Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, pour la maladie de Lyme comme pour nombre de pathologies, je ne peux qu’être favorable au développement d’un intérêt accru du Parlement et d’une volonté permanente de progrès dans les connaissances et le traitement.
Cela étant, j’avoue avoir été fortement surpris par cette proposition de loi. Reprenons-en les points principaux : l’article 1er demande un rapport ; or un tel rapport, très argumenté, a été remis en mars 2014 par le Haut conseil de la santé publique. Ce même article 1er demande une estimation du nombre de personnes atteintes ; or nous avons mieux : le nombre précisément répertorié dans notre pays chaque année par l’Institut de veille sanitaire et le réseau Sentinelles. Ce nombre est de 26 500 cas par an en France et, contrairement à ce qu’indiquent les signataires de la proposition de loi, ce nombre n’augmente pas : il est exactement le même depuis 2004, date à laquelle la méthodologie moderne a été mise en place.
La question des nombres est d’ailleurs traitée de façon étonnante dans ce texte : ainsi, au lieu d’un million de cas prétendument traités en Allemagne, il n’y en a que 90 000, soit moins de 10 %, qui ont été répertoriés par le très sérieux centre de référence d’Allemagne.
Plus avant dans le texte, la proposition de loi demande une cartographie : elle existe ! Et elle est disponible pour tous ceux qui souhaitent en avoir connaissance. Tout aussi curieuse est l’évocation de la transmission de la maladie par transfusion sanguine ou par voie sexuelle : que de fantasmes ! En France, aucun cas de transmission de nature sanguine ou sexuelle n’a été observé ; zéro cas en France et, au niveau du monde entier, sur plusieurs décennies, seuls six cas sont possibles et soumis à discussion ! D’ailleurs, s’agissant des transfusions, les procédures de traitement des produits sanguins détruisent Borrelia, qui est une bactérie fragile.
Cette proposition de loi sous-entend un déficit majeur de diagnostic de la très grande majorité des cas de la maladie de Lyme : cela ne correspond pas à la réalité, ainsi que l’ont bien compris les auteurs de ce texte lorsqu’ils ont auditionné des experts de qualité tels que le professeur Jaulhac, analysant cette question avec une rigueur scientifique.
En effet, la phase primaire de la maladie, comportant un érythème migrant sur le site de l’inoculation, est l’objet d’un diagnostic clinique, posant peu de problèmes pour peu qu’une inspection cutanée soit effectuée. À ce stade, le test biologique n’est pas indiqué.
Plus important, car porteur de conséquences, est le diagnostic des phases secondaire et tertiaire, avec par exemple des manifestations articulaires ou neuro-méningées : dans ces phases et seulement dans ces phases, le diagnostic biologique au moyen d’un test ELISA est indiqué. Réalisé correctement, ce test est très fiable. Il est effectué sur un échantillon sanguin du malade ou dans les cas de suspicion de neuro-borréliose sur un prélèvement de liquide céphalo-rachidien. Ce test, je le répète, est scientifiquement au point, et détecte la maladie par une méthode immunologique sensible aussi bien dans les cas de borréliose disséminée que de borréliose chronique.
Le recours à un test par Western Blot, hypersensible, n’est habituellement utile qu’à titre de confirmation. De plus, ce dernier test, du fait de sa très grande sensibilité, expose au diagnostic de faux positifs ; or il est très grave, comme cela a été constaté à plusieurs reprises, de dire à un patient qu’il est porteur d’une borréliose chronique alors qu’il s’agit en fait d’une sclérose en plaques ou d’une autre maladie chronique – toutes affections qui requièrent des traitements très différents.
Le sous-diagnostic de la maladie de Lyme serait dommageable, car privant les patients de l’antibiothérapie adaptée ; mais ce sous-diagnostic n’est absolument pas, tant s’en faut, de l’importance suggérée par les auteurs de la proposition de loi.
Le sur-diagnostic est tout aussi grave de conséquences : j’ai eu transmission d’un cas de patiente décédée pour avoir arrêté le traitement de sa maladie authentique car elle avait été malencontreusement l’objet de mauvaises orientations vers une suspicion – évidemment fausse – de maladie de Lyme, au vu d’un test douteux effectué par des investigateurs tout aussi douteux.
Pour ces tests, je rappelle qu’il existe des centres nationaux de référence qui vérifient la qualité, la fiabilité et la sensibilité des tests immunologiques de diagnostic. Les réactifs non validés sont aussi dangereux pour les patients que le sont les médecines parallèles ! J’invite donc tous ceux qui désirent faire preuve d’une certaine rigueur de réflexion sur ce sujet à ne pas répandre les rumeurs surestimant de façon ridicule et surtout dangereuse la prévalence de cette maladie sur la foi de tests quelque peu farfelus.
Enfin, j’adhère évidemment avec enthousiasme aux engagements du Gouvernement pour ce qui est du renforcement de la lutte anti-vectorielle, de la formation initiale, de la formation continue, de la recherche sur la maladie, de sa surveillance épidémiologique et de son traitement. Je soutiens aussi fortement l’implication, à tous les stades, des associations de patients afin qu’elles soient informées du progrès des connaissances.
En revanche, l’inscription de la maladie de Lyme dans la liste des maladies à déclaration obligatoire est sans objet, car il n’y a aucune conséquence s’agissant d’une maladie qui n’est pas à transmission interhumaine.
Faire de cette maladie un des thèmes nationaux prioritaires conduirait à la perte de l’intérêt de l’attribution de ce caractère prioritaire. Si toutes les affections atteignant 26 000 Français chaque année doivent être traitées en priorité, il n’y aura plus aucune priorité ! Suppression de la priorité pour les cancers et leurs centaines de milliers de victimes ; suppression du plan Alzheimer ; suppression du plan anti-tabac – le tabac causant pourtant 73 000 morts par an ! Trop de priorités tuent la priorité !
Restons dans la ligne tracée par l’Europe et le gouvernement français : plus de recherche, plus de mobilisation, plus de soutien aux malades, toutes mesures qui relèvent du domaine réglementaire. Cela étant, il importe tout autant que nous ne nous laissions pas entraîner par le charlatanisme, la fascination pour l’exagération coupable, une vision de Cassandre, au risque d’une désinformation dangereuse pour les malades.