N’ayant pas eu le plaisir de siéger en commission spéciale, je vous prie de m’excuser, monsieur le ministre, pour une intervention qui vous semblera peut-être redondante. Je m’exprime en tant que député de base.
Les ventes à la découpe constituent un très grave problème. Je prends l’exemple d’une commune que je connais très bien : Paris, où 70 % des locataires sont éligibles au logement social alors que 20 % seulement sont logés dans le parc social. De fait, le premier bailleur social, c’est en l’occurrence le parc privé.
Nous savons bien que pour les locataires en place, dont une infime minorité est en mesure d’acheter son logement, chaque vente est extrêmement traumatisante.
Que se passe-t-il pour ceux qui ne le peuvent pas ? Que disait la loi Aurillac, qui est une loi de droite ? Qu’il fallait renforcer l’information des locataires. C’est une bonne chose, mais cela n’a pas réglé le problème de ceux qui n’avaient pas les moyens d’acheter leur logement – en revanche, ils étaient parfaitement informés qu’ils allaient être dûment virés de leurs logements !
Avec la loi ALUR, nous avons quant à nous renforcé la protection des locataires, et il le fallait. C’était une très bonne chose.
Je sais qu’un certain nombre d’investisseurs institutionnels souhaiteraient réaliser une partie de leur patrimoine, ce que l’on peut comprendre de la part d’une entreprise et donc d’un point de vue micro-économique, monsieur le ministre – c’est d’ailleurs cela, me semble-t-il, que vous évoquez lorsque vous assurez qu’il est nécessaire de fluidifier le marché. Ce point de vue, formulé par un institutionnel, est donc tout à fait compréhensible.
Après, il y a la globalité du marché et la réalité sociale qu’elle recouvre.
Or, lors d’une vente à la découpe, que se passe-t-il ? Si la collectivité n’est pas là pour apporter son soutien et acheter – il est vrai qu’elle se manifeste aussi, surtout lorsque les locataires se mobilisent de façon importante –, les locataires sont virés et, quand elle en a les moyens, elle est contrainte de les reloger dans le parc social existant.
Alors que le parc privé a été un peu fluidifié, cela contribue à congestionner et à rigidifier un peu plus le secteur du logement social.
D’une certaine manière, monsieur le ministre, nous sommes face à un conflit de valeurs entre l’approche micro-économique d’une entreprise et l’approche globale de la question du logement.
Il faut que l’on tienne bon un certain temps et que l’on permette aux collectivités et aux investisseurs institutionnels de discuter afin de favoriser progressivement la programmation de certaines ventes à la découpe en contrepartie des investissements de ces derniers et de la possibilité, pour les collectivités, de procéder à des rachats.
Je ne siégeais pas en commission spéciale, monsieur le ministre, et je n’ai donc pas pu vous le dire mais, dans la période que nous traversons et alors que ces situations angoissent les locataires – je l’ai constaté, ce sont des dizaines de vies qui peuvent être ainsi bouleversées lorsqu’un logement social est vendu à la découpe – je vous invite à ce que l’on en reste au statu quo de la loi ALUR.