit consister à mettre en oeuvre des actions de sensibilisation dans les établissements scolaires, afin que les élèves puissent accéder à une alimentation de qualité respectueuse de l’environnement. Il convient de fournir aux enfants et aux jeunes des outils de compréhension des méthodes de production agricole et des répercussions de la consommation des aliments sur la santé. Le lien doit être établi entre habitudes alimentaires, environnement et santé.

Lutter contre le gaspillage, c’est aussi proposer des clés d’analyse pour promouvoir une vraie citoyenneté dans nos assiettes.

Nous devons avoir pour objectif d’accompagner les consommateurs de demain vers des pratiques alimentaires plus durables, ce qui favorisera la prise en compte des enjeux de la lutte contre le gaspillage des aliments.

Par ailleurs, quand on sait qu’une grande surface produit à elle seule 197 tonnes de déchets par an, il est indispensable de faire participer la grande distribution à la lutte contre le gaspillage.

Disposant d’une logistique et de stocks importants, les grandes surfaces peuvent, plus facilement que les particuliers, pratiquer le don alimentaire pour aider les personnes les plus démunies à bénéficier, via les associations caritatives, de ces invendus.

Actuellement, cette démarche ne repose que sur la seule volonté des exploitants. Cela, nous devons le changer, et c’est ce que faisait la proposition de loi initiale en prévoyant la contribution des surfaces commerciales de plus de 1 000 mètres carrés.

En effet, cette proposition de loi initiale, avant qu’elle ne soit profondément revue et démontée en commission sans raison valable, prévoyait la mise en place d’une convention d’organisation de la collecte sécurisée des denrées alimentaires invendues encore consommables au profit d’une ou plusieurs associations d’aide alimentaire.

Enfin, l’article 3 de la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Decool visait à questionner les règles applicables aux dates limites de consommation et de péremption des denrées alimentaires.

La date limite de consommation figure sur les emballages des denrées alimentaires, car la consommation de celles-ci peut, après une période déterminée, présenter un danger immédiat pour la santé. Au-delà de la date limite de consommation, la commercialisation des denrées est interdite et sanctionnée pénalement de façon sévère puisqu’il s’agit d’une contravention de troisième classe punie d’une amende de 5 000 euros par produit mis en vente.

Au contraire de la date limite de consommation, la date limite d’utilisation optimale est simplement indicative. Figurant sur les denrées préemballées, elle est librement déterminée par le fabricant.

Si le produit est considéré comme étant périmé, il peut toujours être consommé sans réel danger pour la santé, même si certaines de ses qualités, comme le goût, peuvent être altérées.

Le Conseil économique, social et environnemental – CESE – préconise dans un avis de supprimer la date limite d’utilisation optimale sur les produits alimentaires pour ne conserver que la date limite de consommation.

Le Conseil s’alarme de l’ampleur du gaspillage à tous les stades de la chaîne alimentaire en France, gaspillage qui devient de moins en moins supportable alors qu’en parallèle 3,5 millions de personnes bénéficient de l’aide alimentaire.

Le Conseil estime qu’une amélioration de l’étiquetage des denrées alimentaires, en particulier sur les dates de péremption, serait un levier efficace contre le gaspillage. Nous devrions aller dans cette voie.

En conclusion, je souhaite que cette proposition de loi soit débattue et rétablie, à charge pour la majorité, qui ne peut se retrancher derrière un futur rapport de l’un de ses membres, de présenter des amendements.

Les articles initiaux de ce texte, qui reposent en grande partie sur la volonté d’agir du Gouvernement – en témoignent les décrets et le rapport attendu – répondent à des besoins réels.

Tout en louant le travail acharné de notre collègue nordiste Jean-Pierre Decool, nous souhaitons voter cette proposition de loi, mais dans une rédaction qui permettra d’aller le plus loin possible pour traiter le problème et non un texte édulcoré, transformé en coquille vide.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui doit être saluée à bien des égards. Non seulement elle porte la question du gaspillage alimentaire devant les médias et invite les citoyens à s’en saisir, mais elle nous réunit, nous parlementaires, autour d’enjeux importants aux niveaux national et mondial.

Cependant, le gaspillage étant un problème de fond, nous ne pouvons le prendre par le petit bout de la lorgnette. C’est bien l’organisation systémique de notre chaîne de production-distribution-consommation qu’il s’agit de repenser, et pas seulement les relations entre associations et grandes surfaces.

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Contrairement à ce que M. Decool écrit dans son rapport, même dans nos pays occidentaux on observe un énorme gâchis alimentaire dès le stade de la production, comme l’a rappelé Barbara Pompili. Des récoltes entières restent parfois sur le champ. Les chiffres de la FAO – Food and agriculture organization – sont édifiants : l’organisme des Nations Unies estime que 30 % de la production agricole mondiale seraient perdus. Face à ce gâchis, les grandes et moyennes surfaces ont leur part de responsabilité, bien qu’elles ne soient pas les seules. Il arrive en effet que des palettes entières, au motif qu’un seul produit est mal calibré ou abîmé, soient retournées aux producteurs qui les détruisent au lieu de les confier à des organisations caritatives.

Pour mener une politique publique à la hauteur des enjeux auxquels nous faisons face, j’insiste à mon tour sur la nécessité de donner une dimension territoriale à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Le développement des circuits courts doit être valorisé, la production locale rendant le consommateur plus attentif aux contraintes du producteur. Je forme à cet égard le voeu que les travaux que nous accomplirons dans le cadre de la mission d’information sur les circuits courts conduite par notre collègue Brigitte Allain contribuent à enrichir positivement la proposition de loi à venir.

De très nombreuses associations réalisent quotidiennement des actions locales contre le gaspillage alimentaire. Je tiens à saluer ici leur démarche et leur esprit d’initiative. Ainsi, le réseau de glanage nantais RE-BON, en emmenant des bénévoles glaner directement dans les champs, leur fait prendre conscience de l’ampleur du gaspillage au niveau de la production agricole. Après seulement deux ans d’activité, treize tonnes de fruits et légumes ont été récupérées auprès de seize maraîchers et redistribuées aux associations locales d’aide alimentaire. Dans un département comme la Loire-Atlantique, qui regroupe 350 maraîchers, le potentiel de produits à valoriser est immense. Il est même possible que toute l’aide alimentaire du département ne suffise pas à absorber la totalité des surplus et invendus des producteurs.

Je veux par ailleurs évoquer la restauration collective, qui est également à l’origine d’un gaspillage considérable. Même si les dons issus de restaurants cuisinant sur place apparaissent difficiles à mettre en place, compte tenu des contraintes particulières de refroidissement rapide et de conditionnement, les banques alimentaires souhaitent avoir davantage accès à de tels dons, en discernant cependant les liaisons chaudes et froides.

Dans le premier cas, les plats doivent être consommés dans les deux heures. Il faut donc envisager des dons directs aux associations de proximité qui effectuent elles-mêmes la restauration.

Dans le cas des liaisons froides, les plats peuvent tout à fait entrer dans le cadre des collectes quotidiennes des bénévoles des banques alimentaires. La mission de notre collègue Guillaume Garot ayant pleinement pris la mesure du gaspillage en restauration collective et commerciale, je ne doute pas que cet aspect, qui est absent de la proposition de loi étudiée aujourd’hui, sera abordé dans le rapport qu’il rendra à la fin du mois de mars.

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Mes chers collègues, depuis 2012, nous travaillons conjointement avec le Gouvernement à la création d’un nouveau modèle de développement qui se dessine dans la loi d’avenir pour l’agriculture et dans la loi de transition énergétique. Lutter contre le gaspillage, ce n’est pas simplement inciter les grandes surfaces à céder leurs invendus aux associations d’aide alimentaire : c’est aussi encourager l’agro-écologie, conforter les produits de terroir et développer la consommation de proximité. Comme le dit un responsable de l’association Disco Soupe : « La guerre au gâchis aura bien lieu, mais nous ne pourrons la gagner qu’en transformant profondément les structures responsables du gaspillage de notre système alimentaire ».

Au-delà, c’est notre propre comportement en tant que citoyen que nous devons interroger. Car l’alimentation touche à l’un des aspects les plus intimes et les plus personnels de notre culture, particulièrement en France. Il nous faut repenser notre façon de consommer et redonner toute sa dignité à l’acte de manger. C’est à la responsabilisation de chaque acteur de la chaîne alimentaire qu’il nous faut oeuvrer : responsabilisation non seulement du producteur, de l’industriel, de la grande surface, du commerçant, de l’association qui reçoit des dons, mais aussi bien sûr du consommateur. Ce n’est qu’ainsi que nous parviendrons à réduire fortement le gaspillage alimentaire en France. Notre travail collectif autour du rapport de Guillaume Garot et des auditions de Jean-Pierre Decool nous y aidera.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe écologiste.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous propose notre collègue Jean- Decool a le mérite de nous permettre d’évoquer le dispositif de l’aide alimentaire en France, même si c’est uniquement sous l’angle du gaspillage alimentaire.

Ce texte part d’une intention que je reconnais généreuse, relayée par des initiatives citoyennes et médiatiques, puisqu’il propose une solution à une situation que nous trouvons moralement intolérable.

La volonté de lutter contre le gaspillage est largement partagée, à juste titre, par l’ensemble de nos collègues et l’assurance d’un texte plus complet, fondé sur les propositions du prochain rapport de notre collègue Guillaume Garot, devrait nous permettre de dégager un certain consensus.

Mais l’article 2 de la proposition initiale, destiné à renforcer les sources d’approvisionnement des associations caritatives oeuvrant pour l’aide alimentaire, ne me semble pas approprié, et ce pour plusieurs raisons.

Je pense, étant pragmatique, que tout dispositif, pour qu’il soit efficace, doit avant tout être préparé en concertation avec les acteurs concernés. Or, les associations d’aide alimentaire ont fait part de leur inquiétude face aux difficultés qu’engendrerait une telle mesure fondée sur l’obligation. Elle nécessiterait en effet une disponibilité des bénévoles, une logistique matérielle et un devoir de traçabilité qui n’est pas envisageable, en l’état actuel des choses, sur l’ensemble du territoire, et ce même avec la participation et la coopération active des grandes surfaces.

Je citerai à titre d’exemple mon département, qui est une illustration des difficultés que je viens d’évoquer. Le conseil général du Gers est en train de mettre en place une plate-forme innovante d’aide alimentaire qui regroupe l’ensemble des associations dans le but d’une mutualisation de leurs moyens d’actions. Les raisons en sont multiples : un manque important de locaux pour le stockage des denrées, un manque de bénévoles et un maillage insuffisant du territoire.

Dans le dispositif proposé par notre collègue Decool, l’essentiel de l’effort pèse sur l’État, via la défiscalisation, ce qui représente un coût réel. Ne pourrait-on réfléchir à une articulation entre défiscalisation et modulation de la taxe sur les déchets en fonction du volume jeté ? Cela permettrait de responsabiliser tout autant les grandes surfaces.

De même, qui dit obligation de don ne saurait éviter le gaspillage, car je m’interroge sur notre capacité à contrôler l’application effective des termes des consentions signées.

D’autres pistes sont à envisager si l’on veut pérenniser l’aide alimentaire sur le long terme tout en luttant contre le gaspillage.

Le combat majeur des associations, depuis plusieurs années, est la défiscalisation des dons agricoles. Elles l’ont rappelé en décembre dernier en saluant la défiscalisation des dons d’oeufs mis en place par le Gouvernement.

Cela permettrait une diversification non seulement en quantité, mais aussi en qualité car la réponse que nous devons apporter à l’insécurité alimentaire doit s’inscrire également dans une politique sanitaire, économique et sociale plus globale, visant notamment à réduire les inégalités sociales de santé.

La dernière étude ABENA –Alimentation et état nutritionnel des bénéficiaires de l’aide alimentaire – de l’Institut de veille sanitaire, présente des résultats qui restent très préoccupants puisqu’elle fait état de la prévalence particulièrement élevée de pathologies telles que l’obésité, l’hypertension artérielle, le diabète et certains déficits vitaminiques.

La mauvaise nutrition a des effets directs sur la santé, qui induisent in fine des coûts pour notre système de protection sociale.

C’est pourquoi nous devons également faire attention à ne pas nuire au travail accompli par les associations autour de l’accès à l’alimentation. Car l’aide alimentaire, si elle répond à une urgence évidente, est aussi un vecteur d’inclusion sociale dans la mesure où, par le biais de l’accompagnement, on permet à ces personnes de se réapproprier l’alimentation dans le cadre d’ateliers de cuisine qui sont de plus en plus nombreux. Nous savons en effet qu’un système conduisant à favoriser la récupération régulière de produits élaborés contribue à déstructurer l’acte de faire à manger.

Ce lien entre l’aide alimentaire et les parcours d’insertion sociale est l’une des préconisations de François Cherèque dans le rapport de la mission d’évaluation de la deuxième année de mise en oeuvre du Plan pluriannuel contre la pauvreté qu’il a remis au Gouvernement en janvier dernier.

L’année 2014 a vu le sauvetage du dispositif d’aide alimentaire européen grâce à l’action du Gouvernement français, soutenu par les associations.

Je rappelle que le budget s’élevait, en 2015, à 32,64 millions d’euros pour 3,5 millions de bénéficiaires, somme à laquelle il faut ajouter les crédits alloués aux épiceries sociales d’un montant de 7,91 millions d’euros. Face au défi de l’aide alimentaire et par-delà la lutte contre le gaspillage, nous devons continuer à réfléchir à l’amélioration du dispositif en prenant d’abord en considération la dignité des personnes en situation de précarité.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, chacun ici approuve l’idée très généreuse selon laquelle le gaspillage doit cesser d’être une variable d’ajustement regrettable mais inévitable de notre mode de consommation. Les uns évaluent à 600 000 tonnes la quantité de denrées alimentaires périssables jetée chaque année par les grandes surfaces, les autres à 200 000 tonnes. Des fluctuations aussi considérables rappellent d’ailleurs combien le gaspillage alimentaire échappe à toute évaluation publique sérieuse. Il nous est devenu collectivement si odieux qu’il suscite une prise de conscience et une mobilisation de plus en plus fortes sur le terrain et des initiatives d’associations, d’entreprises, de grandes surfaces et de producteurs. Le débat est largement ouvert dans la société française, ce dont on ne peut que se féliciter. À l’heure actuelle, le législateur ne s’est pas encore saisi de la question. De ce point de vue, l’initiative de notre collègue Decool est bienvenue.

J’irai droit au but. Sur ce sujet grave, la seule question à poser est la suivante : la présente proposition de loi est-elle à la mesure de l’enjeu et de nature à fonder une politique publique efficace de lutte contre le gaspillage ? Je ne le crois pas. Naturellement, on ne peut que souscrire à l’ambition qu’a M. Decool de venir combler le silence de la loi sur le sujet. Néanmoins, il ne me semble pas pertinent d’aborder cette question très large par le seul prisme du gaspillage alimentaire des grandes surfaces. Une telle restriction du champ interdit d’embrasser le sujet dans toute sa complexité et peut amener à négliger d’autres aspects non moins essentiels de la lutte contre le gaspillage. On peut travailler en aval du gaspillage comme vous le proposez, cher collègue, mais aussi en amont. À ce propos, la proposition de loi ne favorise en rien la mise en place de circuits courts qui s’inscrivent avec pertinence dans un développement plus durable en évitant la multiplication des intermédiaires et en favorisant l’ajustement des volumes à la consommation. Ce système de distribution a également une vertu pédagogique, car il met consommateurs et producteurs en contact direct et sensibilise mieux les consommateurs au calibrage excessif des produits, évitant le rejet de certains produits au motif qu’ils ne sont pas commercialisables.

De fait, on peut lutter contre le gaspillage par d’autres moyens. La proposition de loi ne traite pas non plus le sujet du renforcement du bénévolat pourtant essentiel aux yeux des acteurs associatifs. Les nombreuses auditions menées par la mission d’information sur les difficultés du monde associatif ont montré que tous les acteurs de l’aide alimentaire ont de plus en plus de mal à recruter des bénévoles alors même que le volume de l’aide alimentaire augmente chaque année de 5 % à 8 %. Les associations affrontent des défis plus nombreux que la seule collecte de denrées. Les banques alimentaires doivent remplacer chaque année entre 500 et 700 bénévoles et leurs besoins sont multiples : chauffeurs, préposés au tri, mais aussi postes administratifs exigeant une grande maîtrise des règles comptables et d’hygiène. En outre, de nouveaux métiers apparaissent régulièrement en matière d’hygiène et de recherche de mécénat. Sur ce sujet aussi, nous devons mieux que de la bonne volonté à tous ces gens qui s’impliquent. Nous devons leur offrir des solutions durables satisfaisant leurs besoins intégralement et pas seulement en partie.

Enfin, de nombreuses associations considèrent qu’il est franchement naïf, voire dangereux, de fonder une politique de lutte contre le gaspillage alimentaire uniquement sur l’action des grandes surfaces dont le modèle économique intègre déjà le coût des pertes et des invendus dans le prix des produits. Vous pouvez me faire confiance, mes chers collègues, j’ai été cadre dans ce secteur pendant dix ans. Il serait malvenu que la proposition de loi très généreuse dont nous discutons ne vire au chantage à la générosité grâce auquel certaines grandes surfaces feraient payer deux fois leurs invendus tout en s’offrant à très bon compte une virginité sur ce sujet sensible.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, il me semble préférable, pour la future législation sur le sujet, de s’écarter du chemin, certes vertueux sur la forme mais sans doute plus contestable sur le fond, proposé par notre collègue Decool. Je vous invite donc à attendre la remise du rapport de Guillaume Garot, prévue pour le mois d’avril, dont les propositions ne manqueront pas d’élargir notre ambition commune et de lui donner une assise plus stable et plus efficace.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Il en est ainsi de notre modèle de production et de consommation, mes chers collègues : il ne peut plus faire fi de la question de la soutenabilité. Si nous nous prononçons en faveur d’une croissance plus durable, nous voulons surtout qu’elle acquière une dimension qualitative, équitable et tournée vers l’humain. Parier sur l’économie collaborative et l’économie sociale afin de dépasser le capitalisme financier, créer des offres fondées sur des circuits courts, ambitionner une économie circulaire forte en matière d’industrie, initier les mutations économiques menant vers une économie responsable et écologique, renforcer et adapter la responsabilité sociétale des entreprises et faciliter le démarrage et l’évolution de l’économie verte, telles sont les orientations que nous devons défendre.

Quant à notre modèle de consommation dont il est question aujourd’hui, il ne peut plus se satisfaire d’une logique de l’opulence, du gaspillage, de l’immédiateté et de la propriété simple et individuelle. Il faut passer à une économie de fonctionnalité centrée non plus sur le produit mais sur le service et les usages.

De même, notre modèle ne peut plus se satisfaire de la simple responsabilité du consommateur. Afin de mieux consommer pour mieux vivre, il est prioritaire selon nous de promouvoir de nouveaux modes de vie plus respectueux de l’environnement en facilitant l’accès aux infrastructures communes et aux ressources renouvelables, en particulier pour les personnes les plus précaires. Nous croyons aussi au rôle fondamental et essentiel de l’éducation et de la formation pour transformer ces comportements.

La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui nous alerte sur le fléau que constitue le gaspillage alimentaire dans notre société de consommation. Certes, des objectifs ambitieux en vue de la réduction de ce gaspillage ont été affichés, mais nous pensons qu’il faut aller plus vite, agir plus fort, et surtout plus efficacement.

Je suis sensible aux arguments avancés par Guillaume Garot qui s’est vu confier une mission importante sur ce sujet. Il sait la nécessité de prendre en compte l’ensemble de la filière et pas simplement la relation entre les grandes enseignes commerciales et certaines associations ou initiatives citoyennes, même si je salue l’engagement de citoyens, récemment médiatisé, qui luttent à leur niveau contre le fléau, comme c’est le cas à Courbevoie dans le département des Hauts-de-Seine où je suis élu. Je suis également sensible aux interrogations de Jean-Pierre Decool. Les solutions que nous préconiserons devront sans doute sécuriser un certain nombre de pratiques locales des associations et des commerces de distribution, ce qui est d’ailleurs en partie l’objet de la proposition de loi. Il est clair néanmoins que la mission Garot a un cadre plus large et il est désormais acquis qu’il en résultera le plus rapidement possible, d’ici à quelques mois je l’espère, une proposition de loi après la remise du rapport fin mars. Élaborée par tous les groupes de cette assemblée, elle serait susceptible in fine de faire l’objet d’un vote à l’unanimité.

L’objet de la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui est tout à fait légitime, mais nous avons devant nous une feuille de route et un cadre dans lequel nous devons nous inscrire. D’ailleurs, le comité de pilotage a déjà tenu certaines réunions auxquelles je n’ai malheureusement par participé en raison de la multiplicité de nos réunions. Je sais néanmoins combien le travail engagé par Guillaume Garot, dont je connais l’engagement, avance et je suis certain que cela débouchera sur des propositions fortes et innovantes englobant l’ensemble du sujet. C’est pourquoi nous ferons probablement le choix de renvoyer la proposition de loi en commission avec l’espoir unanimement partagé que de nouvelles propositions de lutte contre le gaspillage alimentaire, dont je rappelle qu’il est un fléau devenu insupportable dans notre société, seront formulées dans quelques mois.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Decool visant à lutter contre le gaspillage alimentaire, conçue pour réunir un consensus. En effet, il serait logique que ce texte fasse l’unanimité sur nos bancs car le fléau du gaspillage dépasse largement les clivages politiques et il semble difficile de s’y opposer. Notre époque de crise et d’économie des ressources voit la place du gaspillage alimentaire se réduire comme peau de chagrin. Selon un article paru dans The Economist le 3 janvier dernier, les hommes devront produire au cours des quarante prochaines années plus de nourriture qu’ils n’en ont produit au cours des 10 000 dernières années. Une prise de conscience collective est donc en cours à ce sujet. Sans même comptabiliser les pertes de la production agricole, le gaspillage alimentaire a lieu dans les foyers et la restauration. En France, un foyer de quatre personnes jette chaque année entre vingt et trente kilos de produits alimentaires consommables, dont sept kilos de nourriture encore emballée.

Une étude sur le gaspillage alimentaire réalisée au mois d’avril 2012 par la SOFRES montre que les Français sont conscients du phénomène, car 54 % d’entre eux estiment qu’il est très important de réduire le gaspillage alimentaire, ce qui représente la deuxième priorité après la réduction du gaspillage d’eau. Cependant, ils estiment ne pas y contribuer eux-mêmes ou en tout cas moins que les autres, ce qui n’a rien de surprenant. Le problème fait donc l’objet d’une sous-estimation évidente en dépit des nombreuses campagnes organisées par les gouvernements dont la motivation est parfois davantage la communication que l’efficacité. Les propositions concrètes tardent à venir et une initiative de nature législative semble donc être une solution adéquate pour donner une impulsion non négligeable à cette lutte.

C’est la raison pour laquelle les trois articles de la proposition de loi de Jean-Pierre Decool, très largement cosignée par les parlementaires UMP, ouvrent la voie à des actions ciblées et efficaces susceptibles d’obtenir des résultats rapides.

En effet, l’article 1er favorise les actions de sensibilisation dans les établissements scolaires pour anticiper les comportements de gaspillage alimentaire. Il s’agit de prendre le problème à la source afin que les futurs consommateurs que sont les enfants ne reproduisent pas les mauvaises habitudes et pratiques alimentaires de nos générations.

L’article 2 vise à obliger les commerces de détail d’une surface supérieure à 1 000 mètres carrés à signer une convention de don de denrées invendues au profit des associations caritatives. Par ailleurs, il grave dans le marbre la doctrine fiscale autorisant la défiscalisation du don alimentaire des grandes surfaces qui est continuellement remise en cause.

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Enfin, l’article 3 prévoit un rapport visant à clarifier les règles relatives aux dates limites de consommation et à la durabilité minimale des produits alimentaires dont la méconnaissance par le grand public contribue au gaspillage alimentaire.

Selon un sondage SOFRES sur le gaspillage, nous sommes 94 % à vérifier la date de péremption avant de jeter un aliment à la poubelle. Par ailleurs, l’aspect et l’odeur sont les meilleurs indicateurs pour 55 % des consommateurs.

Il est donc temps de faire le point sur notre manière de procéder. Comme cela a été dit, une mission parlementaire a été confiée à Guillaume Garrot, qui a aussi été à l’initiative du pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire. Cette mission doit déboucher sur des propositions permettant d’atteindre les objectifs fixés par le Gouvernement de diminuer de 50 % le gaspillage alimentaire en France d’ici à 2025.

La présente proposition de loi n’empêche pas d’autres initiatives, comme celles qui ont été annoncées par Stéphane Le Foll ou celles formulées à l’issue des travaux de la mission Garrot. C’est la raison pour laquelle vous me permettrez de regretter que, lors de son examen en commission, ce texte ait été vidé de sa substance au bénéfice de mesures dont l’adoption a été repoussée sine die. Avec cette proposition de loi, vous auriez pu donner un signal fort, mais vous préférez vous réfugier derrière des arguments classiques, consistant à dire que des dispositions seront prises plus tard. Le gaspillage est une pratique étendue en France, mais, soyons honnêtes, il en va de même de la procrastination parlementaire, qui a existé de tout temps.

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On verra ! Vous nous annoncez une proposition de loi sur le même sujet dans quelques mois. Nous serons les premiers à la défendre, mais on nous annonce régulièrement l’examen de nouvelles propositions et d’autres annonces viennent d’ailleurs d’être faites par le Président de la République au cours de la conférence de presse qu’il a tenue ce matin. Aussi, je crains que le calendrier parlementaire ne soit trop encombré pour que votre proposition de loi – que nous soutiendrons avec enthousiasme, je le répète – soit présentée.

J’espère que, pour une fois, cette procrastination législative n’aura pas lieu. J’aurais préféré que l’on saisisse l’occasion que nous offre notre collègue Decool. Vous avez choisi de ne pas le faire. Sachez qu’en ce qui nous concerne, nous serons plus ouverts quand vous présenterez votre proposition de loi.

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La discussion générale est close.

La parole est à M. Jean-Pierre Decool, rapporteur de la commission des affaires économiques.

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Je voudrais réagir de façon synthétique à l’ensemble des interventions. Permettez-moi de remercier en premier lieu les collègues siégeant sur différents bancs de cet hémicycle pour leur soutien, leurs encouragements et leur vision honnête, loyale, de la proposition de loi.

Monsieur le secrétaire d’État, je me dois de rappeler que celle-ci ne vise pas à recourir à la coercition dans la mise en oeuvre du don. Il s’agit de mettre en place une convention d’organisation, afin qu’aucune denrée consommable ne sorte d’une enseigne sans que cela soit organisé. Il s’agit de faire des propositions pour rendre le don plus sûr et de placer les enseignes devant leurs responsabilités.

En effet, il n’est pas normal que des conventions conclues entre des enseignes et de grandes associations imposent à ces dernières de faire leur affaire du tri ; cela nuit à la sécurisation alimentaire. C’est l’un des points essentiels de l’article 2. Je voudrais appeler l’attention de ceux de nos collègues qui ont souhaité réduire le champ de la proposition de loi originelle sur le fait que cet article 2 a pour objet de graver dans le marbre la défiscalisation. Il s’agit de faire en sorte que l’on ne puisse jamais revenir sur celle-ci et de justifier l’engagement technique, voire moral, des enseignes, pour mettre place cette convention.

Je rappelle que l’article 1er traite de l’éducation alimentaire et que l’article 3 a pour objet de susciter une réflexion sur les dates de consommation.

Mes chers collègues, une proposition de loi n’est jamais complète. C’est la raison pour laquelle je vous propose de nourrir cette réflexion et d’apporter votre contribution par voie d’amendement.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des sports.

Debut de section - Permalien
Thierry Braillard, secrétaire d’état chargé des sports

Il est toujours délicat, après s’être fait attaquer par un parlementaire dans le cadre d’un débat au sein de cet hémicycle – ce qui peut apparaître logique et normal dans une démocratie – de ne pouvoir lui répondre, en raison de son absence ultérieure.

Debut de section - Permalien
Thierry Braillard, secrétaire d’état chargé des sports

Il est toujours ennuyeux, lorsqu’on attaque un ministre, de ne pas entendre sa parole. Comme vous n’étiez pas là ce matin, monsieur Mariani, je vais répondre à Mme Dalloz, et vous pourrez lui rapporter mes propos. Mme Dalloz a tenu des propos polémiques, en dénonçant une forme de sectarisme, alors que notre état d’esprit n’a jamais été celui-là. Au contraire, nous pensons que chacun, dans cet hémicycle, partage la même volonté, et qu’à partir de là, il faut parvenir à une solution de consensus, rapide, efficace, qui permette de se dire que l’on a fait du bon travail.

Debut de section - Permalien
Thierry Braillard, secrétaire d’état chargé des sports

N’ayez crainte, madame Schmid, je vais commencer, et je vais d’ailleurs vous répondre immédiatement. Contrairement à ce que certains pensent, des choses ont été faites, et elles l’ont été à l’initiative de M. le ministre Garot : nous avons la chance d’avoir comme interlocuteur quelqu’un qui a une double casquette. M. Garot a lancé un pacte national – ce qui n’est pas rien – qui a porté ses fruits, qui a eu un effet un très positif. Par ailleurs, plusieurs lois ont été adoptées qui traitent de ce sujet, tant dans le domaine de l’économie sociale et solidaire que dans celui de l’éducation nationale – le code de l’éducation contient en effet des dispositions concernant l’éducation à l’alimentation. Il est donc inutile de voter un article relatif à ce dernier sujet, puisque des dispositions en la matière existent déjà.

Par un courrier du 15 octobre 2014, le Premier ministre a nommé M. Garot parlementaire en mission. Ce n’est pas la première fois que cette procédure est mise en oeuvre et, par ailleurs, il n’est pas illogique que le Premier ministre nomme celui qui a été un très bon ministre de l’agroalimentaire pour assumer une mission qu’il avait déjà entamée dans ses fonctions gouvernementales et qui doit déboucher sur la remise d’un rapport.

Ce matin, le Président de la République a fait des annonces : vous avez vu que, s’agissant des projets de loi, le calendrier parlementaire est bien rempli. Le rapport de M. Garot ne se traduira donc pas par un projet de loi, mais prendra la forme d’une initiative parlementaire, c’est-à-dire d’une proposition de loi.

M. Garot devra rendre son rapport en avril, au terme du délai de six mois.

Sourires.

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Heureusement que le président du groupe socialiste est là !

Debut de section - Permalien
Thierry Braillard, secrétaire d’état chargé des sports

C’est en effet un délai maximum. De ce rapport va déboucher, je le répète, une proposition de loi. L’objectif n’est pas de voter une proposition de loi émanant, par exemple, du groupe socialiste, du groupe radical de gauche ou du groupe écologiste, mais de présenter un texte qui recueille un consensus. Monsieur Decool, votre travail a été loué par chacun, et par moi le premier, ce matin : vous n’avez pas travaillé pour rien et nous n’avons pas décidé de rejeter votre proposition de loi d’un revers de main. Nous disons que cette dernière servira certainement à la confection de la proposition de loi consécutive au rapport de M. Garrot. Cela permettra, contrairement à ce que disait Mme Dalloz, de bâtir un texte dans l’esprit du 11 janvier et qui, je l’espère, recueillera un consensus sur tous les bancs de cette assemblée.

Je voulais ainsi rappeler la position du Gouvernement et dire que ce n’était pas faire preuve de sectarisme que de soutenir la motion de renvoi en commission. Nous ne faisons pas au motif que M. Decool est l’auteur de cette proposition ; tout au contraire, le fait que celui-ci ait rédigé ce texte permettra d’agrémenter une proposition de loi qui, je l’espère, fera consensus, sur un sujet qui nous concerne tous et qui est une priorité, contrairement à ce que disait Mme Dalloz tout à l’heure dans sa conclusion. Mme Dalloz n’a d’ailleurs tenu que des propos méchants et partisans, alors que ce sujet mérite, à mes yeux, que l’on élève un peu le débat.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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J’ai reçu de M. Bruno Le Roux et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Guillaume Garot.

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Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, je me réjouis que l’Assemblée puisse débattre d’un sujet aussi important – je dirais même majeur – que celui du gaspillage alimentaire. On l’a tous constaté dans nos circonscriptions : les initiatives – en provenance des associations, des groupes locaux, des supermarchés et même des industriels – se multiplient pour lutter contre ce fléau.

Vous l’avez dit également, lorsque j’étais au Gouvernement, en charge de l’agroalimentaire, j’avais lancé le pacte national contre le gaspillage alimentaire en fixant un objectif très simple, reprenant ce qu’avait énoncé la Commission européenne : diviser de moitié le gaspillage d’ici à 2025. Je ne cache pas que j’ai fait fructifier certaines actions qu’avait, avant moi, engagées Bruno Le Maire, alors ministre de l’agriculture.

Mais, aujourd’hui, nous voyons bien que nous devons passer à une nouvelle étape de la lutte contre le gaspillage alimentaire. En effet, les bonnes volontés – qui ont le mérite d’exister et sont bien sûr nécessaires – ne suffisent plus. Le temps est venu d’inventer une politique publique contre le gaspillage alimentaire, car des verrous et des blocages demeurent sur le terrain. Aujourd’hui, il nous faut tout faire pour permettre à des initiatives de s’épanouir en France et pour atteindre les objectifs que nous avons fixés.

Cette politique publique contre le gaspillage, que j’appelle de mes voeux, a du sens, car elle s’inscrit dans le cadre d’un objectif fondamental, à savoir relever le défi alimentaire qui est devant nous. Comme cela a été rappelé, notamment par Jean-Pierre Decool, nous sommes aujourd’hui sept milliards d’êtres humains. En 2050, nous serons neuf milliards, et la FAO nous dit une chose très simple : pour nourrir deux milliards d’êtres humains supplémentaires, il faudrait que nous augmentions la production agricole de pas moins de 70 %. Or – faut-il le rappeler ? –, on n’a qu’une planète. Dans le même temps, la FAO nous dit que 30 % de la production agricole est aujourd’hui perdue, gâchée, parce que, en particulier dans les pays en voie de développement, on ne sait pas bien stocker, transporter, transformer sur place. Là réside le défi alimentaire. On voit bien, lorsqu’on met en relation ces deux chiffres, que la première chose à faire est d’éviter de gaspiller, de perdre l’alimentation. Tel est le sens ultime de la politique contre le gaspillage alimentaire que nous devons mener.

Nous sommes confrontés à un vrai choix de société, celui de produire autrement, de consommer autrement et, sans doute, de vivre ensemble autrement pour lutter contre la surconsommation, en particulier dans les pays développés. Sur ce terrain, la France a un rôle majeur à jouer. Je le sais d’expérience, nous sommes attendus ; la FAO, l’Union européenne nous attendent et nous demandent d’ouvrir le chemin d’une grande politique contre le gaspillage alimentaire, parce que, après nous, d’autres pays pourront suivre, mettant en oeuvre, dans leur espace, leurs propres politiques publiques. Nous avons donc une responsabilité à assumer.

La proposition de Jean-Pierre Decool a le mérite de s’inscrire dans le cadre de cette mobilisation que l’on voit partout en France et, à ce titre, il convient de la saluer.

Mais il faut reconnaître – cela a été dit par plusieurs orateurs – que ce texte souffre aussi d’insuffisances, que Jean-Pierre Decool a d’ailleurs reconnues à mi-mots.

D’abord, la proposition de loi initiale est incomplète, notamment s’agissant des conventions que M. Decool appelle de ses voeux entre les grandes surfaces et les associations de solidarité. En effet, ces dernières ont immédiatement réagi en disant qu’elles n’avaient pas à être les centres de tri des grandes surfaces ; il faut évidemment les entendre.

Par ailleurs, comme je l’ai également dit à Jean-Pierre Decool, qui l’a reconnu, cette proposition de loi, en tout cas dans sa version initiale, est incomplète en ce qu’elle ne traite pas certains sujets. La lutte contre le gaspillage ne peut en effet se réduire au don alimentaire, à ces invendus qui seraient ensuite récupérés par les associations de solidarité. La proposition de Jean-Pierre Decool fait l’impasse sur des pans entiers de la réalité du gaspillage alimentaire, aujourd’hui, dans notre pays. On sait bien, j’y insiste, que le gaspillage ne se résume pas aux invendus des supermarchés. Comme Barbara Pompili le disait avec beaucoup de justesse, il concerne aussi le producteur, qui laisse des récoltes dépérir dans le champ ou le verger, faute de prix rémunérateur.

Le gaspillage, comme le disait Hervé Pellois, se trouve aussi chez les industriels, qui voient des lots refusés par la grande distribution alors qu’ils sont consommables. Le gaspillage, enfin, est le fait de chacun de nous, quand nous oublions un pot de yaourt ou une tranche de jambon au fond du frigo. C’est tout cela, le gaspillage, et cela représente des volumes considérables.

Par conséquent, si l’on veut être efficace dans la lutte contre le gaspillage, il faut agir en même temps sur chacun des maillons de la chaîne alimentaire – il faut voir large. Je vous propose de poser des principes afin de structurer cette future politique que nous pourrions imaginer ensemble.

Le premier principe consiste à responsabiliser chaque acteur face au gaspillage alimentaire. Je considère, comme vous sans doute, que chacun a des droits mais aussi des devoirs. Pour que nous avancions ensemble et que nous soyons efficaces, chaque acteur doit s’engager et, donc, disposer de l’information adéquate. Il faut que nous en venions à une logique du donnant-donnant, surtout lorsqu’il y a des réductions fiscales à la clé.

Le deuxième principe est de redonner de la valeur à l’alimentation, comme Jean-Paul Tuaiva le disait tout à l’heure avec beaucoup de justesse. Rien ne sera possible tant qu’on considérera que l’alimentation a une faible valeur. Cette valeur est non seulement économique, mais aussi patrimoniale, culturelle. Quand on respecte l’alimentation, on respecte aussi le travail de celui qui la produit.

Or, le respect de l’alimentation ne va pas de soi : cela s’apprend. Cela renvoie à la question de l’éducation à l’alimentation, à la fois pour bien se nourrir et pour moins jeter. Ces préceptes doivent être transmis dès l’école. C’est à l’évidence un pan très important d’une future politique de lutte contre le gaspillage.

Le troisième principe que j’aimerais évoquer devant vous, c’est l’idée de faire émerger un nouveau modèle de développement pour produire autrement et consommer autrement. Partout en France, on l’a vu, des initiatives sont prises, des expérimentations sont menées qui créent de l’activité, une nouvelle richesse, et même des emplois. De nouveaux besoins sont en effet apparus, comme celui de mettre en relation différents acteurs. Des jeunes entreprises ont ainsi pu créer de la richesse, de la solvabilité en s’appuyant sur les nouvelles technologies. De la même façon, les marchés de gros sont un vivier pour les emplois d’insertion, comme l’indiquait tout à l’heure Gisèle Biémouret avec beaucoup de conviction. En d’autres termes, un nouveau modèle économique est en train d’émerger, et notre responsabilité en tant que législateur est de lui permettre de s’épanouir, de se développer.

Tels me paraissent devoir être les principes sur lesquels fonder une future politique de lutte contre le gaspillage. À présent, j’en viens aux sujets de fond qu’il faut aborder.

Le premier est la mesure du gaspillage alimentaire. Certains d’entre vous ont avancé des chiffres, et j’en ai moi-même mentionné quelques-uns, mais ils ne sont fondés que sur des estimations, des évaluations. Il n’y a à ce jour aucune donnée consolidée sur le sujet.

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Concentrons notre énergie sur les vrais problèmes !

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Pour tenir nos objectifs de réduction du gaspillage, nous devons tout d’abord savoir de quoi l’on parle et d’où l’on part : c’est le fameux T0 dont nous nous sommes longuement entretenus avec toutes les personnes que nous avons auditionnées. Nous ne pourrons mener une politique sérieuse si nous ne pouvons nous appuyer sur une mesure fiable du gaspillage. C’est un sujet majeur.

Le deuxième sujet de fond, c’est la mobilisation durable des acteurs. En matière de lutte contre le gaspillage, vous le savez comme moi, on ne peut pas s’en tenir à l’action sans lendemain, au « coup de com’ », au temps des caméras. Il faut au contraire de la constance, de la détermination – de la durée, tout simplement. Pour changer en profondeur, il faudra donc mobiliser tous les acteurs dans la durée, et selon une stratégie qui devra se déployer au niveau territorial, car c’est à cette échelle que l’on est efficace. Nous verrons ensuite plus précisément quel échelon il faudra choisir : c’est un des sujets que nous aurons à traiter ensemble en élaborant un nouveau cadre législatif pour cette politique, afin que les initiatives puissent s’épanouir sereinement et avec force.

Le troisième sujet est celui de la création d’outils efficaces contre le gaspillage. En effet, ce que nous disent ceux qui sont sur le terrain aujourd’hui, c’est qu’ils voudraient agir, mais ne savent pas comment faire. Un restaurateur souhaitant mettre en place le principe du doggy bag m’a ainsi demandé si cela pouvait engager sa responsabilité. Il faut répondre à ce restaurateur et le rassurer. Un gestionnaire de lycée m’a fait part de sa volonté de lutter contre le gaspillage dans sa cantine, car trop de choses partent à la poubelle à la fin du service. Il faut lui donner des outils pour cela.

Notre responsabilité en tant que politiques est d’accompagner tous ces gens, de les orienter, de leur donner les moyens d’intervenir le plus rapidement et le plus efficacement possible. En un mot, le rôle de l’État est de mettre des outils à la disposition des acteurs, non pas pour se substituer à eux, mais pour libérer les énergies, promouvoir les initiatives qui aujourd’hui ne demandent qu’à naître et à se déployer sur le terrain.

C’est la raison pour laquelle j’avais proposé en commission, à la suite de ce qu’avait énoncé le président François Brottes, que nous travaillions ensemble dès la remise du rapport que je suis en train de finaliser, afin d’élaborer une proposition de loi conjointe qui couvrirait l’ensemble des champs du gaspillage alimentaire et apporterait des solutions adaptées à chacun d’entre eux. Ce travail se nourrirait non seulement de ce rapport et des travaux du Comité national de pilotage du pacte national contre le gaspillage alimentaire, mais aussi des contributions de chaque sensibilité politique présente à l’Assemblée nationale.

J’ai la conviction que c’est de cette façon que nous serons efficaces et que nous accomplirons véritablement un beau travail. C’est ainsi que nous donnerons un nouveau cadre législatif complet à cette politique et que nous pourrons faire des propositions très précises au Gouvernement afin de disposer de l’accompagnement réglementaire adéquat, aussi rapidement que possible. C’est aussi de cette manière que nous pourrons faire des propositions contractuelles aux acteurs. En effet, on le voit bien, la lutte contre le gaspillage doit s’appuyer non seulement sur un cadre législatif et des mesures réglementaires, mais aussi et surtout sur les initiatives de ceux qui sont aujourd’hui engagés sur le terrain.

Cette proposition est sur la table. Je souhaite que Thierry Mariani reste enthousiaste…

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…et vote, le jour venu, cette proposition de loi que nous allons écrire ensemble. Nous avons la conviction que cette méthode est une belle façon de faire de la politique, car les Français attendent de nous que nous soyons au rendez-vous de l’efficacité et de la cohérence, que nous sachions mettre de côté les étiquettes politiques pour travailler ensemble, et travailler bien.

Je vous propose donc de renvoyer en commission le texte présenté aujourd’hui, de façon que, sur la base du rapport que je présenterai au Premier ministre enrichi des contributions de chacun, nous puissions fonder ensemble une grande et nécessaire politique publique contre le gaspillage alimentaire.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, la première réaction que m’inspire l’annonce de cette motion de renvoi en commission est la stupeur, et je pèse mes mots. Je vous permettrai de me juger lorsque j’aurai terminé mon intervention, vous comprendrez que j’ai quelque raison d’être stupéfait.

Je suis stupéfait donc que le groupe socialiste ait opéré un tel revirement, après les premiers engagements de co-élaboration, de travail « intergroupes », de franchissement des frontières partisanes qui avaient été formulés en commission des affaires économiques. Je suis stupéfait de voir autant de gages de bonne foi et de consensus balayés d’un revers de main par cette procédure, qui n’a pour objet que de faire obstacle au débat.

La proposition de loi que nous pourrions examiner a franchi le stade des débats en commission considérablement affaiblie, puisqu’elle se résume à présent à une unique demande de rapport au Gouvernement. Le groupe socialiste, par la voix du président Brottes, avait justifié ce détricotage par le souci d’éviter de donner une fin de non-recevoir à cette initiative de bon sens. « Au fond, il est impossible de voter contre un texte comme celui-là. Je n’ai, quant à moi, pas voulu envisager que l’issue de l’examen en séance publique puisse être le renvoi en commission, alors que nous sommes d’accord sur ce sujet. Aussi ai-je écarté cette hypothèse, pour des raisons à la fois politiques et éthiques. » Ces propos ne sont pas les miens, mais ceux du président Brottes.

Vous comprendrez donc mon étonnement, pour ne pas dire ma sidération face à la situation. Cette motion de renvoi en commission non seulement nous empêche de débattre, ce qui peut être considéré comme un comble alors que la journée est censée être dédiée aux initiatives de l’opposition, mais compromet aussi les promesses de travail transpartisan qui ont été faites en commission. Le programme de travail était lancé : une proposition de loi « intergroupes » avec un échéancier serré après la remise du rapport de Guillaume Garot. Tout cela est coupé dans son élan.

Un sujet aussi essentiel que la lutte contre le gaspillage alimentaire devrait nous rendre solidaires, nous unir. Il n’est plus que l’occasion de manoeuvres que l’on pourrait qualifier de politiciennes. Malgré ma longue expérience politique, je ménageais l’espoir de ne pas voir se produire un tel scénario.

En tant qu’élus, nous avons une responsabilité collective, celle de ne pas adresser à nos concitoyens, aux bénévoles, qui ne comptent pas leurs heures, un message aussi désastreux. Je voterai personnellement contre cette motion de renvoi en commission pour que le débat ait lieu.

Mais après vous avoir entendu, cher Guillaume Garot, je constate que l’on revient ici, en dépit de la procédure, à un état d’esprit plus coopératif. Sachez que pour ma part, quelle que soit l’issue de cette procédure, je resterai attentif aux petites gens, à celles et à ceux que nous n’avons n’a pas le droit de laisser sur le bord du chemin.

Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.

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La parole est à M. Thierry Mariani, pour un rappel au règlement.

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Mon rappel se fonde sur l’article 58, alinéa 1 de notre règlement, monsieur le président, et sera bref.

Monsieur Garot, comme l’a dit M. Decool, un travail « intergroupes » peut avoir lieu. Si vous vous engagiez à cosigner votre proposition de loi avec M. Decool, nous serions alors convaincus de la sincérité de votre démarche. En revanche, si elle n’est signée que de votre seul nom ou de ceux de membres du groupe socialiste,…

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…nous serons enclins à penser, comme l’a expliqué M. Decool, qu’il s’agit d’une simple manoeuvre.

J’aimerais donc savoir, pour la suite de la séance et la compréhension de chacun, si vous vous engagez à ce que la proposition de loi à venir soit un texte commun.

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Ou qu’il y ait un rapport Garot et une proposition de loi Decool !

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Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à Mme Marianne Dubois, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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Les membres du groupe UMP ne voteront pas cette motion. Bien entendu, monsieur Garot, vous n’avez pas répondu à la proposition de mon collègue. Par ailleurs, le procédé qui a été utilisé n’est pas fair-play, pour reprendre un terme sportif, monsieur le secrétaire d’État. Nous regrettons que le travail de Jean-Pierre Decool soit ainsi vidé de sa substance, vampirisé et repris par le groupe SRC pour son compte.

Nous prendrons cependant toute notre part dans les prochains débats sur ce sujet essentiel, sans approche politicienne, tout simplement pour l’intérêt général.

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La parole est à M. Jean-Paul Tuaiva, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Le groupe UDI réaffirme son attachement à la lutte contre le gaspillage alimentaire et son soutien à la proposition de loi initiale de Jean-Pierre Decool, qui fait preuve de bon sens.

Malgré l’instauration d’un pacte national contre le gaspillage alimentaire, les dispositifs concrets tardent à venir. Or nous ne pouvons plus nous permettre d’attendre davantage. Il est urgent d’agir. Nous ne comprenons pas l’intérêt de renvoyer en commission un texte proposant une simple demande de rapport.

Le groupe UDI votera donc contre cette motion, tout en prenant acte de l’invitation de M. Garot à travailler ensemble sur la base du rapport qu’il remettra dans quelques semaines. En attendant, l’adoption de la proposition de M. Decool serait un signal plus que positif pour entamer ce vaste chantier que représente le combat contre le gaspillage alimentaire. Nous devons montrer aux Français notre engagement, en proposant des mesures fortes et ambitieuses. Le groupe UDI soutiendra donc les amendements proposés par le rapporteur.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La parole est à M. Jacques Moignard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Il est incroyable que, sur un sujet qui fait autant consensus, les députés ne puissent s’en sortir de façon honorable. Nous soutenons tous les propositions de M. le rapporteur. Mais que l’on fasse ce que l’on appelle chez nous de la « politicaille », que l’on cherche à savoir lequel des députés tirera son épingle du jeu et profitera de l’éventuelle médiatisation du sujet est particulièrement lamentable. Un rapport doit être rendu rapidement – on a parlé du mois d’avril. Il devra mieux cerner les contours de la question que ce qui a été fait jusqu’à présent par le rapporteur. Le groupe RRDP estime que ce texte doit être renvoyé en commission afin que nous votions ensemble, dans les mois à venir, une loi plus adaptée.

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Thierry Braillard, secrétaire d’état chargé des sports

Très bien !

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La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.

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Le groupe écologiste votera pour cette motion de renvoi en commission. Sur ce sujet si important qu’est le gaspillage alimentaire, malgré de nombreuses déclarations et communications, malgré tous les efforts déployés, nous patinons, nous n’avançons pas.

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Un travail sérieux, collaboratif, est mené depuis le mois de septembre. Il permettra d’aboutir, nous l’espérons tous, à une proposition de loi dans des délais très courts. Ce texte balaiera tous les aspects du sujet et aura enfin une effectivité réelle sur le terrain, au-delà de la bonne conscience que tout un chacun peut se donner sur ce sujet.

Évidemment, nous participerons à son élaboration, une fois les travaux de M. Garot conclus. Nous voterons donc ce renvoi en commission, qui est dans la continuité du travail que nous menons ensemble.

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La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Je veux vous faire part de mon étonnement et de ma déception. J’ai l’impression d’assister à un jeu de dupes, où le plus fort gagne. Le texte de mon ami Jean-Pierre Decool allait dans le bon sens. Il a été vidé de sa substance en commission. Je le déplore et, au nom du groupe GDR, ne peux que voter contre cette motion.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe UMP

Très bien !

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La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Lorsqu’il y a quelques jours, dans ce même hémicycle, nous avons abordé ce sujet, j’ai pris des engagements. Bien sûr, on peut accepter de passer à l’examen des propositions de loi issues de l’opposition en se disant que leur chance d’aller au terme de la longue procédure parlementaire est infime. Mais sur ce sujet, nous devons avancer vite et ensemble.

Je me félicite que le Gouvernement ait demandé à un parlementaire de lui rendre un rapport, car l’expertise sur ce domaine se situe entre ceux qui font la loi et ceux qui sont au plus près du terrain. Guillaume Garot remettra ce rapport prochainement. Je me suis engagé à réserver le premier créneau parlementaire qui suivra pour inscrire la proposition de loi à l’ordre du jour. Une niche parlementaire n’y suffira pas : le texte attendu sera beaucoup plus dense que la présente proposition, laquelle ne reflète qu’une petite partie des mesures qui doivent être prises pour éviter tout gaspillage alimentaire. Je demande donc au Gouvernement de relayer cet engagement par une inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour prioritaire, afin qu’elle puisse avancer rapidement.

La même philosophie a prévalu sur un sujet difficile et qui, malgré nos voeux, n’est pas aussi consensuel : la fin de vie. Le groupe majoritaire a respecté ses engagements, faisant en sorte qu’un rapport, rédigé par deux parlementaires, un de l’opposition et un de la majorité, donne lieu à l’examen d’une proposition de loi commune.

Après le rapport de Guillaume Garot, si nous nous retrouvons autour de deux propositions de loi similaires, je m’engage au nom du groupe socialiste à faire en sorte qu’un seul texte soit déposé, cosigné par tous. Si ce n’est pas le cas et que deux textes différents sont proposés, je demanderai qu’ils soient discutés de façon conjointe, afin que la paternité du texte, utile pour toutes les petites gens comme l’a dit M. Decool, soit partagée par tous.

Il s’agit d’un sujet prioritaire, qui exige de la célérité. La procédure sera engagée dès la remise du rapport, et je souhaite un dépôt commun pour un examen commun. C’est la raison pour laquelle je soutiens le renvoi en commission.

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, est adoptée.

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L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Marcel Bonnot et François Vannson et plusieurs de leurs collègues relative à la maladie de Lyme (nos 2291, 2526).

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La parole est à M. François Vannson, rapporteur de la commission des affaires sociales.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi relative à la maladie de Lyme déposée par Marcel Bonnot.

Il s’agit d’un texte auquel je suis particulièrement attaché, un texte né du constat des situations difficiles auxquelles nombre de nos concitoyens sont confrontés dans l’approche de cette maladie. Il a malheureusement été rejeté en commission, ce que je regrette à titre personnel. Aussi, j’attends beaucoup de cette discussion dans l’hémicycle et j’espère qu’une majorité de nos collègues seront convaincus du bien-fondé de ce texte.

La maladie de Lyme, ou borréliose de Lyme, est une maladie infectieuse due à une bactérie et transmise par une piqûre de tique. Cette zoonose, identifiée en 1975 dans le comté de Lyme aux États-Unis, est bien connue en milieu rural. Elle est aujourd’hui très présente sur la quasi-totalité du territoire, en particulier dans les zones rurales et boisées. Elle soulève plusieurs enjeux : les difficultés de diagnostic clinique et biologique, les voies de traitement, la cartographie et la nécessaire prévention.

D’abord, la maladie de Lyme possède donc la particularité d’être difficile à diagnostiquer, en raison de la complexité de l’analyse clinique et de difficultés liées à la sérologie. Elle se caractérise en effet par la succession de trois phases associées à des manifestations cliniques variées conduisant la communauté médicale et scientifique à une extrême prudence dans la délivrance du diagnostic.

Cet enjeu se fait plus prégnant s’agissant du caractère chronique de la maladie, dont la reconnaissance divise la communauté médicale et scientifique. Cette situation est toutefois difficile à vivre pour certains patients, plongés dans un terrible désarroi. En effet, beaucoup ne peuvent mettre un nom sur le mal dont ils souffrent, du fait de la méconnaissance de cette maladie et de la difficulté à la diagnostiquer.

L’analyse biologique, au travers principalement de la sérologie, se révèle également difficile. Elle repose sur deux tests, un de dépistage et un de confirmation, dont la fiabilité est aujourd’hui mise en question, ce que confirme le rapport du Haut conseil de la santé publique.

Le test de dépistage pratiqué en France, le test ELISA, serait en effet élaboré à partir de souches américaines qui ne correspondent pas forcément aux formes de borrélies que l’on peut trouver sur notre territoire. Il existe plusieurs formes différentes de borrélies dans le monde. Une récente étude publiée par l’Université John Hopkins de Baltimore a montré que le protocole de test ELISA ne permettait même pas de détecter un quart des cas de maladie de Lyme.

Ce manque de fiabilité des tests, constaté donc par le Haut conseil, nous permet de douter du nombre de cas recensés en France : ils seraient 15 à 20 000, alors qu’en Allemagne, où l’approche de la maladie est différente, on en dénombre un million ! En s’arrêtant sur ces chiffres, on peut raisonnablement penser que de nombreux malades français sont passés à travers les mailles du filet du diagnostic, et souffrent, ou risquent de souffrir, de la forme chronique sans bénéficier du traitement adapté.

S’agissant du traitement justement, des divergences apparaissent également. Si tout le monde s’accorde à reconnaître qu’une antibiothérapie est efficace au stade primaire de la maladie, les avis divergent lorsqu’il est question du caractère chronique et des traitements associés. D’un côté, le corps médical a la crainte légitime d’attribuer à tort des manifestations symptomatiques à la maladie de Lyme ; de l’autre, les patients, pour lesquels l’antibiothérapie prolongée pourrait représenter une solution, sont plongés dans le désarroi.

Il n’est pas de notre rôle de prendre parti sur ce sujet, mais de permettre que la question du traitement soit réenvisagée. J’espère notamment qu’une nouvelle conférence de consensus verra le jour sur la maladie de Lyme, surtout donc s’agissant du traitement.

La cartographie des zones à risques constitue un troisième sujet important pour l’ensemble des acteurs. Elle existe, mais elle pourrait être plus complète. Au cours de mes auditions, il a ainsi été suggéré de faire ressortir le taux de tiques infectées ou de parvenir à un recensement plus fin des maladies de Lyme dûment diagnostiquées.

Le dernier enjeu, et non des moindres, est celui de la prévention. Tous les acteurs s’accordent sur l’impérieuse nécessité d’une information sur les modalités de prévention primaire – vêtements longs, répulsifs – comme secondaire – retrait de la tique. Les patients et le corps médical doivent être davantage sensibilisés à ces mesures simples mais très efficaces.

Enfin, j’aimerais souligner l’intérêt de cette proposition de loi après la discussion que nous avons eue en commission.

On pourra objecter que ce texte est d’ores et déjà satisfait par la publication très opportune d’un rapport du Haut conseil de la santé publique, en décembre 2014. Permettez-moi tout d’abord de constater qu’il a fallu attendre l’adoption définitive d’une proposition de résolution européenne et le dépôt de la présente proposition de loi le 14 octobre 2014 pour déclencher la publication du rapport du Haut conseil, le 4 décembre dernier. Sinon, il ne serait probablement toujours pas paru aujourd’hui. Par ailleurs, ce document constitue un point de départ dans l’approche nouvelle que nous devons avoir de cette maladie, d’où l’intérêt de cette proposition de loi pour faire bouger les lignes et appréhender au mieux cette pathologie dans notre pays, en prenant comme postulat de départ les constatations du rapport.

C’est tout l’enjeu du rapport demandé à l’article 1er. À mon sens, ce document n’a pas vocation à être la réédition des travaux menés par le Haut conseil, mais un état des lieux de ce qui aura été fait à la suite de vos annonces, madame la secrétaire d’État. J’ai déposé un amendement précisant cette intention.

Les conclusions du HCSP ne visent pas à mettre un terme aux controverses scientifiques mais appellent au contraire un approfondissement de ces questions. Le Parlement doit faire en sorte que tout soit mis en oeuvre pour permettre à la communauté médicale et scientifique de se poser toutes les questions, même les plus iconoclastes, et d’apporter des réponses sans équivoque au terme d’échanges, d’analyses et de débats.

Avec l’article 2, c’est le rôle des professionnels de santé qui doit être amplifié, grâce à l’intégration de la maladie de Lyme dans la formation continue. J’estime en effet que tout doit être mis en oeuvre pour que les médecins soient en mesure de poser un diagnostic dès le stade primaire de la maladie.

Avec les articles 3 et 4, c’est la prise en charge de la borréliose de Lyme qui est en jeu, au travers d’un plan national. Ce plan, étalé sur cinq ans, couvrirait tous les aspects, depuis la surveillance épidémiologique jusqu’à la prise en charge des patients en passant par une politique de prévention adéquate.

L’existence de controverses scientifiques ne doit pas constituer un abcès de fixation. Les différentes démarches diagnostiques et thérapeutiques doivent pouvoir être retenues ou écartées au terme d’examens, de débats et d’évaluations, dans un climat apaisé. Les conclusions et recommandations qui en résulteraient doivent également pouvoir être largement diffusées et expliquées. Tel est l’enjeu de cette proposition de loi.

Sans nous substituer aux représentants de la communauté scientifique et médicale, il est de notre rôle de parlementaires de permettre que toute la lumière soit faite sur cette maladie. Je pense par exemple à la question des risques éventuels de transmission par voie sanguine ou materno-foetale de la maladie. Le professeur Luc Montagnier indiquait encore la semaine dernière, lors d’une réunion publique, que cette possibilité n’était pas à exclure.

Notre histoire récente est marquée par un certain nombre de scandales sanitaires ayant pour origine des failles dans l’appréhension de certaines pathologies. Les nombreux témoignages que nous avons pu recevoir de praticiens et de patients mettent en lumière une certaine forme de déni de cette maladie dans notre pays, alors que bon nombre d’autres États se sont emparés de la question. Je pense notamment aux États-Unis, où la communauté politique s’est saisie de ce sujet de manière très consensuelle, ce qui a permis de grandes avancées dans l’appréhension de cette maladie.

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J’espère qu’il en sera de même aujourd’hui, mes chers collègues. Le vote de ce texte ne pourra avoir que des effets favorables sur l’approche de cette pathologie. Les malades comptent sur vous. Pour beaucoup d’entre eux, fortement atteints, le diagnostic et le traitement de la maladie ont représenté un véritable parcours du combattant. Il en est de même pour les spécialistes de la maladie dont l’avis diverge de celui de la conférence de consensus.

Mes chers collègues, la maladie n’a pas de couleur politique. Je compte sur votre soutien total. Sur ce sujet, les actions des gouvernements successifs, de droite comme de gauche, n’ont pas été suffisantes ces dernières années. Il est de notre rôle de parlementaires d’y remédier,…

Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.

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La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Monsieur le rapporteur, vous avez souhaité soumettre au débat parlementaire une proposition de loi relative à la maladie de Lyme, une maladie encore mal connue du grand public qui touche particulièrement les régions de l’est de notre pays. Ce débat nous donne aujourd’hui l’occasion d’informer et de sensibiliser nos concitoyens à cette maladie, qu’il est possible de prévenir par des gestes simples.

En effet, la borréliose de Lyme est une maladie infectieuse due à une bactérie, Borrelia burgdorferi, transmise par une piqûre de tique du genre ixodes ricinus. Cette zoonose, identifiée en 1975 dans le comté de Lyme, aux États-Unis, est bien connue en milieu rural. Les forestiers et les chasseurs sont les principaux groupes à risques.

Ce sont les tiques qui véhiculent la maladie en propageant la bactérie responsable : elles sont donc des réservoirs d’agents infectieux. Au niveau mondial, les tiques sont considérées comme le deuxième vecteur de propagation de la maladie après les moustiques. Toutefois, il faut le rappeler avec force, toutes les morsures de tique ne transmettent pas la maladie de Lyme. En outre, la densité de tiques varie d’une région à l’autre et d’une forêt à l’autre au sein d’une même région, voire au sein d’une même forêt.

La borréliose de Lyme fait depuis plusieurs années en France l’objet d’une surveillance, chez l’homme comme chez l’animal, ce qui a permis de mettre en évidence l’extension géographique progressive des zones à risques, comme dans l’ensemble des pays tempérés. Cette maladie peut être contractée sur tout le territoire national, à l’exception de la haute montagne, à une altitude supérieure à 1 700 mètres, et du littoral méditerranéen, dans les zones sèches, milieux peu favorables à la survie des tiques. Dès 2013, le Centre national d’expertise sur les vecteurs a réalisé une cartographie précise de la progression géographique des tiques vectrices de cette maladie sur notre territoire. Je sais, monsieur le rapporteur, que cette cartographie fait partie des demandes de votre proposition de loi. Cependant, selon les experts européens, la cartographie de distribution des tiques dont nous disposons en France est plus précise que celle qui existe en Allemagne.

Actuellement, la surveillance de la maladie de Lyme est réalisée sous la coordination de l’Institut de veille sanitaire, l’InVS, par plusieurs réseaux de médecins volontaires qui déclarent les cas survenus dans leur région. Les données proviennent des études issues de la surveillance nationale du réseau Sentinelles, des études régionales du Centre national de référence des Borrelia, des données sérologiques transmises par les laboratoires ainsi que des études régionales de l’InVS. Les données de séroprévalence proviennent également des études de la Mutualité sociale agricole. Le site internet de l’InVS permet de suivre l’épidémiologie de cette maladie à travers les données collectées.

Inévitablement, ce débat pose la question du nombre de personnes infectées par la maladie. Il me semble important de rappeler les chiffres exacts. Aux États-Unis, une estimation officielle de 2013 fait état de 300 000 cas chaque année. En Europe, le nombre de cas annuel est estimé entre 65 000 et 85 000, avec d’importantes variations régionales. Certains pays rapportent une tendance à la stabilité, c’est le cas de la Slovaquie, de la Hongrie, de la Lettonie, de la Croatie ou de la République Tchèque, tandis que d’autres, comme les Pays-Bas et l’Allemagne, connaissent une tendance à l’augmentation depuis les années 1990.

En France, selon les données disponibles, on estime le nombre moyen annuel de cas de maladie de Lyme à 27 000, soit un taux d’incidence annuel moyen de 43 cas pour 100 000 habitants, stable au cours des trois dernières années. Les taux d’incidence au niveau régional et départemental sont très variables : par exemple, l’Alsace et le département de la Meuse présentent un taux d’incidence élevé, supérieur à 100 cas pour 100 000 habitants, alors que les régions Centre, Basse-Normandie et Aquitaine connaissent des taux plus bas, proches de 10 cas pour 100 000 habitants.

Selon les autorités sanitaires, le nombre de cas annuels est de 90 000 en Allemagne. Ce nombre plus élevé qu’en France est à mettre en regard de la différence de population entre les deux pays et du fait que la borréliose est plus fréquente dans le nord de l’Europe.

La borréliose de Lyme est donc une maladie infectieuse, transmise par les tiques et dont l’évolution reste favorable lorsqu’elle est diagnostiquée et traitée précocement. Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments cliniques biologiques, microbiologiques et épidémiologiques. La symptomatologie, le diagnostic et le traitement de la maladie de Lyme sont bien documentés en cas de morsure récente et de symptômes nets comme l’érythème migrant, caractéristique et présent dans la grande majorité des cas.

En revanche, en cas de morsure ancienne et devant des symptômes peu spécifiques, la démarche diagnostique et thérapeutique est plus complexe. Une conférence de consensus visant à éclairer la prise de décision dans des situations complexes a été organisée dès 2006, permettant de rassembler l’ensemble des disciplines concernées par ce sujet, de rapprocher et de confronter des connaissances, et de répondre à des questions précises sur la clinique, le dépistage et les traitements.

Dès juillet 2012, la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Marisol Touraine, a saisi le Haut conseil de la santé publique pour actualiser l’état des connaissances sur cette maladie, son épidémiologie, les techniques diagnostiques et les traitements. Le Haut conseil a publié son rapport en décembre dernier. Dans ce rapport, très complet et consultable par tous sur le site internet du Haut conseil, les experts confirment l’importance de mieux affiner le diagnostic de cette maladie et la sensibilité des tests utilisés.

Les définitions sont au coeur de la controverse portée par certaines associations de patients sur la maladie de Lyme. Le rapport du HCSP rappelle les trois phases de la maladie décrites dès 2006 : phase primaire, phase secondaire et phase tertiaire, désormais appelées phase précoce localisée, phase précoce disséminée et phase tardive. Il évoque aussi l’existence de situations cliniques ne permettant pas d’établir un diagnostic précis.

Certaines associations invoquent auprès du ministère chargé de la santé – et, je le sais, également auprès de vous, mesdames et messieurs les députés, depuis plusieurs semaines – l’idée selon laquelle la chronicité de la maladie de Lyme ne serait pas reconnue, ce qui est erroné. Elles cherchent à expliquer que de très nombreuses manifestations cliniques relèveraient d’une maladie de Lyme non diagnostiquée en raison de diagnostics inefficients.

Il faut rappeler que la maladie peut prendre plusieurs formes cliniques et que les phases secondaire et tertiaire n’apparaissent qu’en l’absence de traitement en phase primaire. Un traitement antibiotique simple, initié rapidement et bien conduit a toute raison d’être actif et efficace. Dans les situations peu claires, soit sur le plan clinique, soit sur le plan biologique, les recommandations incitent à la prudence en matière de traitement antibiotique, et tout doit d’abord être mis en oeuvre pour étayer un diagnostic.

Il est important d’expliquer que les tiques peuvent être infectées par différents agents pathogènes, dont la transmission simultanée pourrait expliquer certaines formes cliniques atypiques et la résolution incomplète des symptômes après traitement antibiotique. Ainsi, encore plus que pour toute autre maladie infectieuse, les résultats des examens biologiques, notamment de la recherche des anticorps de la borréliose, doivent être interprétés au regard du tableau clinique.

Une sérologie en deux temps est et reste recommandée. Le test immuno-enzymatique de dépistage, le test ELISA, est utilisé en première intention. Devant un résultat douteux ou négatif associé à un tableau clinique évocateur, un second prélèvement permettra de conclure. Des résultats positifs dans les deux classes d’anticorps conduisent à la réalisation d’une confirmation par immuno-empreinte appelée « western blot » afin de confirmer le résultat. Cette démarche est validée au niveau européen et par les experts du HCSP.

Les difficultés diagnostiques peuvent également être liées à la performance des tests, à l’hétérogénéité des espèces de Borrelia en Europe et à la possibilité de réactions croisées avec d’autres agents infectieux.

Pleinement conscient de l’importance de disposer de diagnostics plus fiables encore, le Gouvernement souhaite mettre en oeuvre les recommandations formulées dans le rapport du HCSP de décembre dernier. Il entend réaliser des études cliniques associant infectiologues, dermatologues, rhumatologues, cardiologues et neurologues, des études épidémiologiques et diagnostiques associées à des études sociologiques, et mettre en place des essais cliniques randomisés sur les traitements.

Le diagnostic de la maladie de Lyme pourra ainsi progresser grâce à l’expertise de plusieurs spécialités médicales. De nombreuses études suggèrent aussi que d’autres agents infectieux peuvent intervenir dans le contexte des pathologies liées aux morsures de tiques. Là encore, le HCSP nous recommande d’approfondir les approches diagnostiques par sérologie en étendant leur spectre vers d’autres Borrelia ainsi que vers de possibles co-infections.

À la suite de ces recommandations, nous engageons une réflexion pour renforcer les outils de communication auprès de la population et des professionnels de santé sur les risques infectieux liés aux tiques et pour évaluer les performances des tests de dépistage commercialisés.

Tout d’abord, s’agissant de l’information et la prévention, le Gouvernement encouragera dans la future loi de santé toutes les actions d’éducation et de prévention. Dans le cadre de la maladie de Lyme, la prévention primaire a pour objectif d’éviter le contact avec les tiques. La protection mécanique est recommandée en zone à risque. Elle repose sur le port de vêtements longs et fermés. Les répulsifs cutanés peuvent également être recommandés. Les répulsifs vestimentaires peuvent aussi être utilisés, même si les données concluent à une efficacité limitée de ces produits vis-à-vis des tiques.

La prévention secondaire repose pour sa part sur la détection et le retrait rapide des tiques après exposition. L’ablation rapide après leur attachement réduit en effet le risque de transmission. Il est nécessaire de rechercher les tiques par un examen minutieux.

En présence d’une tique fixée à la peau, il faut la retirer le plus rapidement possible par une technique mécanique : pince fine ou tire-tique. Le risque de transmission de la bactérie dépend du taux d’infestation des tiques et du temps d’attachement de la tique à la peau. Après le retrait de la tique, il faut désinfecter le site de la piqûre et surveiller l’apparition éventuelle d’un érythème migrant. Vous le voyez, ce sont des conseils simples, pratiques, que nous devons mieux diffuser auprès de nos concitoyens afin de prévenir les morsures de tiques et de possibles infections.

Concernant les tests, il est important de répondre aux inquiétudes sur leur fiabilité. Le Centre national de référence – CNR – réalise régulièrement des études sur les kits diagnostiques. Ces études portent sur la sensibilité, la spécificité, la reproductibilité des kits. La praticabilité est aussi étudiée. Il y a actuellement sur le marché un grand nombre de tests ELISA, avec un renouvellement assez rapide. Une étude est déjà engagée par le CNR sur les tests western blot.

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé – ANSM – a procédé à un état des lieux des informations présentées dans les notices des kits réactifs commercialisés disposant du marquage Communauté européenne. L’ANSM va échanger avec les firmes pour préciser ou compléter autant que de besoin les informations sur les données de performance. Ces performances seront vérifiées expérimentalement et pour chaque kit par le CNR. En parallèle, l’ANSM mettra en oeuvre des études dans le cadre du contrôle national de qualité. De telles études permettent de voir quels tests sont utilisés, qui les utilise et comment ils sont interprétés.

Parce que votre proposition de loi évoque une hypothétique transmission par voie sexuelle, je tiens ici à rassurer et à rappeler que ces données n’ont jamais été confirmées et n’ont donné lieu à aucune publication scientifique.

Votre Assemblée a adopté le 18 août dernier une proposition de résolution européenne relative à la maladie de Lyme, invitant les institutions européennes à conduire une réflexion sur le sujet, à engager une campagne de sensibilisation et de prévention et à soutenir des travaux de recherche.

En réponse à cette résolution, la Commission européenne a d’ores et déjà indiqué que le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies reconnaissait pleinement les problèmes posés par la maladie de Lyme et que des travaux étaient engagés au niveau communautaire pour mieux comprendre cette maladie infectieuse et permettre la mise en place d’une surveillance européenne et une approche harmonisée.

La proposition de loi que nous examinons pose la question de la mise en place d’une déclaration obligatoire pour la maladie de Lyme. Les critères épidémiologiques des maladies à déclaration obligatoire sont très précis. Selon le code de la santé publique, cette déclaration est nécessaire pour les maladies graves qui nécessitent une intervention urgente d’abord, dont la surveillance est nécessaire à la conduite et à l’évaluation de la politique de santé publique ensuite, le tout en l’absence d’un système de surveillance répondant aux objectifs spécifiques. La pertinence de la déclaration obligatoire doit être analysée par l’InVS – incidence, définition, coût, acceptabilité. Un avis du HCSP est aussi requis.

Enfin, votre texte insiste avec raison sur la nécessité d’encourager la recherche et l’amélioration des connaissances scientifiques sur cette maladie. La ministre de la santé partage pleinement cet objectif. Dans l’intérêt évident des personnes malades ou en souffrance en raison de difficultés diagnostiques et thérapeutiques, la ministre va demander aux acteurs de l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé de procéder à une importante expertise collective des données disponibles dans les différents domaines concernés.

Nous avons, monsieur le rapporteur, pleinement conscience des problèmes diagnostiques et thérapeutiques liés à la maladie de Lyme. Comme je l’ai longuement exposé, de nombreuses actions sont en cours et d’autres seront prochainement engagées par le Gouvernement à la suite des récentes recommandations du Haut conseil de la santé publique.

Mesdames et messieurs les députés, vous le voyez, la réponse efficace et rapide aux défis posés n’est pas législative, mais nécessite en premier lieu une mobilisation des acteurs autour de la prévention et de l’information.

À quelques semaines de l’examen du projet de loi de santé, dans la perspective des débats qui seront alors les nôtres sur la prévention ou la place des associations dans notre système d’alerte sanitaire, le Gouvernement est favorable à un renvoi en commission du texte afin de poursuivre un travail concret dans l’intérêt des malades, à la fois sur la question de la déclaration obligatoire et l’amélioration de l’activité de recherche et des connaissances scientifiques. Je sais que cet objectif est aussi le vôtre, monsieur le rapporteur.

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La parole est à M. Christian Hutin, vice-président de la commission des affaires sociales.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de notre présidente Catherine Lemorton, dont chacun connaît l’engagement passionné au sein de la commission. Je vais essayer de la suppléer le mieux possible.

Je rappellerai tout d’abord que la commission a rejeté, à regret, votre proposition de loi, monsieur le rapporteur.

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Le travail que vous avez réalisé avec M. Bonnot est tout à fait remarquable, on ne peut que le louer. Il a abouti récemment à une proposition de résolution européenne, sachant que pour la maladie de Lyme comme pour un certain nombre d’autres, l’harmonisation au plan européen comme à l’échelle mondiale est essentielle.

Votre travail arrive à point nommé. Il est sérieux, bien documenté car vous connaissez bien le sujet. Il constitue un progrès pour ce qui est des démarches qu’il faudra accomplir. Il en existe un autre, celui du Haut conseil de santé publique, que l’on peut féliciter pour ses préconisations.

Vous proposez la remise d’un rapport dans un délai de deux ans. Mais c’est dans quelques semaines que nous examinerons le projet de loi de santé, qui nous donnera l’occasion de déposer des amendements relatifs aux maladies rares. La maladie de Lyme n’en est plus une aujourd’hui, mais elle a été longtemps sous-estimée. Nous pourrions donc aller très vite dans le sens que vous souhaitez, monsieur le rapporteur, dans le cadre de la loi santé.

Nous partageons tous le même objectif. Il s’agit d’une priorité gouvernementale. J’hésite à parler d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître

Sourires

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mais du temps où je faisais mes études, au début des années 1980, on ne consacrait guère plus de quatre lignes à la maladie de Lyme. C’est dire l’évolution des recherches et des études dans ce domaine, et la qualité de ce rapport.

Il est parfois difficile pour le législateur de trancher. Le consensus médical est indispensable, attendu rapidement. Les laboratoires doivent travailler sur des tests, qui sont de plus en plus fiables, mais qu’il faut améliorer.

Il a été par le passé difficile de légiférer en matière de lois mémorielles ou de lois sociétales. Il est difficile aujourd’hui de trancher sans le consensus médical, alors que des progrès sont indispensables. L’INSERM, vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, devrait rapidement mettre en oeuvre les préconisations du Haut conseil.

Monsieur le rapporteur, en commission, vous vous êtes comparé à la mouche du coche.

Sourires.

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Je vous propose d’être tous ensemble les six forts chevaux de La Fontaine qui tireront dans le même sens, celui de la prévention, de la formation des médecins, de l’amélioration du diagnostic et d’une cartographie de qualité. En effet, en tant que député « urbain » – même si je vais souvent à la campagne ! – je puis vous assurer que nous sommes tous confrontés au problème : vous ne pouvez pas imaginer la prolifération de tiques dans les coulées vertes qui existent désormais dans de nombreuses villes. Les villes aussi sont confrontées à des cas de maladies de Lyme.

Soyons donc les forts chevaux de La Fontaine, ensemble, au moment de l’examen du projet de loi de santé qui nous donnera l’occasion de faire des propositions s’agissant de cette maladie qu’il faut combattre.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Marcel Bonnot.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, des voix très averties viennent de s’exprimer sur la maladie de Lyme – une forme d’essence cérébrale de l’Assemblée nationale. Pendant un court instant, vous allez devoir supporter mes modestes propos sur le sujet.

Le Doubs – dont on parle beaucoup en ce moment… (Sourires) – comme d’autres départements, la Franche-Comté comme d’autres régions, l’Alsace par exemple, sont concernés par le développement des tiques et les conséquences de leurs morsures sur les personnes. Si le développement préoccupant de la maladie de Lyme touche largement l’Europe centrale, l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, la République Tchèque ou la Slovénie, elle ne s’arrête pas à nos frontières, comme on eût pu penser que le nuage de Tchernobyl le ferait, et concerne tout autant notre pays, dans des proportions importantes.

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C’est pourquoi, dès le 4 juin 2014, j’avais déposé une proposition de résolution européenne qui fut alors adoptée à l’unanimité des membres de la commission des affaires européennes et, tacitement, dans les mêmes termes par la commission des affaires sociales, qui aujourd’hui, et je le regrette sincèrement, a rejeté cette initiative lors de son examen en commission.

Fort de l’intérêt que la Commission européenne chargée de la santé a porté à la proposition de résolution européenne, j’ai souhaité poursuivre ce travail en déposant sur le bureau de notre assemblée cette proposition de loi et ne peux que me réjouir qu’elle soit aujourd’hui discutée en séance publique.

Je ne compte plus les témoignages personnels que j’ai reçus – vous aussi sans doute, monsieur le rapporteur – et qui me confortent dans la nécessité de saisir l’opportunité qui est offerte à la représentation nationale, aux responsables politiques que nous sommes, de nous prononcer en notre âme et conscience et d’adresser par notre vote un message fort, au-delà des clivages partisans.

Si je connais les risques des morsures de tiques, si j’ai été amené à envisager de soumettre à l’Assemblée ce texte, c’est que la détresse d’une maman confrontée à de nombreuses difficultés m’y a sensibilisé. Sa fille, Océane, que je connais bien, a dû, après avoir contracté la maladie de Lyme, se faire opérer d’une tumeur au cerveau. Le cas de cette adolescente m’a interpellé et invité à me pencher plus avant sur les conséquences de cette maladie et sa dimension mondiale, européenne et française que nous ne pouvons plus ignorer.

Ainsi, face au développement de ce fléau il m’a paru urgent d’agir, d’abord au niveau européen pour que cette politique de santé publique soit enfin prise avec l’attention qu’elle exige et que les victimes, les malades ne se sentent plus délaissés par les pouvoirs publics.

Toutefois, madame la secrétaire d’État, je pense que la France doit prendre toute sa part dans ce dossier et ne peut s’en remettre exclusivement aux recherches et études menées au niveau communautaire. Nous devons prendre toute notre part et initier, mener, financer des travaux de prévention, d’information, d’étude cartographique région par région sur tout le territoire. Nous devons lancer les travaux de recherche nécessaires, notamment sur les souches multiples de cette bactérie et les modes de transmission qui restent à déterminer scientifiquement. Sur ce point, je pense crucial que toutes les personnes concernées puissent se retrouver : pouvoirs publics, chercheurs, médecins et associations, mais aussi les vétérinaires, qui connaissent bien cette bactérie.

Monsieur le rapporteur, je me réjouis du travail constructif qui a été le vôtre, même si je regrette que, peut-être par dogmatisme ou frustration de ne pas être à l’initiative de ce texte, la majorité ait rejeté des améliorations nécessaires que vous aviez soumises à la sagacité de la commission. En effet, les auditions que vous avez menées ont pu démontrer, tant de la part des associations que des professionnels de santé, au-delà des écoles et débats scientifiques actuels, la nécessité de poursuivre plus avant les travaux amorcés et de dépasser dès à présent les conclusions du rapport du Haut conseil de la santé publique, récemment et opportunément publié après le dépôt de cette nouvelle proposition de loi.

Je ne peux que me satisfaire qu’au-delà du débat que nous aurons aujourd’hui, des initiatives aient permis de précipiter la publication du rapport du Haut conseil de la santé publique, le 4 décembre 2014, soit presque deux mois après le dépôt de la présente proposition de loi. Je note d’ailleurs que les recommandations qui y figurent rejoignent étonnamment mes préoccupations. Et vous avez eu l’occasion de constater que la secrétaire d’État n’a pas manqué d’utiliser les termes de ce rapport pour nous indiquer que c’est à son initiative que ledit rapport a été sollicité et publié, et que celui-ci serait la réponse à ce texte.

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Le Gouvernement et la majorité semblent se retrancher derrière les conclusions du Haut conseil pour justifier une forme d’inertie. Je ne dis pas que rien n’a été fait, mais il nous apparaît important, à nous responsables politiques, de transcender cet attentisme pour prendre nos responsabilités et aller plus loin sur un sujet qui le mérite. En effet, le Gouvernement ne peut nous dire sans se renier que le véhicule qui vous est proposé aujourd’hui ne convient pas et reporter le débat dans le cadre de la loi santé, annoncée depuis longtemps et dont le calendrier semble se préciser.

Aussi, si je me satisfais de la publication de ce rapport…

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Veuillez conclure, monsieur Bonnot, vous avez déjà dépassé votre temps de parole de deux minutes.

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J’y viens. Je souffre de lenteur, mais j’arrive à ma conclusion ! Si je me satisfais donc de la publication de ce rapport, celui-ci ne marque qu’une première étape qu’il est nécessaire de consacrer au plan législatif et dans le cadre de nos débats. D’ailleurs, monsieur le rapporteur, il me semble que c’est ce qui ressort des auditions que vous avez menées, qu’il s’agisse tant du corps médical et scientifique que des associations.

Mes chers collègues, la maladie, la douleur et la souffrance n’ayant pas de couleur politique ni de frontières, il est de notre responsabilité commune de permettre à la recherche et au monde scientifique et médical de poursuivre les travaux nécessaires et d’agir rapidement. En améliorant le texte qui nous est soumis aujourd’hui et en le votant, nous dirons aux acteurs et aux malades que nous prenons nos responsabilités, que nous avons entendu leurs demandes et besoins, et nous nous inscrirons aussi dans une démarche collaborative.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur Bonnot, je ne souhaite pas vous couper la parole sur un sujet pareil, mais vous avez dépassé votre temps de parole de plus de la moitié. C’est la conférence des présidents qui attribue les temps de parole, vous aviez cinq minutes.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Oui, mais il me semble qu’il est des textes, lorsque l’on touche à la maladie et à la santé, qui permettent quelques dépassements.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous invite à le dire à votre président de groupe, il le transmettra à la conférence des présidents.

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Il y a d’autres prolongements dans cette assemblée pour des débats beaucoup moins importants et beaucoup plus futiles. Je n’ai pas l’habitude d’abuser de mon temps de parole. Voici ma conclusion : je souhaite que dans les prochaines semaines et les prochains mois, à défaut d’adopter préalablement ce texte, nous puissions le laisser au Sénat, qui aura la possibilité de poursuivre nos travaux dans le cadre de cette initiative parlementaire transpartisane, comme le disait notre excellent rapporteur. Merci de m’avoir laissé dépasser mon temps de parole, au risque d’amputer le temps précieux de notre assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’excellence de notre système de santé se manifeste par sa capacité à garantir un accès équitable à des soins de qualité et à l’innovation thérapeutique afin d’améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de maladies et de les guérir. En tant que législateur, il nous appartient avant tout de préserver cette excellence, en tentant de prendre en compte les mutations profondes qui traversent notre système de santé.

Pour autant, de plus en plus, nous sommes également amenés à appréhender notre système de santé maladie par maladie, comme nous avons pu le voir avec la proposition de loi de Jean-Christophe Lagarde sur les cancers pédiatriques.

Il en est ainsi avec la proposition de loi relative à la maladie de Lyme que l’Assemblée nationale examine aujourd’hui. J’ai pleinement conscience, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, que la maladie est toujours un drame. Je sais également que le recours à la loi pour prévenir et traiter chaque maladie serait, à bien des égards, improductif et risquerait à terme d’affaiblir la cohérence de notre système de santé.

Pourtant, il me semble aujourd’hui nécessaire d’envisager l’examen de cette proposition de loi à l’aune d’un élément qui doit toutes et tous nous interpeller : l’impuissance dont notre système de santé a fait preuve jusqu’alors face à cette maladie. Cette impuissance provoque l’angoisse, la colère ou la détresse des patients ou patientes atteints de la maladie de Lyme, et nous avons toutes et tous pu le mesurer à travers les témoignages que nous avons reçus.

Les enjeux soulevés par la maladie de Lyme sont fondamentaux. En premier lieu, la grande diversité de ses symptômes conduit à des diagnostics erronés. En effet, cette maladie se caractérise par la succession de trois phases associées à des manifestations cliniques variées, qui compliquent substantiellement la délivrance d’un diagnostic par la communauté médicale et scientifique.

Cet enjeu lié au diagnostic soulève également celui du débat sur le caractère chronique de la maladie de Lyme. Cette maladie nécessite parfois une prise en charge longue, est évolutive et peut être associée à une invalidité et à la menace de complications graves. Aussi, les débats sur cette proposition de loi doivent être l’occasion d’avoir une réflexion sur l’opportunité de faire entrer la maladie de Lyme dans la catégorie des affections de longue durée et de la faire reconnaître par la Sécurité sociale comme maladie invalidante. Je souhaite que le Gouvernement nous indique sa position sur cette question.

Le deuxième enjeu soulevé par la maladie de Lyme est celui du traitement. Un consensus semble se dégager quant à l’efficacité d’une antibiothérapie au stade primaire de la maladie. En revanche, les questionnements restent entiers en ce qui concerne le caractère chronique de la maladie et les traitements associés. Nous nous devons de ne pas laisser ces questionnements sans réponses.

Enfin, comment ne pas évoquer la question de la prévention ? Comme le proposent les auteurs de la proposition de loi, il est nécessaire de compléter la cartographie des zones à risque par une étude complète sur le taux de tiques infectées ainsi que par un recensement plus rigoureux des maladies de Lyme dûment diagnostiquées. En outre, il est absolument indispensable de renforcer l’information sur les vecteurs de transmission de la maladie et sur les moyens de prévenir cette transmission.

Diagnostic, traitement, prévention : tels sont les trois piliers qu’il s’agit de renforcer pour mieux prendre en charge cette maladie.

Nous sommes bel et bien face à un enjeu de santé publique majeur : 27 000 cas sont diagnostiqués chaque année en France, sans compter que les diagnostics erronés et le déni dont la maladie de Lyme fait l’objet laissent sans doute un nombre important de malades non soignés en France.

J’ai entendu l’argument selon lequel les dispositions de cette proposition de loi seraient satisfaites par la publication du rapport du Haut conseil de la santé publique. Pour autant, ce rapport ne constitue pas une fin en soi. Il représente une contribution utile pour construire une politique de santé efficace et adaptée visant à lutter contre la maladie de Lyme. Ce rapport ne parvient pas à éclaircir des zones d’ombre sur la transmission de la bactérie responsable de la maladie ou son caractère chronique. En outre, il apparaît indispensable que le Parlement se mobilise sur cette question essentielle de santé publique, qu’il s’assure que les objectifs du rapport seront poursuivis, et qu’il participe ainsi à l’édification d’une politique de santé publique permettant une meilleure prise en charge de cette maladie.

Enfin, l’adoption de cette proposition de loi permettrait de prolonger l’action du monde associatif qui informe et sensibilise la population sur les tiques et leurs maladies, qui aide et défend les malades dans leur parcours de soins, qui contribue à la formation des professionnels sur les maladies à tiques et qui participe à la recherche médicale. Cet engagement associatif doit être valorisé et soutenu grâce à l’adoption de cette proposition de loi.

Cette proposition de loi est, en définitive, le premier pas d’une nécessaire mobilisation des pouvoirs publics et du législateur pour lutter contre le développement de la maladie de Lyme. Notre groupe soutiendra par conséquent ce texte qui permettra d’établir un état des lieux précis afin de prendre en compte l’ensemble des aspects extrêmement complexes de cette maladie, de la prévention au traitement en passant par le diagnostic, et de prendre enfin à bras-le-corps cette question majeure de santé publique.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, nous sommes saisis aujourd’hui de cette proposition de loi déposée par nos collègues de l’UMP concernant la borréliose de Lyme, maladie infectieuse due à une bactérie et transmise par une piqûre de tique, cela a été rappelé maintes fois.

Cette zoonose, identifiée en 1975 dans le comté de Lyme aux États-Unis, est bien connue en milieu rural. D’ailleurs, les statistiques montrent que les forestiers et les chasseurs en sont les principaux groupes à risque, bien que cette maladie touche également d’autres catégories socio-professionnelles dans notre pays puisque beaucoup d’entre nous ont été sollicités, en circonscription, par des gens atteints par cette maladie et des associations. J’aimerais d’ailleurs remercier ici ces dernières pour leur engagement et leur implication concernant cette cause relevant d’un problème de santé publique.

Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste que je représente soutient la recherche dans le domaine médical. Nous l’avons notamment démontré avec notre proposition de loi sur les cellules souches, qui a été adoptée. Il est effectivement important de prendre en compte cette maladie de Lyme dans nos politiques de santé. Dès lors, nous partageons le principal objectif de cette proposition de loi qui vise à mieux diagnostiquer, soigner et prévenir la borréliose de Lyme.

Toutefois, ayant bien étudié la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui, j’aimerais revenir sur plusieurs points. Tout d’abord, l’article 1er invite le Gouvernement à présenter au Parlement un rapport relatif aux modalités de prise en charge des personnes atteintes de la maladie de Lyme et infections associées, ainsi que ses aspects chroniques, dans un délai de deux ans.

Ce rapport permettrait également de réaliser un bilan de la capacité des unités de consultation et d’accueil en secteur hospitalier ; de faire une évaluation des besoins prévisibles en moyens et personnels qualifiés pour les dix années suivantes ; de dresser une cartographie des zones à risque ; et d’approfondir notre connaissance des modalités de transmissions, notamment par transfusion sanguine ou voie sexuelle, ainsi que des modalités de dépistage et de traitement de la maladie.

Toutefois, l’estimation de l’incidence de la maladie de Lyme en France est d’ores et déjà réalisée par l’Institut de veille sanitaire dans le cadre de ses missions grâce à un réseau de médecins sentinelles, et accessible sur le site internet de l’InVS.

En outre, les travaux permettant d’affiner la connaissance des cas chroniques sont désormais engagés au niveau européen, puisque la Commission européenne a réagi suite au vote d’une résolution européenne au sein de notre hémicycle sur ladite maladie de Lyme en août 2014. Ainsi, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies a confirmé que cette maladie était un problème important et grandissant pour lequel la mise en place d’une surveillance nécessitait une approche harmonisée de la définition de cas de maladie de Lyme et des tests de dépistage.

La Commission européenne précisait également que plusieurs options étaient à l’étude en vue d’une inscription de cette maladie sur la liste des maladies infectieuses soumises à surveillance européenne, dites maladies à déclaration obligatoire, ce qui nécessite notamment la détermination de critères diagnostiques qui ne sont aujourd’hui pas disponibles et qui risquent peut-être de ne pas l’être en deux ans, bien que ce travail soit actuellement mené au niveau européen.

Pour les modalités de dépistage et de traitement de la maladie, ce travail a précisément été sollicité et réalisé à la demande de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, en juillet 2012, comme l’a rappelé Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, lors d’une séance de questions orales sans débat de la semaine passée, en réponse à une question de Mme Chaynesse Khirouni.

En effet, dès juillet 2012, la ministre de la santé a saisi le Haut conseil de la santé publique – le HCPS – afin d’actualiser l’état des connaissances sur cette maladie en termes d’épidémiologie, de techniques de diagnostic et de traitements disponibles. Ce rapport, très complet, a été remis voici quelques semaines et est consultable par tous sur le site du Haut conseil.

Quant aux modalités de transmission par voie sanguine ou sexuelle, cette question relève d’une expertise complémentaire du HCSP, voire de la recherche, et non d’une loi.

L’article 2 inscrit la maladie de Lyme et la formation médicale continue y afférente comme l’un des thèmes nationaux prioritaires mentionnés au 1° de l’article L. 367-3 du code de la santé publique. Il serait donc plus utile de réfléchir aux moyens de sensibiliser l’ensemble des professionnels de santé parallèlement à l’information à destination du public. Là aussi, il me semble que l’élaboration des programmes de formation ne relève pas de la loi.

Pour ce qui concerne les articles 3 et 4, qui instituent un plan national pour la maladie de Lyme mis en oeuvre sur cinq ans, de 2015 à 2020, et comprend notamment la veille sanitaire ou le dépistage, le diagnostic et l’information du public et des professionnels, pour ne citer que ces points-là, je m’interroge sur l’implication ainsi que sur le domaine de recherche et d’action de l’Institut national de veille sanitaire. Là encore, en effet, il me semble qu’il s’agit de l’une des missions déjà actuellement assumées par l’Institut.

Si donc la maladie de Lyme est réellement un problème de santé publique, est-il opportun de découper la santé en tranches ?

Comme je l’ai annoncé au début de mon intervention, le groupe RRDP est convaincu que la maladie de Lyme est un sujet grave, que les pouvoirs publics doivent appréhender avec la plus grande attention. Les récentes explications apportées en commission et lors de la séance de questions orales sans débat du 27 janvier dernier confirment du reste que le sujet est sérieusement pris en compte actuellement et que des actions allant dans le sens de cette proposition de loi ont déjà été prises. En outre, les dispositions de cette dernière ne me semblent pas relever de la loi.

Vous l’aurez donc compris, chers collègues, le groupe des radicaux de gauche et apparentés, tout en confirmant les fondements justifiant la prise en compte de cette maladie, ne votera pas cette proposition de loi qui superpose des éléments aux dispositions déjà existantes et opte pour le renvoi en commission.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, chers collègues, découverte aux États-Unis en 1975, la borréliose de Lyme, ou maladie de Lyme, est une maladie infectieuse. Non contagieuse, elle est causée par une bactérie transmise à l’homme par piqûre de tique. En France, 27 000 personnes seraient contaminées chaque année par cette maladie, dans de nombreuses régions. Le pourtour méditerranéen serait plutôt épargné.

À l’occasion de l’examen de cette proposition de loi déposée par M. Bonnot, nous avons reçu des témoignages de personnes atteintes de la maladie de Lyme, qui font état de grandes souffrances. Ces personnes multiplient les consultations médicales sans que l’on puisse aboutir à l’établissement d’un diagnostic solide. Cela peut entraîner à la fois la remise en cause, insupportable, de leur parole et l’aggravation de leur maladie non soignée, voire sa chronicité.

Dans un avis sur le projet de loi de finances pour 2013 concernant l’agriculture, l’alimentation, la forêt et les affaires rurales, M. André Chassaigne évoquait déjà les difficultés des travailleurs forestiers, particulièrement exposés à la maladie de Lyme, qui cherchent à la faire reconnaître comme une maladie professionnelle. Or, selon le rapport de notre collègue, cette reconnaissance relève trop souvent du parcours du combattant, « soit parce que les travailleurs forestiers ne consultent pas de médecin, soit parce que les médecins sont insuffisamment sensibilisés à cette maladie, la maladie de Lyme n’est souvent diagnostiquée qu’aux stades 2 ou 3, alors même qu’elle engendre à ces stades des troubles neurologiques qui peuvent être particulièrement handicapants. De plus, les personnes auditionnées par votre rapporteur ont indiqué que si les frais liés aux antibiotiques nécessaires au traitement du stade 1 étaient bien remboursés, les soins palliatifs nécessaires aux stades 2 et 3 ne seraient pas totalement pris en charge ».

Pour cette maladie comme pour bien d’autres, le réveil et la prise de conscience des pouvoirs publics ont été suscités par les associations de patients. Ceux-ci nous ont écrit pour nous faire part de leurs témoignages. Je veux leur rendre hommage aujourd’hui. Ces témoignages recoupent ceux du rapport du Haut conseil de la santé publique, commandé par la ministre de la santé et des affaires sociales dès juillet 2012 et rendu public en décembre dernier.

Nous sommes confrontés à un fléau sanitaire, trop longtemps ignoré et face auquel il est temps de prendre des mesures urgentes.

Le Haut conseil de la santé publique formule ainsi des propositions concernant « la prise en charge médicale des patients dont le diagnostic clinique et le diagnostic biologique ne permettent ni de faire un diagnostic probant de maladie de Lyme, ni de l’exclure avec les moyens actuels », les tests, à propos desquels il préconise d’évaluer chaque laboratoire selon sa capacité à réaliser le diagnostic biologique, ou encore la recherche, de façon à mieux comprendre cette maladie, son origine et sa transmission. Le Haut conseil recommande également de mieux cibler et de mieux adapter les campagnes de prévention, mesure indispensable tant cette maladie demeure encore méconnue. On pourrait ajouter à ce tableau un volet concernant la formation des médecins, insuffisante sur cette maladie.

Il est donc temps de passer aux actes. Dans cette optique d’action, cette proposition de loi est-elle utile ? Oui et non.

Indéniablement, le débat qu’elle suscite et les nombreux témoignages que nous avons reçus vont contribuer à faire connaître cette maladie, sa gravité et les enjeux de santé publique qu’elle comporte. En ce sens, cette proposition de loi est utile.

Faut-il pour autant l’adopter ? Tout d’abord, elle risque, paradoxalement, de nous faire perdre du temps. Elle demande en effet, dans son article 1er, la remise au Parlement, dans les deux ans, d’un rapport relatif « aux modalités de prise en charge des personnes atteintes de la maladie de Lyme et infections associées ainsi que ses aspects chroniques ». Mais pourquoi attendre deux ans de plus, alors que le rapport du Haut conseil à la santé publique répond en grande partie à cette demande ?

L’article 2 propose que la maladie de Lyme et ses aspects chroniques constituent un des thèmes nationaux prioritaires en matière de formation médicale continue. L’article 3, quant à lui, demande l’instauration d’un plan national concernant cette maladie. Enfin, l’article 4 propose divers axes d’action relatifs au dépistage et au diagnostic, ainsi qu’à la prévention, à la recherche, aux financements et à l’information du public.

Ce sont là, permettez-moi de le dire, des nécessités évidentes, valables pour toutes les maladies. Nous ne voyons donc pas l’intérêt d’adopter un tel texte.

Par ailleurs, doit-on légiférer sur tout ? En commission, cette question a été soulevée par des députés appartenant aussi bien à la majorité qu’à l’opposition.

Pour notre part, nous ne pensons pas qu’il appartienne au Parlement de légiférer spécifiquement sur chaque maladie : hier les cancers pédiatriques, aujourd’hui la maladie de Lyme – et demain ? Les personnes atteintes d’une sclérose en plaques, du sida ou d’un cancer du poumon doivent-elles s’inquiéter et penser qu’elles ne seront prises en considération qu’à partir du moment où une loi traitera spécifiquement de la maladie qui les touche ?

Nous estimons que la représentation nationale doit plutôt se préoccuper de l’existence, dans notre pays, d’un système sanitaire capable d’assurer l’accès aux soins pour tous, pour l’ensemble de la population. Mettre en oeuvre, dans le cadre de ce système sanitaire, des moyens de lutte efficace contre telle ou telle maladie est la prérogative du Gouvernement.

Nous aurions pu admettre que des éléments de cette proposition de loi, notamment relatifs à la formation, fassent l’objet d’amendements au projet de loi relatif à la santé qui viendra prochainement en discussion à l’Assemblée. J’invite les auteurs de ce texte à déposer de tels amendements, que nous pourrions soutenir.

Le débat sur la santé n’est pas clos pour autant, et il nous préoccupe. En effet, nous ne pouvons que regretter les nombreux obstacles à l’accès aux soins, qu’il s’agisse des franchises, des déremboursements ou des dépassements d’honoraires, ou encore de l’insuffisance de la lutte contre les déserts médicaux. Ceux qui seraient tentés de dénoncer le rejet de cette proposition de loi seraient bien inspirés d’examiner leur part de responsabilité face à ces réalités concrètes, qui touchent tous les patients – des personnes qui doivent multiplier les consultations avant qu’un diagnostic fiable puisse être posé, sans parler même des territoires ruraux qui sont souvent des déserts médicaux.

De même, on ne peut pas regretter que la recherche ne se soit pas suffisamment consacrée à cette maladie lorsqu’on a voté la diminution continue des crédits de la recherche publique.

Pour conclure, nous partageons les préoccupations manifestées par les auteurs de cette proposition de loi sur la nécessité d’améliorer les connaissances sur cette maladie, la formation des médecins ou la prévention et l’information du public, mais nous pensons que, pour parvenir à ces objectifs, ce dont on a besoin, ce sont de moyens, et non pas une proposition de loi spécifique. Nous ne voterons donc pas ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mesdames et messieurs, chers collègues, le rôle du Parlement consiste, outre le vote de la loi, à aborder des sujets qui touchent notamment à la vie quotidienne de nos concitoyens, afin que la représentation nationale puisse se saisir des enjeux induits. Les questions de santé publique sont de ceux-là et l’initiative de notre collègue Marcel Bonnot est pertinente. Étant déjà coauteure de sa proposition de résolution européenne adoptée à l’unanimité des membres de la commission des affaires européennes, je suis naturellement cosignataire de la présente proposition de loi sur la maladie de Lyme.

Cette maladie affecte en effet trop de nos concitoyens, certaines régions françaises étant plus particulièrement touchées, parmi lesquelles la région Centre-Val-de-Loire.

Il s’agit d’une maladie sournoise, dont les symptômes se confondent bien souvent avec d’autres pathologies, tandis que les tests de dépistage manquent de précision. Lorsqu’elle n’est pas ou mal traitée, la chronicité de cette maladie rend la vie des personnes atteintes très compliquée.

Cette proposition de loi répond donc à un enjeu de santé publique évident et s’inscrit pleinement en cohérence avec le rapport du Haut conseil de la santé publique publié en décembre dernier.

L’objectif consiste à mettre en place un plan national pour la maladie de Lyme, dont la mise en oeuvre s’échelonnerait de 2015 à 2020 autour de plusieurs axes qui font consensus dans la communauté scientifique et parmi les associations de malades : un renforcement de la recherche et une formation améliorée des professionnels.

J’avoue ne pas avoir compris les arguments développés par la majorité, qui a rejeté ce texte lors de son examen devant la commission des affaires sociales car, au bout du compte, cette proposition de loi devrait être adoptée de manière consensuelle, la maladie de Lyme n’ayant aucune couleur politique et 27 000 cas étant recensés en France chaque année.

Bien que Mme la présidente de la commission ait estimé que le législateur ne pouvait pas appréhender notre système de santé maladie par maladie et que ces dispositions relèveraient davantage du domaine réglementaire, l’initiative du groupe UMP d’inscrire ce texte à l’ordre du jour de notre assemblée doit retenir toute notre attention, car il s’agit bel et bien d’un problème de santé publique qui doit être pris en compte concrètement, d’autant plus qu’un manque d’information se fait sentir, faute de recensement des cas dans la plupart des régions françaises.

Cette proposition de loi aura le mérite d’avoir mis en lumière les enjeux de la maladie de Lyme et des ravages que provoquent les morsures de tique. Tout d’abord, auprès de nos collègues qui n’avaient pas nécessairement forcément connaissance de cette maladie et, plus encore, pour sensibiliser nos concitoyens à ses nombreuses répercussions, et surtout pour faire bouger les pouvoirs publics de façon qu’ils se saisissent plus en amont de ce dossier.

Le Gouvernement doit donc se positionner et formuler des préconisations en lien avec le rapport du Haut conseil. C’est ce que recommande le Pr Perronne, qui réclame des décisions fortes de la part du Gouvernement.

Toutefois, il apparaît très surprenant que certains de nos collègues de la majorité aient déposé des amendements de suppression des articles de cette proposition de loi et que, dans l’exposé sommaire de ces amendements, ils insistent sur le fait que « le projet de loi relatif à la santé, qui sera débattu prochainement au Parlement, apparaît comme un véhicule législatif plus efficace pour une meilleure prise en compte de la maladie de Lyme ». Pourquoi, alors, remettre à demain ce qui peut être voté dès aujourd’hui ? La logique m’échappe quelque peu…

Avant ce projet de loi de santé publique qui tarde à arriver, il semble donc louable et urgent d’adopter cette proposition de loi consensuelle et nécessaire.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs, chers collègues, il est important que nous puissions aborder cette question dans cette enceinte et le faire dans un état d’esprit aussi apaisé et aussi déterminé que possible.

En effet, la maladie de Lyme est une maladie encore peu connue du grand public, ce qui ne favorise pas sa détection précoce, pourtant si déterminante pour son évolution. C’est une maladie grave, parce que ses effets sont extrêmement invalidants. Bien souvent, elle empêche les malades de poursuivre leur vie quotidienne et d’assurer leur travail, ce qui est très pénalisant et coupe les hommes et les femmes qui en sont atteints d’une partie de leur vie sociale.

Nous avons tous été saisis dans nos circonscriptions de témoignages vécus de la contraction de cette maladie, aux conséquences souvent dramatiques. Des familles se sont organisées sous forme associative pour faire face à la détresse qu’engendrent ces situations. Je veux ici les assurer qu’aucun député ne peut rester insensible à ces témoignages poignants, d’autant plus, cher collège Marcel Bonnot, lorsque cette maladie frappe à l’âge où l’on peut espérer tout construire.

Pour relayer ces préoccupations de nos concitoyens, j’avais moi-même au cours de l’été interrogé la ministre de la santé sur cette problématique essentielle et sur les mesures à prendre. Dans sa réponse, parue le 28 octobre 2014, Marisol Touraine me confirmait qu’un rapport d’étude sur la borréliose de Lyme avait été commandé auprès du Haut conseil de la santé publique, notre instance nationale d’expertise sanitaire. Ce rapport a été rendu, comme prévu, il y a quelques semaines, en fin d’année. Il dresse un panorama de la maladie relativement complet et formule de nombreuses propositions pour améliorer la réponse sanitaire et sa prise en compte par les pouvoirs publics.

La ministre de la santé s’était engagée à mettre en oeuvre un plan de lutte contre la maladie qui reprendrait les principales recommandations de ce rapport, et nous venons d’en avoir confirmation par la voix de Mme Rossignol. C’est pourquoi le dépôt à l’automne d’une proposition de loi de la part du groupe UMP à l’Assemblée nationale, qui appelle à mener une étude sur la maladie de Lyme, ne nous a pas semblé pertinent, beaucoup de propositions contenues dans ce texte de loi relevant en outre plutôt du domaine réglementaire.

Au-delà de cet aspect technique et de positionnement des uns et des autres sur ce point, l’important pour nos concitoyens n’est sans doute pas là. En effet, chers collègues, la question pour eux ne me semble pas de savoir quel est le vecteur – projet de loi, proposition de loi ou décret – de l’action à mener, ni quel est l’outil juridique. L’important est qu’à l’issue de ce débat, ils aient la conviction que le problème est pris à bras-le-corps par les pouvoirs publics – la conviction, et non le sentiment !

On le sait bien, et plusieurs d’entre nous l’ont dit, la précocité et la qualité du diagnostic sont essentielles dans la prise en charge de la maladie. Chaque jour passé est un jour décisif pour la suite.

J’entends, dans les propos du Gouvernement, qu’il est réactif sur la prévention, l’information, la sensibilisation des professionnels de santé, la prise en compte de la maladie et qu’il a la volonté de prendre en compte les recommandations du rapport du Haut conseil de la santé publique.

Néanmoins, madame la secrétaire d’État, nous avons besoin de savoir dans quelles conditions précises et dans quel délai les mesures seront prises. C’est indispensable et nous serons attentifs aux évolutions attendues. Nous serons d’autant plus attentifs que, comme cela a été dit par nombre d’entre vous, le projet de loi relatif à la santé sera examiné par notre assemblée d’ici quelques semaines : ce sera sûrement l’occasion de revenir sur ce débat.

La préoccupation majeure qui s’exprime est souvent celle de la performance des kits de diagnostic de la borréliose et, sur ce point, nous aimerions savoir dans quel délai l’Agence nationale de sécurité du médicament pourra effectivement fournir des éléments de conclusion.

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Chers collègues, je me réjouis de ce débat qui nous permet ainsi d’échanger sur ce sujet. C’est aussi l’occasion, au-delà de ces échanges, de donner corps dans quelques semaines à la détermination que vous avez les uns et les autres exprimée au travers, peut-être, de propositions d’amendements ou d’actions concrètes. Nos concitoyens ont besoin d’actions concrètes pour combattre cette terrible maladie et ses effets dévastateurs.

Nous comptons sur la détermination du Gouvernement en ce sens ; soyez assurés de celle des parlementaires et notamment ceux de la commission des affaires sociales – mais pas exclusivement – pour faire avancer les choses et pour revenir dans notre commission afin de vérifier que ce qui nous est annoncé sera bien mis en place dans les délais indiqués.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il était temps que notre assemblée se saisisse de ce véritable problème de santé publique que constitue la maladie de Lyme ! Elle préoccupe de nombreux parlementaires, notamment notre collègue Marie-Christine Dalloz, je l’évoquerai plus loin.

La maladie de Lyme est une infection d’origine bactérienne transmise à l’homme par la piqûre d’une tique. Sa fréquence est estimée en France à 9,4 cas pour 100 000 habitants, 30 000 personnes étant infectées par la bactérie chaque année. La maladie de Lyme touche beaucoup plus de personnes qu’on ne le pense, particulièrement dans les régions au climat doux et humide.

La maladie de Lyme est trop peu connue de nos médecins, mal diagnostiquée et donc mal soignée – cela a déjà été mentionné. Les symptômes très douloureux et invalidants sont variables et multiples : fatigue extrême, douleurs articulaires et musculaires aiguës, migraines, problèmes cardiaques, vasculaires, digestifs et urinaires, troubles cognitifs, douleurs et troubles neurologiques, état dépressif dû à l’état général et, parfois, troubles psychiatriques.

Le diagnostic de la maladie de Lyme est complexe et coûteux à réaliser. Non traitée, cette maladie peut en arriver à affecter la plupart des organes et conduire à de sérieux handicaps physiques. Elle est d’autant plus insidieuse qu’elle peut se réveiller des mois, voire des années après la piqûre de l’acarien.

Les protocoles de détection et de soins de cette infection qui, non traitée, évolue vers l’aggravation chronique, sont actuellement obsolètes et à l’origine de faux diagnostics négatifs pour des milliers de patients.

De plus, le manque d’information auprès du grand public et des professionnels de santé aggrave les risques de passer du stade primaire soignable à un stade chronique très difficile à diagnostiquer et à soigner. La méconnaissance du grand public et de certains professionnels de santé est en partie due au fait que cette maladie est classée coMme « rare », malgré son caractère endémique attesté et le nombre de cas répertoriés. Je tiens également à préciser que cette maladie est transmissible par voie materno-foetale, par voie sexuelle et par voie sanguine.

Il est donc urgent de lancer une véritable campagne de promotion et d’information autour de cette pathologie, étant précisé que la maladie est en progression inquiétante en France comme dans tous les pays de l’hémisphère nord. Au nom du groupe UMP, notre collègue Marie-Christine Dalloz a récemment été nommée à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et siège à la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable. Elle souhaite porter ce sujet au niveau européen et nous sensibilise à cette maladie.

Je souhaiterais maintenant m’attarder sur les difficultés rencontrées par les malades. La méconnaissance de cette maladie émergente entraîne souvent, pour les personnes non diagnostiquées, une longue période d’errance médicale, douloureuse physiquement et moralement. En effet, nombreux sont ceux qui ont consulté entre quinze et vingt médecins avant d’être diagnostiqués. Leurs souffrances et leurs symptômes sont aggravés par les difficultés qu’ils ont à obtenir une prise en charge appropriée de la part des assureurs mais aussi des médecins, souvent sceptiques, car malheureusement la prise en charge des patients pour cette pathologie est souvent inadaptée à leurs besoins de santé. Les examens et traitements qui leur sont prescrits peuvent se révéler inefficaces.

Au-delà de la souffrance des malades et de leur famille, cette épidémie a aussi un coût économique et social. En effet, des sommes colossales sont dépensées pour des examens inutiles, induits par des erreurs de diagnostic. Ce parcours du combattant vécu par de trop nombreux malades atteints de la maladie de Lyme entraîne isolement social, perte d’emploi et de revenus.

Je souhaite au sein de cet hémicycle faire entendre la voix des personnes atteintes de cette maladie, afin qu’elles puissent voir leur condition s’améliorer et que des protocoles de soins précis et adaptés puissent être mis en place. Je soutiens cette proposition de loi car il est urgent que la représentation nationale se mobilise contre ce fléau.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, pour la maladie de Lyme comme pour nombre de pathologies, je ne peux qu’être favorable au développement d’un intérêt accru du Parlement et d’une volonté permanente de progrès dans les connaissances et le traitement.

Cela étant, j’avoue avoir été fortement surpris par cette proposition de loi. Reprenons-en les points principaux : l’article 1er demande un rapport ; or un tel rapport, très argumenté, a été remis en mars 2014 par le Haut conseil de la santé publique. Ce même article 1er demande une estimation du nombre de personnes atteintes ; or nous avons mieux : le nombre précisément répertorié dans notre pays chaque année par l’Institut de veille sanitaire et le réseau Sentinelles. Ce nombre est de 26 500 cas par an en France et, contrairement à ce qu’indiquent les signataires de la proposition de loi, ce nombre n’augmente pas : il est exactement le même depuis 2004, date à laquelle la méthodologie moderne a été mise en place.

La question des nombres est d’ailleurs traitée de façon étonnante dans ce texte : ainsi, au lieu d’un million de cas prétendument traités en Allemagne, il n’y en a que 90 000, soit moins de 10 %, qui ont été répertoriés par le très sérieux centre de référence d’Allemagne.

Plus avant dans le texte, la proposition de loi demande une cartographie : elle existe ! Et elle est disponible pour tous ceux qui souhaitent en avoir connaissance. Tout aussi curieuse est l’évocation de la transmission de la maladie par transfusion sanguine ou par voie sexuelle : que de fantasmes ! En France, aucun cas de transmission de nature sanguine ou sexuelle n’a été observé ; zéro cas en France et, au niveau du monde entier, sur plusieurs décennies, seuls six cas sont possibles et soumis à discussion ! D’ailleurs, s’agissant des transfusions, les procédures de traitement des produits sanguins détruisent Borrelia, qui est une bactérie fragile.

Cette proposition de loi sous-entend un déficit majeur de diagnostic de la très grande majorité des cas de la maladie de Lyme : cela ne correspond pas à la réalité, ainsi que l’ont bien compris les auteurs de ce texte lorsqu’ils ont auditionné des experts de qualité tels que le professeur Jaulhac, analysant cette question avec une rigueur scientifique.

En effet, la phase primaire de la maladie, comportant un érythème migrant sur le site de l’inoculation, est l’objet d’un diagnostic clinique, posant peu de problèmes pour peu qu’une inspection cutanée soit effectuée. À ce stade, le test biologique n’est pas indiqué.

Plus important, car porteur de conséquences, est le diagnostic des phases secondaire et tertiaire, avec par exemple des manifestations articulaires ou neuro-méningées : dans ces phases et seulement dans ces phases, le diagnostic biologique au moyen d’un test ELISA est indiqué. Réalisé correctement, ce test est très fiable. Il est effectué sur un échantillon sanguin du malade ou dans les cas de suspicion de neuro-borréliose sur un prélèvement de liquide céphalo-rachidien. Ce test, je le répète, est scientifiquement au point, et détecte la maladie par une méthode immunologique sensible aussi bien dans les cas de borréliose disséminée que de borréliose chronique.

Le recours à un test par Western Blot, hypersensible, n’est habituellement utile qu’à titre de confirmation. De plus, ce dernier test, du fait de sa très grande sensibilité, expose au diagnostic de faux positifs ; or il est très grave, comme cela a été constaté à plusieurs reprises, de dire à un patient qu’il est porteur d’une borréliose chronique alors qu’il s’agit en fait d’une sclérose en plaques ou d’une autre maladie chronique – toutes affections qui requièrent des traitements très différents.

Le sous-diagnostic de la maladie de Lyme serait dommageable, car privant les patients de l’antibiothérapie adaptée ; mais ce sous-diagnostic n’est absolument pas, tant s’en faut, de l’importance suggérée par les auteurs de la proposition de loi.

Le sur-diagnostic est tout aussi grave de conséquences : j’ai eu transmission d’un cas de patiente décédée pour avoir arrêté le traitement de sa maladie authentique car elle avait été malencontreusement l’objet de mauvaises orientations vers une suspicion – évidemment fausse – de maladie de Lyme, au vu d’un test douteux effectué par des investigateurs tout aussi douteux.

Pour ces tests, je rappelle qu’il existe des centres nationaux de référence qui vérifient la qualité, la fiabilité et la sensibilité des tests immunologiques de diagnostic. Les réactifs non validés sont aussi dangereux pour les patients que le sont les médecines parallèles ! J’invite donc tous ceux qui désirent faire preuve d’une certaine rigueur de réflexion sur ce sujet à ne pas répandre les rumeurs surestimant de façon ridicule et surtout dangereuse la prévalence de cette maladie sur la foi de tests quelque peu farfelus.

Enfin, j’adhère évidemment avec enthousiasme aux engagements du Gouvernement pour ce qui est du renforcement de la lutte anti-vectorielle, de la formation initiale, de la formation continue, de la recherche sur la maladie, de sa surveillance épidémiologique et de son traitement. Je soutiens aussi fortement l’implication, à tous les stades, des associations de patients afin qu’elles soient informées du progrès des connaissances.

En revanche, l’inscription de la maladie de Lyme dans la liste des maladies à déclaration obligatoire est sans objet, car il n’y a aucune conséquence s’agissant d’une maladie qui n’est pas à transmission interhumaine.

Faire de cette maladie un des thèmes nationaux prioritaires conduirait à la perte de l’intérêt de l’attribution de ce caractère prioritaire. Si toutes les affections atteignant 26 000 Français chaque année doivent être traitées en priorité, il n’y aura plus aucune priorité ! Suppression de la priorité pour les cancers et leurs centaines de milliers de victimes ; suppression du plan Alzheimer ; suppression du plan anti-tabac – le tabac causant pourtant 73 000 morts par an ! Trop de priorités tuent la priorité !

Restons dans la ligne tracée par l’Europe et le gouvernement français : plus de recherche, plus de mobilisation, plus de soutien aux malades, toutes mesures qui relèvent du domaine réglementaire. Cela étant, il importe tout autant que nous ne nous laissions pas entraîner par le charlatanisme, la fascination pour l’exagération coupable, une vision de Cassandre, au risque d’une désinformation dangereuse pour les malades.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, avec la maladie de Lyme, nous avons affiaire à une véritable pandémie qui ne dit pas son nom.

En France, ce sont des milliers de personnes, et peut-être bien davantage, qui sont touchées par ce fléau. Comme l’a indiqué tout à l’heure notre rapporteur, le nombre de diagnostiqués est très largement inférieur en France qu’en Allemagne : 15 000 contre un million en 2012.

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C’est faux ! Il y a 90 000 cas en Allemagne ! Ne dites pas n’importe quoi !

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Il y a le problème du diagnostic là où la maladie est avérée.

Je peux témoigner que les cas sont très nombreux en Alsace, et il serait surprenant qu’il en aille autrement alors que les modes de vie, les espaces naturels ou encore l’économie y sont en bien des points comparables à ceux de l’Allemagne du sud. Les tiques ne connaissant pas les frontières, on se demande bien pourquoi les Allemands se feraient plus piquer et infecter que les Français.

Le test ELISA est très largement remis en cause pour son inefficacité. Le test Western Blot, utilisé en Allemagne, est en revanche beaucoup plus fiable, ce qui pousse certains médecins à envoyer les échantillons sanguins outre-Rhin hors autorisation.

Trop rares sont les médecins en France à traiter la maladie, et ceux qui le font s’exposent à des sanctions, voire à des procès, s’ils recourent à des traitements non reconnus. J’ai moi-même recueilli le témoignage de malades qui ont trouvé des médecins français prêts à les soigner avec des médicaments étrangers.

Cette inefficacité conduit les malades à une véritable errance clinique à la suite de diagnostic erronés, à des parcours de santé éreintants et angoissants, tout ça pour finir par apprendre que la maladie en est au stade 3, celui de l’incurabilité.

Les malades sont baladés – il n’y a pas d’autre mot –– de service en service, neurologie, rhumatologie, cardiologie, ORL, médecine interne, pour subir IRM, scanners, radios, prises de sang, hospitalisations.

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L’un de mes amis a connu un véritable parcours du combattant et s’est même vu administrer une chimiothérapie durant six mois avant qu’on ne diagnostique enfin la maladie de Lyme.

Des familles entières sont touchées, des enfants, des jeunes gens, qui se retrouvent en grande souffrance, cette maladie étant très invalidante. L’erreur de diagnostic conduit à des soins inadaptés, mais aussi à des dépenses de santé publique inappropriées et inconsidérées. Le constat est édifiant.

On ne peut que regretter que la commission des affaires sociales ait rejeté le texte, laissant les malades dans une grande souffrance, tant physique que psychologique.

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Ce n’est pas le rejet du texte qui est cause de leur souffrance !

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Votre choix de l’attentisme, madame la secrétaire d’État, n’est pas plus satisfaisant.

Pourtant le texte fait consensus. Il vient après l’adoption à l’unanimité d’une proposition de résolution européenne et suit les recommandations du rapport du Haut conseil de la santé publique.

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Il propose un plan quinquennal pour lutter contre la maladie, et une formation appropriée, tant initiale que continue, de tous les médecins.

Cette proposition de loi de notre collègue Marcel Bonnot, cosignée par 104 députés, contribuera à améliorer la connaissance du nombre, des besoins et des modalités de prise en charge des personnes atteintes de la maladie de Lyme.

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Il y a urgence. C’est en pensant à tous ces malades qu’il nous faut voter cette proposition de loi qui constituera pour eux un puissant message d’espoir.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier à mon tour très chaleureusement mon collègue Marcel Bonnot, qui est à l’initiative de ce texte, pour son excellent travail. Je pense que notre collaboration a été fructueuse.

Je veux aussi remercier tous les collègues qui voteront en faveur de cette proposition de loi, si du moins la suite de nos débats le permet.

Cette proposition de loi nous donne l’occasion d’envoyer un signal positif aux patients comme à l’ensemble de la communauté médicale. En demandant qu’un rapport nous soit remis dans un délai de deux ans, nous ne préconisons pas d’attendre deux ans avant de faire quelque chose : il s’agit de permettre au Parlement de faire régulièrement le point sur les travaux engagés au cours de cette période et l’évolution des thérapeutiques, des prises en charge, ainsi que sur l’épineux problème de la fiabilité des tests.

Deuxièmement, ce texte nous permet d’engager des réformes, notamment dans le cadre d’instances comme la conférence de consensus. Beaucoup de professeurs nous ont dit qu’il faudrait ouvrir cette conférence à un plus grand nombre de membres de la communauté médicale, qui n’ont pas toujours des points de vue convergents.

J’ai été surpris des propos qui tendaient à faire passer certains professeurs de médecine pour des charlatans. Il est vrai qu’il n’y a pas consensus de la communauté médicale sur cette question. Si la position du professeur Jaulhac est tout à fait respectable, le professeur Perronne est lui aussi un membre éminent de la communauté médicale qui ne mérite pas cette étiquette de charlatan…

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… pas plus que le professeur Montagnier, qui s’est lui aussi très clairement exprimé sur le sujet.

J’ai été tout aussi surpris par l’incohérence dont certains faisaient preuve, renvoyant ce sujet au futur projet de loi de santé publique, tout en considérant qu’il ne relevait pas du domaine de la loi. Il faut choisir : soit ce n’est pas du domaine de la loi, et dans ce cas sa place n’est pas non plus dans une loi de santé publique ; soit c’est du domaine de la loi, auquel cas nous pouvons nous en emparer dès maintenant.

Telles sont les raisons pour lesquelles je pense que cette proposition de loi va dans le bon sens. Je remercie à nouveau tous les députés présents de leur contribution à ce débat car la maladie de Lyme est indifférente à nos différences de sensibilité politique. En légiférant sur ce sujet, nous enverrions le meilleur signal aux malades.

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J’ai reçu de M. Bruno Le Roux et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à Mme Chaynesse Khirouni.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, évoquer une telle pathologie dans cet hémicycle n’a rien d’anodin. Le sujet est grave, s’agissant d’une maladie qui touche, dans leur vie quotidienne, des dizaines de milliers de personnes.

Les aspirations de nos concitoyens ont évolué : ils souhaitent désormais être davantage entendus sur les questions de santé publique. Nous sommes nombreux, sur tous ces bancs, à avoir été sollicités par des personnes atteintes de la maladie de Lyme. Cette zoonose, bien connue en milieu rural, s’est développée en Europe ces dernières années. Les forestiers, les agents de l’Office national des forêts, sont parmi les principaux groupes à risque. Exposés dans leur activité professionnelle, certains salariés nous interpellent sur la nécessité de prendre en charge cette pathologie en tant que maladie professionnelle.

Je salue également le travail important accompli par les associations de malades pour soutenir les personnes atteintes, mais aussi pour sensibiliser les pouvoirs publics et la communauté médicale.

Nous avons tous été sensibles à ces récits, ces parcours de vie, ces errances thérapeutiques. De nombreux malades ou leurs proches nous ont fait part de leurs difficultés quotidiennes et de leurs souffrances physiques, psychologiques ou sociales. Ces parcours chaotiques, qui s’étendent souvent sur de nombreuses années, ne peuvent plus rester sans réponse concrète et nous aurions tort de n’y répondre que par la compassion.

Je veux rappeler avec force que le groupe socialiste partage le principal objectif de cette proposition de loi déposée par plusieurs de nos collègues du groupe UMP et qui vise à mieux diagnostiquer, soigner et prévenir la borréliose de Lyme. Je regrette à ce propos certains propos caricaturaux tenus par certains collègues du groupe UMP, voire certaines postures politiciennes affichées lors de nos débats en commission des affaires sociales.

Exclamations sur les bancs du groupe UMP.

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Nous réaffirmons que la proposition de loi ne répond pas à l’objectif recherché. Je salue à ce propos le sens des responsabilités et de la mesure dont ont fait preuve certains députés de l’opposition qui, comme Bernard Accoyer ou Dominique Dord, nous ont fait part de leur doute quant à l’opportunité de recourir à une loi pour traiter d’une pathologie.

Il n’y a de notre part ni attentisme, ni inertie, bien au contraire : notre groupe considère que les malades attendent des mesures concrètes, qui doivent être mises en oeuvre sans tarder, tant dans le domaine de la prévention que dans celui du diagnostic et des traitements. C’est tout le sens de notre demande de renvoi en commission. Nous nous inscrivons, avec le Gouvernement, dans le temps de l’action.

En effet, cette infection, bien que parfois asymptomatique, peut provoquer des complications durables et invalidantes dans les stades tertiaires de la maladie. Les réactions aux différents traitements antibiotiques sont diverses. Il convient de souligner que l’évolution de la maladie est favorable lorsqu’elle est diagnostiquée et traitée précocement.

Plusieurs expertises ont été conduites en France pour actualiser les connaissances sur cette maladie infectieuse dont le diagnostic, parfois délicat, repose sur un faisceau d’indices à la fois cliniques, biologiques et épidémiologiques. Il demeure donc primordial que les tests de dépistage permettent un diagnostic fiable. Il nous faut progresser sur ce point crucial.

Nul ne peut nier que des controverses existent. Certains médecins, tels les professeurs Peronne et Montagnier, dont l’autorité est grande auprès des malades, s’interrogent sur le mode de contamination et de diffusion de la borréliose de Lyme.

Je veux rappeler après le rapporteur qu’il n’appartient pas aux parlementaires que nous sommes de trancher des controverses médicales et des débats cliniques. Il nous faut rester humbles sur cette question et ne prescrire que des mesures qui relèvent de la loi, et non du règlement ou de la circulaire.

Cependant, compte tenu de cette absence de consensus scientifique, nous pouvons comprendre qu’un certain nombre de malades et leurs familles se tournent vers des médecines parallèles, ou que, confrontés au manque de fiabilité des tests, recherchent un diagnostic à l’étranger, notamment en Allemagne.

Compte tenu des débats et questionnements en cours, la ministre des affaires sociales et de la santé a saisi, dès juillet 2012, le Haut conseil de la santé publique et un rapport a été établi en décembre 2014. C’est pourquoi notre groupe estime que votre demande d’élaboration d’un nouveau rapport dans un délai de deux ans risquerait d’être contre-productive, voire de retarder la mise en oeuvre de mesures concrètes pour prévenir cette maladie vectorielle et pour soigner les malades. Dans ce domaine, le mieux est parfois l’ennemi du bien.

Nous estimons en revanche que le rapport du Haut conseil de la santé publique constitue une expertise particulièrement poussée, qui prend la mesure de cette maladie et formule des préconisations de particulière importance. Ce constat est d’ailleurs partagé par les principales associations de malades, qui estiment que ce rapport contient des avancées incontestables pour les malades.

Le Haut conseil rappelle les précautions à prendre en compte pour le diagnostic, en particulier s’agissant de l’interprétation de la sérologie.

Les difficultés de diagnostic rencontrées peuvent en outre être liées aux performances des tests en raison de la variabilité des réactifs mais, aussi, de la diversité de la famille de bactéries Borrelia en Europe et de la possible interférence d’autres agents infectieux transmis par les tiques.

Le HCSP recommande de revoir les performances des réactifs, notamment, pour ce qui est de leur sensibilité et de leur spécificité analytique en tenant compte de la composition antigénique.

Des travaux sont engagés par la Direction générale de la santé en lien avec le Centre national de référence des Borrelia, l’Institut national de veille sanitaire et l’Agence nationale du médicament et des produits de santé pour identifier les points de fragilité des tests et les possibilités de renforcer leur fiabilité d’emploi.

Pour tenter de préciser le cadre de certaines formes polymorphes persistantes mal définies, le HCSP recommande par ailleurs des études cliniques, épidémiologiques et diagnostiques associées à des études sociologiques ainsi que la mise en place d’essais cliniques randomisés sur les traitements antibiotiques.

De telles études s’inscrivent essentiellement dans des projets de recherches multidisciplinaires portés par des organismes de recherche publics.

C’est pourquoi nous sommes satisfaits que le Gouvernement saisisse l’Institut national de la santé et de la recherche médicale et demandons qu’il mette en oeuvre rapidement les propositions du Haut conseil.

Enfin – c’est pour notre groupe une proposition importante – le Haut conseil préconise d’associer davantage les patients et les associations. Il appelle à accroître le rôle et l’implication des usagers ainsi que de leurs représentants dans l’amélioration du système de santé.

Il s’agit en effet de faire en sorte qu’ils participent davantage à la définition des politiques publiques, notamment, territoriales, d’associer les usagers et leurs proches à la définition des indicateurs de performances du système et de mieux prendre en considération leurs points de vue.

Ainsi, ce partenariat bien conduit pourrait instaurer avec les associations de patients un dialogue et une communication claire sur les incertitudes et les imperfections diagnostiques actuelles, les avancées de l’épidémiologie mais, aussi, les risques éventuels liés à des traitements, à des molécules ou à des associations de molécules.

Mes chers collègues, si nous en partageons les objectifs, force est de constater que la production d’un nouveau rapport, comme le préconise cette proposition de loi, n’est pas une réponse à la hauteur des enjeux. Le temps n’est plus à la rédaction d’un rapport mais à l’application de mesures attendues par les malades et les associations.

Par ailleurs, certaines dispositions de cette proposition de loi ne relèvent pas du domaine législatif…

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Il est vrai que c’est bien la première fois !

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… comme vous le savez parfaitement.

Nous ne devons pas leurrer les malades. Cette pathologie complexe nécessite maintenant une médecine intégrative, pluridisciplinaire, et donc une prise en charge globale du patient.

Le temps est venu de lancer une grande campagne d’information et de prévention auprès du public face au développement de cette maladie.

Il s’agit là de mesures qui s’inscrivent dans la durée, bien au-delà de l’examen d’une proposition de loi, et dans le cadre plus global d’une nouvelle stratégie nationale et régionale de santé publique.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

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Rappel au règlement sur le fondement de l’article 58-1 relatif à l’organisation de nos travaux.

Monsieur le président, je suis très surpris de l’attitude du groupe SRC. Cette proposition de loi a été travaillée par nos collègues Bonnot et Vannson et porte sur un sujet…

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Est-ce vraiment un rappel au règlement, monsieur le président Le Fur ?

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… qui préoccupe un certain nombre de nos concitoyens, nous en conviendrons.

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Nous sommes tous d’accord. Une fois de plus, nous sommes en pleine procrastination.

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On reporte au lendemain ce qui pourrait être fait aujourd’hui.

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Je conclus, monsieur le président.

Il ne faut pas retarder les décisions à prendre et nous devons avancer pour résoudre un problème qui préoccupe non seulement les habitants de l’est de la France mais également ceux de l’ouest – je puis vous l’assurer aujourd’hui – et, au-delà, un bon nombre de nos concitoyens.

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Monsieur Le Fur, vous êtes comme moi vice-président de l’Assemblée nationale et connaissez donc bien le règlement. Puisque vous nous invitez à ne pas perdre de temps, je vous invite, pour ma part, à ne pas multiplier les rappels au règlement qui n’en sont pas afin que nous puissions avancer.

Votre groupe pourra s’exprimer dans quelques instants lors des explications de vote.

Debut de section - Permalien
Laurence Rossignol, secrétaire d’état chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Comme je l’ai déjà indiqué tout à l’heure dans mon intervention à la tribune, le Gouvernement soutient la motion de renvoi en commission proposée par le groupe socialiste.

D’abord, parce que le rapport du Haut conseil de la santé publique est récent et que le ministère travaille déjà activement à la mise en oeuvre de ses recommandations.

En outre, je le répète, la ministre saisira avant l’été les acteurs de la recherche.

Cela a été souligné dans les débats : une expertise collective et multidisciplinaire nous permettra d’établir un état des lieux des connaissances.

Nous partageons les préoccupations exprimées concernant la performance des kits de diagnostic. C’est pourquoi l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, vérifiera l’ensemble de leurs critères de performances.

Dans le cadre des missions qui lui sont dévolues, le Centre national de référence a déjà engagé une étude de performance des tests Western blot.

Parce que les expertises techniques sont essentielles, le coeur des travaux sera réalisé en 2015.

En plus des documents d’information déjà diffusés par l’Institut national de veille sanitaire et la Mutualité sociale agricole, de nouveaux outils seront mis au point à destination de la population sur les risques liés aux tiques.

Ce travail se fera bien entendu en concertation avec le ministère de l’agriculture, les agences régionales de santé et les collectivités locales concernées. De premiers contacts ont déjà été pris en ce sens.

Vous avez souligné l’importance d’une meilleure information et d’une meilleure sensibilisation des professionnels de santé. À cette fin – j’en ai déjà parlé – une consultation des sociétés savantes concernées est engagée.

Enfin, dans quelques semaines, vous examinerez le projet de loi relatif à la santé.

J’ai entendu à plusieurs reprises un argument censé pointer une contradiction selon lequel, d’une part, cette proposition de loi ne relèverait pas du domaine législatif et, d’autre part, que son objet devrait être renvoyé à la future loi sur la stratégie nationale de santé.

Mais la loi SNS ne consacre pas un article à chaque maladie ! Tel n’est pas son contenu ! Celui-ci consiste à promouvoir une vision transversale du système de santé et à répondre aux problématiques posées par des maladies comme celle de Lyme. Il n’est pas question de procéder maladie par maladie !

Il n’y a donc aucune contradiction à s’interroger sur la dimension législative de cette proposition de loi et de renvoyer une partie de son contenu à la discussion de la future loi santé.

Ce projet de loi prévoit également de renforcer le dispositif des agences sanitaires. L’efficacité du dispositif de surveillance sera, quant à elle, renforcée par la fusion de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS , l’Institut national de veille sanitaire, l’INVS, et l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, au sein d’un nouvel institut de santé publique qui assurera l’ensemble des missions de prévention.

La réforme du dispositif de vigilance permettra une prise en charge régionale plus performante ainsi qu’un lien étroit entre le dispositif régional et les agences nationales. Il s’agit d’un aspect essentiel pour une meilleure prise en compte, demain, de la maladie de Lyme.

Vous le voyez, des actions sont lancées, de nombreuses réponses aux problématiques soulevées sont en train d’être apportées ou le seront dans les prochains mois.

Le travail que vous souhaitez mener autour de la maladie de Lyme ne s’arrête pas aujourd’hui. Tel est le sens de cette motion de renvoi en commission.

Certains parmi vous ont invoqué l’urgence. Or, je ne suis pas sûre que l’adoption d’une proposition de loi et le chemin qu’elle doit parcourir jusqu’à sa promulgation soient plus rapides que l’ensemble des actions déjà engagées par le Gouvernement et qui se poursuivent.

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Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à M. Frédéric Reiss, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

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En écoutant Mme Khirouni, j’ai retenu qu’elle ne souhaitait ni l’attentisme, ni l’inertie. C’est pourtant ce que préconisent la majorité et la secrétaire d’État.

Pourtant, la maladie de Lyme, bien réelle, ignore quant à elle les postures politiciennes. Il s’agit d’une infection très fréquente, notamment dans les départements alsaciens.

Selon une enquête réalisée par la cellule interrégionale d’épidémiologie dépendant de l’INVS et une enquête de la caisse régionale d’assurance maladie, 2 400 patients sont pris en charge chaque année dans la seule Alsace.

Les symptômes de cette maladie sont parfois curieux et déroutants – nombre d’orateurs l’ont dit – et se recoupent avec ceux d’autres affections, d’où l’errance du diagnostic dans de trop nombreux cas de borréliose de Lyme.

Les malades attendant de nous un signe fort. c’est pourquoi le groupe UMP votera contre cette motion de renvoi en commission.

Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

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Sur la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Le groupe SRC soutiendra évidemment les très sages propositions de Mme Khirouni et de Mme la secrétaire d’État sur un sujet tel que celui-ci.

Il est certes important que la recherche avance sur la maladie, sur son dépistage, sa progression et son traitement. Tout cela est bel et bon et s’effectue par voie réglementaire.

Il n’y a que peu de choses – éventuellement – à rajouter à la future loi de santé s’agissant des conditions dans lesquelles tout ceci pourrait être amélioré, tant pour la maladie de Lyme que pour dix ou cinquante autres maladies plus ou moins comparables.

J’ajoute que les organismes nationaux chargés d’assurer la qualité des tests diagnostiques et des traitements existent déjà.

Enfin, il importe de renvoyer en commission un texte aussi peu abouti, manquant de la rigueur et de la scientificité nécessaires à toute analyse.

En effet, il repose sur des constatations fausses, grossièrement mensongères : prétendre que l’on dénombre un million de cas en Allemagne alors qu’il y en a 90 000, cela ne favorise pas la plus grande exactitude.

Nous ne pouvons pas considérer cette proposition de loi comme une base de travail. Il faudra la reprendre entièrement mais nous n’attendrons évidemment pas cela pour développer ce dont les malades ont besoin.

Un rapport a déjà été publié. Ne perdons pas de temps, continuons à travailler au mieux pour les malades et leurs associations mais, aussi, pour que les professionnels répondent aux besoins qui se font jour !

Ne laissons pas développer de faux arguments, de fausses informations et de faux diagnostics, très dangereux pour les malades à qui l’on fait croire qu’ils sont atteints par la maladie de Lyme quand ce n’est pas le cas – ce qui est tout aussi grave que de laisser des malades ignorer qu’ils en sont vraiment atteints.

Revenons à des choses sérieuses, rigoureuses et scientifiques et c’est ce que nous pourrons faire grâce à ce renvoi en commission !

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants: 22 Nombre de suffrages exprimés: 22 Majorité absolue: 12 Pour l’adoption: 13 contre: 9 (La motion de renvoi en commission est adoptée.)

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Les associations de malades apprécieront !

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S’agissant d’un texte inscrit à l’ordre du jour fixé par l’Assemblée, il appartiendra à la conférence des présidents de proposer les conditions de la suite de la discussion.

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Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

La séance est levée.

La séance est levée à dix-huit heures quarante.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly