Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi relative à la maladie de Lyme déposée par Marcel Bonnot.
Il s’agit d’un texte auquel je suis particulièrement attaché, un texte né du constat des situations difficiles auxquelles nombre de nos concitoyens sont confrontés dans l’approche de cette maladie. Il a malheureusement été rejeté en commission, ce que je regrette à titre personnel. Aussi, j’attends beaucoup de cette discussion dans l’hémicycle et j’espère qu’une majorité de nos collègues seront convaincus du bien-fondé de ce texte.
La maladie de Lyme, ou borréliose de Lyme, est une maladie infectieuse due à une bactérie et transmise par une piqûre de tique. Cette zoonose, identifiée en 1975 dans le comté de Lyme aux États-Unis, est bien connue en milieu rural. Elle est aujourd’hui très présente sur la quasi-totalité du territoire, en particulier dans les zones rurales et boisées. Elle soulève plusieurs enjeux : les difficultés de diagnostic clinique et biologique, les voies de traitement, la cartographie et la nécessaire prévention.
D’abord, la maladie de Lyme possède donc la particularité d’être difficile à diagnostiquer, en raison de la complexité de l’analyse clinique et de difficultés liées à la sérologie. Elle se caractérise en effet par la succession de trois phases associées à des manifestations cliniques variées conduisant la communauté médicale et scientifique à une extrême prudence dans la délivrance du diagnostic.
Cet enjeu se fait plus prégnant s’agissant du caractère chronique de la maladie, dont la reconnaissance divise la communauté médicale et scientifique. Cette situation est toutefois difficile à vivre pour certains patients, plongés dans un terrible désarroi. En effet, beaucoup ne peuvent mettre un nom sur le mal dont ils souffrent, du fait de la méconnaissance de cette maladie et de la difficulté à la diagnostiquer.
L’analyse biologique, au travers principalement de la sérologie, se révèle également difficile. Elle repose sur deux tests, un de dépistage et un de confirmation, dont la fiabilité est aujourd’hui mise en question, ce que confirme le rapport du Haut conseil de la santé publique.
Le test de dépistage pratiqué en France, le test ELISA, serait en effet élaboré à partir de souches américaines qui ne correspondent pas forcément aux formes de borrélies que l’on peut trouver sur notre territoire. Il existe plusieurs formes différentes de borrélies dans le monde. Une récente étude publiée par l’Université John Hopkins de Baltimore a montré que le protocole de test ELISA ne permettait même pas de détecter un quart des cas de maladie de Lyme.
Ce manque de fiabilité des tests, constaté donc par le Haut conseil, nous permet de douter du nombre de cas recensés en France : ils seraient 15 à 20 000, alors qu’en Allemagne, où l’approche de la maladie est différente, on en dénombre un million ! En s’arrêtant sur ces chiffres, on peut raisonnablement penser que de nombreux malades français sont passés à travers les mailles du filet du diagnostic, et souffrent, ou risquent de souffrir, de la forme chronique sans bénéficier du traitement adapté.
S’agissant du traitement justement, des divergences apparaissent également. Si tout le monde s’accorde à reconnaître qu’une antibiothérapie est efficace au stade primaire de la maladie, les avis divergent lorsqu’il est question du caractère chronique et des traitements associés. D’un côté, le corps médical a la crainte légitime d’attribuer à tort des manifestations symptomatiques à la maladie de Lyme ; de l’autre, les patients, pour lesquels l’antibiothérapie prolongée pourrait représenter une solution, sont plongés dans le désarroi.
Il n’est pas de notre rôle de prendre parti sur ce sujet, mais de permettre que la question du traitement soit réenvisagée. J’espère notamment qu’une nouvelle conférence de consensus verra le jour sur la maladie de Lyme, surtout donc s’agissant du traitement.
La cartographie des zones à risques constitue un troisième sujet important pour l’ensemble des acteurs. Elle existe, mais elle pourrait être plus complète. Au cours de mes auditions, il a ainsi été suggéré de faire ressortir le taux de tiques infectées ou de parvenir à un recensement plus fin des maladies de Lyme dûment diagnostiquées.
Le dernier enjeu, et non des moindres, est celui de la prévention. Tous les acteurs s’accordent sur l’impérieuse nécessité d’une information sur les modalités de prévention primaire – vêtements longs, répulsifs – comme secondaire – retrait de la tique. Les patients et le corps médical doivent être davantage sensibilisés à ces mesures simples mais très efficaces.
Enfin, j’aimerais souligner l’intérêt de cette proposition de loi après la discussion que nous avons eue en commission.
On pourra objecter que ce texte est d’ores et déjà satisfait par la publication très opportune d’un rapport du Haut conseil de la santé publique, en décembre 2014. Permettez-moi tout d’abord de constater qu’il a fallu attendre l’adoption définitive d’une proposition de résolution européenne et le dépôt de la présente proposition de loi le 14 octobre 2014 pour déclencher la publication du rapport du Haut conseil, le 4 décembre dernier. Sinon, il ne serait probablement toujours pas paru aujourd’hui. Par ailleurs, ce document constitue un point de départ dans l’approche nouvelle que nous devons avoir de cette maladie, d’où l’intérêt de cette proposition de loi pour faire bouger les lignes et appréhender au mieux cette pathologie dans notre pays, en prenant comme postulat de départ les constatations du rapport.
C’est tout l’enjeu du rapport demandé à l’article 1er. À mon sens, ce document n’a pas vocation à être la réédition des travaux menés par le Haut conseil, mais un état des lieux de ce qui aura été fait à la suite de vos annonces, madame la secrétaire d’État. J’ai déposé un amendement précisant cette intention.
Les conclusions du HCSP ne visent pas à mettre un terme aux controverses scientifiques mais appellent au contraire un approfondissement de ces questions. Le Parlement doit faire en sorte que tout soit mis en oeuvre pour permettre à la communauté médicale et scientifique de se poser toutes les questions, même les plus iconoclastes, et d’apporter des réponses sans équivoque au terme d’échanges, d’analyses et de débats.
Avec l’article 2, c’est le rôle des professionnels de santé qui doit être amplifié, grâce à l’intégration de la maladie de Lyme dans la formation continue. J’estime en effet que tout doit être mis en oeuvre pour que les médecins soient en mesure de poser un diagnostic dès le stade primaire de la maladie.
Avec les articles 3 et 4, c’est la prise en charge de la borréliose de Lyme qui est en jeu, au travers d’un plan national. Ce plan, étalé sur cinq ans, couvrirait tous les aspects, depuis la surveillance épidémiologique jusqu’à la prise en charge des patients en passant par une politique de prévention adéquate.
L’existence de controverses scientifiques ne doit pas constituer un abcès de fixation. Les différentes démarches diagnostiques et thérapeutiques doivent pouvoir être retenues ou écartées au terme d’examens, de débats et d’évaluations, dans un climat apaisé. Les conclusions et recommandations qui en résulteraient doivent également pouvoir être largement diffusées et expliquées. Tel est l’enjeu de cette proposition de loi.
Sans nous substituer aux représentants de la communauté scientifique et médicale, il est de notre rôle de parlementaires de permettre que toute la lumière soit faite sur cette maladie. Je pense par exemple à la question des risques éventuels de transmission par voie sanguine ou materno-foetale de la maladie. Le professeur Luc Montagnier indiquait encore la semaine dernière, lors d’une réunion publique, que cette possibilité n’était pas à exclure.
Notre histoire récente est marquée par un certain nombre de scandales sanitaires ayant pour origine des failles dans l’appréhension de certaines pathologies. Les nombreux témoignages que nous avons pu recevoir de praticiens et de patients mettent en lumière une certaine forme de déni de cette maladie dans notre pays, alors que bon nombre d’autres États se sont emparés de la question. Je pense notamment aux États-Unis, où la communauté politique s’est saisie de ce sujet de manière très consensuelle, ce qui a permis de grandes avancées dans l’appréhension de cette maladie.