Intervention de Emmanuel Macron

Séance en hémicycle du 6 février 2015 à 9h30
Croissance activité et égalité des chances économiques — Après l'article 21

Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique :

Pour rassurer M. Le Fur, je confirme qu’il existe bien, dans le droit actuel, une séparation des missions qui sont précisées dans le code du commerce. Quant à notre réforme, dans la mesure où nous visons la profession d’expert-comptable, le commissariat aux comptes en est exclu. Je peux donc vous le confirmer de manière tout à fait officielle : les cabinets associant commissaires aux comptes et experts-comptables ne pourront pas être intégrés dans les structures ; seuls les cabinets d’experts-comptables pourront l’être. Il n’y a aucune obligation à exercer les deux missions. Certains font les deux et les séparent selon des règles précisées dans le code du commerce ; d’autres ne font que de l’expertise-comptable.

Je vous répète que les commissaires aux comptes ne seront pas éligibles à notre mesure. Cela réduit son périmètre, mais nous l’assumons, compte tenu de la forte contrainte qui a été identifiée dès le départ. Je pensais avoir été clair tout à l’heure, mais je préfère vous le redire. Vous avez donc eu raison de revenir sur ce point, monsieur Le Fur.

S’agissant des amendements, j’avais été extrêmement direct en commission spéciale. J’étais convaincu par la pertinence de la mesure visant à créer un statut d’avocat en entreprise, mais je m’étais rangé à la sagesse collective. Ces amendements ne me semblent pas répondre à l’objectif qui était alors poursuivi. Je ne reviens pas sur le fait qu’ils conduiraient à créer un statut à part et additionnel, alors que notre mesure permettait de rendre certains professionnels éligibles à la profession d’avocat de manière sécurisée, selon des règles de valorisation des acquis de l’expérience ou de diplômes ; or, ici, on créerait une profession particulière.

Surtout, je souscris aux arguments donnés par Mme la rapporteure Untermaier. Ces amendements ne règlent pas la question de l’articulation de l’indépendance avec le contrat de travail du juriste d’entreprise qui n’est pas un libéral, mais qui reste un salarié lié par un lien de subordination, ce que venait régler le statut d’avocat en entreprise. Ils ne règlent pas non plus la question du secret professionnel, qui constitue le principal obstacle. Il est légalement protégé par des instances ordinales qui sont dotées d’un pouvoir disciplinaire, ce que ne permettent pas vos amendements. Un TGI, un procureur sont non pas une autorité disciplinaire, mais une autorité juridictionnelle pénale. Sous cette forme, le statut de juriste d’entreprise serait contraire à la jurisprudence de la CJUE, notamment à l’arrêt AKZO du 14 septembre 2010 qui exige une indépendance statutairement garantie. Si nous avions exploré cette voie pendant un temps, nous n’avions pu la retenir pour cette raison.

Nous voyons tous bien que la réflexion doit se poursuivre. Je suis le premier frustré que nous n’ayons pas réussi à aller plus loin. Certains avocats sont plus attachés que d’autres à cette réflexion. La direction des affaires civiles et du sceau avait mené, il y a quelques années, une réflexion qu’il faudrait reprendre dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois. Pour ces raisons, je suggère à leurs auteurs de retirer ces amendements, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.

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