La France met à la disposition des Françaises et des Français bien plus de produits qu’ils n’en consomment : les commerces alimentaires regorgent de 180 % de la quantité de nourriture dont sa population a véritablement besoin !
Les deux étapes de la chaîne agroalimentaire qui représentent le plus de pertes sont la production et la consommation – à raison de 93 kilogrammes de déchets par habitant et par an chacune. Par comparaison, les secteurs des transports, de la transformation et de la distribution, avec respectivement 26, 31 et 17 kilogrammes par habitant et par an, produisent moins de déchets.
Le constat est fait, mais peu de solutions sont apportées à la question de la production alimentaire. Les forces économiques en présence ainsi que la prégnance du droit européen expliquent probablement ce manque de mesures.
Nous pourrions faire une gestion plus raisonnable de la production en définissant nos besoins alimentaires et nos capacités de commercialisation dans le respect de la souveraineté alimentaire, en évitant la destruction de denrées alimentaires pour cause de surproduction, en récupérant tous les produits non récoltés ou encore en contrôlant davantage le ratio entre les produits mis en rayon et les produits jetés. Ce sont autant de pistes que nous aurons – que vous aurez, monsieur Garot – à creuser.
C’est bien toute la chaîne qu’il faut étudier. Les pertes et les gaspillages sont liés non pas à un comportement irresponsable des acteurs, mais à un changement profond de notre système de production alimentaire et de notre modèle d’alimentation. La situation actuelle résulte de quarante années de productivisme et de consumérisme. Les filières sont « standardisées » et rejettent les produits non conformes aux attentes supposées des consommateurs, qu’il s’agisse de standards esthétiques ou de calibrage. C’est particulièrement frappant dans le secteur des pommes de terre et, plus largement, des fruits et légumes, où 20 % à 30 % de la récolte peuvent être exclus du système.
En outre, la faible valeur des produits agricoles, qu’entretiennent les subventions de la politique agricole commune, entraîne des effets pervers : une faible considération des aliments par les consommateurs, qui hésitent moins à les jeter, et parfois même l’abandon pur et simple des fruits et légumes dans les champs, car la main-d’oeuvre est plus chère que le produit lui-même.
Ainsi, seules des mesures structurelles traitant les causes du gaspillage alimentaire permettront d’en guérir les effets désastreux : non seulement une meilleure rémunération des producteurs pour le fruit de leur travail, mais aussi une véritable politique alimentaire sociale qui cible l’accessibilité des produits aux personnes dans le besoin. À cet égard, il faudra sans doute se pencher sur le Fonds européen d’aide aux plus démunis.
Par ailleurs, nous sommes persuadés que l’ancrage territorial de la production et l’utilisation de fruits et légumes de saison permettent de réduire le gaspillage alimentaire en responsabilisant les acteurs de la chaîne grâce au lien social et au lien de proximité. Nous confirmerons cela très prochainement lors des auditions que conduira la mission d’information parlementaire sur les circuits courts et la relocalisation des filières agroalimentaires, dont ma collègue Brigitte Allain est la rapporteure.
Concernant la valorisation enfin, les déchets alimentaires pèsent lourd sur le climat, en France. Pour l’essentiel, ils sont encore enfouis ou incinérés, et sont notamment responsables – surtout lorsqu’ils sont mis en décharge – de 19 % des émissions de méthane, un gaz dont le pouvoir de réchauffement climatique est vingt-trois fois plus élevé que celui du dioxyde de carbone !
Avec la loi de transition énergétique, nous avons l’opportunité dès aujourd’hui de généraliser l’obligation de tri à la source pour les particuliers et les professionnels, et de mettre en place une hiérarchie dans la valorisation des produits qui sont destinés à être mis au rebut. L’ordre des priorités devant être le suivant : nourrir les humains, transformer les rebuts en nourriture pour les animaux, encourager le compostage – c’est-à-dire le juste retour aux sols de la matière organique – et, enfin, la méthanisation, qui permet la production d’énergie.