Intervention de Danielle Auroi

Séance en hémicycle du 27 novembre 2012 à 15h00
Ancrage démocratique du gouvernement économique européen — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes :

Je me réjouis à mon tour que nous discutions aujourd'hui, et pour la première fois en séance publique, de ce pas important vers une meilleure démocratisation de l'Union. Au vu de l'hémicycle, il ne s'agit que d'un succès d'estime aujourd'hui, mais j'espère que nous en ferons une habitude plus populaire ! (Sourires.)

En tout cas, cette démocratisation de l'Europe est un enjeu fondamental, qui englobe tous les autres.

Cette Europe qu'on décrit en panne, ayant perdu la confiance des peuples, a connu pourtant des avancées certaines malgré les crises – avec les crises, et peut-être même par moments grâce aux crises. Comme le dit Joschka Fischer, « surmonter une crise nécessite de prendre des mesures qui auparavant étaient inconcevables, et encore moins réalisables ».

L'Union de 2012 n'est plus celle de 2008. La solidarité s'y est renforcée, en tout cas pour l'avant-garde que représentent les pays de l'euro. Je suis ravie d'avoir accueilli tout à l'heure un ministre letton qui m'a dit la volonté de son pays d'entrer dans la zone euro. On voit bien que la crise n'est pas seule à entrer en ligne de compte dans cette démarche.

Face aux attaques de la spéculation, nous avons su faire sauter le tabou du marché considéré comme seule règle de tout. Ensemble, nous avons su construire des moyens efficaces pour endiguer le tsunami de la finance folle. La Banque centrale européenne a su sauvegarder notre monnaie unique. C'est essentiel, mais cela ne suffit pas. Il reste le refus des euro-obligations, un tabou qui devrait disparaître lui aussi.

Parallèlement, le gouvernement français arrive à proposer des réflexions et des actions concrètes pour une Europe plus solidaire.

Il reste d'autres terrains difficiles, tant sur le plan environnemental que sur le plan social. La transition énergétique se fait bien trop lentement. Les plans de rigueur nationaux, avec leur dogme de l'austérité, ont des conséquences désastreuses qui n'épargneront personne, pas même nos amis allemands.

La souffrance liée à la crise ne peut être le seul horizon des citoyens de l'Union. La discipline budgétaire ne peut être l'alpha et l'oméga du projet européen. De l'aveu même du FMI, trop de rigueur risque d'ailleurs d'étouffer toute relance économique.

Certes, avec le six-pack, bientôt le two-pack et les dispositions du traité sur la stabilité, l'Union encadre nos politiques budgétaires. Mais avant d'aller plus loin dans les disciplines collectives, il serait sage de prendre la mesure des contraintes réelles qu'impliquent ces nouveaux dispositifs.

Le vaste débat institutionnel qui s'engage en Europe devient prioritaire. L'Union économique et monétaire doit désormais, d'une manière ou d'une autre, se doter des moyens et des procédures pour se constituer en véritable gouvernement économique commun, comme Jacques Delors l'avait réclamé dès la signature du traité de Maastricht.

Le chantier essentiel de l'ancrage démocratique n'a jusqu'à présent guère connu de progrès quant à lui. Or, seul l'approfondissement démocratique de l'Union peut fonder la légitimité des décisions économiques et budgétaires prises ensemble, au niveau européen. Ne sommes-nous pas comptables aussi de leur impact sur la vie quotidienne de nos concitoyens ? Nous l'oublions trop souvent.

Nous ne pouvons faire l'impasse sur la question démocratique, sauf à laisser la déflation nourrir les illusions mortifères des replis nationalistes, comme cela est hélas en train de se produire en Grèce. Aussi me paraît-il plus impérieux que jamais de nous saisir enfin, et avec audace, de cette question.

Comme d'autres l'ont dit avant moi, le Parlement européen ne peut à lui seul remplir le vide de la souveraineté dans l'Union, car la souveraineté budgétaire lui fait défaut. Ce sont les Parlements nationaux qui détiennent cette souveraineté.

Le rôle désormais reconnu à l'Union dans la détermination des politiques économiques nous place, nous parlementaires nationaux, souverains budgétaires et interlocuteurs quotidiens des peuples européens, au centre des débats. L'Europe a plus que jamais besoin de nous, de notre lien privilégié avec nos concitoyens et de notre rôle d'animation dans les débats publics, pour expliquer et faire vivre les avancées et les projets européens.

La proposition de résolution qui vous est soumise prend d'ailleurs acte de cette nécessité, en appelant à une meilleure intégration des diverses étapes du semestre européen dans nos travaux.

Garder à l'esprit la vision européenne en bâtissant les budgets nationaux, voilà un élément important. Mais il ne peut suffire. Car, nous le savons bien, les orientations en matière économique et budgétaire sont intimement liées à nos choix en matière de politique sociale, fiscale et environnementale. Cela aussi devrait relever des préconisations de la Conférence budgétaire.

L'émergence d'une véritable Union des Parlements nationaux est le grand défi pour doter l'Europe de la force des débats nationaux et fédérer nos travaux. Une telle perspective suppose, dans une première étape, de donner rapidement corps à la Conférence, tout en rassurant le Parlement européen, toujours inquiet quant à la place de chacun.

L'intérêt et l'enjeu essentiel de cette Conférence est d'établir une structure stable de dialogue interparlementaire. Il s'agit ainsi de promouvoir, progressivement, des priorités de politiques économiques réellement partagées, au plus près de l'intérêt des citoyens européens.

L'intuition majeure de cette proposition, c'est la nécessité d'un décloisonnement des débats budgétaires nationaux et européens et de leur approfondissement démocratique.

À cet égard, je remercie le président Bartolone d'avoir accepté d'organiser la table ronde budgétaire du 15 octobre – une première dans la vie de notre assemblée. Elle a permis des échanges constructifs avec les représentants du Parlement européen et de la Commission.

Pour avancer, il nous faudra bien sûr convaincre nos partenaires des autres Parlements, à commencer par nos amis allemands. Ceux du Bundestag que nous avons rencontrés lundi ont encore besoin d'être convaincus.

Il est important que les travaux de la Conférence puissent se fonder sur du concret, en particulier sur les recommandations que la Commission adresse aux États concernant leurs programmes de stabilité et de réforme.

La résolution suggère aussi que cette Conférence se dote d'une commission spécifique à la zone euro. Affaire à suivre…

Dernier point important, il faut que la Conférence ait la possibilité d'adopter des conclusions, adressées aux institutions de l'Union. C'est ce que Christophe Caresche a rappelé tout à l'heure.

D'autres ajustements institutionnels seront sans doute nécessaires. Je pense notamment à l'élargissement du droit d'initiative, par exemple, du Parlement européen. De manière plus ambitieuse encore, il nous faudra traiter de l'incarnation de l'Europe et de la responsabilité de ses dirigeants, sans doute au travers de leur désignation par les peuples, dans des élections européennes, notamment pour le président – ou la présidente ! – de la Commission européenne. C'est pour 2014, autrement dit pour demain. Nous devons le préparer ensemble.

Mais ne nous leurrons pas : les progrès institutionnels ne pourront à eux seuls prétendre résoudre le déficit démocratique de l'Europe. Car la démocratie, plus encore que des procédures, c'est un principe qui veut que les peuples déterminent pour eux-mêmes les formes que prend leur destin collectif.

Nos concitoyens doivent pouvoir exprimer régulièrement ce qu'ils attendent de l'Union européenne. Sans cela, aucun bricolage institutionnel, aussi savant soit-il, ne permettrait la nécessaire appropriation collective de cette magnifique aventure. Cela pourrait peut-être constituer la mission d'une convention, dès lors que les peuples se seront exprimés en 2014 sur des projets politiques clairs.

Je conclurai sur cette projection vers l'avenir, car c'est bien dans la perspective de l'approfondissement démocratique de l'Europe que s'inscrit la création de la Conférence budgétaire, véritable avancée, qui pourra se révéler un instrument décisif. Pour plagier Danton, il nous faut de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace, et l'Europe sera sauvée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion