Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, chers collègues, découverte aux États-Unis en 1975, la borréliose de Lyme, ou maladie de Lyme, est une maladie infectieuse. Non contagieuse, elle est causée par une bactérie transmise à l’homme par piqûre de tique. En France, 27 000 personnes seraient contaminées chaque année par cette maladie, dans de nombreuses régions. Le pourtour méditerranéen serait plutôt épargné.
À l’occasion de l’examen de cette proposition de loi déposée par M. Bonnot, nous avons reçu des témoignages de personnes atteintes de la maladie de Lyme, qui font état de grandes souffrances. Ces personnes multiplient les consultations médicales sans que l’on puisse aboutir à l’établissement d’un diagnostic solide. Cela peut entraîner à la fois la remise en cause, insupportable, de leur parole et l’aggravation de leur maladie non soignée, voire sa chronicité.
Dans un avis sur le projet de loi de finances pour 2013 concernant l’agriculture, l’alimentation, la forêt et les affaires rurales, M. André Chassaigne évoquait déjà les difficultés des travailleurs forestiers, particulièrement exposés à la maladie de Lyme, qui cherchent à la faire reconnaître comme une maladie professionnelle. Or, selon le rapport de notre collègue, cette reconnaissance relève trop souvent du parcours du combattant, « soit parce que les travailleurs forestiers ne consultent pas de médecin, soit parce que les médecins sont insuffisamment sensibilisés à cette maladie, la maladie de Lyme n’est souvent diagnostiquée qu’aux stades 2 ou 3, alors même qu’elle engendre à ces stades des troubles neurologiques qui peuvent être particulièrement handicapants. De plus, les personnes auditionnées par votre rapporteur ont indiqué que si les frais liés aux antibiotiques nécessaires au traitement du stade 1 étaient bien remboursés, les soins palliatifs nécessaires aux stades 2 et 3 ne seraient pas totalement pris en charge ».
Pour cette maladie comme pour bien d’autres, le réveil et la prise de conscience des pouvoirs publics ont été suscités par les associations de patients. Ceux-ci nous ont écrit pour nous faire part de leurs témoignages. Je veux leur rendre hommage aujourd’hui. Ces témoignages recoupent ceux du rapport du Haut conseil de la santé publique, commandé par la ministre de la santé et des affaires sociales dès juillet 2012 et rendu public en décembre dernier.
Nous sommes confrontés à un fléau sanitaire, trop longtemps ignoré et face auquel il est temps de prendre des mesures urgentes.
Le Haut conseil de la santé publique formule ainsi des propositions concernant « la prise en charge médicale des patients dont le diagnostic clinique et le diagnostic biologique ne permettent ni de faire un diagnostic probant de maladie de Lyme, ni de l’exclure avec les moyens actuels », les tests, à propos desquels il préconise d’évaluer chaque laboratoire selon sa capacité à réaliser le diagnostic biologique, ou encore la recherche, de façon à mieux comprendre cette maladie, son origine et sa transmission. Le Haut conseil recommande également de mieux cibler et de mieux adapter les campagnes de prévention, mesure indispensable tant cette maladie demeure encore méconnue. On pourrait ajouter à ce tableau un volet concernant la formation des médecins, insuffisante sur cette maladie.
Il est donc temps de passer aux actes. Dans cette optique d’action, cette proposition de loi est-elle utile ? Oui et non.
Indéniablement, le débat qu’elle suscite et les nombreux témoignages que nous avons reçus vont contribuer à faire connaître cette maladie, sa gravité et les enjeux de santé publique qu’elle comporte. En ce sens, cette proposition de loi est utile.
Faut-il pour autant l’adopter ? Tout d’abord, elle risque, paradoxalement, de nous faire perdre du temps. Elle demande en effet, dans son article 1er, la remise au Parlement, dans les deux ans, d’un rapport relatif « aux modalités de prise en charge des personnes atteintes de la maladie de Lyme et infections associées ainsi que ses aspects chroniques ». Mais pourquoi attendre deux ans de plus, alors que le rapport du Haut conseil à la santé publique répond en grande partie à cette demande ?
L’article 2 propose que la maladie de Lyme et ses aspects chroniques constituent un des thèmes nationaux prioritaires en matière de formation médicale continue. L’article 3, quant à lui, demande l’instauration d’un plan national concernant cette maladie. Enfin, l’article 4 propose divers axes d’action relatifs au dépistage et au diagnostic, ainsi qu’à la prévention, à la recherche, aux financements et à l’information du public.
Ce sont là, permettez-moi de le dire, des nécessités évidentes, valables pour toutes les maladies. Nous ne voyons donc pas l’intérêt d’adopter un tel texte.
Par ailleurs, doit-on légiférer sur tout ? En commission, cette question a été soulevée par des députés appartenant aussi bien à la majorité qu’à l’opposition.
Pour notre part, nous ne pensons pas qu’il appartienne au Parlement de légiférer spécifiquement sur chaque maladie : hier les cancers pédiatriques, aujourd’hui la maladie de Lyme – et demain ? Les personnes atteintes d’une sclérose en plaques, du sida ou d’un cancer du poumon doivent-elles s’inquiéter et penser qu’elles ne seront prises en considération qu’à partir du moment où une loi traitera spécifiquement de la maladie qui les touche ?
Nous estimons que la représentation nationale doit plutôt se préoccuper de l’existence, dans notre pays, d’un système sanitaire capable d’assurer l’accès aux soins pour tous, pour l’ensemble de la population. Mettre en oeuvre, dans le cadre de ce système sanitaire, des moyens de lutte efficace contre telle ou telle maladie est la prérogative du Gouvernement.
Nous aurions pu admettre que des éléments de cette proposition de loi, notamment relatifs à la formation, fassent l’objet d’amendements au projet de loi relatif à la santé qui viendra prochainement en discussion à l’Assemblée. J’invite les auteurs de ce texte à déposer de tels amendements, que nous pourrions soutenir.
Le débat sur la santé n’est pas clos pour autant, et il nous préoccupe. En effet, nous ne pouvons que regretter les nombreux obstacles à l’accès aux soins, qu’il s’agisse des franchises, des déremboursements ou des dépassements d’honoraires, ou encore de l’insuffisance de la lutte contre les déserts médicaux. Ceux qui seraient tentés de dénoncer le rejet de cette proposition de loi seraient bien inspirés d’examiner leur part de responsabilité face à ces réalités concrètes, qui touchent tous les patients – des personnes qui doivent multiplier les consultations avant qu’un diagnostic fiable puisse être posé, sans parler même des territoires ruraux qui sont souvent des déserts médicaux.
De même, on ne peut pas regretter que la recherche ne se soit pas suffisamment consacrée à cette maladie lorsqu’on a voté la diminution continue des crédits de la recherche publique.
Pour conclure, nous partageons les préoccupations manifestées par les auteurs de cette proposition de loi sur la nécessité d’améliorer les connaissances sur cette maladie, la formation des médecins ou la prévention et l’information du public, mais nous pensons que, pour parvenir à ces objectifs, ce dont on a besoin, ce sont de moyens, et non pas une proposition de loi spécifique. Nous ne voterons donc pas ce texte.