La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (nos 2447, 2498).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de dix heures vingt et une minutes pour le groupe SRC, dont 438 amendements restent en discussion ; quatre heures et vingt-quatre minutes pour le groupe UMP, dont 506 amendements restent en discussion ; trois heures et vingt-quatre minutes pour le groupe UDI, dont 96 amendements restent en discussion ; deux heures et quinze minutes pour le groupe RRDP, dont 59 amendements restent en discussion ; deux heures et cinq minutes pour le groupe écologiste, dont 139 amendements restent en discussion ; une heure et trente-huit minutes pour le groupe GDR, dont 75 amendements restent en discussion ; et vingt-neuf minutes pour les députés non inscrits.
Mercredi soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 828 à l’article 21.
Cet amendement vise à supprimer une disposition introduite en commission spéciale par un amendement du Gouvernement, qui prévoit la rémunération au succès des experts-comptables. À ma connaissance, ce type de rémunération n’a pas d’équivalent en Europe. La question, qui relève d’un vieux débat, devrait être précisée et encadrée pour éviter tout malentendu ou toute dérive préjudiciable non seulement aux experts-comptables, mais surtout à leurs clients.
Si cette rémunération au succès était maintenue dans le projet de loi, il serait utile que le Gouvernement précise le périmètre concerné afin que l’indépendance des experts-comptables ne soit pas mise en doute.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement no 3063 .
Bien que la commission spéciale ait donné un avis défavorable sur cet amendement, je remercie Mme Mazetier de sa demande d’explication – justifiée, me semble-t-il – et lui propose de retirer son amendement après les explications de M. le ministre.
Le dispositif dont il est question permettra aux experts-comptables de facturer différemment certaines prestations, selon l’issue plus ou moins favorable de l’opération qui les accompagne.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement no 3063 .
Votre question, madame la députée, me semble tout à fait légitime et me permet de fournir des précisions indispensables.
La logique de l’article 21 est identique à celle retenue dans l’article 13 qui prévoit une rémunération complémentaire des avocats pour une partie de leurs actes. Comme l’indique l’exposé des motifs du projet de loi, il n’est pas question d’autoriser les honoraires à succès pour des missions de tenue de comptabilité, de révision comptable, et pour aucune mission participant à la détermination de l’assiette fiscale ou sociale du client. Je veux vous en assurer ici, madame la députée, car il n’y a rien qui puisse ranimer le « vieux débat » que vous évoquiez.
Cette faculté ne sera ouverte que pour les activités telles que l’accompagnement des transmissions ou des créations d’entreprises, qui ne font pas partie du coeur de métier des experts-comptables et dont l’article 20 bis du projet de loi réaffirme le caractère obligatoirement accessoire.
La philosophie de l’article 21 est donc identique à celle de l’article 13 : au même titre qu’un avocat, un expert-comptable pourra obtenir un revenu complémentaire, de manière accessoire, pour quelques actes situés hors du champ de compétence réglementé, non pour ses missions principales.
Cette méthode de facturation, dont nous avons discuté en commission spéciale, présente un intérêt évident pour le client lors d’opérations dont l’issue est aléatoire. En effet, dans ce cas, il lui est inconfortable de débourser l’ensemble des honoraires, indépendamment du succès ou de l’insuccès de l’opération, en particulier s’il s’agit d’une transmission ou création d’entreprise.
De plus, la rémunération au succès devra avoir été préalablement convenue avec le client ou l’adhérent, de façon transparente, dans une lettre de mission, comme c’est le cas pour d’autres professions. La commission spéciale a également discuté du contrôle des conventions d’honoraires, qui doit exister pour ces professions.
J’espère, madame la députée, avoir répondu à votre demande de clarification qui me parait indispensable.
Je retire cet amendement, tout en me demandant s’il n’aurait pas été utile d’introduire les précisions de l’exposé des motifs dans la loi.
L’amendement no 3063 est retiré.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons une longue journée de travail qui, je l’espère, permettra de clarifier certains points suscitant l’inquiétude des professionnels du droit, en particulier les alinéas 4 à 8 de l’article 21.
Des membres du barreau de Saint-Brieuc craignent notamment qu’avec les nouvelles dispositions sur la postulation, sur laquelle je ne reviendrai pas, les fonctions de défense soient de plus en plus centralisées sinon à Paris, du moins dans les sièges des cours d’appel, au détriment des tribunaux de grande instance de province.
S’agissant des alinéas 4 à 8, les avocats sont particulièrement inquiets du regroupement de professions aujourd’hui éloignées dans des structures communes, alors que leurs exigences déontologiques sont diverses. Aussi, ce regroupement doit s’accompagner de certaines garanties. Les professionnels du droit qui m’ont alerté craignent en effet que des supermarchés du droit ne se constituent.
Exerçant l’ensemble des compétences pouvant intéresser une clientèle, de telles structures pourraient dépouiller les différentes professions concernées.
Ces professionnels redoutent également que d’autres parties prenantes – banques, assurances – n’interviennent dans ces affaires et que des plateformes juridiques en ligne ne se développent, sur le fondement des alinéas 4 à 8 autorisant ces concentrations.
Je défends donc cet amendement de suppression pour que soient respectés la déontologie et les intérêts des différentes professions, aujourd’hui relativement éloignées entre elles.
Avis défavorable. Nous avons déjà beaucoup discuté avant-hier des sociétés d’exercice en commun. Je précise qu’il s’agit d’une faculté, non d’une obligation s’imposant aux professionnels. De plus, le dispositif pourrait être très utile aux professionnels sur les territoires ruraux.
Il ne s’adresse pas exclusivement au secteur urbain. Les usagers du droit pourront apprécier qu’une plateforme rassemblant plusieurs professions facilite leur accès au droit.
En outre, M. le ministre s’est engagé sans ambiguïté sur le fait que ces sociétés d’exercice seront alimentées exclusivement par le capital des professions concernées.
Avis défavorable. Je détaillerai ma réponse, ce qui me permettra de donner un avis défavorable plus rapidement sur d’autres amendements à venir.
Premièrement, il s’agit d’une faculté, qui est offerte aux professionnels.
Deuxièmement, le dispositif consiste à permettre à des professionnels de créer une société d’exercice en commun, en préservant la déontologie de chacun. Aucun rapport hiérarchique ne peut exister entre un professionnel du droit et un autre, ou même avec le chiffre puisque l’expertise-comptable est concernée. Il est important de le rappeler.
Troisièmement, s’agissant des craintes exprimées, cette possibilité n’est ouverte qu’à la condition que la totalité du capital et des droits de vote des sociétés d’exercice soit détenue par des professionnels du droit ou du chiffre. Elle ne sera donc pas ouverte à des structures détenues par des financiers, banques ou assurances, ou à des financiers extérieurs.
À l’heure actuelle, en dérogation à l’ordonnance de 1945, une société d’expertise-comptable peut être ouverte à des capitaux extérieurs, en limitant les droits de vote. Une telle société ne serait pas éligible au dispositif du présent article, puisque 100 % du capital de la société d’exercice en commun doit être détenu par un professionnel du droit ou du chiffre. Ces dispositions entérinent donc plutôt un recul par rapport à la financiarisation possible de certaines de ces professions.
Je rappelle que le capital des succursales de certains cabinets anglo-saxons qui opèrent à Paris et dans des capitales régionales – peut-être pas à Saint-Brieuc – est ouvert à des fonds de pension, jusqu’à 25 %.
Cela ne sera pas possible pour les structures dont il est question dans le présent article. Les professionnels qui souhaitent mieux s’organiser sur le territoire auront donc la faculté de faire appel à de telles structures tout en conservant chacun leur indépendance. C’est une opportunité qui est offerte pour partager des coûts fixes et mieux s’organiser, pas davantage.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement no 269 .
Madame la rapporteure, les chefs-lieux de département, comme Vannes ou Saint-Brieuc, ne sont pas assimilables à des zones rurales ! Évitez de nous confiner dans une espèce de ruralisme, comme si nous n’étions pas aptes à évoquer d’autres sujets !
Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos réponses. Vous convenez du caractère touffu de ces dispositions et j’en prends acte. Vous admettez également que nous n’y voyons pas complètement clair car il s’agit d’habiliter le Gouvernement à préciser tout cela par ordonnance. Par définition, nous finirons par manquer d’informations, comme nous le verrons au terme de la procédure.
Vous nous dites que seuls des professionnels interviendront et j’en prends acte. Mais le dispositif ne pourra-t-il pas être contourné ? Des grands groupes pourront très bien respecter les obligations prévues, mais qu’en sera-t-il de leurs filiales ?
Pour ce qui est de la déontologie, je ne prétends pas avoir le même niveau d’expertise que certains de mes collègues, mais je rappelle que les contraintes déontologiques des différentes professions du droit et du chiffre sont sensiblement différentes. Or, ces différents professionnels auront à traiter de dossiers communs. Quid, par exemple, des obligations relatives au secret professionnel, qui diffèrent fortement d’une profession à l’autre ? Les professionnels du droit craignent non seulement la constitution de grandes surfaces, mais également le salmigondis et la remise en cause de leurs compétences et de leurs spécificités.
Je vous remercie de vos réponses sur la question de la participation au capital, bien qu’un risque de contournement du dispositif existe avec les filiales. Mais pour ce qui est de la déontologie, sauf erreur de ma part, je n’ai toujours pas obtenu de réponses aux questions que se posent les professionnels du droit.
La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale.
L’article prévoit simplement de donner la faculté à des professionnels d’exercer ensemble, s’ils le souhaitent. Chacun d’entre eux respecte une déontologie qui ne disparaîtra pas parce qu’ils décideront de travailler ensemble. D’ailleurs, de manière informelle, des collaborations existent d’ores et déjà. Il s’agit simplement de leur permettre de les formaliser et de mettre en commun des moyens d’exercice. C’est un signe de confiance envoyé à des acteurs dont nous connaissons tous l’attachement à leur déontologie. Ce dispositif répond à ce qu’ils souhaitent eux-mêmes, car il leur donne la possibilité d’améliorer le service et, le cas échéant, de se regrouper.
Même si, d’une certaine manière, la peur n’évite jamais le danger, ce n’est pas parce que cette faculté est ouverte que les malhonnêtes deviendront honnêtes et que les honnêtes ne le resteront pas. Il faut faire confiance aux acteurs qui souhaitent bénéficier de cette faculté.
Le contournement sera impossible car c’est une règle de contrôle direct qui est prévue. Un cabinet d’avocats anglo-saxons dont le capital comprend des actions étrangères ou détenues par des fonds ne pourra donc pas participer à ces structures, même par le biais d’une filiale.
S’agissant de la déontologie, les professionnels sont organisés en silos. Ainsi, la déontologie de l’expert-comptable s’appliquera à l’expert-comptable. Celui-ci devra d’ailleurs rendre compte à son ordre, non à celui d’une autre profession. Les règles de déontologie, comme celles relatives au secret professionnel, relèvent de chaque profession et le présent article ne prévoit pas de les confondre. Soyez donc rassuré.
En réponse à M. Le Fur, je précise que les cabinets anglo-saxons existent de toute façon dans nos villes et nous les connaissons ; je suppose qu’il y en a à Rennes. Il y en a également à Lyon. En revanche, à Louhans, ville de 5 000 habitants, Tournus, ville de 8 000 habitants, ou encore Chalon-sur-Saône, il n’existe pas de dispositifs permettant un exercice en commun, financé par du capital privé, de ces professions. C’est cette faculté que nous voulons donner. Vous devriez, au contraire, vous réjouir d’un dispositif qui pourra atténuer les effets de ces grands cabinets que nous ne souhaitons pas voir se développer sur nos territoires.
L’amendement no 269 n’est pas adopté.
Le projet de loi prévoit d’ouvrir, par ordonnance, la possibilité de créer des sociétés regroupant des professionnels du droit et des experts-comptables. D’abord, nous nous interrogeons fortement sur la pertinence du recours aux ordonnances. Ensuite, il s’agit, non pas seulement de travailler en commun, mais de créer des sociétés, ce qui est un peu différent. À notre avis, cela créerait des risques de conflits d’intérêts et favoriserait les grosses structures, au risque de faire péricliter les plus petites, notamment en dehors des zones très urbaines. Nous demandons donc la suppression de cette possibilité.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 2301 .
Je me suis déjà exprimé sur ce sujet à la fin de la dernière séance consacrée à l’examen de ce texte et vos explications, monsieur le ministre, ne m’ont pas convaincu. Le risque de conflits d’intérêts est important. Par ailleurs, vous dites que ces structures permettront de mutualiser les moyens de différentes professions, mais il existe d’autres moyens de le faire, comme le groupement d’intérêt économique – le GIE. Nul besoin de créer une société ! Je suis donc perplexe. J’ai l’impression qu’il y a quelque chose derrière ce dispositif et je maintiens donc mon amendement de suppression.
Je comprends vos interrogations, monsieur Vercamer. Nous avons partagé vos analyses et vos préoccupations, mais il me semble que les explications données sont de nature à vous rassurer sur ces points. S’agissant du GIE, les professions ont indiqué, lors des auditions, que ce dispositif n’était pas suffisant et elles ont exprimé leur préférence pour la société d’exercice en commun, qui répond également à une demande des usagers. Avis défavorable.
Je ne reviendrai pas sur les arguments développés avant-hier soir et ce matin. J’ai pris l’exemple de la mutualisation des moyens, mais la personnalité morale est également un apport de cette société d’exercice en commun, que ne permet pas le GIE. Les professionnels auront ainsi plus de latitude, ce qui répond à leur demande. S’agissant du risque de conflit d’intérêts, j’ai indiqué à plusieurs reprises la manière dont il était maîtrisé et comment nous pouvions répondre à votre préoccupation. Avis défavorable.
Certes, mais la société d’exercice en commun pourra créer des filiales qui pourront avoir éventuellement des partenaires financiers, qui ne sont pas uniquement des professions du chiffre ou du droit, car les filiales ne sont pas concernées par ces dispositions. Ainsi, il pourra y avoir des conflits d’intérêts. Je suis désolé, mais je n’ai pas été convaincu par vos explications, monsieur le ministre. Je maintiens donc mon amendement.
Cet amendement vise à clarifier le champ des professions juridiques et judiciaires appelées à être concernées par la création de sociétés permettant une interprofessionnalité d’exercice.
Je ne comprends toujours pas comme on peut associer, dans une même unité, des professions dont les statuts sont aussi différents : des avocats, qui s’installent librement, et des officiers ministériels soumis à un numerus clausus fixé par le garde des sceaux. À terme, l’une sera dévorée par l’autre. En toute logique, ces cabinets auront besoin d’un notaire – un seul suffira, nul besoin qu’ils soient nombreux – pour authentifier les actes et la présence de ce notaire deviendra de moins en moins pertinente car il n’aura servi qu’à donner du crédit à la grande surface en création. C’est exactement ce que craignent les avocats de chez nous, monsieur le rapporteur général : les notaires risquent d’être petit à petit cannibalisés par ces structures. Certes, ils ne seront pas obligés d’y participer, mais ils auront forcément à en subir la concurrence.
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l’amendement no 2109 .
Je suis très attentif depuis ce matin à la discussion sur les objectifs de l’article 21. Il existe des groupes – je ne les nommerai pas pour ne pas leur faire de publicité, mais ils se reconnaîtront – qui développent déjà sur le terrain des activités du chiffre et du droit. Le dispositif proposé leur permettra librement et légalement d’exercer à visage découvert, car toutes ces activités pourront être exercées dans un même immeuble, sous une même vitrine, sans que les professions soumises à ce jour à une obligation d’indépendance aient à passer par la porte arrière – pardonnez-moi cette expression –, même si, chacun le sait, elles exercent déjà leurs activités en commun.
Ainsi se constitueront des sociétés qui regrouperont tous les professionnels du chiffre et du droit – telle est l’orientation que nous prenons, dont acte. Quoiqu’on puisse nous dire, les professionnels seront obligés de les intégrer, j’en suis convaincu ! J’ai déjà eu l’occasion de le dire, des moyens peuvent déjà être mis en commun sans pour autant s’organiser ainsi. Je tiens à vous alerter sur la concentration que ce dispositif risque d’entraîner à terme, car telle est la logique économique de toute structure normalement constituée, quelle que soit son activité. Une fois lancé, le mouvement ne pourra pas être arrêté. Les professionnels, qui exercent déjà dans certains groupes bien connus, continueront à s’organiser, cette fois à visage découvert.
Cela dit, je retire mon amendement, car j’ai bien compris quelle était l’orientation prise, mais je vous alerte sur le risque qui résultera inexorablement d’une telle situation.
L’amendement no 2109 est retiré.
Je remercie M. Clément d’avoir retiré son amendement. Nous nous sommes posé cette question avec beaucoup de sérieux. Je tiens à dire que ces professions, dès lors qu’elles exerceront en commun, resteront dans leur domaine d’activité. Le président du Conseil supérieur des experts-comptables a d’ailleurs précisé, lors de son audition, que, en cas d’interprofessionnalité, chaque profession resterait dans son domaine d’activité principal, l’accessoire revenant à la profession concernée. Avis défavorable.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement no 2519 et défavorable aux autres amendements. Je vous remercie, monsieur Clément, d’avoir retiré le vôtre.
Je comprends votre préoccupation, mais je vous rappelle la philosophie de l’article 21 : il s’agit d’une faculté offerte aux professionnels dans un environnement qui est plus préoccupant que ce que vous redoutez. Nous assistons en effet aujourd’hui à l’émergence de sociétés qui, grâce au numérique, offrent des prestations de services juridiques, dispensés par exemple par des avocats, en étant organisées par des professionnels qui ne sont pas des professionnels du droit mais qui, derrière, organisent le travail des avocats avec des batteries d’actes juridiques, et cela sans les garanties qu’apporteront les sociétés d’exercice en commun.
Avec l’article 21 nous parlons bien de sociétés d’interprofession soumises au cadenas déontologique que j’évoquais, c’est-à-dire qu’il n’existera véritablement pas de rapport hiérarchique d’un professionnel sur un autre et qu’il n’y aura pas de confusion déontologique. On ne pourra avoir un notaire venant faire des actes authentiques pour justifier du reste.
Non, car cela relèvera de son choix, sauf à ce vous considériez que beaucoup d’entre eux aimeront être les faire-valoir des autres professionnels du droit ! Les notaires auront toujours le choix.
Ensuite, le notaire sera au capital et il n’aura aucun rapport hiérarchique avec les autres professionnels du droit ou du chiffre. Il rapportera à sa déontologie et sera le seul officier public ministériel. Il ne pourra y avoir de confusion de missions entre les différents professionnels. Le notaire exercera, au sein de cette société, avec les avantages que j’évoquais tout à l’heure et qui ne sont pas que des avantages de moyens : une personnalité morale commune et une organisation qui le rendra plus fort et lui permettra de mieux s’organiser sur le territoire. Mais il aura l’exclusivité de ses actes, la protection de sa propre déontologie, et aucune confusion ne sera possible avec les autres.
Donc je veux être rassurant en vous disant qu’il ne s’agit que d’une possibilité. Et je ne suis même pas sûr qu’elle sera utilisée dans beaucoup d’endroits. Il faudra voir comment la situation évoluera. En tout cas, cette faculté offerte aux professionnels provient d’une demande et d’un long travail de concertation et de simplification au regard des rigidités que les structures actuelles font peser sur les professionnels qui souhaiteraient s’organiser de la sorte.
Encore une fois, les grands cabinets existent et s’organisent par succursales. Ils sont beaucoup plus financiarisés que ne le seront ces sociétés et peuvent être la succursale de cabinets étrangers. Avec le dispositif proposé, nous aurons davantage d’armes juridiques pour leur répondre. Les craintes qui s’expriment sont motivées bien plus par la situation actuelle, la présence de grands cabinets anglo-saxons et l’évolution numérique en cours que par ce texte qui, je le répète, entrera en vigueur avec toutes les garanties que j’ai pu apporter ici.
Ne nous leurrons pas. J’ai bien compris que personne n’aura l’obligation de rejoindre ce type de structure. Mais notre collègue l’a parfaitement dit : la contrainte de la concurrence sera telle que les professionnels du droit, confrontés à la perte d’une partie de leur clientèle, ne pourront s’en sortir qu’en rejoignant ce que j’appelle les grandes surfaces du droit et du chiffre.
Il y a donc là un véritable risque, d’autant plus accru que nous sommes dans une logique très liée à internet : nous allons donc délocaliser tout cela. La notion de territorialisation, qui existe encore, peu ou prou, et qui est déjà combattue par la réalité des faits, s’accentuera.
Par ailleurs, monsieur le ministre, il existe aussi une contrainte européenne. Cela veut dire que les avocats qui se trouvent à Londres, Dublin, Berlin ou ailleurs, pourront s’associer avec des notaires exerçant à Paris, à Rennes ou ailleurs, pour constituer ce type de cabinet. Au demeurant, je ne vois pas la moindre règle européenne qui les en empêcherait.
Ne nous leurrons pas, il y a là un véritable risque : certains professionnels prendront naturellement la pente menant à de telles structures, et les autres y seront petit à petit contraints. Cela dit, si une telle pente existe c’est bien parce que certaines entreprises auront intérêt à traiter avec des structures de ce genre – de ce point de vue je peux vous suivre – qui s’occuperont de tout. L’expert-comptable, le commissaire aux comptes, le notaire, l’avocat, tous feront partie de la même boutique ! En regroupant tout dans un seul dossier, les sociétés d’exercice en commun feront des économies d’échelle qui leur permettront de baisser leurs coûts. Et elles travailleront avec les entreprises désireuses de ne traiter qu’avec un seul interlocuteur. Et puis ces structures ne seront pas simplement nationales ; pour les raisons que j’ai évoquées, elles seront européennes. Enfin, elles travailleront sur le net et, pour un certain nombre de nos professions, nous serons en pleine délocalisation. C’est une projection que je fais, mais tel est le propre d’une logique législative.
Si nous évoluons, c’est aussi pour répondre à un besoin. Je comprends ce besoin, et je sais qu’il existe. Je fréquente suffisamment les entreprises pour savoir qu’un certain nombre d’entre elles aspirent à s’adresser à une espèce de guichet unique. Mais le risque est d’autant plus grand de voir disparaître certaines de nos structures d’avocats ou de notaires, et de voir se constituer des grandes surfaces qui seront là pour répondre aux besoins, comme elles l’ont fait dans d’autres domaines dans les années 60 et 70.
Toutes les questions soulevées sont légitimes, mais elles ne doivent pas masquer les opportunités. Marc Le Fur a cité des professions qui s’associeraient dans ce cadre. Mais il n’est pas obligé que cette association soit unique dans une géographie donnée. Un notaire, un avocat, un expert-comptable, cela fait trois personnes. Dans ma petite ville, il y a de quoi constituer quatre sociétés de ce genre, et pas forcément une seule qui deviendrait ce supermarché que vous craignez, monsieur Le Fur.
Il sera aussi possible d’avoir des structures relativement modestes mais bien constituées autour des professionnels compétents, dans leur silo déontologique. On donne à ces professionnels des armes pour s’organiser de façon transparente et pour résister à des propositions émanant de grands groupes financiarisés, que notre collègue Clément évoquait tout à l’heure et qui existent, déjà, sans être complètement transparentes. Et là, le titre du projet de loi – l’égalité des chances économiques – prend tout son sens pour ces professionnels du chiffre et du droit. Il n’y a en effet pas de raison qu’ils s’interdisent, eux, ces mutualisations qui permettent de renforcer le maillage territorial – et même, avec le numérique, de s’affranchir des distances – pendant qu’on fermerait les yeux sur les manières de faire de grands groupes, eux déjà financiarisés à l’international et qui, de fait, pratiquent déjà ce que nous craignons.
Nous sommes là en train d’offrir un moyen de défense et d’organisation au modèle français. Il faut absolument donner cette possibilité à nos professionnels.
Je suis ravi, monsieur le ministre, de vous voir user d’un ton plus apaisé que celui qui était le vôtre dans la nuit de mercredi à jeudi. Le repos a été bénéfique pour vous.
Vous voulez que l’on compte le nombre d’avocats qui prennent la parole ici !
Monsieur le ministre, dans votre argumentation relative à ces sociétés pluridisciplinaires, vous évoquez une concurrence avec le numérique. Mais les avocats sont les seuls à être en concurrence avec le numérique. Un tel argument ne justifie donc en rien la pluriprofessionnalité. Que je sache, personne ne peut bénéficier d’actes authentiques par internet. Personne ne peut recevoir par internet le sceau de l’État. Les officiers publics et ministériels ne sont absolument pas en concurrence avec le numérique !
Vous dites également qu’il n’y aura pas, au sein de ces structures, de lien de subordination entre les différentes professions. Mais vous savez bien que le capital en décidera autrement : celui qui sera majoritaire au sein d’une société pluridisciplinaire décidera des orientations de celle-ci.
Vous nous dites également que personne n’obligera jamais les officiers ministériels à rentrer dans ces structures. Mais il faut tenir compte de la combinaison des différents articles de ce projet de loi. Certains officiers publics et ministériels, qui seront fragilisés économiquement par la baisse programmée du tarif et par la liberté d’installation que vous mettez en place, auront besoin de trouver une solution alternative à la modalité d’exercice qu’ils ont actuellement. Ils entreront donc dans ces structures non par choix, mais par nécessité de survivre. Et c’est là que le risque est grand : pour survivre, certains d’entre eux seront prêts à accepter l’inacceptable.
Monsieur le ministre, ce qui me choque le plus c’est la coexistence, dans la même société, des métiers de contrôle avec ceux de rédaction des documents : celui qui contrôle est placé sous la même hiérarchie que celui qui établit les documents. Nous en parlions tout à l’heure à propos des experts-comptables et des commissaires aux comptes, mais c’est vrai pour les métiers du chiffre et du droit en général. Celui qui va faire le chiffre va être contrôlé par celui qui fait le droit, ou vice-versa. Ils se trouveront dans la même structure : il n’y aura donc plus la séparation et l’impartialité qui est garantie par la loi. C’est ce qui me gêne le plus. Pour le reste, je ne vois pas d’inconvénient à ce que l’on essaie de mutualiser les moyens et d’améliorer la situation.
D’abord, nous sommes dans une logique européenne, monsieur le ministre, donc, à l’évidence, des avocats localisés dans d’autres pays européens pourront appartenir à ce type de sociétés. Ensuite, commissaires aux comptes et experts-comptables pourront-ils exercer dans la même entreprise ?
Attendez : le procès-verbal de notre séance a un sens, donc j’espère qu’on va me le dire, et pas seulement en me faisant des réponses à l’emporte-pièce ! J’aimerais avoir des précisions, et je sais que vous savez les donner quand vous le souhaitez, monsieur le rapporteur général.
Enfin, je crains que ce type de société associant beaucoup d’avocats n’ait finalement besoin que d’un seul notaire, puisque celui-ci n’aura plus qu’une seule fonction : celle d’authentifier l’acte ! Est-ce que je me trompe, monsieur le ministre ?
Je voudrais d’abord vous rassurer, monsieur Huyghe : quand on s’exprime à mon égard de manière courtoise et calme, je suis toujours courtois et calme, comme vos collègues ont pu s’en apercevoir.
Pour ce qui est de la logique européenne, monsieur Le Fur, je vous rassure : ce principe existe, mais avec la règle de détention à 100 % par des professionnels. Donc, effectivement, un professionnel étranger pourra tout à fait entrer dans une telle structure, mais pas des fonds étrangers ou une société étrangère financiarisée. De la même façon, vous avez aujourd’hui des cabinets anglo-saxons qui opèrent en France. Ils embauchent des avocats.
Non, mais là ils n’achèteront pas plus les notaires. Un avocat allemand pourra, s’il le veut, s’associer avec un notaire français, mais pas plus. Les sociétés qui sont derrière, elles, ne pourront pas s’associer. Nous n’avons pas de réponse crédible face à la plupart des sociétés étrangères – c’est aujourd’hui tout le problème que nous avons et qui fait, d’ailleurs, que dans la bataille européenne, nous n’arrivons pas à les concurrencer proprement – et notamment face aux cabinets anglo-saxons qui sont financiarisés et qui opèrent en France. Leur capital est parfois détenu, à hauteur de 25 %, par des actionnaires financiers. Ils ne seront pas éligibles à ces structures. Un professionnel le sera.
Vous avez aujourd’hui des cabinets allemands qui opèrent en France et créent des succursales avec un capital ouvert. La jurisprudence européenne nous impose de les reconnaître : ils ne seront pas éligibles à ces structures, mais là vous avez des professionnels français qui pourront s’organiser et imposer le modèle. Cela nous donne aussi des armes dans la jurisprudence européenne pour opposer le modèle que nous sommes en train de structurer.
J’insiste donc encore sur ce point : la règle qui est définie, c’est un contrôle direct et une détention intégrale par les professionnels. Je ne crois donc pas au risque vous évoquez.
Cela dit, vous avez raison, nous devons ensemble essayer d’identifier les risques possibles, mais les notaires ont leurs règles de déontologie, leurs critères d’indépendance, ils sont officiers publics ministériels, et, quelles que soient les dynamiques du capital, on parle de professionnels qui prennent la décision de s’associer. Si l’équilibre n’est plus satisfaisant, ils peuvent toujours mettre fin à leur association, comme il y a aujourd’hui des notaires ou des avocats qui rompent une association dont ils ne sont plus heureux. Ce n’est ni un mariage forcé ni un mariage à vie.
De plus, les règles déontologiques protègent le notaire. On ne pourra donc en aucun cas le forcer à faire de l’abattage ou à produire des actes sans lien avec la déontologie de sa profession, la qualité du conseil qu’il aura à fournir en tant qu’officier public ministériel, que nous avons toutes et tous reconnue dans nos discussions. Je peux donc pleinement vous rassurer sur ce point.
Ce texte ne viendra pas enfreindre l’indissociabilité de la rédaction et de l’authentification de l’acte sur laquelle ont insisté tous les notaires avec lesquels nous avons parlé et qui est importante. Celle-ci reste l’un des fondements du métier, je vous rassure.
Quant au numérique, je l’ai pris comme exemple de l’évolution de la profession pour répondre à M. Clément, mais je n’en ai pas fait une base de l’argumentation. Ce n’est en rien la justification de cette modification parce que, vous avez raison, monsieur Clément, si tel avait été le cas, cela n’aurait concerné que les avocats. Nous n’en avons d’ailleurs pas parlé il y a deux jours lors de notre discussion ; ce ne sont pas les prémisses de la proposition.
Enfin, seule la profession d’expert-comptable est concernée, en aucun cas celle de commissaire aux comptes. Ces deux professions ont été dissociées de manière très claire dans notre code. Nous avons eu une discussion importante sur ce point en commission spéciale, en aucun cas cela ne peut concerner celui qui contrôle.
La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement no 233 .
L’amendement no 233 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’alinéa 8 renvoie à une ordonnance pour prendre des mesures permettant, « pour l’exercice des professions d’avocat, de notaire, d’huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire, d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire, le recours à toute forme juridique, à l’exclusion de celles conférant la qualité de commerçant à leurs associés, en soumettant la répartition du capital et des droits de vote à des conditions assurant le respect des règles déontologiques et prenant en compte les risques de conflits d’intérêts propres à chaque profession ».
Une telle ordonnance semble inutile en raison de l’adoption de l’article 20 ter en commission spéciale. C’est pourquoi nous proposons la suppression de l’alinéa 8.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement no 2520 .
La commission a en effet adopté un amendement qui inscrit à l’article 20 ter du projet de loi un dispositif « en dur » visant à permettre le recours à toute forme juridique pour l’exercice des professions juridiques réglementées.
L’article 21, amendé, est adopté.
Je suis saisi de quatre amendements, nos 1355 rectifié , 364 rectifié , 1120 et 2606 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 364 rectifié et 1120 sont identiques.
La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement no 1355 rectifié .
Puisque le statut d’avocat d’entreprise n’a pas été retenu, ce que, personnellement, je regrette, il me semble nécessaire d’essayer de garantir la confidentialité du travail des juristes d’entreprise.
Certes, et je pressens un peu la réponse qui me sera faite par la rapporteure, les juristes d’entreprise ont déjà un statut dans la loi et il ne s’agit évidemment pas de créer une nouvelle profession réglementée. Je vous propose de préciser les conditions d’exercice de cette profession pour essayer de régler le problème de la confidentialité.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 364 rectifié .
Notre groupe se satisfait de l’abandon de la notion d’avocat d’entreprise. Il n’empêche que les juristes d’entreprise ont une singularité par rapport à d’autres salariés de l’entreprise. Cette singularité est déjà partiellement reconnue, et, comme l’a expliqué M. Caresche, il semble nécessaire de l’affirmer à l’occasion de ce texte.
Vous nous répondez, monsieur le ministre, que les commissaires aux comptes ne pourront pas faire partie de ces nouvelles sociétés, de ces nouvelles grandes surfaces. Je comprends cette logique. Il n’empêche que, dans les cabinets que je connais, dans les territoires que je connais, certains sont à la fois experts-comptables et commissaires aux comptes. Ils ne sont pas commissaires aux comptes quand ils exercent pour une entreprise des fonctions d’expertise comptable et, quand ils sont commissaires aux comptes, ils s’interdisent évidemment d’être experts comptables, mais c’est la même structure, la même personne.
J’imagine que l’interdiction qui vaut pour les cabinets existants vaudra pour ces nouvelles grandes surfaces, mais j’aimerais que vous le précisiez car vous avez oublié tout à l’heure de parler de cette singularité de la double compétence, qu’on ne peut exercer que de manière étanche à l’égard d’un client.
La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour soutenir l’amendement no 1120 .
Comme nous avons refusé la mise en place de l’avocat d’entreprise, les juristes d’entreprise ont besoin d’avoir droit au secret et à la confidentialité des consultations juridiques ainsi que des informations et échanges qu’ils peuvent avoir avec la direction de la société dans laquelle ils travaillent. Les consultations qu’ils font pour le compte de leur employeur ne doivent pas pouvoir être utilisées contre celui-ci. C’est le moins que nous puissions faire dans le cadre de la modernisation, terme cher au ministre, qui est l’objectif de ce texte.
La parole est à Mme Karine Berger, pour soutenir l’amendement no 2606 .
Notre objectif initial était de trouver un statut juridique assurant une protection minimale à ceux qui donnent des conseils juridiques en entreprise.
L’alignement sur le statut d’avocat n’est pas possible, les discussions en commission spéciale l’ont clairement démontré. En revanche, nous pouvons répondre au problème soulevé dès le départ par le ministère des finances, à savoir la nécessité de donner aux juristes d’entreprise la possibilité de conseiller juridiquement leur direction générale. Pour cela, il faut un minimum de protection.
L’amendement que nous proposons avec Mme Rabault est d’une certaine façon un peu plus doux que celui de M. Caresche et permettrait d’assurer un minimum de protection à ceux qui exercent ces professions à l’intérieur de l’entreprise. Il peut être amélioré sur le plan technique et nous pouvons travailler avec le ministère des finances pour que tous ces gens soient clairement protégés. Je vois les conseillers du ministre dire non de la tête. Je propose que l’on donne la parole au ministre avant d’avoir l’avis de son cabinet.
Cette préoccupation s’inscrit dans une réflexion que nous avons menée dans le cadre de la commission spéciale, notre souci premier étant d’écarter le statut d’avocat en entreprise. Les règles de déontologie, que vous avez d’ailleurs rappelées à plusieurs reprises, sont en effet incompatibles avec la création d’un tel dispositif, nous le disons haut et fort et nous serons très vigilants sur cette question.
S’agissant du secret professionnel, les amendements proposés sont intéressants, mais, lors des auditions, seuls les juristes d’entreprise ont exprimé un tel souhait. Le MEDEF n’a fait aucune demande en ce sens. Les entreprises sont relativement muettes à ce sujet.
Pourquoi ne pas cheminer sur cette question ? Une profession juridique réglementée supplémentaire, cela nous paraît tout de même assez compliqué et peu dans l’esprit dans lequel nous souhaitons évoluer. Nous pourrions poursuivre la réflexion dans le cadre de la réforme « Justice du XXIe siècle ».
En tout cas, à ce stade, la commission est défavorable à ces amendements et je suggère à mes collègues de les retirer.
Le secret professionnel, c’est l’affaire des avocats. Si nous voulons leur retirer ce privilège qui leur permet de vivre à un moment où la profession est en difficulté, nous devons en mesurer tous les risques et voir les impacts que cela peut avoir. Rien n’interdit à une entreprise de s’attacher les services d’un cabinet d’avocats ou d’avocats pour travailler sur cette question. Le secret professionnel est attaché à une profession, avec des règles de déontologie très fortes, auxquelles elle est à juste titre attachée. Je crois que l’on ne peut pas avancer plus loin sans une étude d’impact.
Pour rassurer M. Le Fur, je confirme qu’il existe bien, dans le droit actuel, une séparation des missions qui sont précisées dans le code du commerce. Quant à notre réforme, dans la mesure où nous visons la profession d’expert-comptable, le commissariat aux comptes en est exclu. Je peux donc vous le confirmer de manière tout à fait officielle : les cabinets associant commissaires aux comptes et experts-comptables ne pourront pas être intégrés dans les structures ; seuls les cabinets d’experts-comptables pourront l’être. Il n’y a aucune obligation à exercer les deux missions. Certains font les deux et les séparent selon des règles précisées dans le code du commerce ; d’autres ne font que de l’expertise-comptable.
Je vous répète que les commissaires aux comptes ne seront pas éligibles à notre mesure. Cela réduit son périmètre, mais nous l’assumons, compte tenu de la forte contrainte qui a été identifiée dès le départ. Je pensais avoir été clair tout à l’heure, mais je préfère vous le redire. Vous avez donc eu raison de revenir sur ce point, monsieur Le Fur.
S’agissant des amendements, j’avais été extrêmement direct en commission spéciale. J’étais convaincu par la pertinence de la mesure visant à créer un statut d’avocat en entreprise, mais je m’étais rangé à la sagesse collective. Ces amendements ne me semblent pas répondre à l’objectif qui était alors poursuivi. Je ne reviens pas sur le fait qu’ils conduiraient à créer un statut à part et additionnel, alors que notre mesure permettait de rendre certains professionnels éligibles à la profession d’avocat de manière sécurisée, selon des règles de valorisation des acquis de l’expérience ou de diplômes ; or, ici, on créerait une profession particulière.
Surtout, je souscris aux arguments donnés par Mme la rapporteure Untermaier. Ces amendements ne règlent pas la question de l’articulation de l’indépendance avec le contrat de travail du juriste d’entreprise qui n’est pas un libéral, mais qui reste un salarié lié par un lien de subordination, ce que venait régler le statut d’avocat en entreprise. Ils ne règlent pas non plus la question du secret professionnel, qui constitue le principal obstacle. Il est légalement protégé par des instances ordinales qui sont dotées d’un pouvoir disciplinaire, ce que ne permettent pas vos amendements. Un TGI, un procureur sont non pas une autorité disciplinaire, mais une autorité juridictionnelle pénale. Sous cette forme, le statut de juriste d’entreprise serait contraire à la jurisprudence de la CJUE, notamment à l’arrêt AKZO du 14 septembre 2010 qui exige une indépendance statutairement garantie. Si nous avions exploré cette voie pendant un temps, nous n’avions pu la retenir pour cette raison.
Nous voyons tous bien que la réflexion doit se poursuivre. Je suis le premier frustré que nous n’ayons pas réussi à aller plus loin. Certains avocats sont plus attachés que d’autres à cette réflexion. La direction des affaires civiles et du sceau avait mené, il y a quelques années, une réflexion qu’il faudrait reprendre dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois. Pour ces raisons, je suggère à leurs auteurs de retirer ces amendements, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.
Il est bien certain que le statut de l’avocat en entreprise avait sa logique, à laquelle j’étais totalement opposé pour des raisons de déontologie spécifiques à la profession d’avocat. Reprendre le dossier par le biais de la confidentialité, c’est en quelque sorte faire une mesure mi-chèvre mi-chou. Vous n’y arriverez pas ainsi. Cela me semble être une erreur, puisque cela va créer une espèce de profession un peu à part, pour laquelle vous n’arriverez jamais à résoudre le problème de la confidentialité, étant donné que le contrat de travail implique obligatoirement le lien hiérarchique et le lien de subordination avec le chef d’entreprise. C’est une mauvaise solution.
Pourtant la solution existe ! C’est d’avoir recours à des avocats, tout simplement. Quand les grands groupes comme Orange disent qu’ils n’ont pas la possibilité de recourir à des avocats, de qui se moquent-ils ? Ils en ont des palanquées de toutes les sortes : des cabinets français, américains ou d’autres encore. C’est se moquer de nous ! Qu’ils prennent des avocats et, par le biais de la protection et du contrôle de l’avocat, la protection de la confidentialité leur sera garantie.
Je remercie M. le ministre pour sa réponse très claire d’un point de vue juridique. En revanche, les arguments de Mme la rapporteure et de M. Tourret ne me conviennent absolument pas. Nous n’avons pas remis en cause l’idée de l’avocat en entreprise en commission spéciale pour assurer une rente à vie aux avocats et les rendre incontournables sur ces questions-là pour les entreprises. C’est exactement l’inverse que nous essayons de faire. Tout argument qui dirait que nous ne pouvons rien faire pour protéger le travail des juristes en entreprise et que les entreprises doivent obligatoirement dépenser de l’argent pour faire appel à des avocats extérieurs ne serait pas conforme à l’esprit de cette loi pour la croissance et l’activité. J’espère qu’à l’occasion de l’examen de la loi pour la justice du XXIe siècle, nous parviendrons à trouver une réponse à cette situation. Je retire mon amendement.
L’amendement no 2606 est retiré.
Monsieur Tourret, ce que vous dites ne règle pas le problème. Aujourd’hui, les entreprises, notamment les grandes, recrutent des avocats étrangers pour régler ces problèmes de confidentialité et d’échange d’informations. Je peux vous donner un exemple, sans pour autant l’exposer à la vindicte populaire : le nouveau directeur juridique de PSA-Peugeot est un avocat anglais. Je ne suis pas hostile par principe à cela, mais c’est un problème spécifique qu’il faut essayer de traiter. Nous aurons l’occasion de le faire dans d’autres textes, mais on ne peut pas écarter une telle question d’un revers de main. Je retire mon amendement.
L’amendement no 1355 rectifié est retiré.
Les amendements identiques nos 364 rectifié et 1120 ne sont pas adoptés.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 977 .
L’amendement no 977 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l’amendement no 2110 rectifié .
Les associations de gestion et de comptabilité – AGC – sont, dans notre paysage du chiffre en France, des structures sous forme associative qui peuvent exercer des activités d’expertise-comptable au même titre que les experts-comptables. Dans le cadre d’une demande de la société Fiducial, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt qui a conduit notre droit à évoluer pour permettre l’intervention au capital de sociétés d’expertise-comptable de professionnels de la communauté européenne.
Notre amendement vise à appliquer un principe d’égalité et de permettre à celles et à ceux qui exercent la même activité, avec les mêmes obligations et les mêmes contraintes, d’être détenteurs de droits dans les sociétés d’expertise-comptable. C’est pourquoi, dans ce dispositif, il apparaît nécessaire de clarifier l’interprétation du texte et de confirmer que les AGC sont autorisées à détenir plus des deux tiers des droits de vote dans des sociétés d’expertise-comptable, dès lors qu’elles exercent légalement au sein de leur État l’activité d’expertise-comptable. C’est le cas en France des AGC qui, bien que n’étant pas membres de l’ordre des experts-comptables, sont inscrites à la suite du tableau de l’ordre et exercent l’activité d’expertise avec les mêmes devoirs et les mêmes obligations en termes de déontologie et de cotisation que les membres de l’ordre.
L’amendement vise à mettre tout le monde sur un pied d’égalité. Depuis plusieurs mois, des discussions ont lieu entre les experts-comptables et les représentants des AGC, et un comité de dialogue s’est réuni à plusieurs reprises sans aboutir. L’examen de ce projet de loi nous offre l’occasion de poser ce débat pour faire en sorte que, d’un point de vue juridique, toutes les professions qui exercent avec les mêmes contraintes puissent détenir de la même façon des participations au capital de sociétés d’expertise-comptable. Aujourd’hui, lorsque des cabinets d’expertise-comptable sont cédés, ils sont rachetés par des AGC et il est nécessaire de dissoudre immédiatement le cabinet dans la structure de l’AGC.
Certains experts-comptables ont avancé des arguments qui manifestement ne tiennent pas. Il s’agit tout simplement de faire respecter l’application d’un texte, car il serait curieux que des dispositions soient applicables aux experts-comptables d’origine européenne, alors qu’elles ne le seraient pas à des structures exerçant en France le même type d’activité, au motif qu’elles sont sous une forme associative.
Votre objectif est tout à fait compréhensible, monsieur Clément, et nous vous remercions d’avoir soulevé ce problème, mais il conviendrait de mesurer précisément l’impact de l’ouverture du capital des sociétés d’expertise-comptable, notamment du point de vue de l’équilibre de la profession et de ses structures. Nous ne saurions courir le risque de déstabiliser les professions. Si nous envisageons le développement de sociétés d’exercice commun, il faut en définir le cadre avec les professions. C’est pourquoi je vous suggère de retirer votre amendement, monsieur Clément.
La question soulevée est une vraie question. Le droit actuel n’est pas satisfaisant, puisque la situation n’est pas équitable entre les experts-comptables et les AGC. Pis encore, aujourd’hui, des structures comptables étrangères, y compris associatives, ont en vertu du droit communautaire un droit que n’ont pas nos propres AGC. Force est de constater que quelque chose ne fonctionne pas. Vous avez procédé, monsieur Clément, à des concertations et vous avez perçu à quel point le sujet était sensible. Nous n’avons pas trouvé la bonne réponse. Néanmoins, nous sommes convaincus au Gouvernement qu’il faut pouvoir répondre à cela en traitant tous les problèmes de déontologie de la profession réglementée d’expert-comptable de la bonne façon.
Le Gouvernement a instauré, il y a quelques mois, un dialogue institutionnalisé entre le Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables et les AGC pour mettre à plat l’ensemble des différends qui existent. Malheureusement, cela n’a pas fonctionné. Je vous suggère de retirer votre amendement et vous propose de confier à une mission parlementaire, à laquelle vous prendriez part si vous l’acceptez, le soin de résoudre ce problème. Nous sommes désormais obligés de sortir du simple entre-soi pour parvenir à un résultat concret et de changer de modalités d’action, puisque les échanges de ces derniers mois ont été sans effet. Nous devrions, grâce à cette future mission parlementaire, disposer de propositions concrètes et précises qui permettront de régler le dysfonctionnement actuel que vous avez très justement pointé.
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour vos explications et la confiance que vous me manifestez. Je vais retirer mon amendement. Dans les discussions qui se sont tenues, chaque partie était dans une telle posture que des blocages étaient annoncés d’une réunion sur l’autre.
Nous sommes arrivés au terme d’un processus dont il faut sortir. Vous l’avez dit, monsieur le ministre : d’un point de vue juridique, la position de l’ordre des experts-comptables ne tient pas la route. Je peux entendre certains de leurs arguments, mais sans pour autant les accepter en droit. Il serait nécessaire que toutes les règles soient applicables de la même manière. Je souhaiterais qu’un calendrier précis soit établi pour que chaque partie puisse se positionner avant qu’une décision ne soit prise par votre ministère.
L’amendement no 2110 rectifié est retiré.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 22.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.
Monsieur le ministre, je suis désolé d’arriver en retard, mais les auto-écoles semblent tellement contentes des réformes que vous prévoyez dans votre projet de loi qu’elles le manifestent bruyamment, dans l’enthousiasme et la spontanéité en bloquant l’ouest parisien ce matin, sans doute un signe de contentement qui ne connaît pas d’autre limite que celle du trafic routier. Mais cela me permet tout de même d’être ici pour aborder cet article si important.
L’article 22 confirme les inquiétudes que mes collègues ont manifestées depuis le début de la matinée – même sur un téléphone, on peut suivre la séance publique.
Sourires.
Sourires.
Je crains que l’ouverture programmée du capital des sociétés d’exercice libéral – SEL – ne démente vos propos rassurants. Au passage, je note que cet article est affreusement complexe : c’est un système qui relève de l’entonnoir ou de la fusée à étages. Si j’ai bien compris, les capitaux étrangers ne pourront pas entrer dans les sociétés ainsi constituées, mais ils le pourront tout de même ; vous prévoyez un régime d’exception dans les premiers alinéas, qui est démenti par des dérogations à l’exception aux alinéas 26 et suivants. Tout ce que vous nous dites depuis le début de la séance, monsieur le ministre, pourrait être totalement contredit par la rédaction de votre article. En effet, celui-ci est entièrement piloté par l’alinéa dans lequel il est indiqué qu’un décret en Conseil d’État pourra suspendre l’application des premiers alinéas qui prévoient de restreindre l’accès à ces nouvelles sociétés en imposant que les professionnels y soient majoritaires. On ne pourra donc pas y faire entrer n’importe qui… sauf si un décret en Conseil d’État prévoit le contraire. « Dormez braves gens, le guet veille pour vous », essayez-vous de nous dire, mais tout ne va pas bien puisque vous êtes en train d’aménager un dispositif qui permettra à n’importe quel type de société d’entrer dans le capital de n’importe quelle société professionnelle judiciaire – ou de santé d’ailleurs. Preuve en est, je le répète, les alinéas 26 et suivants qui donnent au ministre la possibilité de ne pas appliquer les alinéas qui prévoient des restrictions.
À ce stade, se posent une question d’ordre très général et une question plus précise.
Lors de la discussion générale, j’ai évoqué un nuage qui plane au-dessus de nos têtes, signe annonciateur de la pluie : je veux parler du traité transatlantique. En effet, c’est l’instrument qui, si l’Union européenne le signe – je crains qu’elle ne soit partie pour –, fera sauter une par une toutes les restrictions limitant la distribution de produits ou de services venus d’entreprises nord-américaines sur le territoire européen, y compris en France.
Première question : comment se prémunir du fait que le traité transatlantique puisse rendre inapplicables les dispositions que l’Assemblée est en train d’adopter ? Sinon, ce n’est même plus la peine de passer du temps à écrire l’article 22.
Seconde question : quel usage, monsieur le ministre, le Gouvernement compte-t-il faire des latitudes qui lui sont laissées aux alinéas 26 et suivants, à savoir la faculté de suspendre les alinéas qui restreignent l’accès des sociétés extérieures à l’entrée dans le capital des sociétés d’exercice libéral ou des sociétés de participations financières de professions libérales ?
Vous comprenez que selon vos réponses, nous comprendrons quelle est l’orientation finale de votre texte…
…parce que tout ce qui a précédé nous a permis de vous entendre dire qu’il n’y aura pas de problème, pas de confusion des genres, que n’importe qui ne pourra pas entrer n’importe où. Vous êtes maintenant au pied du mur.
Il faut analyser cet article en lien avec les précédents qui ont été votés et qui posent certains problèmes, notamment par rapport aux sociétés interprofessionnelles.
Ainsi, les officiers ministériels font régulièrement l’objet d’inspections inopinées : les notaires, par exemple, sont inspectés par d’autres notaires et par des experts-comptables diligentés par les chambres professionnelles. Que se passera-t-il dans le cadre des sociétés pluridisciplinaires ? Les inspecteurs auront-ils toujours accès à toute la comptabilité, à tous les actes, comme aujourd’hui dans les sociétés professionnelles, y compris lorsqu’il y aura un avocat ? Je rappelle que cette profession est protégée par le secret professionnel et régie par une déontologie spécifique, et je crains qu’il n’y ait télescopage, pour elle comme pour d’autres, avec ce type d’inspection, d’autant plus que ceux qui la mènent doivent faire rapport au procureur de la République et, le cas échéant, à TRACFIN.
Autre question : dans le cadre de ces sociétés pluridisciplinaires, que devient le droit de présentation ? La société étant propriétaire du droit de présentation – s’il en existe un –, cela signifie que s’il y a au capital des experts-comptables, des avocats, voire des avocats étrangers, ils seront, eux aussi, titulaire dudit droit.
Pour en venir plus précisément à l’article 22, je note qu’avec les nouvelles règles de détention du capital et de gestion des sociétés d’exercice libéral, le professionnel en exercice sera réduit, par le jeu des prises de participation, à l’état de simple salarié : il ne pourra plus choisir son associé, ce qui réduit à néant l’affectio societatis. Il arrivera même qu’il ne soit plus maître de la politique ou de la gestion de sa propre structure, et devienne alors totalement dépendant d’un autre professionnel du droit – que l’on peut, de surcroît, imaginer anglo-saxon et dont la déontologie et la pratique peuvent, de ce fait, aller à l’encontre des siennes. Est-ce cela que vous souhaitez aussi bien aux professionnels fragilisés qu’aux futurs installés ? Ils seront à la merci de personnes venues d’autres professions ou éventuellement de pays anglo-saxons ? Il est vrai que vous prévoyez un lot de consolation : le professionnel en exercice devra faire partie de l’organe de contrôle si une autre profession que la sienne détient la majorité du capital. Mais il va devenir ainsi un simple observateur, complice des décisions prises par un autre professionnel et auxquelles il n’aura aucune possibilité de s’opposer en raison du fait majoritaire en termes de capital.
Je ne peux pas croire, monsieur le ministre, que l’on puisse tolérer que le sceau de l’État français soit piloté par un professionnel étranger. Je regrette encore une fois, comme tous mes collègues du groupe UMP, que la ministre de la justice ne soit pas présente : elle ne peut sûrement pas tolérer que les sceaux dont elle a la garde puissent passer sous la coupe de professionnels étrangers.
Vous motivez par ailleurs votre réforme en invoquant la possibilité de créer de nouvelles structures sous la forme d’établissements secondaires, mais c’est méconnaître la pratique actuelle : vous devriez savoir qu’il est déjà possible pour les notaires d’ouvrir des bureaux annexes avec l’accord du procureur général. Il en existe déjà plus de 1 330.
Monsieur le ministre, le présent article permet au Gouvernement de prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de huit mois à compter de la publication de la loi, des mesures législatives pour simplifier les règles relatives à la société d’exercice libéral et à la société de participations financières de professions libérales – SPFPL – mais en en excluant les professions de santé. Cette simplification me paraît nécessaire. En effet, force est de constater que le cadre législatif actuel restreint le dynamisme des professionnels, en termes tant d’innovation que de disponibilité de service. De plus, il ne propose pas toutes les garanties de souplesse, pourtant essentielles, aux professionnels pour accompagner le développement de leur activité ainsi que leur expansion à l’international.
Les aménagements des SEL et des SPFPL pourraient revêtir des avantages économiques et en termes d’influence pour les entreprises françaises, facilitant la constitution de réseaux transeuropéens à travers la création d’établissements secondaires sous forme de filiales et donc une plus grande souplesse à l’export. Ces structures à fondation nationale concurrenceraient alors les groupes européens actuels par une croissance externe et ainsi augmenter leur volume d’activité.
Cependant, permettez-moi, monsieur le ministre, d’émettre un sérieux bémol : chaque alinéa fixe les objectifs de l’ordonnance, mais sans préciser les mesures concrètement envisagées pour y parvenir. Ce qui m’inquiète, vous vous en doutez, c’est que cette habilitation à procéder par voie d’ordonnance va déposséder le Parlement de la question en fermant la possibilité d’un débat de fond avec la représentation nationale. Aussi, il aurait été important que le Gouvernement nous explique le contenu de l’ordonnance à venir, alinéa après alinéa.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 670 .
Contrairement à ce que j’ai entendu, la commission spéciale a demandé que le dispositif prévu soit écrit « en dur », ce qui a été fait. Il est vrai qu’il n’est pas très lisible tel qu’il a été rédigé, mais je pense qu’une nouvelle lecture apportera plus de lisibilité.
C’est une simple question de présentation : vous savez aussi bien que moi, monsieur Poisson, que quand un texte de loi est consolidé, il est beaucoup plus lisible !
Cela étant dit, s’agissant des SEL, l’article prévoit des mesures de simplification et de clarification auxquelles souscrit la commission spéciale, et s’agissant des SPFPL, il ouvre le champ de leurs activités à des activités accessoires, au bénéfice exclusif des sociétés ou groupements dont elles détiennent des participations ; il s’agit pour l’essentiel de gestion du parc informatique, de gestion du personnel, des services administratifs, des services comptables, des services de documentation, de formation, de secrétariat, etc.
Pour tous ces motifs, la commission émet un avis défavorable aux amendements de suppression de l’article.
Je vais tâcher de répondre le plus précisément possible aux questions qui m’ont été posées.
Je reconnais, monsieur Poisson, que le texte qui vous est soumis est complexe – mais cela ne permet-il pas, précisément, de répondre à la frustration exprimée par votre collègue, M. Mariani ?
Sourires.
Répondant à l’invitation de ne pas procéder par ordonnance, nous avons en effet été contraints de présenter un texte assez complexe, comme l’est d’ailleurs la loi de 1990.
Je veux pour commencer lever une première ambiguïté, qui est peut-être la raison séminale de ce débat : on ne doit pas considérer que le présent article s’articule avec les précédents. L’article vise en effet à réformer les SEL et les SPFPL, qui sont des sociétés, non pas pluriprofessionnelles, mais monoprofessionnelles d’exercice libéral. Pour être parfaitement clair, comme je l’ai déjà dit lors de la discussion sur l’article précédent, de telles sociétés ne sont pas éligibles au statut de société pluriprofessionnelle qui requière que 100 % du capital soit détenu par les professionnels. Pour le dire de manière explicite, une SEL n’est pas intégrable dans ce dispositif ; je ne fais que répéter là ce que j’ai déjà dit à votre collègue M. Le Fur.
Le présent article concerne donc des sociétés monoprofessionnelles. Certes, si l’on considère qu’il s’agit de la suite de la discussion que nous avons eue mercredi soir et ce matin, on peut arriver à la conclusion que l’on cherche à étendre le champ du dispositif précédent – mais ce n’est pas le cas : on s’inscrit là dans le strict cadre de la réforme de la loi de 1990, qui concerne la société d’exercice libéral monoprofessionnelle.
Par ailleurs, monsieur Poisson, ce sont les professions juridiques et judiciaires, et dans une moindre mesure les professions dites « techniques » – expert-comptable, géomètre –, qui sont visées par la présente réforme ; les professions de santé en sont exclues. Il reste que je comprends d’autant mieux votre interrogation que j’ai eu la même ! Il s’agit d’une mention répondant à une nécessité purement logistique. L’article 22 vient en effet « écraser » certaines dispositions de la loi de 1990, et il nous faut, à partir de l’alinéa 26, réintroduire des éléments qui ont de ce fait été supprimés. L’alinéa 28, qui mentionne les professions de santé, n’a donc pour but que de redonner une valeur législative à des dispositions qui se trouvaient précédemment incluses dans l’article 6 de la loi de 1990. J’espère que cela répond à votre interrogation.
Le problème, c’est que l’alinéa 18 aussi mentionne les professions de santé !
À chaque fois que les professions de santé sont mentionnées, c’est afin de réintroduire des éléments qui étaient inclus dans la loi de 1990 : il faut lire les deux textes en miroir. Mais je le répète, il ne s’agit aucunement d’ouvrir le champ d’application du nouveau dispositif aux professions de santé. À chaque fois, il s’agit de corriger les modifications apportées de manière à conserver certains éléments : tel est le sens de l’alinéa 26, et c’est la même chose pour d’autres occurrences éventuelles – je n’en avais pas vu, mais si tel est le cas, je le précise.
Je crois que les débats en commission spéciale ont permis de clarifier les choses, en gravant dans le marbre de la loi cet article qui vise à clarifier les règles s’appliquant, je le répète, aux seules sociétés de monoexercice.
De ce fait, monsieur Huyghe, il me semble que vos craintes s’appliquent plutôt à l’article précédent – qui a été adopté.
Je pense que le secret professionnel est opposable, pour chaque profession, sur les actes qui dépendent d’elle. Toutefois, comme je ne veux pas vous faire de réponse à l’emporte-pièce, je regarderai précisément ce qu’il en est et je m’engage à vous répondre par voie écrite. Il s’agit d’une vraie question, dont il nous faut examiner tous les aspects.
Si vous le permettez, monsieur le président, je voudrais dire quelques mots sur les autres amendements sur l’article. Nous disposerons ainsi d’une large vision des choses, ce qui permettra de donner du sens à nos échanges.
Parmi les amendements qui avaient été déposés, il en est un qui proposait de réserver aux seuls notaires le contrôle et la gestion des sociétés ayant pour objet l’exercice de la profession de notaire, et d’en rester par conséquent à l’existant pour ce qui est de la détention du capital et des droits de vote dans ces sociétés. Or, du point de vue du Gouvernement, cela empêcherait toute recherche de synergie entre professionnels juridiques et judiciaires ; on y reviendra certainement, mais je voulais apporter un premier éclairage sur la matière et expliquer pourquoi je suis réservé sur une telle disposition. En outre, je rappelle que l’article ne concerne que les sociétés de monoexercice ; j’ai l’impression qu’il y a une certaine confusion sur ce point dans l’exposé des motifs de l’amendement.
Par ailleurs, l’objectif de ce texte est de moderniser le dispositif actuel dans le respect des règles de déontologie et en garantissant l’indépendance des professions concernées. Dans la mesure où l’on parle bien de sociétés de monoexercice, la discussion que nous avons eue tout à l’heure sur la déontologie doit être purgée.
Pour ce qui est du Traité transatlantique, dont nous avons déjà eu l’occasion de parler, je comprends votre préoccupation : je fais partie de celles et ceux qui pensent que le débat prendra bien plus de temps qu’on ne le dit. Je crois aussi que certaines parties ne sont pas d’aussi bonne volonté qu’elles le laissent entendre – je pense aux États-Unis. Quand on en viendra aux professions de service – pardon de ranger les professions dont nous parlons dans cette catégorie, mais c’est ce que fait la classification anglo-saxonne – ou aux services financiers, on verra que les Américains auront beaucoup plus de réserves à formuler. D’ailleurs, à chaque fois que M. Froman, qui conduit les négociations pour le compte des États-Unis, a évoqué le sujet devant le Congrès, ce dernier s’est montré très réservé.
Toujours est-il que je ne pense pas que nous risquions de nous laisser entraîner dans une négociation du type que vous décrivez. Pour ce qui concerne la France, je vous assure que la volonté du Gouvernement et de mon collègue Matthias Fekl, chargé des négociations, n’est en aucune façon de brader les spécificités de notre modèle. Je le répète : le présent texte a pour objectif de donner à nos professionnels la possibilité de lutter à l’international et de défendre l’excellence du modèle français, tout en fixant des règles de détention du capital très strictes. Dans nombre de domaines, dont celui du droit, ces professionnels sont d’ores et déjà confrontés à la concurrence de cabinets anglo-saxons, dont les règles capitalistiques sont fort différentes des nôtres. Nous souhaitons simplement leur donner des armes pour défendre notre modèle. Je veux vous rassurer : il ne s’agit pas d’un cheval de Troie ! Ce n’est pas du tout la philosophie de ce texte.
Il serait par conséquent erroné de penser que cet article est en rapport direct avec la négociation en cours – qui prendra du temps, je le pense. Le Gouvernement, par la voix de mon collègue, a constamment demandé que cette négociation, bien que soumise aux contraintes communautaires que vous savez – elle est conduite par un commissaire européen –, fasse l’objet d’une meilleure information des gouvernements et parlements nationaux, le processus actuel étant fort insatisfaisant de ce point de vue. La préoccupation du Gouvernement est d’obtenir la négociation la plus transparente possible et qui, s’agissant des sujets que nous évoquons, ne remette nullement en cause notre modèle ou nous amène à faire des concessions. Ce n’est pas du tout dans cet esprit que nous abordons cette négociation ; s’il y avait le moindre doute sur ce point, je veux le lever.
Avis défavorable à ces amendements de suppression.
Merci, monsieur le ministre, pour ces explications très claires.
Toutefois – et je précise que ce n’est pas le gouvernement français que je mets en cause –, s’agissant de la manière dont le TAFTA est discuté au Congrès américain, excusez-moi, mais quelle différence avec nous !
C’est vrai !
Les parlementaires américains sont au courant de la négociation et peuvent en discuter les éléments ; Dieu sait que je ne suis pas un adorateur du système américain, mais là, je leur dis bravo ! Quelle différence avec le système européen, où l’on a un commissaire qui négocie, où l’on nous explique qu’on doit consulter le texte sans prendre de notes ni de photos – on a tout juste le droit de le lire dans une pièce adjacente – et où l’on n’est au courant des éléments de négociation que lorsque les négociateurs le veulent bien ! Nous ne sommes même pas certains – et j’aimerais qu’un jour, la majorité prenne un engagement formel à ce sujet – que l’accord sera traité, non pas comme un vulgaire document relatif au commerce, mais comme un texte fondamental, dont le contenu devra être discuté et voté par chaque Parlement national.
Il est tout de même surprenant que, sur une telle question, les députés français – et les députés européens aussi, d’ailleurs – soient, quelle que soit leur tendance, totalement dépouillés de leurs prérogatives, alors que ce n’est pas le cas des députés américains !
Je n’insinue pas, monsieur le ministre, que vous avez la volonté, à travers ce texte, de créer des brèches qui permettraient d’imposer un système venu d’outre-Atlantique qui nous serait défavorable. Là n’est pas mon propos.
En revanche, depuis plusieurs heures, nous cherchons à vous alerter sur le fait que, même si vos intentions sont louables – ce dont nous sommes prêts à vous faire crédit –, il y a dans votre texte des éléments qui ne nous permettront pas d’empêcher cela. On comprend bien pourquoi le Congrès américain hésite ; il se dit : « S’il faut que nous alignions peu ou prou notre système des sociétés du droit et du chiffre sur le système européen, ce sera pour nous une révolution ! ». Mais avons-nous aujourd’hui, même avec la meilleure volonté, la capacité d’imposer une forme de réciprocité ou le respect intégral de nos propres pratiques dans le cadre d’une mécanique comme le Traité transatlantique ? Je ne le crois pas.
On peut dire tout ce qu’on veut, je ne pense pas que ce texte constitue une barrière solide contre ce qui se profile.
Par ailleurs, comme cette négociation s’inscrit dans un temps long, la majorité du Congrès peut évoluer.
Et la nôtre aussi. J’irai donc encore plus loin que mon collègue Mariani : premièrement, je regrette que le Parlement national ne soit pas saisi régulièrement de cette question ; deuxièmement, je fais partie de ceux qui pensent qu’une question pareille devrait être soumise à référendum – même si je peux regretter par ailleurs, non pas le résultat, mais le traitement qui a été réservé à certains référendums antérieurs.
Dernier point : les professions de santé ne sont pas exclues du dispositif.
Mais si !
Mais non ! Ce n’est pas ce que disent les alinéas 18 et 28 : elles sont signalées comme faisant l’objet de restrictions particulières, mais elles ne sont pas exclues du dispositif.
Monsieur Poisson, je vous redis qu’elles sont bien exclues du dispositif. Dans les deux cas, il s’agit simplement d’une reprise d’éléments inclus dans l’article 6 de la loi de 1990 que l’on a supprimés par ailleurs. Ledit article 6 concernant les professions juridiques, judiciaires, techniques et médicales, nous le remplaçons tout en sortant les professions médicales du nouveau dispositif, ce qui explique que nous rétablissions certaines dispositions à travers les deux alinéas évoqués. Mais je vous assure que les professions de santé sont bien exclues du champ d’application du nouveau dispositif : c’est un arbitrage que nous avons réalisé il y a fort longtemps. Elles seront touchées par le projet de loi de santé, mais pas par celui-ci.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l’amendement no 2521 .
Favorable.
L’amendement no 2521 est adopté.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l’amendement no 2522 .
Favorable.
L’amendement no 2522 est adopté.
L’article 22, amendé, est adopté.
Article 22
Nous n’avons pas déposé d’amendement de suppression sur l’article 22 bis, mais, je le dis pour que cela figure bien au compte rendu de notre séance, nous avons voté contre l’article 22, pour toutes les raisons que vous imaginez.
En ce qui concerne les architectes, monsieur le ministre, je me demande seulement si une concertation a eu lieu avec la profession, d’une manière ou d’une autre, et si, effectivement, elle est satisfaite des dispositions que vous vous apprêtez à lui faire subir. Le cas échéant, qu’est-ce que les représentants de cette profession ont pu vous dire qui vous a conduit à proposer cet article 22 bis tel qu’il nous est présenté ?
La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement no 1356 .
Le Gouvernement a introduit la possibilité d’ouvrir le capital des sociétés d’architectes, qui était jusqu’à présent très fermé, en prévoyant que plus de 50 % des droits de vote puissent être détenus par « un ou plusieurs architectes personnes physiques ou une ou plusieurs physiques établies dans un autre État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ». Cette ouverture me semble tout à fait bienvenue car on constate, notamment dans d’autres pays européens, que la possibilité offerte d’ouvrir le capital de ces sociétés d’architectes a un effet tout à fait positif pour leur activité.
Je propose, par cet amendement, d’aller plus loin et de permettre une ouverture du capital à hauteur non plus de 50 %, mais des deux tiers. Il s’agit donc, vraiment, d’essayer d’aller encore un petit peu plus loin que ce que le Gouvernement envisage, qui va déjà dans le bon sens.
La commission est défavorable à ces amendements. Elle considère, à la suite des professionnels, représentés par leur ordre, que l’ouverture proposée à l’article 22 bis est suffisante pour permettre aux sociétés d’architecture de se déployer à l’international en trouvant de nouveaux financements. C’est pourquoi nous proposons de nous en tenir au texte soumis à notre examen et estimons qu’il n’est pas utile d’adopter cet amendement.
D’abord, je veux vous rassurer : il y a bien eu concertation avec les professionnels, qui ont même écrit, une fois n’est pas coutume, qu’ils étaient favorables à l’équilibre ainsi trouvé.
Encadrez-le, monsieur le ministre ! Par les temps qui courent, ce n’est pas si courant !
Sourires.
C’est bien pour cela que je le cite. Je l’ai gardé, monsieur le député ! J’accumule les paperoles.
Vous proposez, messieurs les députés, d’aller plus loin, et je comprends votre souhait. Nous faisons déjà un premier pas. La concertation qui a été menée, à la fois avec les professionnels et avec le ministère compétent, montre qu’il serait déstabilisant d’aller plus loin.
Cela étant, je pense que vous exprimez une préoccupation qui est plus particulièrement celle des jeunes architectes. Essayons d’utiliser encore le temps qui nous reste, même le temps qui nous reste avant l’examen du texte par le Sénat, pour voir si on peut aller plus loin, en faisant oeuvre commune, mais, pour l’heure, nous ne sommes pas parvenus à trouver un compromis qui permette d’aller plus loin que 51 %. Je vous demande donc plutôt de bien vouloir retirer ces amendements. Pour la raison même qui nous a conduits à accepter l’ouverture, aller plus loin, aujourd’hui, ne paraît pas acceptable.
L’amendement no 1356 est retiré.
Je maintiens l’amendement no 943 , mais le groupe UMP s’abstiendra sur l’article.
L’amendement no 943 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement no 2523 .
L’amendement no 2523 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement no 2524 .
L’amendement no 2524 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement no 2525 .
L’amendement no 2525 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement no 2526 .
L’amendement no 2526 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 22 bis, amendé, est adopté.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 2820 rectifié .
Cet amendement vise à clarifier certaines dispositions du code des transports relatives aux services privés de recrutement et de placement des gens de mer, et à permettre de mettre en oeuvre la convention du travail maritime de l’OIT de 2006. C’est une protection offerte aux gens de mer.
L’amendement a notamment pour objet de préciser la portée de l’obligation de garantie financière exigée en matière de rapatriement des gens de mer et ainsi de rendre possible l’application des dispositions concernées en permettant aux assureurs de proposer les produits d’assurance correspondants. La possibilité de recourir aux entreprises de travail maritime est aussi étendue à l’emploi des gens de mer à bord des navires de plaisance. Il s’agit de tenir compte des évolutions du secteur, notamment des nouvelles modalités d’emploi, avec la mise en disposition de personnel via des entreprises spécialisées.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la marine marchande est un laboratoire, vous le savez, en matière de dumping social. De nombreux outils sont à la disposition des entreprises pour échapper à l’application de normes sociales de bon niveau. Ainsi, comme le précise un rapport du Sénat intitulé Le droit en soute : le dumping social dans les transports européens déposé au mois d’avril 2014 : « Le recours aux pavillons de complaisance, désormais utilisés par certains États membres de l’Union européenne, ainsi qu’aux sociétés de main-d’oeuvre
manning
contribue à généraliser ce dumping social. »
Les pavillons de complaisance sont monnaie courante, il s’agit de faire de l’optimisation sociale et fiscale en battant pavillon de pays aux normes peu exigeantes pour les entreprises. Ce phénomène est très répandu ; ainsi, la CMA-CGM, qui est l’un des trois plus grands transporteurs mondiaux, est installée en France et, pourtant, seuls 22 navires sur les 430 qu’elle possède battent pavillon français.
Quant aux sociétés de manning, ces entreprises recrutent des gens de mer pour les mettre à la disposition des armateurs. C’est la société de manning qui embauche et rémunère le salarié, l’armateur n’est plus lié au marin par un contrat de travail. Vous nous parlez de mettre en oeuvre une protection, il nous semble plutôt qu’il s’agit de déréguler. Le droit du travail et de la Sécurité sociale appliqué au marin est non pas celui de l’État du pavillon, mais celui de l’établissement de ladite société.
Votre amendement porte sur ces sociétés de manning, puisqu’il s’agit, premièrement, d’autoriser ces agences à s’installer en France pour mettre à disposition des marins communautaires, deuxièmement, de mettre fin à l’agrément de ces sociétés, qui était un gage d’efficacité du système d’inspection de ces entreprises, et, troisièmement, d’étendre le champ d’activité des sociétés de manning à la plaisance. Nous en concluons qu’en vertu de l’article que votre amendement tend à introduire, un marin français pourrait être employé par une telle agence à des conditions inférieures à celles imposées par la législation française, alors même que le pavillon du bateau serait français – mais peut-être m’expliquerez-vous qu’il faut tirer une conclusion contraire. De plus, les armateurs pourront se décharger de leur responsabilité vis-à-vis des marins, puisque ce ne seront plus leurs salariés, et ils se dispenseront de toute discussion sociale.
L’an dernier, vous avez adopté une loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, mais aujourd’hui, avec la libéralisation de l’activité de manning, vous allez encourager encore un peu plus la conclusion de contrats répondant à des normes moins-disantes socialement. Votre amendement a pour but de favoriser le dumping social, de mettre en concurrence les salariés au lieu d’élever les standards sociaux communs. Nous ne pouvons pas l’accepter.
Je veux tâcher de vous répondre, monsieur le député. Cet amendement, préparé par mon collègue Vidalies, comporte plusieurs éléments qu’il faut relever, et dont je dis bien qu’ils ont pour objet de clarifier les dispositions actuelles.
Vous évoquez les entreprises de travail maritime – ce qu’on appelle en effet le manning. Cette modalité d’emploi existe partout et a d’ores et déjà été reconnue. Il est autorisé depuis l’année 2005 d’y recourir sur les navires inscrits au registre international français. L’activité de ces entreprises de travail maritime est encadrée par une loi, qui a été améliorée en 2013 et qu’il s’agit aujourd’hui de préciser sur certains points. Nous n’ouvrons donc aucunement une brèche, nous précisons les dispositions applicables.
Certes, cet amendement n’a pas pour objet d’interdire le manning. Je vous l’accorde, si c’est ce que vous voulez, mais, si le manning était interdit, aujourd’hui, il n’y aurait plus de bateau battant pavillon français ! Simplement, un travail a été fait, progressivement, entre 2005 et 2013, pour donner un cadre, pour préciser, apporter des restrictions et des précisions. L’objet de l’amendement que je vous présente est, en effet, à la fois sur le plan financier et sur le plan juridique, d’apporter des précisions, d’encadrer, parce que, trop souvent, le droit appliqué est celui du grand flou – c’est ce qui a été constaté dans beaucoup d’endroits. Or ce sont aujourd’hui 7 000 marins qui sont concernés par ces contrats sur les navires français. Il était normal, et ce fut l’objet de la concertation menée par mon collègue Vidalies, de préciser différents points pour améliorer la protection offerte dans le cadre de ces entreprises de travail maritime.
Le recours à ces entreprises de travail maritime, en effet, est aussi étendu au secteur de plaisance, parce que, là aussi, les dispositions prises en 2005 et en 2013 laissaient subsister un flou. Je ne prétends pas que nous vivions dans un monde idéal. Les problèmes que vous relevez sont réels, les conditions de travail et de vie de beaucoup de ces marins sont souvent difficiles, mais ce qui vient d’être fait à travers ce travail qui a été mené par mon collègue Vidalies, disons-le encore une fois, en concertation, permet d’améliorer les choses, de les préciser, de mettre le droit applicable en conformité avec la convention.
Cela ne veut pas dire que l’encre doive sécher pour l’éternité. On doit améliorer et continuer à améliorer, mais ce n’est pas une brèche qu’on ouvre – je ne voulais pas d’ambiguïté sur ce point. On n’ouvre pas, par ce texte, le recours au manning, comme vous sembliez le dire.
Non, on le restreint. Il y a 7 000 marins français. On peut décider, du jour au lendemain, d’interdire ou de faire vivre dans une zone de non-droit ces 7 000 marins français, mais la question est aussi celle de la compétitivité. On le sait bien, celles et ceux qui sont élus de circonscriptions maritimes demandent parfois, aujourd’hui, y compris sur des bancs de gauche, que l’on déroge aux normes sociales. Regardez, ayez la discussion en toute bonne foi avec vos collègues élus, qui en Bretagne, qui ailleurs, là où il y a des arsenaux, et vous verrez la difficulté d’opérer. Il ne faut pas rendre les armes face à la concurrence, et, d’ailleurs, nous ne le faisons pas. Sans aller chercher à l’autre bout du monde, comparez juste les conditions dans lesquelles opèrent les Pays-Bas et la France – on peut même en débattre en dehors de la séance – et vous verrez que le principal risque que nous courons aujourd’hui est celui de licenciements en masse. J’entends d’ailleurs M. le rapporteur général mentionner le nom de Brest. Tout le secteur est soumis à une tension forte.
Un travail doit donc être mené au niveau international pour améliorer les standards sociaux, c’est une réalité. C’est le premier levier sur lequel nous devons nous battre : améliorer les standards sociaux, restreindre le recours à ces contrats de manning. Néanmoins, aujourd’hui, notre devoir est déjà de définir des restrictions, d’améliorer les droits dans le cadre des contrats existants. Au moins leur avons-nous donné un statut, alors que, jusqu’en 2005, ils n’en avaient pas.
Je ne prétends pas que nous répondions à tous les problèmes, ni que nous vivions dans un monde idéal. Simplement, ce texte apporte des précisions, et il n’ouvre pas une brèche.
J’ai interrogé attentivement l’ensemble des très nombreux armateurs de ma circonscription.
Sourires.
Comme j’habite les Yvelines, cela a été assez rapide. D’ailleurs, j’imagine que l’ensemble de nos collègues présents – Mme Fraysse à Nanterre, M. Gosselin à Villedieu-les-Poêles, M. Cherpion à Saint-Dié, Mme la rapporteure thématique du côté de Châlon-sur-Saône, comme M. Sirugue – ont en commun une réelle compétence sur ce sujet. Qu’est-ce que je veux dire, monsieur le ministre ? Je veux dire que, franchement, sur un sujet pareil, un amendement qui fait sept pages… Je n’ai aucune compétence sur la question, je préfère vous le dire tout de suite, au cas où cela vous aurait échappé, mais j’aurais bien aimé avoir le point de vue de notre collègue Arnaud Leroy, par exemple, qui est un grand spécialiste, un très grand connaisseur des questions maritimes. Là où il est, il nous entend sûrement, d’ailleurs, et il va certainement rappliquer dare-dare dans l’hémicycle pour dire ce qu’il en pense.
On voit bien, monsieur le ministre, en dépit de vos efforts redoublés pour nous expliquer ces sujets très complexes, que le point de vue de M. le secrétaire d’État aux transports eût été utile – ce qui ne vous offense en rien, bien sûr. Par ailleurs, nous devons nous priver de l’avis de ceux de nos collègues qui ont travaillé sur ces questions : c’est bien dommage.
Je crois que notre collègue Gilles Lurton est le plus concerné de nous tous par la marine marchande – ce n’est pas votre cas, monsieur le rapporteur, puisque Carhaix n’est pas un port !
À Saint-Malo ce n’est pas la marine marchande, mais la marine de course !
C’est toujours la marine, monsieur Tourret !
Faute d’expertise, le groupe UMP s’abstiendra sur cet amendement portant article additionnel.
Au risque d’avoir mal compris cet amendement – il faut reconnaître qu’il est assez complexe –…
…je voudrais poser la question suivante : ne concerne-t-il que les gens de mer à disposition à bord des navires immatriculés au registre international français ? Ou bien concerne-t-il également les autres ?
Que les premiers.
Je laisserai dans quelques instants la parole à M. le rapporteur général, qui est plus qualifié que moi pour parler des gens de mer. La commission a donné un avis favorable à cet amendement, parce que nous savons bien à la fois que ce marché est soumis à des tensions fortes et qu’il est important d’améliorer les standards sociaux. Cette mesure va dans ce sens : elle est animée par la volonté d’accroître la protection statutaire des gens de mer, notamment en matière de recrutement, de placement et de rapatriement, au regard de leur régime assurantiel.
C’est un cadre juridique favorable à l’emploi des gens de mer à bord des navires de plaisance. C’est pourquoi la commission y est favorable.
Sur ce sujet, j’ai l’immense prétention d’être le moins incompétent parmi les incompétents.
Sourires.
Tout d’abord, je précise que le Conseil supérieur des gens de mer a rendu sur ces dispositions un avis très favorable.
Vous évoquiez par ailleurs, monsieur Poisson, les travaux de notre collègue Arnaud Leroy. J’ai pris soin de l’interroger à propos de l’opportunité de cet amendement dès que ce dernier a été déposé. Très honnêtement, je crois qu’il y a un large consensus pour que les mesures contenues dans cet amendement entrent en vigueur le plus vite possible. C’est pourquoi l’ensemble des partenaires ont tendance à se réjouir de l’inclusion de ces dispositions dans ce véhicule législatif, ce qui leur permettra d’entrer en vigueur le plus rapidement possible.
Monsieur Sansu, vous avez évoqué la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre le dumping social, dont Gilles Savary était le rapporteur dans cette assemblée. Je vous rappelle que vous aviez jugé bon de vous abstenir sur ce texte.
Sourires.
Je rappelais cela simplement pour mémoire !
Il est difficile, aujourd’hui, de maintenir en France des chantiers de réparation navale. Arnaud Leroy, que vous citiez, a justement reçu hier ou avant-hier l’ensemble des acteurs – à la fois néerlandais et français – de ce secteur. La France souffre des plus grandes difficultés, pour un certain nombre de motifs ; ce texte vient, en partie, pallier ces difficultés, afin de maintenir ces chantiers qui sont actuellement en danger, notamment dans la région de Brest.
Il est une source insoupçonnable, cher collègue, qui pourra vous éclairer de manière fiable : l’éminent Gérard Lahellec, vice-président du conseil régional de Bretagne, et communiste. Il est parfaitement au clair sur ce sujet et pourra vous décrire les difficultés très importantes auxquelles nous sommes confrontés à l’heure actuelle. L’avis de la commission spéciale est donc, évidemment, favorable à cet amendement du Gouvernement.
Je ne parlerai que quelques secondes, pour ne pas consommer trop du temps de notre groupe. Le temps programmé va en effet nous tuer, quand nous examinerons les dispositions relatives au travail le dimanche !
Sourires.
Si je l’ai bien compris, monsieur le ministre a dit qu’il y avait un grand flou. Or « quand c’est flou, il y a un loup », vous le savez !
Sourires.
Sans galéjer, même si ce n’est pas brestois, je voudrais dire un dernier mot. Je comprends bien que ce secteur est confronté, à cause de la concurrence, à de grandes difficultés. Cela, personne ne le nie. Mais ce texte confirme le moins-disant social : là est la difficulté ! On confirme, pour certains secteurs, des normes sociales moindres que pour d’autres secteurs : nous ne pouvons pas l’accepter. Nous voterons donc contre cet amendement.
L’amendement no 2820 rectifié est adopté.
La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à onze heures cinquante.
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l’amendement no 2956 .
Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 3 de l’article 23, ajouté en commission spéciale. L’article L. 101-1 du code de la construction et de l’habitation regroupe, dans un rapport unique, l’ensemble des informations que doit transmettre, tous les deux ans, le Gouvernement au Parlement sur la situation du logement en France. Il doit notamment contenir une analyse territorialisée de l’offre et des besoins en matière de logement, des données sur l’évolution des loyers, les aides au logement, le supplément de loyer de solidarité et l’occupation des logements sociaux.
Le Gouvernement a souhaité, en commission spéciale, que le rapporteur dépose des amendements pour ajouter un thème. Fervent lecteur des 124 rapports toujours intéressants que le Gouvernement doit remettre chaque année au Parlement, je me demande tout de même quel serait l’intérêt de disposer de données supplémentaires sur les freins à mobilité pour les seuls locataires du logement locatif social, alors qu’a « fuité » dans la presse – pour reprendre l’expression de Jean-Louis Dumont – le rapport du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique, le CIMAP, attendu depuis plusieurs mois et déjà largement commenté.
Je comprendrais à la rigueur que l’on analyse, d’une manière générale, la nature des freins à la mobilité – comment peut-on passer du logement social au logement intermédiaire, du logement intermédiaire à l’accession –, mais orienter l’étude vers les seuls locataires du logement locatif social, c’est mettre le doigt sur des objectifs qui sont à mon avis peu partagés de ce côté-là de l’hémicycle.
Le rapport du CIMAP a montré combien l’ambition d’un rapport unique était irréaliste et cela ne nous pose pas de problème de donner un avis favorable à l’amendement de notre collègue Daniel Goldberg.
L’amendement no 2956 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 23, amendé, est adopté.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 2333 .
Le plan local d’urbanisme – PLU – permet aux élus locaux d’imposer un certain nombre de règles du jeu aux structures qui veulent bâtir sur leur territoire, en particulier la construction d’une place de stationnement par logement construit. La loi ALUR, me semble-t-il, a posé de nouvelles obligations en la matière, mais Audrey Linkenheld, qui était rapporteure du texte, nous en dira sans doute davantage.
Un certain nombre d’agglomérations, confrontées à des problèmes de stationnement du fait des règles d’urbanisme qui empêchent le stationnement sur la voirie publique, du coût de construction des places de stationnement qui en limite le nombre, ou tout simplement des règles de sécurité qui empêchent les voitures de se garer sur les trottoirs réservés aux piétons, obligent les constructeurs de logement à prévoir des places de parking. Or, l’article L. 442-6-4 du code de la construction et de l’habitation interdit de louer ces places de stationnement en même temps que le logement et permet donc aux locataires de logements sociaux d’y renoncer. Résultat : les parkings ainsi réalisés restent vides car les locataires garent leur véhicule sur le trottoir ou la voirie. L’objectif fixé par le PLU n’est donc pas atteint, au contraire : on a réservé au stationnement privé des locataires du locatif social un espace qui reste vide, mais l’espace public, que les élus locaux voulaient préserver, est occupé.
Cet amendement vise à préciser, à l’article L. 442-6-4 du code de la construction et de l’habitation, que lorsque le plan local d’urbanisme n’impose pas la réalisation d’aires de stationnement, le locataire n’est pas obligé de louer, mais qu’il l’est quand le PLU l’impose.
Avis défavorable. Tout d’abord, les locataires du parc social n’ont pas tous un véhicule et il ne serait pas normal de leur imposer une place de parking. De surcroît, cette mesure conduirait à exclure un certain nombre de ménages des habitations HLM, car il faudrait augmenter les conditions de ressources, ce qui ne serait pas opportun.
Avis défavorable pour les mêmes raisons.
Les parkings ont tout de même été réalisés par des bailleurs sociaux, qui sont souvent des organismes HLM, grâce à des crédits destinés à la construction de logements sociaux. On oblige par conséquent les bailleurs sociaux à construire des parkings au lieu de logements, alors que les parkings restent vides. C’est gâcher l’argent public !
Un certain nombre de villes sont amenées à imposer un stationnement payant dans la rue pour que les gens louent les parkings, mais est-ce une raison pour taxer les habitants ? Leur pouvoir d’achat sera là aussi amputé, et de manière encore plus importante car il coûte plus cher de payer son stationnement que de louer une place de parking. Au final, personne n’est satisfait. J’espère que M. le rapporteur et M. le ministre reviendront sur leur décision.
Sourires
Pour avoir étudié le sujet lors de l’examen de la loi ALUR et à l’occasion d’amendements déposés par M. Denis Baupin, je tiens à préciser que le plan local d’urbanisme peut fixer une norme de places de stationnement par logement. Pour les logements locatifs sociaux, cette norme peut, ainsi, être inférieure à 1.
Cette norme est ainsi fixée à 0,6 place de stationnement par logement social dans le PLU lillois, ce qui est conforme au taux de motorisation des locataires du logement social. Vous pouvez parfaitement limiter le nombre de places de stationnement à ce que vous pensez être utilisé. Sauf erreur de ma part, il n’y a plus d’obligation de louer la place de stationnement avec son logement social. Une différence persistait entre les logements construits avant 1977 et ceux après 1977. Dans le premier cas, il était obligatoire de louer sa place de stationnement avec son logement, ce qui n’était pas le cas dans le second.
Un amendement de M. Denis Baupin à la loi ALUR a permis d’uniformiser cette règle. Aujourd’hui, qu’il s’agisse d’une construction nouvelle ou d’une résidence existante, il n’est plus obligatoire de louer sa place de parking avec son logement, ce qui pose le problème de ceux qui ne veulent pas louer, soit parce que la location est trop chère, soit parce que, par principe, ils préfèrent utiliser l’espace public, mais cette question relève de la négociation entre les collectivités et les bailleurs HLM. En tout état de cause, il est possible de ne pas louer sa place de stationnement et de ne pas obliger les bailleurs à construire des places de stationnement dans un logement social quand on considère que ce n’est pas utile. Il me semblerait préférable de retirer cet amendement.
L’amendement no 2333 n’est pas adopté.
Lorsqu’elles décident d’engager des opérations de HLM, nombreuses sont les communes – notamment rurales – qui se trouvent face à un bailleur social demandant des garanties d’emprunt extrêmement importantes, au point qu’elles sont parfois supérieures au budget même de la commune en question. Pour les rassurer, on explique généralement à ceux qui sont à la tête de la municipalité qu’il n’y a pas de problème et que jamais les sociétés de HLM ne risquent de déposer leur bilan. Dans ce cas, ne peut-on pas se demander pourquoi de telles garanties sont exigées ?
Au fond, la garantie, toujours la garantie, voire la surgarantie participent de tout une construction intellectuelle. Il n’en reste pas moins qu’avec la crise économique que nous connaissons, la possibilité qu’une société de HLM puisse un jour ou l’autre connaître de graves difficultés est réelle. Qui pouvait anticiper le dépôt de bilan de Dexia ? Personne.
Dans ces conditions, il faut proposer un certain nombre de garanties aux communes. C’est pourquoi, lorsqu’une demande de garantie d’emprunt au bénéfice d’une opération de logement social est formulée auprès d’une collectivité, cet amendement vise à ce que le requérant informe celle-ci de la possibilité de souscrire une garantie de la Caisse de garantie du logement locatif social visée à l’article L. 452-1 du code de la construction et de l’habitation.
En effet, la plupart des élus que j’ai interrogés sur ce sujet ignorent cette possibilité et les sociétés de HLM ne les en préviennent pas. Il s’agit donc de donner une garantie en mettant ce renseignement à la connaissance de la collectivité territoriale ; cela permettra selon moi d’éviter à l’avenir des sinistres tels que celui de Dexia.
Après avoir délibéré de cet amendement, la commission spéciale a déjà émis un avis défavorable pour plusieurs raisons. D’une part, nul n’est censé ignorer les outils qui sont à sa disposition, en l’occurrence la Caisse de garantie du logement locatif social. Ensuite, je rappelle à M. Tourret que le code général des collectivités territoriales prévoit des ratios prudentiels qui empêchent les communes de dépasser un certain niveau de garantie et, de ce fait, de se mettre en difficulté ou en défaut par rapport à leur dette.
Je propose le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable, pour les raisons déjà indiquées en commission. M. le rapporteur l’a rappelé : la Caisse de garantie du logement locatif social peut, si besoin est, accorder sa garantie, et ce dans tous les cas.
Le problème que vous soulevez, monsieur Tourret, est donc résolu. En tout état de cause, il serait disproportionné de supprimer la dérogation pour ne traiter que de certains cas.
Je vous le dis en toute franchise : vous commettez une erreur. Vous ignorez complètement la situation dans laquelle se trouvent un certain nombre de responsables de collectivités territoriales qui se lancent avec courage dans des opérations de logement social, et qui ignorent totalement cette possibilité de recourir à la Caisse de garantie du logement locatif social. Je crois connaître un peu le droit, mais c’était mon cas personnel. À chaque fois que j’ai demandé aux bailleurs sociaux s’ils avaient cette possibilité et s’il existait des possibilités de contre-garanties, on m’a toujours expliqué que c’était impossible. Certains départements donnent des contre-garanties, mais pas les autres.
Dans ces conditions, il est incompréhensible de refuser de simplement prévenir la collectivité territoriale. Je vous le répète avec sincérité : c’est incompréhensible ! En outre, je tiens à dire que ce serait contraire aux engagements que le ministère du logement a pris avec moi, puisque c’est avec lui que j’ai rédigé cet amendement. Je ne saisis plus et j’ai l’impression d’être trompé !
Il semble que cela vous pose un problème de principe, monsieur Tourret, mais je ne suis pas sûr qu’il faille une loi pour simplement prévenir les collectivités locales de l’existence d’un outil. Il existe déjà les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, les agences départementales pour l’information sur le logement, des agences d’urbanisme, des fonctionnaires tels que les secrétaires généraux de mairie et les directeurs des finances. Je ne suis donc pas certain qu’il faille une loi car, alors, il nous faudra en adopter beaucoup d’autres !
Cela étant, j’accepte d’émettre un avis de sagesse sur cet amendement, mais j’estime qu’il est excessif d’inclure une disposition de cet ordre dans la loi.
Je soutiendrai cet amendement car, une fois inscrite dans la loi, cette disposition sera opposable. En cas de problème, il sera donc possible d’arguer du fait que l’on n’a pas été prévenu – à l’instar de ce qui se passe en matière d’assurance : selon la jurisprudence, ceux qui ignorent telle ou telle disposition dont ils n’ont pas été prévenus ne peuvent être poursuivis.
Cela étant, après avoir appelé Mme la ministre de la justice depuis deux semaines, peut-être faut-il aujourd’hui appeler Mme la ministre du logement, puisqu’elle semble être d’accord avec M. Tourret…
La diversité des situations est exceptionnelle. La tradition – pour ne pas dire la réglementation, tout simplement – autorise des collectivités locales et départementales à garantir les emprunts dédiés au logement social, à condition, je vous le rappelle, qu’ils aient fait l’objet d’un agrément. C’est ainsi que commencent les choses : sans doute n’y a-t-il pas assez de logements, mais il faut s’interroger sur le nombre d’agréments qui sont délivrés chaque année, et qui donnent lieu aux financements demandés – assortis d’une garantie.
Il arrive souvent que la collectivité refuse d’apporter sa garantie – même si l’on peut toujours s’entendre après négociation. Dans ce cas, il est toujours possible de solliciter la Caisse de garantie du logement locatif social, moyennant des frais ; on peut même solliciter le secteur privé, mais c’est plus cher.
Il faut savoir si l’on souhaite bâtir des logements dont les loyers sont abordables et compatibles avec le niveau de ressources de celles et de ceux qui en font la demande, en particulier en milieu rural où les revenus ne sont pas forcément aussi élevés que dans le 16e arrondissement de Paris.
Je fais néanmoins remarquer à M. le ministre que la Caisse de garantie du logement locatif social appartient en majorité aux représentants de l’État, dont c’est d’ailleurs souvent le premier exercice. Or, cet exercice ne consiste pas tant à dynamiser le secteur et à répondre aux besoins qu’à organiser le siphonnage des fonds – qui proviennent exclusivement des locataires – pour combler les déficits abyssaux de l’État.
Si l’on nous déclarait que l’argent ainsi prélevé en 2014 a été consacré au logement locatif social, j’en serais satisfait et je le comprendrais, mais ce n’est pas sûr. Il faut y consacrer tout l’argent pris à l’ensemble des familles du mouvement HLM, y compris le défunt Crédit immobilier de France qui vous rapportera plus de 1 milliard d’euros !
Si je dis tout cela, c’est parce que cet amendement ne devrait pas avoir besoin d’être présenté. Chaque organisme, qu’il construise à la demande ou avec l’autorisation du maire, a nécessairement obtenu un permis de construire délivré suite à un agrément ; le maire sait donc dans quelles conditions se passe la construction, si une partie du lot est consacrée à la réalisation d’une aire de stationnement, voire à un investissement par l’organisme. Quoi qu’il en soit, l’ensemble de l’opération doit être garanti, et cette garantie peut être soit gratuite, soit payante avec la Caisse de garantie du logement locatif social, soit beaucoup plus chère encore. À vous de choisir ; in fine, c’est le locataire qui paie, quel que soit son statut !
J’ignore s’il faut inclure cette disposition dans la loi, mais l’ensemble du monde du logement social alerte sur ce point. Il me semble même que les députés et les sénateurs doivent bientôt recevoir un courrier leur expliquant précisément ce qu’est la Caisse de garantie du logement locatif social et comment ses fonds sont aujourd’hui siphonnés au détriment d’une diminution des taxes ou, tout simplement, des loyers.
Je vous confirme que cette question relève davantage de l’information des collectivités.
S’agissant de la rédaction de cet amendement, il convient de rappeler celles des collectivités qui sont compétentes en matière d’habitat. Dans la loi ALUR, nous avons notamment tenté d’enclencher un mouvement afin que les offices de l’habitat soient rattachés non plus aux communes, qui ne sont pas compétentes, mais à leurs intercommunalités, par exemple. Il faut rappeler aux organismes comme aux élus que les garanties doivent émaner de ceux qui détiennent principalement les compétences, c’est-à-dire les communes, les intercommunalités si possible et, en dernier ressort, la Caisse de garantie du logement locatif social lorsque c’est nécessaire. En tout état de cause, il s’agit selon moi davantage d’une question d’information que de législation.
Permettez-moi avant toute chose d’exprimer mon émotion, monsieur le président…
Sourires.
Votre émotion est partagée, monsieur Lassalle : vous voir prendre la parole dans ce débat me ravit tout autant.
Ceux qui connaissent nos parcours savent parfaitement qu’il ne s’agit pas là d’un compliment de circonstance, mais d’un compliment républicain. Nous n’avons ni l’un ni l’autre fait quoi que ce soit pour nous épargner dans la vie politique. Je suis donc très heureux, car c’est un beau moment pour notre Béarn. Seul André Labarrère vous a précédé – et avant lui Jacques Chaban-Delmas, qui a atteint le sommet. Je vous souhaite le même parcours, à moins que d’autres orientations ne vous intéressent davantage, et, quoi qu’il en soit, je tenais à vous tirer ce coup de béret.
Monsieur Lassalle, vous êtes attendu à dix-huit heures dans ma circonscription, me dit-on.
Rires.
Soit ; d’autant que mes vallées étant toutes bloquées par la neige, mes concitoyens et électeurs se demandent tous ce que je fais aujourd’hui à l’Assemblée nationale.
Je vais moi aussi voter en faveur de cet amendement, parce qu’il a été remarquablement présenté par son auteur, pour qui j’ai la plus grande estime, et aussi parce que nous traversons une époque dangereuse pour les collectivités territoriales. J’ai la chance de vivre dans un département qui apporte sa caution ; le problème ne s’y pose donc pas. Lorsque ce n’est pas le cas, il est hélas aisé de laisser la commune s’engager pour que, le jour venu, le maire se retrouve sur le banc des accusés devant je ne sais quel tribunal ou ailleurs.
Il vaut donc mieux tout mettre sur la table, de sorte que si la réalisation de l’acte pose problème, on puisse y remédier ensemble et en toute connaissance de cause.
Pardonnez-moi, monsieur le président, d’avoir été un peu long, mais vous comprendrez que le moment a quelque chose d’exceptionnel…
Je vous remercie pour votre intervention, monsieur le député, et je sais que vos propos sont sincères.
La parole est à M. Marc Le Fur.
Je m’associe au concert de louanges qui vient de vous être adressé, et je l’adresse aussi à votre prédécesseur, tout aussi excellent.
Je soutiens moi aussi l’amendement de notre collègue Tourret. Il se trouve que je suis conseiller général depuis un certain temps : par automatisme et sans y réfléchir, nous apportions notre garantie aux emprunts sollicités par les offices de HLM. C’est aujourd’hui que ces collectivités commencent à s’inquiéter, non seulement parce que les locataires ont du mal à payer en raison de la crise, mais aussi parce qu’il peut se produire des évolutions démographiques, certaines communes perdant une partie de leur population – ce qui pose des problèmes de garantie.
À mon sens, cela ne mange guère de pain que d’imposer une obligation d’information au bénéfice de ceux qui garantissent.
Car lorsqu’un particulier garantit le prêt d’un tiers, d’un enfant par exemple, la banque est dans l’obligation de l’informer régulièrement, au moins une fois par an, pour lui rappeler les contraintes qui s’imposent à lui. Objectivement, il n’est peut-être pas indispensable de faire figurer cette garantie dans la loi, mais nous considérons que cette garantie supplémentaire est appréciable et c’est pourquoi nous voterons cet amendement.
Je vous demande pardon, monsieur le député, mais puisqu’il m’a été demandé de parler moins longtemps, j’ai donc parlé plus vite et je vous ai inutilement vexé… Je vais donc revenir sur les instructions que j’ai reçues.
Votre amendement souligne un véritable problème, comme l’ont démontré votre témoignage et les interventions successives. Il comporte deux alinéas distincts.
Ce qui me dérange, c’est le I de l’amendement qui vise à abroge l’article L. 2252-2 du code général des collectivités territoriales. En d’autres termes, il crée une dérogation générale pour régler un problème. Cette suppression me paraît disproportionnée et pourrait avoir des conséquences sur le plan budgétaire.
Je vous propose deux options.
La première consiste pour moi à sous-amender oralement votre amendement afin de supprimer le I, tout en conservant le II ; dans la seconde option, vous le retirez et je prends l’engagement qu’une instruction sera donnée par le ministère du logement pour informer les élus.
Puisque M. Tourret accepte de réécrire l’amendement, je vais le mettre aux voix compte tenu de la suppression du I.
L’amendement no 2825 , tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.
La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour soutenir l’amendement no 827 .
Cet amendement vise à insérer après le I de l’article 5 de la loi du 9 mars 2010 un article énonçant que les propriétaires ayant signé un contrat d’achat pour un détecteur de fumée au plus tard le 8 mars 2015 sont réputés satisfaire l’obligation prévue à l’article L. 129-8 du code de la construction et de l’habitation, à la condition que le détecteur soit installé avant le 1er janvier 2016.
En effet, la loi ALUR a transféré la charge financière de l’installation des détecteurs de fumée de l’occupant au propriétaire du logement. Cette obligation est une excellente chose pour la sécurité des habitants, mais certains propriétaires doivent faire face à une indisponibilité à la fois des détecteurs et des entreprises d’installation, ce qui gêne particulièrement les bailleurs détenant un parc important de logements.
Cet amendement vise à faire en sorte que ne soit pas engagée la responsabilité d’un bailleur qui aurait tout mis en oeuvre pour installer les détecteurs avant la date d’application de la loi, mais sans y parvenir, pour des raisons indépendantes de sa volonté.
L’amendement no 827 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Mon intervention sera beaucoup plus brève que la précédente, au cours de laquelle j’ai accompli la première partie de ma mission.
Je voudrais simplement dire combien ces organismes sont importants pour le logement social et combien celui-ci est important pour certaines communes qui n’auraient pas eu, sans cela, les moyens de construire des logements.
On se plaint souvent de ce que les communes ne construisent pas suffisamment de logements sociaux. Je suis maire d’une commune dont 50 % de la population habite dans du logement social, dont des paysans et des bergers, personnes très attachées à la montagne et à la nature.
Le logement social est une bonne chose, puisqu’il permet la mixité des populations. Si elle n’est pas toujours facile à gérer, il faut le reconnaître, dans un territoire rural et montagnard, cette mixité est valorisante et enthousiasmante. Nous n’aurions pas réussi sans les offices publics oeuvrant pour le logement social.
Non, le problème n’est pas de trouver du terrain : celui qui veut du terrain en trouve. Dans ma commune, les logements sociaux ont été construits juste devant ma maison familiale. Nous n’avons aucun problème de cohabitation et nos enfants ont été élevés avec des enfants qu’ils n’auraient jamais connus si ces logements sociaux n’avaient pas existé.
Je voulais vous faire part de ce témoignage pour parler de façon plus légère d’un problème très lourd qui préoccupe beaucoup notre pays, à savoir le logement et notre capacité à vivre ensemble.
La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 1893 .
L’amendement no 1893 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 23 bis, amendé, est adopté.
Article 23
La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement no 1298 .
Cet amendement vise à supprimer l’article 23 ter qui revient sur une disposition importante introduite dans la loi ALUR en matière de logement intermédiaire.
Cette disposition était le fruit de débats parlementaires fournis qui nous avaient permis d’aboutir à un équilibre en permettant le développement du logement intermédiaire uniquement dans les zones où la demande de logements est forte.
Le texte du projet de loi, en ciblant les zones tendues, met en place une incitation à développer le logement intermédiaire en tant qu’investissement immobilier au titre des importants avantages fiscaux dont il bénéficie.
L’expérience montre que si le logement intermédiaire répond indéniablement à un besoin dans certaines zones, des opérations menées en zones non tendues ont été des échecs, les constructions n’ayant atteint que de très faibles taux de remplissage.
En outre, construire là où il n’y a pas de demande contribue à artificialiser les sols et représente un mauvais investissement pour les épargnants qui ont choisi cette solution.
La commission s’est déjà beaucoup exprimée sur cette question. Nous sommes défavorables à cet amendement parce qu’il vise à clarifier des zonages qui étaient extrêmement contradictoires. On peut certes vouloir totémiser des textes existants, mais reconnaissons que lorsque le législateur utilise plusieurs véhicules, il crée parfois des contradictions insolubles.
Dans un premier zonage, au titre de l’ordonnance Duflot, le logement intermédiaire pouvait être réalisé dans des zones relevant de la taxe sur les logements vacants.
Par ailleurs, la loi de finances a prévu des allégements fiscaux sur un autre zonage ne se référant pas à la définition du logement intermédiaire.
En d’autres termes, on pouvait faire du logement intermédiaire hors des zones bénéficiant d’allégements fiscaux qui avaient pourtant été ciblées spécifiquement.
Ce que nous faisons dans ce texte revient à mettre de l’ordre dans les zonages. Il s’agit, pour des raisons de transparence, d’efficacité et de clarté, de ne retenir qu’un seul zonage : celui qui cible les zones tendues, en particulier celles qui bénéficieront d’une TVA à 10 % et d’une exonération de taxe foncière pendant vingt ans, c’est-à-dire les zones A et B1.
Cela ne veut pas dire qu’il ne sera pas possible de construire du logement intermédiaire ailleurs, mais dans ce cas il ne bénéficiera pas d’incitations fiscales et sera placé sous le contrôle plus étroit du préfet, au titre de l’article 55 de la loi SRU, dans le cas où il serait inopportun d’implanter du logement intermédiaire en lieu et place du logement social, et sous le contrôle du marché car, comme vous l’avez clairement indiqué, le logement intermédiaire ne trouve pas de marché dans les zones qui ne sont pas tendues.
Avis défavorable à cet amendement qui réintroduirait de la confusion dans une disposition de clarification.
Sur le fond, M. le rapporteur a tout dit. J’ajoute qu’il ne s’agit pas de modifier la loi ALUR, mais l’ordonnance du 20 février 2014. À la lumière de ces explications, je vous invite, madame, à retirer votre amendement, faute de quoi il recevra de ma part un avis défavorable.
Protestations sur les bancs du groupe SRC.
Il a tellement été dit que la loi ALUR était complexe que le Gouvernement revient dessus. Il l’a fait à travers la loi Mandon et aujourd’hui il le fait avec ce texte.
Pour autant, la loi ALUR a déjà fait des dégâts, puisque moins de 300 000 logements ont été construits en France en 2014. Vous qui avez l’habitude de revenir sur la législature précédente, je me permets de vous rappeler qu’à l’époque, nous en étions à 400 000 logements par an !
Compte tenu de ce qui se passe aujourd’hui, monsieur le ministre, devons-nous nous attendre à ce que vous nous présentiez l’année prochaine un projet de loi de simplification des mesures votées dans la loi Macron ?
Sourires.
Je comprends votre intention politique, à savoir semer de la confusion. Nous ne détricotons pas la loi Duflot, pas plus que l’ordonnance Duflot car c’est elle qui a amorcé la politique du logement intermédiaire dans notre pays et l’a définie juridiquement, ce qui a donné lieu à la création de filiales par les entreprises de l’habitat social. Ces dispositions sont essentielles.
En revanche, ces textes contenaient quelques confusions relatives au zonage, que nous sommes en train de dissiper. C’est la raison pour laquelle nous ne voulons pas revenir sur le texte initial. En tout état de cause, nous nous inscrivons dans la droite ligne de la loi Duflot.
Ce n’est faire injure à personne que de dire qu’une loi ne se résume pas au patronyme du ou de la ministre qui l’a fait voter, puisque c’est la loi de la République.
J’aurais bien aimé, lorsque nous discutions de ce projet de loi qui a fait l’objet de deux lectures à l’Assemblée et de deux au Sénat, que vous veniez débattre des points que vous critiquez aujourd’hui – je pense au fonctionnement des copropriétés, sachant que nous lançons ces jours-ci les opérations de requalification des copropriétés d’intérêt national, à la création d’un modèle-type pour le contrat de bail et l’état des lieux, à la lutte contre l’habitat indigne ou à diverses mesures d’urbanisme. Si vous voulez ajouter de la confusion, nous pourrions revenir très précisément sur tous les points que vous critiquez.
Comme l’a très bien rappelé Gilles Savary, ce qui est visé ici, ce sont les zonages et la définition du logement intermédiaire.
Dans notre pays, depuis quelques mois, le logement intermédiaire correspond à différents dispositifs destinés à favoriser l’investissement locatif, à attirer les investisseurs institutionnels grâce à des allégements fiscaux, et à développer la location-accession. C’est pourquoi il est nécessaire d’unifier le zonage et, à ce titre, ce qui est proposé va dans le bon sens.
L’ordonnance de février 2014 avait été habilitée par la loi ALUR. Je me souviens très bien des discussions que nous avions eues alors, à l’issue desquelles il avait été décidé d’impulser la construction de logements intermédiaires à condition que celle-ci soit très précisément encadrée. Pour cette raison, je ne retire pas mon amendement.
L’amendement no 1298 n’est pas adopté.
La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 1894 .
L’amendement no 1894 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Le texte omet de viser le zonage de la compétence des organismes HLM en matière de vente de logements intermédiaires à une personne morale. Il s’agit de corriger cette omission.
La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour soutenir l’amendement no 434 .
L’article 23 ter, amendé, est adopté.
Je suis saisi de deux amendements, nos 2778 rectifié et 2637 , portant article additionnel après l’article 23 ter et pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2778 rectifié .
L’objet de l’amendement est d’exclure le parc de logement intermédiaire des logements relevant du service d’intérêt économique général incombant aux offices HLM d’ici 2025. Comme nous autorisons les offices HLM et les sociétés de l’habitat social à créer des filiales dédiées au logement intermédiaire, nous souhaitons qu’il existe un strict cloisonnement entre la production de logement social qui relève de leurs obligations d’intérêt économique général et ce qui relèvera demain de leur production de logement intermédiaire qui ne sera pas capitalisable sur le logement social. Il faudra donc, pour s’en assurer, que les filiales soient organiquement bien distinctes entre elles, ce dont nous discuterons sans doute plus tard, et que les finances consacrées à la production de logement social d’une part et à la production de logement intermédiaire d’autre part n’interfèrent pas entre elles. Afin d’être très clairs, les loyers du logement social ne doivent pas financer un tant soit peu le logement intermédiaire, ce qui plaide en faveur du cloisonnement afin d’exclure à terme les logements intermédiaires du service d’intérêt économique général, en particulier ceux que produisent les sociétés HLM dans le cadre du quota de 10 % auquel elles ont droit.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement no 3227 , à l’amendement no 2778 rectifié .
Il s’agit d’un amendement important découlant des engagements que j’ai pris en commission de bien distinguer logement social et logement intermédiaire. Je présente un sous-amendement car l’échéance de 2025 me semble un peu éloignée. Le sous-amendement no 3227 présenté par le Gouvernement propose de retenir 2020, ce qui semble tout à fait réaliste. Afin de gagner du temps, j’ajoute que l’amendement no 2637 que M. Dumont s’apprête à présenter est satisfait par l’amendement no 2778 rectifié , présenté par M. le rapporteur, proposant d’exclure le logement intermédiaire des services d’intérêt économique et conférant à la discussion un cadre plus global. L’avis du Gouvernement est donc favorable à l’amendement présenté par M. le rapporteur ainsi sous-amendé.
La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement no 2637 .
Selon l’amendement présenté par M. le rapporteur, tout organisme HLM jouit d’une autorisation parfaitement cadrée, contrôlée tous les trois ou quatre ans par la Mission interministérielle d’inspection du logement social. Les produits accessoires pris dans leur ensemble ne doivent pas dépasser 10 % de la détention des logements locatifs sociaux agréés sous plafond de ressources. Cela permet aux organismes HLM de satisfaire des besoins qu’aucun autre opérateur, fût-il privé, ne satisfait, car le marché n’est pas intéressant. Le cloisonnement que M. le rapporteur appelle de ses voeux est donc déjà prévu par les textes réglementaires et contrôlé. Mon amendement vise à le rappeler tout en évoquant les zones très tendues où l’on se plaint – le pronom indéfini inclut même d’éminentes personnalités de la République qui y ont fait allusion – de l’absence de fluidité dans le parc locatif social, fluidité qui a pourtant existé, y compris lorsqu’il fallait construire beaucoup ! Si le loyer du dernier logement construit était légèrement plus élevé que celui demandé pour les logements en partie amortis, la population changeait de logement, voire de lieu de résidence. Aujourd’hui, tout est bloqué. Je fais remarquer que le pouvoir d’achat n’est certainement pas ce qui se porte le mieux dans notre pays en ce moment et que le chômage augmente toujours !
Par conséquent, si l’on veut conserver sur tout le territoire une forme d’équité républicaine, il faut que les besoins recensés soient satisfaits par des produits adaptés, de l’hébergement d’urgence aux personnes âgées en passant par le logement intermédiaire. Les grandes opérations qui doivent être lancées depuis dix-huit mois, sinon deux ans, sont toujours en attente, ce qui montre que la tâche n’est pas si facile. Certains organismes HLM constituent à cette fin des sociétés de l’habitat social. L’un de nos collègues quittant ses responsabilités dans le mouvement HLM, à qui j’ai demandé ce qu’il pensait du logement intermédiaire, m’a simplement répondu en faire depuis longtemps, non pas dans le cadre de l’office public de l’habitat dont il avait la charge et que je ne citerai pas car chacun le reconnaîtra, mais par le biais de sociétés d’économie mixte de l’habitat.
Ainsi, préconiser dans cet hémicycle de faire très attention à ce qui se passe dans le mouvement HLM où les organismes feraient à peu près n’importe constitue une mise en cause dangereuse. Nous verrons si la complémentarité future de la Mission interministérielle d’inspection du logement social avec l’Agence nationale pour la participation des employeurs améliore ses résultats, si l’Agence nationale de contrôle du logement social sera bien un nouvel organisme et si les compétences y seront effectivement réunies ! J’appelle l’attention de nos collègues ! À trop brider par avance, on ne satisfait pas les besoins !
Croyez-moi, les organismes HLM se sont battus pour que prêt locatif social, prêt locatif à usage social et prêt locatif aidé à l’intégration n’aient plus de liens entre eux. Le maire d’une agglomération et future grande métropole a déclaré devant la fondation Abbé Pierre que toute opération de logement locatif social comporte 30 % de PLAI. Dans le cadre de la réglementation actuelle, cela lui est interdit ! D’ailleurs, le maire ayant parlé quelques minutes auparavant, plus prudent, s’était contenté d’indiquer les grandes masses. Vous qui voulez libérer les énergies, voire obtenir de la croissance, monsieur le ministre, avant même de créer de nouveaux emplois, conservez au moins ceux qui existent dans la filière du bâtiment ! Laissez les organismes HLM et les sociétés d’économie mixte de l’habitat satisfaire les besoins par le système national d’enregistrement, vous ferez déjà oeuvre très utile, économiquement bien sûr, mais surtout socialement ! Laissez aux organismes HLM leur quota de 10 % !
Ce que nous votons ici à la suite de la loi ALUR et de l’ordonnance qui la précise est tout à fait nouveau et répond au souci des organismes HLM, bien connu de M. Dumont, de ne pas être ghettoïsé dans le logement social. Cela me semble extrêmement important.
Il s’agit d’offrir une gamme de produits étendue, favorisant la mobilité du logement social. Nous avons tous plus ou moins siégé dans des offices HLM et savons combien certains d’entre eux souffrent d’embolie, faute que le marché leur offre une possibilité de sortie. Notre amendement propose de mettre de l’ordre, y compris en matière fiscale car le régime fiscal ne sera pas le même, monsieur le président Dumont. Il ne me semble donc pas scandaleux de verser progressivement les activités que vous qualifiez d’accessoires dans les filiales autorisées des entreprises sociales de l’habitat. C’est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, même si la démonstration qui venait l’appuyer a été très utile, à la fois pédagogiquement et en raison de l’argumentaire développé.
Compte tenu de ce satisfecit, je retire l’amendement dans l’attente de ce que décidera le Sénat sur ce point.
L’amendement no 2637 est retiré.
Le sous-amendement no 3227 est adopté.
L’amendement no 2778 rectifié , sous-amendé, est adopté.
La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement no 1297 .
Cet amendement est essentiel pour encadrer de garde-fous la dérive consistant à transformer la volonté de soutenir le logement intermédiaire en fausse bonne idée. Si le logement intermédiaire est en effet nécessaire, la volonté de le soutenir à tout prix ne doit pas avoir pour conséquence de faire dévier les organismes de logement social de leur mission première, dans le contexte de crise du logement que l’on sait. Le logement intermédiaire ne doit pas concurrencer le logement social. Nous savons que 70 % des Français ont des revenus leur permettant d’accéder au logement social, mais c’est le logement locatif très social qui est aujourd’hui une priorité, il suffit pour s’en convaincre de lire le rapport sur le droit au logement opposable.
Ainsi, la possibilité offerte aux filiales des organismes de logement social d’acquérir du logement intermédiaire par l’article 23 quater leur ouvre les portes d’une nouvelle activité qui risque d’inciter les maisons-mères à rééquilibrer leur activité en faveur du logement intermédiaire et donc au détriment du logement social, qui disposera nécessairement de moyens financiers et humains moindres. Il convient donc de s’assurer que les possibilités nouvelles offertes aux filiales d’organismes HLM soient conditionnées au respect des obligations en matière de construction de logement social sur le territoire concerné. Respectons donc la loi SRU ! Tel est l’objet de l’amendement.
Je fais observer à Mme Bonneton que le fameux quota prévu par l’article 55 de la loi SRU, porté par la loi ALUR à 25 %, s’applique aux communes et non à chaque entreprise sociale de l’habitat. Il s’agit de leur donner la possibilité d’acquérir des logements intermédiaires existants, donc déjà couverts par les prudences mises en place par les lois sus-évoquées. Vous comprenez bien, chère collègue, qu’un office HLM achetant un logement qui existe déjà ne risque pas de déséquilibrer le pourcentage ni la variété des logements de la commune ! Votre amendement traite un autre sujet relevant du programme local de l’habitat et du plan local d’urbanisme sous le contrôle du préfet. L’avis de la commission est donc défavorable à l’amendement car il est hors sujet.
Même avis.
Le logement intermédiaire n’entre pas dans le décompte du logement social. En outre, les moyens des offices HLM seront ainsi dispersés vers une catégorie de logement ne relevant pas du logement social.
Je voudrais rappeler à Mme Bonneton que, dans les ordonnances « Duflot » qui ont créé le logement intermédiaire et qui ont été ratifiées par la loi ALUR, nous avons veillé à l’étanchéité entre le logement intermédiaire et le logement social. M. le rapporteur thématique vient de dire qu’il s’agit d’acquérir du logement intermédiaire existant. Il est impossible, pour un organisme HLM, d’acquérir, sur ses fonds propres dédiés au logement social, lesdits logements intermédiaires au nom de l’étanchéité que nous avons nous-mêmes établie.
Si l’organisme achète ces logements intermédiaires existants, il le fera par sa filiale dédiée au logement intermédiaire. Il ne peut pas y avoir de substitution financière entre le logement social et le logement intermédiaire, parce que nous y avons précisément veillé dans l’ordonnance de création du logement intermédiaire, présentée par Mme Duflot.
Madame Bonneton, si voulez dire par là qu’il ne faut pas que le logement intermédiaire compromette le respect du seuil de 25 % de logements sociaux dans une commune, vous avez tout à fait raison : nous partageons votre point de vue et des dispositions ont été prises en ce sens. Si je disais tout à l’heure que votre amendement était hors sujet, ce n’était pas pour être désagréable ; je voulais simplement dire que les dispositions contenues dans votre amendement n’auraient pas d’effet sur ce problème. Que l’on achète ou non du logement existant, il est toujours là, physiquement, dans la commune. Je me permets donc de solliciter le retrait de cet amendement car il n’est pas dans le sujet.
L’amendement no 1297 n’est pas adopté.
Vous venez de créer les filiales des organismes HLM dédiées au logement intermédiaire. Cet amendement a pour objet de leur permettre d’acquérir des immeubles de bureaux, en vue de leur transformation en logements locatifs intermédiaires.
La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour soutenir l’amendement no 442 .
Cet amendement, identique au précédent, vise à augmenter l’offre de logements locatifs.
La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2192 rectifié .
Je propose que l’on se rallie au panache blanc de l’amendement du rapporteur, no 2192 rectifié, qui poursuit le même objectif.
Sourires.
L’objectif poursuivi par ces trois amendements est partagé par le Gouvernement, comme j’avais eu l’occasion de le dire dès la commission spéciale. Pour des raisons purement rédactionnelles, j’invite les auteurs des deux premiers amendements à les retirer au bénéfice de l’amendement no 2192 rectifié . Les deux amendements identiques seront, me semble-t-il, satisfaits par ce dernier.
L’amendement no 442 est retiré.
L’amendement no 351 n’est pas adopté.
L’amendement no 2192 rectifié est adopté.
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 354 rectifié , 443 rectifié et 2210 rectifié .
La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement no 354 rectifié .
Je pense qu’il va être excellemment défendu d’ici quelques instants par le rapporteur, qui a déposé le même amendement, aussi je m’en remets à lui.
La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour soutenir l’amendement no 443 rectifié .
La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement no 2210 rectifié .
Avis favorable.
Les amendements identiques nos 354 rectifié , 443 rectifié et 2210 rectifié sont adoptés.
L’article 23 quater, amendé, est adopté.
La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour soutenir l’amendement no 445 .
Avis défavorable. Cet amendement ne me paraît pas utile. Pour constituer des filiales HLM consacrées au développement du logement intermédiaire, on peut procéder à tout apport en capital, y compris les 10 % d’activité accessoire existants actuellement dans les organismes HLM…
… y compris, évidemment, des apports en numéraire, à l’exclusion du patrimoine relevant du service d’intérêt économique général. Nous sommes défavorables à cet amendement parce qu’il n’est pas utile. L’ordonnance est suffisamment claire à ce sujet.
La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour soutenir l’amendement no 485 .
Cet amendement a trait à la rupture conventionnelle du contrat de travail des directeurs généraux des offices HLM.
En cas de désaccord entre le directeur général de l’office et le président, ce dernier n’a d’autre possibilité, en l’état, que de le licencier, alors même qu’il n’a rien à lui reprocher d’un point de vue professionnel. Les conséquences d’un tel état du droit sont l’émergence de contentieux coûteux pour les offices.
L’amendement a pour objet de remédier à cette situation en transposant à la situation du directeur général d’un office la procédure de rupture conventionnelle issue du code du travail. Il introduit, pour tenir compte de la nature particulière de l’office – qui est un établissement public industriel et commercial –, trois éléments spécifiques : un plafonnement de l’indemnité de rupture conventionnelle, dont le mode de calcul est calé sur celui de l’indemnité de licenciement ; l’intervention du conseil d’administration, qui doit donner son autorisation au président de l’office pour signer la convention de rupture conventionnelle ; l’indication que le président ne peut signer la convention de rupture avant que la délibération du conseil d’administration autorisant le président à la signer soit exécutoire.
Je comprends bien l’objectif que vous poursuivez à travers ces dispositions qui s’appliquent d’ailleurs actuellement – pour prendre cet exemple – aux directeurs généraux de CCI. Mais, tel qu’il est rédigé, cet amendement serait applicable à tous les établissements publics industriels et commerciaux. Son champ d’application est donc trop large et votre amendement ne peut faire l’objet, en l’état, d’un consensus. Un travail reste à mener avec le ministère de la fonction publique et celui du logement. J’insiste sur le fait que je ne conteste aucunement l’existence de ce problème.
Oui, c’est un vrai problème, auquel nous devons travailler. Nous n’avons pas eu – je parle sous le contrôle collectif – de vraie discussion en commission spéciale sur ce sujet, que nous n’avons donc pas pu préparer aussi bien que nous l’aurions souhaité. Je m’engage à ce que l’on en discute, éventuellement que l’on amende le texte au Sénat.
En tout état de cause, la rédaction actuelle ne convenant pas, je vous invite à retirer cet amendement. Je prends l’engagement, au nom du Gouvernement, de travailler en ce sens.
L’amendement no 485 est retiré.
L’article 23 quinquies est adopté.
Les organismes HLM peuvent prendre en gérance les logements appartenant uniquement à des personnes énumérées par les textes définissant leurs compétences. Cet amendement a pour objet de compléter la liste, afin de permettre aux organismes HLM de prendre également en gestion des logements intermédiaires appartenant aux filiales dédiées au logement intermédiaire, ainsi qu’aux sociétés ayant le même objet.
La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement no 453 .
L’avis est défavorable, parce que nous souhaitons absolument respecter le principe de cloisonnement des deux activités – habitat social d’un côté, logement intermédiaire de l’autre. Monsieur Lurton, vous qui avez beaucoup d’expérience, vous n’ignorez pas que les locataires se plaignent parfois du manque de diligence de la gestion du parc HLM. Ce n’est donc pas le moment d’alourdir la charge pesant sur les offices HLM en mettant à leur disposition le parc de logements intermédiaires. Tel est du moins le point de vue de la commission.
La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement no 2173 rectifié .
L’ordonnance du 20 février 2014 retient une définition à mes yeux trop large du logement intermédiaire, qui inclut les logements financés par le dispositif de soutien à l’investissement locatif dit « Pinel ». D’un point de vue social et urbain, le développement d’une offre locative intermédiaire n’a de sens que sur le long terme. Or, je rappelle que le dispositif de soutien dit « Pinel » s’étend sur une période, fort courte, de six à neuf ans.
Il me semble par ailleurs préférable que l’offre intermédiaire soit développée par des bailleurs institutionnels – l’objectif principal étant de faire revenir les institutionnels vers le logement intermédiaire – plutôt que par des investisseurs individuels.
J’ajoute que cet amendement permettrait d’éviter les difficultés de contrôle et de gestion qui vont immanquablement se poser.
Voilà pourquoi je propose d’exclure le dispositif « Pinel » du champ du logement intermédiaire.
Avis défavorable, pour deux raisons. La première est peut-être un peu accessoire : au regard des plafonds de ressources et de loyers, le dispositif « Pinel » remplit l’un des critères de définition du logement intermédiaire ; il relève donc bien de cette catégorie.
Deuxièmement, il existe une tentation – qui a été évoquée dans notre discussion et à laquelle on ne voudrait pas céder – consistant à faire entrer un logement dans la catégorie du logement social, qui obéit à une définition assez large et fait l’objet d’aides fiscales, faute de pouvoir clairement l’identifier comme relevant du secteur intermédiaire. Ce serait une manière d’inclure le bien dans les 25 % de logements sociaux fixés à l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, ce que l’on ne souhaite pas.
Je serais plutôt d’avis que vous retiriez votre amendement, monsieur le député.
Corrigez-moi si je me trompe mais, étant donné la nature du mécanisme fiscal propre au dispositif Pinel, ce que vous proposez n’est pas applicable.
Vous proposez d’exclure les logements éligibles à cet avantage du champ du logement intermédiaire, qui est défini par l’ordonnance du 20 février 2014. Or, le choix du véhicule fiscal n’est fait qu’à la fin, on ne le connaît pas au début. Proposer de qualifier l’avantage fiscal comme vous le faites est inopérant.
Cette difficulté mise à part, l’argument du rapporteur est tout à fait valide. Il y a deux types d’outils de nature différente, l’un réglementaire et l’autre financier. Ils sont complémentaires et ont vocation à favoriser le développement du logement intermédiaire. Le dispositif Pinel permet de diversifier l’origine des investisseurs, y compris en faveur du logement intermédiaire, puisqu’il crée un avantage fiscal attractif en faveur des particuliers ; il serait regrettable de s’en priver.
Je veux bien que nous nous arrêtions quelques instants sur la façon dont ce dispositif fonctionne, mais je pense que nous n’arriverons pas à faire ce que vous proposez.
Je comprends votre souci, c’est toujours le même et c’est celui qui nous a conduits à discuter les amendements que vous avez présentés en commission spéciale et à établir le distinguo précédent. Toutefois, la présente proposition ne me paraît pas fonctionnelle.
Je vous invite donc plutôt à retirer votre amendement, monsieur le député ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Sans aller tout à fait dans le même sens que mon ami et collègue Jean-Luc Laurent,…
… je considère en effet que ce point est le plus sensible.
Je souhaiterais que nos collègues de l’UMP qui ont déposé et défendu, avec brio, d’ailleurs, des amendements visant à maintenir la législation actuelle sur le logement social s’engagent à ce que, à l’avenir, on ne modifie pas ce qui en fait le coeur, à savoir le fait de proposer une offre socialement accessible et équitablement répartie sur l’ensemble du territoire national.
Cet engagement doit être pris non pas pour demain mais pour aujourd’hui, monsieur Poisson, vis-à-vis de tous vos collègues qui bloquent des opérations de construction de logements sociaux ou qui préfèrent construire des logements PLS – prêt locatif social – plutôt que des logements PLAI – prêt locatif d’aide à l’intégration –, car c’est ce dernier type d’offre dont nous avons besoin sur notre territoire.
Par ailleurs, j’ai constaté, et je m’en félicite, que certains amendements avaient été présentés dans cet hémicycle pour défendre à la fois les bailleurs, les salariés des bailleurs, et des propositions que j’approuve. Puisqu’une plainte est actuellement étudiée par la Commission européenne qui vise la qualité de service d’intérêt économique général du logement social, je souhaiterais que nous soyons tous dans les mêmes dispositions pour défendre le modèle original de financement et de fonctionnement du logement social dans ce pays. J’espère que nous pourrons signer une résolution, un texte commun, chers collègues de l’UMP et de l’UDI, que je n’oublie pas, pour peser dans ce sens.
Enfin, je ne sais pas si la proposition de Jean-Luc Laurent est adéquate, mais la question qu’il pose a aussi été formulée dans le rapport du CIMAP qui a été évoqué tout à l’heure. Comment contrôler le respect des plafonds de loyers prévus dans le dispositif – son appellation change au fil des évolutions, mais il porte aujourd’hui le nom de la ministre Sylvia Pinel – pendant toute la durée d’engagement ?
Nous avions d’ailleurs eu un court débat au sein de la majorité sur l’ouverture de ce dispositif aux descendants. Cette disposition a été votée contre mon avis dans le cadre du projet de loi de finances. Cependant, que ce soit pour un membre de la famille ou pour un tiers, le contrôle des plafonds de loyers pendant la durée d’engagement – six, neuf ou douze ans – n’est pas correctement effectué aujourd’hui. S’il existe bien une catégorie de logements intermédiaires dans les textes, cette qualité n’est pas nécessairement une réalité dans la pratique. J’inviterais donc le Gouvernement à faire ce qui est proposé dans le rapport du CIMAP, c’est-à-dire à mettre en place un contrôle effectif, sur la durée, des plafonds de loyers proposés dans le cadre des dispositifs d’investissements locatifs.
Puisque M. le rapporteur de la loi ALUR met sans cesse en cause les députés qui siègent de ce côté-ci de l’hémicycle concernant la construction de logements HLM…
Permettez-moi de vous dire que j’ai eu la chance d’occuper pendant plus de vingt ans le poste de vice-président d’un office public de l’habitat et d’une société anonyme d’HLM dans une ville qui comporte plus de 26 % de logements locatifs sociaux. Nous y avons mené une opération de rénovation urbaine. M. le rapporteur reconnaissait d’ailleurs mon expérience voilà quelques instants dans ce domaine. Et je suis très fier du travail que j’y ai accompli !
J’ai bien écouté les positions de chacun. Le mérite de cet amendement est de poser une vraie question : comment assurer un réel contrôle ? En effet, lorsque la construction est terminée et que l’acquisition intervient, les personnes physiques peuvent choisir de bénéficier d’un dispositif d’investissement locatif, mais on n’a pas les moyens de contrôler le respect des plafonds fixés par la loi. Au regard de cette difficulté de contrôle et de l’objectif, qui est celui du Gouvernement, monsieur le ministre, que je partage, c’est-à-dire que les investisseurs institutionnels se tournent à nouveau vers le logement, en particulier le logement intermédiaire, dont nous avons besoin, je considère pour ma part que les choses doivent être clarifiées.
Par conséquent, je maintiens mon amendement, car il est à mes yeux nécessaire d’exclure cet avantage du champ du logement intermédiaire pour éviter les difficultés qu’un tel dispositif ne manquera pas de poser à l’avenir. Je prends date avec vous, car j’ai de sérieuses raisons de croire que nous aurons à en reparler.
L’amendement no 2173 rectifié n’est pas adopté.
L’article 23 sexies est adopté.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.
La séance est levée.
La séance est levée à treize heures cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly