La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
La voix de la France au Proche-Orient est attendue. Il est temps, il est grand temps que la France reconnaisse enfin l'État palestinien. Ce jeudi, elle doit dire oui à son entrée à l'ONU !
Il y a soixante ans, le plan de partage prévoyait la création de deux États. Soixante ans plus tard, le peuple palestinien n'en peut plus d'attendre enfin sa terre ! Il a connu soixante années d'humiliations, de colonisation et de souffrances. Malgré ces souffrances, ce peuple pacifique a fait le choix de la lutte politique et du compromis, autour du président Abbas.
Reconnaître l'État palestinien est un signe fort pour que cessent les colonisations en Cisjordanie et pour redonner crédit aux dirigeants palestiniens. J'ajoute que, face aux provocations des groupes extrémistes et des États belliqueux, la création de cet État représente la meilleure garantie pour la sécurité d'Israël, à laquelle nous sommes attachés.
Il est urgent de redonner espoir au peuple de Palestine. Le monde attend ce geste de la France. Au nom des députés communistes et du Front de gauche, je m'adresse solennellement au chef de l'État, qui avait fait de cette question un engagement de campagne.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, faites le choix de la liberté et de l'humanisme, en toute indépendance ! Dans son histoire, la France a su faire preuve de sa loyauté avec courage et a pris la cause des peuples. Grandissez la France ! Reconnaissez l'État palestinien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Monsieur le député, vous m'interrogez sur le vote que la France prononcera jeudi ou vendredi prochain à propos de la reconnaissance de l'État palestinien. Nous exprimerons ce vote avec cohérence et lucidité. Vous savez que, depuis des années, la position constante de la France a été de reconnaître l'État palestinien. Ce fut vrai en 1982 avec le discours que François Mitterrand a prononcé devant la Knesset.
Ce fut vrai l'année dernière, lorsque la France a voté en faveur de la reconnaissance de la Palestine à l'UNESCO.
Ce fut vrai quand, durant la campagne présidentielle, dans l'engagement n° 59, le candidat François Hollande, devenu Président de la République, s'est engagé dans le même sens.
C'est la raison pour laquelle je vous réponds directement : jeudi ou vendredi prochain, quand la question sera posée, la France répondra « oui » par souci de cohérence. (De nombreux députés des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP se lèvent et applaudissent.)
Mais en même temps, mesdames et messieurs les députés, il faut faire preuve dans cette affaire de beaucoup de lucidité.
D'une part, le texte est actuellement en discussion. J'ai eu moi-même le président Mahmoud Abbas au téléphone hier matin. D'autre part, ne cachons pas que le moment où cette question sera posée est très délicat, à la fois du fait de l'extrême fragilité du cessez-le-feu, de l'approche des élections israéliennes et du changement dans la composition de l'administration américaine.
De toute façon, c'est seulement par une négociation entre les deux parties, que nous demandons sans condition et immédiate, que nous pourrons aboutir à la concrétisation d'un État palestinien. Si nous sommes à la fois cohérents et lucides, nous travaillerons pour la paix. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le ministre, vous connaissez la liste des projets de plans de licenciements. Elle est éloquente, et elle fait froid dans le dos ! Bouygues Telecom : plus de 500 emplois sont menacés. Technicolor : 350 salariés s'inquiètent du lendemain. Sanofi : un millier d'emplois sont sur la sellette. Petroplus : 470 personnes sont dans l'angoisse. Carrefour : 533 départs sont suscités. Doux : 1 000 emplois risquent de disparaître. Et encore Candia, SFR, PSA, Air France… Et combien d'autres encore ?
Monsieur le ministre, derrière cet énoncé monotone – j'en conviens –, il y a, vous le savez, des vies suspendues, des projets brisés, des rêves somme toute d'une très grande banalité qui s'évanouissent. Si certains plans sociaux peuvent être justifiés par de réelles difficultés dues à la crise et à la politique de l'ancien gouvernement, d'autres, en revanche, obéissent à des calculs bien plus égoïstes.
Lors de sa conférence de presse, le Président de la République a annoncé une hausse du chômage avant une hypothétique reprise de l'activité. Doit-on pour autant céder au fatalisme ? Ne croyez-vous pas qu'il y a urgence à limiter la casse ? Certes, le Gouvernement n'est pas inactif, mais il doit accélérer, comme le démontre le débat sur la nationalisation temporaire d'un site d'Arcelor-Mittal, ou encore la proposition de notre groupe RRDP d'un nouveau dispositif pour empêcher les licenciements non justifiés.
Monsieur le ministre, ma question est donc simple : face à l'urgence de la situation, quelles dispositions concrètes comptez-vous prendre pour arrêter l'hémorragie sur le front de l'emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)
La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Plusieurs députés du groupe UMP. Et du chômage !
Monsieur le député, vous avez commencé votre question par une liste que vous qualifiez de monotone. Elle n'est pas monotone ! Elle cache effectivement des drames humains : des familles et des territoires sont directement concernés. J'ai bien écouté votre énumération : tous ses éléments sont des plans sociaux qui avaient commencé ou avaient été cachés avant l'alternance, et que nous devons traiter aujourd'hui. (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – « Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Mesdames et messieurs les députés de la majorité, voilà la situation à laquelle nous sommes confrontés ! Nous nous y attaquons sans dissimuler ni les responsabilités du passé, ni nos propres responsabilités car, aujourd'hui, c'est nous qui sommes chargés de prendre les bonnes décisions au profit de cette seule priorité définie par le Président de la République : la lutte contre le chômage, la bataille pour l'emploi.
Nous agissons. Il y a à peine un mois, vous avez adopté définitivement la loi sur les emplois d'avenir. Aujourd'hui, plusieurs centaines d'emplois d'avenir ont déjà été offerts aux jeunes.
Dans quelques semaines, vous discuterez du contrat de génération, qui permettra de faire entrer des jeunes dans les entreprises sans pour autant en chasser les salariés les plus âgés. Dès le début de l'année prochaine, vous pourrez mettre en place ce dispositif qui sera extrêmement puissant et favorable à l'emploi.
Enfin, nous traitons les plans sociaux et les situations dossier par dossier, point par point, en essayant d'y apporter les meilleures réponses. Les procédures de licenciement ne sont pas aujourd'hui satisfaisantes. Vous le savez : le Gouvernement a saisi l'ensemble des partenaires sociaux d'une négociation. Elle est en cours, et il reste encore quatre semaines pour qu'elle aboutisse – ce que je souhaite. Mais, de toute façon, le Gouvernement prendra ses responsabilités, car aujourd'hui sont prononcés des licenciements dont le motif est inadmissible. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et porte sur l'organisation éventuelle d'un débat en profondeur sur la question du mariage homosexuel. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
À plusieurs reprises, monsieur le Premier ministre, et depuis plusieurs semaines, nous vous avons interrogé sur les raisons pour lesquelles vous refusez de donner droit à cette demande de débat (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), un débat réclamé par l'opinion, par l'opposition parlementaire…
Plusieurs députés du groupe SRC. Laquelle ?
…et par de nombreuses associations dans l'ensemble du pays. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
À plusieurs reprises, vous avez expliqué que les raisons pour lesquelles vous ne vouliez pas donner droit à cette demande tenaient à ce que, de votre point de vue, le débat se déroule dans de bonnes conditions devant le Parlement. Or je suis au regret de dire – d'ailleurs, la presse s'en est étonné ces jours derniers – que le débat qui se déroule en ce moment à la commission des lois n'est pas un vrai débat, car il n'est pas organisé de manière équitable et ne permet pas à ceux qui sont opposés à ce projet d'avoir la parole comme ils devraient l'avoir.
Enfin, la semaine dernière, nous avons assisté à un événement rare… (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP.)
Moquez-vous, chers collègues ! Cet événement rare n'est certainement pas celui auquel vous pensez, et il vous amusera moins : c'est le fait que le Président de la République s'est d'abord évertué à accorder aux maires une liberté de conscience sur le mariage homosexuel…
…et que le lendemain, sous la pression du militantisme des milieux gays, il a renoncé et reculé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le Président de la République a accueilli cette association après une petite protestation médiatique alors que, dans le même temps, deux cents parlementaires lui demandaient audience pour être entendus à ce sujet.
Plusieurs députés du groupe SRC. De quel groupe ?
Monsieur le Premier ministre, à l'évidence, l'ensemble des conditions d'un déroulement normal du débat ne sont pas réunies. C'est la raison pour laquelle je vous demande, à nouveau, quand vous comptez organiser devant l'opinion publique le débat que tout le monde attend sur le mariage homosexuel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, assez de manoeuvres dilatoires ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous feignez de demander un débat alors que vous ne voulez organiser qu'un débat sur le débat : telle est votre conception du débat !
Le débat est là ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Il a déjà eu lieu par le biais des auditions que nous avons menées avec Christiane Taubira. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il est là au travers des auditions organisées par la commission des lois, auxquelles seuls deux représentants de votre groupe assistent (Protestations sur les bancs du groupe UMP), alors que vous pourriez venir les suivre, puisque ces auditions sont publiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Lisez les journaux, regardez la télévision, le débat a lieu dans tout le pays ! C'est vous qui ne voulez pas entrer dans le débat. Y entrer serait aborder le fond. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Quand pourrons-nous, ensemble, parler de la réalité des familles d'aujourd'hui et de leur diversité ? Quand pourrons-nous, ensemble, réfléchir à donner un statut aux 40 000, voire 300 000 enfants qui vivent aujourd'hui dans des familles homoparentales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Quand pourrons-nous, enfin, parler de la réalité du texte qui a été présenté au conseil des ministres et à propos duquel vous ne cessez de dire des contrevérités ?
Plusieurs députés du groupe UMP. Non !
Contrevérité sur l'existence d'un parent 1 ou parent 2. Contrevérité sur l'idée qu'un couple homosexuel pourrait avoir la sottise de raconter qu'un enfant peut naître biologiquement de deux pères ou de deux mères.
On ne change pas le mariage, on l'ouvre ! Peut-on regarder aussi, ensemble, rationnellement, les pays qui ont déjà ouvert le mariage et l'adoption à tous ? Est-ce que ces sociétés sont en plus mauvais état ? Je ne le crois pas.
Je vous le dis, cessons d'ouvrir la boite aux fantasmes. Peut-on enfin avoir un débat de qualité ? Je vous y invite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)
La parole est à M. Matthias Fekl, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, au terme de négociations difficiles, les États de la zone euro et le FMI sont parvenus à un accord pour la Grèce.
Cet accord a été salué en Grèce non seulement comme énième un répit, mais comme le début d'une nouvelle phase. Le Premier ministre grec a ainsi évoqué « une nouvelle journée pour tous les Grecs », après de longs mois, de longues années de récession économique et de souffrances sociales.
L'accord mobilise de nombreux leviers financiers pour accompagner les efforts de la Grèce dans sa trajectoire de dette publique. Il prend acte des efforts considérables et des sacrifices gigantesques consentis par le peuple grec pour surmonter la crise.
Il manifeste la solidarité des Européens pour un peuple ami. Il traduit aussi la volonté absolue d'éviter l'éclatement de la zone euro.
Les conséquences économiques et sociales d'une telle explosion seraient imprévisibles. Elle porterait une atteinte profonde à l'intégration européenne. Elle heurterait de plein fouet l'idée même que nous avons de l'Europe.
Monsieur le ministre, pouvez-vous présenter devant la représentation nationale les termes de l'accord intervenu dans la nuit ? Pouvez-vous nous indiquer les délais de versement des aides, dont le peuple grec doit bénéficier au plus vite ? Pouvez-vous tracer les perspectives qu'ouvre cet accord pour la Grèce et pour l'Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député, c'est vrai, je ne peux le nier, les négociations ont été difficiles. Il a fallu trois jours et deux nuits pour aboutir à cet important accord, qui va dans le sens souhaité par la France depuis l'élection du Président de la République, François Hollande.
Nous avons toujours dit que nous étions attachés à l'intégrité de la zone euro. Nous avons toujours dit que nous pensions que la stabilisation de la zone euro et la résolution des crises nationales qui peuvent la fragiliser étaient une condition pour le retour de la croissance et de la confiance. Et nous avons joué, c'est vrai, un rôle de facilitateur : proposant des solutions, essayant de rapprocher les points de vue, rôle dont nos amis grecs nous sont reconnaissants. J'ai reçu ce matin un appel du Premier ministre grec : les Grecs savent que la France a joué sa partition.
L'accord a demandé des efforts importants. Efforts d'abord de la Grèce : vous les avez mentionnés.
Le gouvernement et le peuple grecs consentent des sacrifices pour pouvoir redresser à terme leur économie et reconstruire leur état.
Effort important aussi pour les États de la zone euro. La perspective est de réduire la dette grecque de 144 % à 124 % du PIB en 2020.
Pour cela, nous avons agi sur plusieurs leviers. Nous réduisons les taux d'intérêt des bailleurs de fonds pour la Grèce. Nous lui reversons les profits qui ont été tirés des titres achetés par la Banque centrale européenne. Nous encourageons le rachat de titres grecs par la Grèce elle-même. Tout cela doit permettre, le 13 décembre, de prendre la décision de déboursement définitif de 43,7 milliards d'euros.
Monsieur Fekl, cet accord est l'aboutissement d'un long travail, qui ouvre des perspectives nouvelles à la Grèce, à l'euro, à la zone euro. Nous y avons beaucoup travaillé, nous pouvons en être fiers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.)
La parole est à Mme Anne Grommerch, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre du redressement productif (Exclamations sur quelques bancs des groupes UMP et UDI), j'ai fait partie des élus mosellans qui, toutes sensibilités politiques confondues, ont adressé une lettre ouverte au Président de la République dans laquelle ils affirmaient être favorables à une prise de contrôle publique temporaire de l'État pour permettre à un opérateur industriel de reprendre l'ensemble du site ArcelorMittal de Florange.
Nous sommes à quatre jours de la date butoir pour trouver un repreneur pour la filière chaude actuellement détenue par ArcelorMittal et vous n'avez rien trouvé de mieux que de tenir des propos offensants à l'égard du groupe Mittal, ce qui risque de compromettre toute possibilité de négociation. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.)
Pire même, vous mettez en danger pas moins de 20 000 emplois en France en affirmant que M. Mittal n'est pas le bienvenu dans notre pays et vous donnez un signal extrêmement négatif à tous les investisseurs étrangers déjà présents en France ou qui souhaiteraient investir dans notre pays.
Il est facile de parler fort et de cogner mais quand vous êtes responsable politique, qui plus est ministre de la République, vos paroles engagent la France !
Après le désaveu de Bruxelles sur Bic, après l'échec de la reprise de Pétroplus, preuve est donnée que les méthodes de votre gouvernement ne paient pas ! Je m'inquiète donc pour l'avenir du site ArcelorMittal de Florange.
Des promesses ont été faites, des engagements ont été pris, il s'agit maintenant de les tenir.
Des repreneurs potentiels souhaitent que le périmètre défini par ArcelorMittal soit élargi. Pouvez-vous nous dire où vous en êtes des discussions sur ce point ?
De plus, le projet Ulcos a été retenu par la Commission européenne. Cet élément a-t-il été pris en compte dans les négociations avec les éventuels repreneurs ?
Monsieur le ministre, les salariés attendent vos réponses. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Madame Grommerch, je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir joint vos efforts à ceux de vos collègues députés et sénateurs socialistes dans une union sacrée des Lorrains pour soutenir la proposition que nous formulons aujourd'hui de prise de contrôle public temporaire, avec un repreneur industriel qui investit son propre argent et qui n'accepte pas, comme nous tous ici, qu'un outil industriel performant, viable et rentable, puisse être sacrifié sur l'autel d'intérêts qui nous échappent. Et je dois vous dire que les propos tenus à l'égard de M. Mittal n'étaient qu'un rappel de ses méthodes que nous considérons comme contestables.
Je voudrais aussi remercier les députés communistes, les députés socialistes, les sénateurs de tous bords qui se sont aussi prononcés en faveur de cette solution, ainsi que de nombreux ministres du Gouvernement, mais également M. Thierry Breton, ancien ministre de l'économie et des finances de Jacques Chirac, qui a considéré que la nationalisation temporaire pouvait se justifier dans des cas exceptionnels à l'instar de ce qu'avait fait le président Obama aux États-Unis d'Amérique, Jean-Louis Borloo, président de l'UDI, ancien ministre de Nicolas Sarkozy, qui a lui-même déclaré qu'une prise de contrôle public temporaire était justifiée pour protéger nos intérêts nationaux, et je n'oublie pas Henri Guaino (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), ancien conseiller du président Sarkozy, qui a considéré que cela était légitime.
Il y a donc une sorte d'unité nationale qui se construit progressivement autour du projet de nationalisation temporaire. Nous ne pouvons pas accepter que la société ArcelorMittal ferme des hauts-fourneaux qui sont rentables et que certains repreneurs se proposent de sauver. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et plusieurs bancs des groupes GDR et RRDP.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, cela fait six mois que François Hollande est installé à l'Élysée (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC), six mois de promesses non tenues, six mois d'annonces sans lendemain : abandon de la renégociation du traité européen, annonce d'un plan de croissance de 120 milliards qui n'existe nulle part, baisse annoncée de la TVA qui s'est transformée en augmentation de la TVA.
Finalement, la seule annonce qui risque d'être respectée, c'est la plus douloureuse, la plus dramatique : l'annonce de l'augmentation du chômage, réitérée par le président Hollande.
Monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez plus vous appuyer sur l'argument de l'héritage. Agissez vite, agissez enfin et réparez les dégâts du mois de juillet ! Appliquez dès maintenant le plan Gallois de 30 milliards d'allégement des charges au lieu de cet obscur crédit d'impôt pour 2014, usine à gaz tellement compliquée que Bercy a prévu un simulateur pour s'y retrouver ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP.)
Nous vous appelons à lancer un plan de relance économique et sociale. Vous ne pouvez plus vous contenter de commenter.
Monsieur le Premier ministre, votre ministre du travail se répand sur les ondes à propos des chiffres du chômage. Vous les avez depuis lundi matin sur votre bureau. Au titre de la transparence républicaine et du respect du Parlement, répondez-nous : quels sont ces chiffres ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances. (Protestations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Monsieur Borloo, les chiffres du chômage seront communiqués en temps et en heure par le ministre compétent.
Je veux vous répondre sur le fond de votre question : la politique économique et sociale que nous suivons depuis notre arrivée aux responsabilités. (Exclamations sur les bancs du groupe UDI.)
C'est vrai que nous sommes là depuis six mois et, en six mois, ce gouvernement a pris plus de décisions, a lancé plus de chantiers, a marqué une cohérence plus forte qu'aucun des gouvernements qui se sont succédé depuis dix ans. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
C'est ce gouvernement qui met en oeuvre une politique de redressement de nos finances publiques dans la justice et qui fait un effort de 30 milliards d'euros pour réduire en 2013 puis résorber les déficits que vous nous avez laissés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
C'est ce gouvernement qui travaille à la réorientation de la construction européenne.
C'est ce gouvernement qui permet d'apporter des réponses à cette crise que vous avez laissé béante.
C'est ce gouvernement qui met en oeuvre le pacte pour la compétitivité, la croissance et l'emploi.
Oui, le rapport Gallois, c'est nous qui l'avons demandé.
Le rapport Gallois, c'est nous qui suivons ses préconisations. Le rapport Gallois, c'est nous qui le mettons en oeuvre avec le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, mesure extrêmement simple qui sera votée vite par le Parlement et qui permettra aux entreprises d'ancrer leurs anticipations dès le début 2013 pour commencer à embaucher et à investir.
C'est vrai que la situation du chômage est dramatique. C'est vrai qu'elle se dégrade. C'est vrai que cela fait de nombreux mois. Mais il faut du temps pour redresser l'économie française. (« Les chiffres ! » sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
Ce temps, c'est celui de la résorption des déficits de crédibilité, de croissance, de confiance que vous nous avez laissés. Faites confiance à la majorité. C'est elle qui mène la politique de redressement du pays face au déclin que vous avez orchestré ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs des groupes écolo et RRDP.)
La parole est à M. Alain Marsaud, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement présentera ce soir et cette nuit, devant notre assemblée, un projet de loi qui a pour objet d'améliorer les dispositions permettant de lutter contre le terrorisme. Cette réforme s'inscrit bien sûr, en grande partie, dans la continuité de la dramatique affaire Merah, dont il a bien fallu tirer au moins quelques conséquences.
Le précédent gouvernement avait initié une réforme de la loi, permettant notamment de poursuivre et de réprimer les adeptes de ce que l'on peut appeler le « tourisme terroriste », ces individus qui vont s'exercer au maniement des armes – et éventuellement des explosifs – dans un certain nombre de pays, notamment en Afghanistan et au Pakistan.
Vous avez repris ces propositions de l'ancienne majorité, monsieur le Premier ministre, ce qui montre finalement que toutes les forces politiques réunies au Parlement ont pour priorité, au-delà des idéologies, le renforcement de la sécurité nationale.
En ce qui nous concerne, nous voulons montrer que, lorsque l'intérêt national est en jeu, et particulièrement lorsqu'il s'agit de la sécurité de nos concitoyens, nous ne confondons pas opposition idéologique et intérêt de la nation, (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) comme ce fut le cas lors du vote des lois de 1986 et de 2006. C'est la raison pour laquelle notre groupe politique…
Plusieurs députés du groupe SRC. Lequel ?
…votera le texte que vous nous présentez, même si, à mon sens, il n'ajoute rien de fondamental au droit existant. Nous avons fait le premier pas et nous nous félicitons que ce projet de loi nous permette d'exprimer aujourd'hui une grande cohésion nationale.
Certains voient dans l'affaire Merah le signe de l'échec, ou du moins des dysfonctionnements, de nos services de renseignement. Envisagez-vous, monsieur le Premier ministre, de soumettre ces derniers à un véritable contrôle politique, et donc parlementaire, et de mettre fin, par là, à toute polémique future ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, vous connaissez bien ces sujets et vous indiquez à juste titre que je présenterai tout à l'heure devant votre assemblée le projet de loi de lutte contre le terrorisme. Vous évoquez un consensus à ce sujet, et c'est en effet dans un esprit de rassemblement et d'unité que ce texte sera examiné. Ce fut le cas au Sénat ; ce sera le cas à l'Assemblée. Vous avez raison : le terrorisme est un sujet trop grave pour laisser place aux querelles partisanes.
Nous devons faire face à une nouvelle menace, aussi bien extérieure qu'intérieure. Il faut adapter nos outils à cette menace et tirer les leçons des drames de Toulouse et de Montauban, notamment en ce qui concerne l'organisation du renseignement intérieur.
La commission des lois a décidé, sous l'impulsion de Jean-Jacques Urvoas, de mettre en place une mission d'information, qui réfléchit aux moyens de renforcer le contrôle parlementaire de l'activité du renseignement. En tant que ministre de l'intérieur, mais aussi comme ancien parlementaire et comme ancien membre de la commission des lois, je crois utile, et pour tout dire profondément logique, qu'un tel contrôle puisse se renforcer. Le renseignement agit pour la défense de notre démocratie ; il est nécessaire, par conséquent, qu'il dispose d'une totale légitimité démocratique, sans que cela ne remette en cause, évidemment, les sources et l'action de nos services, intérieurs comme extérieurs.
C'est dans ce cadre et forts de ces enseignements, en ayant la certitude que nous devons faire face à une menace, que nous serons plus forts. Nous ne devons pas avoir peur de la démocratie, et donc du rôle du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes RRDP et UDI.)
La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, le Premier ministre a ouvert hier au Collège de France les assises de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il a réaffirmé la priorité donnée à l'acquisition des savoirs et à la démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur, car la mixité sociale est en diminution à l'université.
Le Premier ministre a souhaité que les assises s'emparent du pacte de compétitivité et il a également demandé la simplification de la gouvernance de l'enseignement supérieur.
Serge Haroche, prix Nobel 2012 de physique, a indiqué que la recherche française était d'un bon niveau, mais il a aussi pointé quelques-unes de ses faiblesses : manque de reconnaissance du diplôme du doctorat, trop grande complexité du système, paperasserie débordante, instabilité du système de financement, chercheurs très mal payés en début de carrière, gâchis des ressources humaines.
Madame la ministre, quelles sont vos ambitions pour les étudiants de notre pays ? C'est eux qui feront la France de demain. Comment allez-vous lutter contre l'échec et la précarité ? Quel lien voulez-vous nouer entre l'État et les collectivités territoriales ? Quelles sont vos propositions pour désamorcer la bombe à retardement que nous a léguée le précédent gouvernement, qui a laissé plusieurs dizaines de milliers de chercheurs, de techniciens et d'ingénieurs dans une situation précaire, où ils ne sont pas à l'abri du chômage ? Quel gâchis ce serait de devoir se séparer de jeunes chercheurs que la nation a formés pendant plus de dix ans !
Le monde de l'université et de la recherche a besoin de confiance. Il ne veut plus d'une concurrence effrénée.
Madame la ministre, la science doit occuper une place centrale dans un pays moderne qui place la jeunesse au coeur de ses priorités. Si un pays ne croit plus en son avenir, il court à la catastrophe. Les assises ont été une réussite unanimement saluée. Vous en êtes l'auteur. Le chantier est gigantesque, vous vous y êtes attelée et vous pouvez compter sur notre total soutien. Madame la ministre, quelle suite entendez-vous donner à ces assises ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député, conformément à l'engagement du Président de la République, j'ai organisé les assises de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette consultation a permis à 20 000 personnes de participer à nos travaux sur tous les territoires. Nous avons recueilli 1 300 contributions écrites, vingt-six rapports ont été rédigés dans les régions et une centaine d'auditions nationales ont été effectuées.
Le comité de pilotage indépendant a mis en débat 121 propositions au cours des assises nationales, qui se sont ouvertes hier et se poursuivent aujourd'hui au Collège de France. Son administrateur, le prix Nobel de physique 2012 Serge Haroche, nous a accueillis en présence du Premier ministre. Ces assises ont rassemblé chercheurs, étudiants, universitaires, élus, responsables d'entreprises, d'organisations représentatives et d'associations. Le rapport définitif sera remis au Président de la République par la présidente du comité de pilotage, le prix Nobel de médecine Françoise Barré-Sinoussi, à la mi-décembre.
Le cadre de la réforme est fixé : la préparation de la nouvelle loi sur l'enseignement supérieur et la recherche peut donc commencer. Vous l'avez souligné, monsieur Le Déaut : de véritables transformations sont en cours. Elles touchent toutes les dimensions du changement : l'apport de la recherche à la compétitivité, le rôle essentiel de la réussite étudiante pour le plus grand nombre, indépendamment de l'origine sociale, la formation tout au long de la vie, l'apport primordial des universités, des écoles et des organismes de recherche au redressement de notre pays et à l'emploi.
Face à l'urgence, j'ai déjà engagé plusieurs actions : une meilleure orientation des titulaires d'un baccalauréat professionnel ou technologique, la sécurisation de la recherche fondamentale, un plan pluriannuel de résorption de la précarité, qui s'est accrue, en particulier durant le dernier quinquennat.
Les assises ont mobilisé toutes les énergies. Elles ne sont que l'amorce d'un processus de refondation de notre enseignement supérieur et de notre recherche. Elles ont permis, et c'est essentiel, de retrouver le dialogue et la confiance qui s'étaient perdus. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)
La parole est à M. Dominique Bussereau, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, naturellement, nous soutenons le projet de Notre-Dame-des-Landes. (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.). À votre demande, lorsque vous étiez maire de Nantes, j'étais allé, au nom du gouvernement de François Fillon, signer la convention de financement à la préfecture de Loire-Atlantique.
Ce projet, très utile pour l'aménagement du territoire, pour les Pays de la Loire, la Bretagne et les autres régions, est motivé par une hausse du trafic. En onze ans, le nombre de passagers a augmenté de plus de 60 %, pour atteindre aujourd'hui 3 millions. Il est utile également sur le plan environnemental parce qu'il empêchera le survol de l'agglomération nantaise par les avions, contrairement à ce qui se passe actuellement.
Cela me conduit à vous poser deux questions.
Premièrement, comment conciliez-vous l'engagement du Président de la République, le vôtre, celui de vos ministres en charge de ce projet, avec l'opposition de certains membres du Gouvernement, de nos collègues Verts et de nombreux élus locaux écologistes dans les Pays de la Loire et dans d'autres régions ?
Ma seconde question concerne le rôle de la commission de dialogue que vous avez mise en place. S'agit-il d'une vraie commission de dialogue et de médiation, auquel cas nous sommes gênés par le retard que vous venez d'infliger aux travaux de défrichement, ou au contraire d'un enterrement, auquel cas ce projet utile pour la France ne serait pas réalisé ?
Monsieur le Premier ministre, nous vous soutenons et nous vous soutiendrons si vous menez ce projet jusqu'au bout, car il est indispensable pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le député, vous le savez le dialogue a toujours été au coeur du processus du dossier concernant l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
Ce dialogue a commencé en 2002 dans le cadre du débat public et a été poursuivi en 2006 avec l'enquête d'utilité publique. Il a fait l'objet de discussions lors des différentes élections locales. Vous le savez, un grand nombre de collectivités locales soutiennent ce projet qui a traversé les alternances politiques. Une concertation avec les professions agricoles a été menée et a conduit à la signature de deux protocoles d'indemnisation avec les agriculteurs, les chambres d'agriculture et l'État. Une solution a été trouvée avec les trois quarts des agriculteurs concernés.
Le Gouvernement est garant de l'État de droit. Il ne peut se laisser imposer un point de vue par la force. Aujourd'hui, la radicalisation de certains opposants n'est pas acceptable. Cependant, nous devons prendre en compte à la fois l'interrogation, la contestation et les inquiétudes, et faire en sorte que nous puissions faire triompher les intérêts en termes économiques et d'aménagement du territoire grâce au dialogue. Voilà pourquoi nous mettons en place une commission du dialogue qui permettra de convaincre ceux qui, de bonne foi, ne le sont pas encore.
Enfin, avec Delphine Batho, ministre de l'environnement, et avec Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, nous souhaitons engager des discussions complémentaires sur les protections nécessaires au niveau environnemental et sur les conséquences foncières agricoles. Ce projet sera exemplaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Patrick Mennucci, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l'intérieur, Marseille est sous tension. Aujourd'hui, Marseille a peur.
Après la vague de règlements de comptes entre trafiquants de drogue, nous assistons à des assassinats pour quelques euros. Pascal Cueff, assassiné lundi, comme Mohamed Cheguenni, il y a quinze jours, ont payé de leur vie.
Le mythe de Marseille, creuset de la nation, s'effondre en même temps que le sang des innocents coule dans nos caniveaux.
Le Premier ministre l'a compris lorsqu'il a décidé, le 6 septembre, une intervention massive de l'État dans notre économie, dans notre gouvernance. C'est le délaissement de Marseille qui a conduit à cette guerre des cités pour le contrôle du trafic de drogue, à cette délinquance qui se nourrit de 30 % de Marseillais vivant sous le seuil de pauvreté, de 23 % d'échec scolaire. Jean Marc Ayrault, l'a dit ce jour-là, rien ne sera possible sans le retour de la sécurité dans la ville.
Monsieur le ministre de l'intérieur, nous apprécions votre écoute, votre disponibilité comme ce fut le cas hier soir, votre volonté d'éradiquer le crime. Nous notons avec satisfaction l'augmentation du nombre de policiers grâce aux 230 renforts arrivés en novembre. Il faudra encore un effort pour retrouver les 420 policiers disparus entre 2007 et 2012, disparition dont on mesure aujourd'hui les effets dévastateurs sur la ville.
Rien ne serait pire que le silence. C'est pourquoi nous parlons aujourd'hui pour dire à la France que nous sommes la France, que nous avons besoin de la France, et que nous avons besoin de vous, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, de votre chaleur, de votre compréhension et de vos actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député, La Provence titre aujourd'hui « Silence on tue ». Non, la loi du silence n'a sa place ni à Marseille ni ailleurs sur le territoire de la République. La violence à Marseille est insupportable.
Depuis 2007, 245 homicides ont été commis à Marseille, dont soixante-quinze règlements de compte. Il faut donc répondre à cette situation avec fermeté et efficacité. Vous l'avez souligné, monsieur le député, le meurtre commis hier, celui de Pascal Cueff, comme celui de Mohamed Cheguinni il y a quelques jours, n'ont rien d'un règlement de comptes. Il s'agit d'actes lâches, odieux. Les auteurs doivent être interpellés, poursuivis et punis car il est insupportable qu'on tue pour quelques euros, à Marseille ou ailleurs.
Vous l'avez rappelé, le Gouvernement a engagé un travail de fond à Marseille en affectant 230 policiers et gendarmes supplémentaires. Nous voulons mettre en place, avec la ville de Marseille, une coopération, notamment à travers la vidéoprotection et la police municipale. Nous avons décidé d'avoir deux zones de sécurité prioritaires pour les quartiers nord et pour les quartiers sud.
Parce que les moyens ne sont pas suffisants, il faut d'autres missions pour la police : occuper le terrain, développer le renseignement, mener des enquêtes. Cela donne déjà des résultats puisque les auteurs présumés d'un assassinat commis il y a quelques jours ont été interpellés ce matin. Des figures du banditisme marseillais ont été arrêtées ces derniers jours.
Monsieur le député, nous n'abandonnerons pas Marseille. Marseille et les Marseillais ont droit à la sécurité. Nous aurons des résultats. Il faut du temps, il faut de l'engagement. C'est le rôle de la police, de la gendarmerie et de la justice. Je peux vous assurer que l'État sera au rendez-vous avec les Marseillais. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Guy Teissier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, il ne se passe pas une semaine sans que votre gouvernement soit confronté à des mouvements de grève ou de contestation.
Dans ce cortège inquiétant, il est une grève qui est passé inaperçue ou presque et qui vise une nouvelle fois l'incohérence politique : je veux parler de ce mouvement social qui a touché l'ensemble des parcs nationaux français.
Alors que la famille des parcs nationaux vient de s'agrandir, avec la création du parc national des Calanques de Marseille pour lequel, à titre personnel, je me suis investi pendant plus de douze ans, vous avez décidé contre toute attente de réduire sensiblement le budget alloué aux parcs nationaux. En agissant ainsi, vous affaiblissez les missions des parcs et vous remettez en cause la politique en faveur de la biodiversité voulue et défendue par le précédent gouvernement dans la droite ligne du Grenelle de l'environnement.
Concernant le parc national des Calanques, troisième parc national français, périurbain et maritime, troisième au monde après Cape Town et Sydney, neuf mois après sa création vous n'avez toujours pas arbitré pour la composition du conseil d'administration. Pire : vous envisagez un budget qui ne lui permettra pas de payer les salaires des agents qui devraient être recrutés, ni bien sûr d'accomplir ses missions de protection de l'environnement.
Par ailleurs, le parc national des Calanques était le grand absent du comité interministériel consacré à Marseille, alors que c'est un outil puissant pour améliorer l'image dont vient de parler à l'instant M. Valls, l'image bien détériorée de notre ville.
Monsieur le Premier ministre, j'avoue ma perplexité face à tant d'incohérences et de signaux contradictoires.
Merci de préciser à la représentation nationale vos intentions pour l'ensemble des parcs nationaux français et celui des Calanques de Marseille en particulier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le député, vous le soulignez, l'enjeu majeur de la protection de la biodiversité se décline tant sur terre que sur mer, avec la création d'une stratégie nationale qui est celle des parcs naturels marins.
Vous interrogez le Gouvernement, tout particulièrement, sur le parc national des Calanques, qui est une complémentarité puisque, dans ce cas précis, il s'agit de l'interface terre-mer. Vous faites un mauvais procès au Gouvernement car, dans le cadre de la conférence environnementale, M. le Premier ministre et Delphine Batho ont réaffirmé, ainsi que le ministère de la mer, combien cet enjeu était important. La construction d'une politique maritime intégrée est une démonstration de la volonté qui est la nôtre d'avoir des stratégies de façade. Nous avons même – M. le Premier ministre l'a fait – créé un nouveau parc naturel marin, ce qui est une démonstration supplémentaire que non seulement nous n'abandonnons pas, mais que nous concrétisons des promesses qui avaient été les vôtres et que vous n'avez pas été capables de réaliser.
Concernant le parc naturel des Calanques, c'est le décret du 18 avril 2012 qui a créé ce parc national, et les différentes instances de gouvernance sont en train d'être mises en place, qu'il s'agisse du conseil d'administration, du conseil scientifique ou du conseil économique, social et culturel. Le conseil d'administration de l'établissement public sera composé de cinquante et une personnes, vous le savez : en vue de sa constitution, la semaine prochaine, la première réunion aura lieu. J'ai eu l'occasion de m'en entretenir avec le préfet, M. Parant, qui a une lettre de mission que je lui ai adressée au nom du ministère de la mer sur la nécessité de mettre en place des dispositifs particuliers.
Monsieur Teissier, ce n'est pas parce que vous êtes en proie à une lutte pour la gouvernance locale du parc naturel des Calanques que vous devez en faire porter la responsabilité au Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union des démocrates et indépendants
Monsieur le Premier ministre, contrairement à la tradition et à la courtoisie républicaine, vous n'avez pas daigné répondre personnellement à un président de groupe, Jean-Louis Borloo : c'est d'autant plus troublant que tout le monde a constaté que le Gouvernement cache les vrais chiffres du chômage à la représentation nationale. C'est inacceptable.
Monsieur le ministre de l'agriculture, forte de son histoire et de la diversité de ses terroirs, la France reste dans le peloton de tête des grandes puissances agricoles mondiales. Le groupe UDI tient à réaffirmer son soutien plein et entier à ce secteur déterminant, ainsi qu'à l'ensemble des femmes et des hommes qui travaillent jusqu'à soixante heures par semaine la terre avec passion.
Ils ne demandent pas l'aumône. Ils récusent toute notion d'assistanat : leur souhait est de pouvoir vivre dignement de leur travail, en percevant une juste rémunération de leurs productions.
Cinquante ans après son instauration, on peut dire que la PAC a été un véritable outil de dynamisation de notre agriculture, avec des soutiens ciblés qui doivent davantage venir en aide à nos petites exploitations, et je pense à l'élevage qui souffre dans nos territoires de moyenne montagne.
Aussi l'échec du sommet européen des 22 et 23 novembre est-il une mauvaise nouvelle pour l'agriculture française. Nous, centristes, tenons à relayer les interrogations et les inquiétudes qui prennent de l'ampleur dans nos campagnes.
La proposition du président du Conseil européen de ramener la PAC de 420 à 372 milliards d'euros entre 2014 et 2020 est un coup dur pour nos agriculteurs. C'est tout simplement inacceptable ! La France perdrait plus de 700 millions d'euros d'aides directes par an, et 120 millions d'euros, pour le développement rural, si important pour nos territoires.
Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de faire valoir les intérêts de la France et de l'agriculture française à l'occasion des prochains sommets européens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
D'abord, je suis très satisfait d'avoir le soutien du groupe UDI. (Sourires.)
Bien entendu, et j'attends le soutien d'autres groupes, lesquels se multiplient en ce moment… (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je n'ai pas attendu ce soutien pour avoir le souci du budget de la politique agricole commune. Je rappellerai simplement un chiffre. Il ne s'agit pas de parler des 421 milliards d'euros qui étaient le budget des précédentes perspectives financières, mais du budget qui a été proposé par M. Van Rompuy au début de la négociation et qui s'élevait, lui, à 361 milliards d'euros. C'est de cela qu'on discutait et c'était cela la menace qui pesait sur la politique agricole commune.
Tout l'enjeu de ce débat à l'échelle européenne, c'est effectivement de ramener l'Europe à la conscience qu'elle doit avoir que les deux grandes politiques, la politique agricole comme la politique de cohésion s'adressent aux citoyens européens ; ce sont des politiques essentielles, en particulier la politique agricole, politique stratégique à l'échelle du monde, pour l'Europe.
Il ne s'agit pas uniquement de parler des agriculteurs français, même s'il faut les défendre, mais de parler de l'agriculture comme d'un secteur stratégique pour notre pays comme pour l'ensemble de l'Europe. Les négociations ont échoué, un progrès a été noté, il faut poursuivre pour défendre cette idée simple : l'agriculture, c'est aussi notre avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP, et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Monsieur le Premier ministre, il y a six ans, j'avais attiré l'attention sur la délocalisation de l'usine Toyal sur le site de Lacq. Au terme des accords conclus, les pouvoirs publics ont réalisé une plate-forme industrielle de 25 000 mètres carrés. Les dirigeants de Toyal devaient y investir 7 millions d'euros ; ils n'en ont rien fait. Ils se sont contentés d'acquérir 8 000 mètres carrés pour y installer plus tard un dépôt de fûts vides.
Cette usine est vitale pour notre vallée. En ce moment même, faisant fi des accords initialement signés, pire, s'appuyant sur de nouveaux accords contractés en catimini avec je ne sais qui, les dirigeants ont loué un bâtiment miraculeusement vide sur le site de Lacq au prétexte que ça ne coûterait pratiquement plus rien.
C'est bien d'un processus que vous avez fort justement qualifié ici-même de délocalisation infra-régionale qu'il s'agit. Ces délocalisations, locales ou internationales, s'appuient toujours sur les mêmes principes : non-réalisation des investissements au moment voulu, retardant la production et inquiétant à juste titre une main-d'oeuvre dévouée et compétente ; délocalisation éclair, empêchant toute réponse adaptée.
Votre gouvernement fait face à une terrifiante cascade de délocalisations et de plans sociaux et j'ai apprécié, à l'instant, l'appel de M. Montebourg à l'unité nationale. Ces plans sociaux portent un coup fatal à l'outil de production, disqualifiant le monde politique, discréditant les entreprises, dont l'immense majorité est exemplaire. Ils mettent en charpie les territoires, brisent les maisons et les familles, broient les enfants.
Je sais qu'une version officielle très optimiste existe ; elle nous a même été présentée récemment. Elle est en réalité d'un cynisme qui fait froid dans le dos. Monsieur le Premier ministre, je sollicite votre appui pour nous aider à faire la lumière et conduire à bien ce projet. Je pourrai mesurer à l'aune de votre réponse l'ampleur du chemin à parcourir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)
Monsieur Lassalle, les informations dont le Gouvernement dispose me permettent de vous répondre de la façon la plus précise possible, à charge pour vous et pour nous de compléter éventuellement.
Il s'agit en effet, pour Toyal Europe qui fabrique de la pâte d'aluminium pour la peinture automobile, non pas de délocaliser mais de maintenir le site dans la vallée d'Aspe qui vous tient à coeur. Cette entreprise souhaite procéder à l'installation d'un nouveau projet sur le site de Lacq, plus précisément dans la commune de Mourenx, et investir à proximité de ressources chimiques qui se trouvent sur ce site en raison de l'exploitation du gisement de gaz que nous connaissons tous.
D'après les informations dont je dispose – et je suis prêt, monsieur le député, à les réviser si elles étaient erronées car, dans ce type d'affaire, il est nécessaire de mettre tout le monde autour de la table et de faire la vérité pour savoir de quoi l'on parle –, il s'agirait de ne transférer que cinq postes sur quatre-vingt-quinze maintenus dans la vallée d'Aspe, opération qui ne concernerait qu'un déplacement d'une soixantaine de kilomètres.
J'ajoute que le comité d'entreprise de Toyal Europe, et notamment le syndicat majoritaire, a approuvé le projet dans la mesure où il s'agit d'un investissement de 5 millions d'euros sur le site de Lacq, que Toyal ne lancerait pas s'il était contraint de le réaliser sur le site de la vallée d'Aspe.
Dans ces conditions, en raison du sérieux auquel nous sommes habitués de la part des Japonais, même s'il y a un passif dans ce dossier qu'il serait utile de lever, nous souhaitons trouver un bon compromis dans l'intérêt de tous les territoires, dans celui des salariés, pour que la France continue d'accueillir des investisseurs du niveau, de l'importance et de la puissance de Toyal. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à M. Philippe Le Ray, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, l'ostréiculture est une activité emblématique des régions littorales. Elle contribue toute l'année à l'activité économique et constitue un élément constitutif de la richesse patrimoniale des côtes françaises. L'ostréiculture française représente 90 % de la production européenne, « pèse » 11 000 emplois directs et est organisée autour d'entreprises individuelles et familiales. (De nombreux députés du groupe UMP quittent l'hémicycle. – Murmures sur les bancs du groupe SRC.)
Aujourd'hui, la filière ostréicole a de nombreux défis à relever : défis structurels liés aux enjeux sanitaires et environnementaux, défis conjoncturels dus au phénomène de mortalité des jeunes huîtres, et, depuis cet automne, on constate des pertes dans le secteur des huîtres adultes.
Vous le savez, tout cela affecte fortement les entreprises. Des moyens sont mis en place depuis plusieurs années pour endiguer ce phénomène, et les professionnels espèrent sortir de la crise au mieux en 2015.
Pour le moment, vous avez accepté l'exonération des redevances domaniales et la mise en place du fonds d'allégement des charges. En revanche, les ostréiculteurs s'inquiètent du manque de lisibilité de l'action du Gouvernement. Une réponse trop tardive a été apportée aux organisations professionnelles.
Qu'en est-il concrètement ? Les chefs d'entreprise doivent-ils faire des avances puis être remboursés, alors que la situation des trésoreries est déjà très tendue ? Quelle est la position du Gouvernement sur les aides contre la surmortalité ? Enfin, quel est son plan de sauvegarde, avec quelle enveloppe financière ? Quelles modalités d'accès ? Quelle aide aux reclassements ?
Je vous remercie par avance de la précision de vos réponses. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur Le Ray, je regrette que l'actualité interne à l'UMP prive un certain nombre de vos collègues à la fois de votre question et de ma réponse, alors qu'il s'agit d'un sujet très important en termes économiques. Je le regrette. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous sommes confrontés à une crise majeure du littoral et particulièrement de votre région si l'on considère les difficultés rencontrées par la conchyliculture, et notamment la filière ostréicole.
Ces difficultés persistent depuis 2008, affectant d'abord les jeunes huîtres, les naissains, puis, comme vous le soulignez très justement, les huîtres adultes.
Le précédent gouvernement avait organisé les assises de la conchyliculture, qui avaient déterminé un certain nombre d'actions dont la plupart n'ont pas été suivies d'effets. J'ai demandé à reprendre cette situation en main. Vous avez signalé combien cette filière est importante : elle représente en effet près de 500 millions d'euros d'activité et des milliers d'emplois.
Nous n'avons pas tardé à prendre en considération les préoccupations de la profession puisque j'ai reçu les professionnels qui n'avaient pas rencontré de ministre chargé de ces questions depuis très longtemps. Ce fut le cas dès le mois de juillet et nous avons mis en place des mesures d'accompagnement, comme l'exonération de redevance domaniale. Nous prévoirons également des financements à hauteur de 1,5 million d'euros pour des allègements de charges. Pour le reste, il faut mobiliser la recherche, l'institut IFREMER, car nous ne connaissons pas parfaitement les causes de la mortalité que vous avez évoquée.
Nous sommes mobilisés : vous pouvez nous faire confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je constate tout d'abord que l'UMP est décimée… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Ma question s'adresse à Mme Najat Vallaud-Belkacem. Tous les trois jours, en France, une femme meurt sous les coups de son conjoint. Une femme est violée toutes les huit minutes. L'année dernière, 200 000 femmes ont été victimes de violences sexuelles en dehors du foyer, et 600 000 au sein même des familles.
En France, des milliers de femmes sont harcelées, agressées, prostituées, violées, ou tuées, parce qu'elles sont femmes ; et je n'oublie pas toutes les autres femmes victimes dans le monde.
Le nombre et la fréquence de ces violences sont tels que nous côtoyons nécessairement ces femmes. Ces chiffres sont intolérables, mais ils ne représentent qu'une partie de la réalité. Dans de très nombreux cas, les femmes n'osent pas en parler ou porter plainte. Le tabou demeure, parce que les préjugés font encore peser sur les femmes le poids du silence et de la culpabilité. Il s'agit souvent de violences conjugales, commises par des hommes que l'on connaît et que l'on ne soupçonne pas.
La loi de juillet 2010, adoptée à l'unanimité par cette assemblée, a constitué une avancée déterminante pour la protection des victimes. Les textes existent et doivent sans doute être complétés ; mais il faut passer aujourd'hui du droit formel au droit réel, pour la protection en situation d'urgence, pour la formation des policiers et des médecins, et pour l'éducation dès le plus jeune âge.
Aussi la journée internationale du 25 novembre de « lutte contre les violences faites aux femmes », décidée par l'ONU, est-elle importante, car le silence est le pire ennemi des femmes. Le Président de la République l'a compris : il s'est rendu dimanche dans un foyer à la rencontre de femmes victimes et les a écoutées pendant plus de deux heures. Il a également annoncé un plan global de lutte contre les violences faites aux femmes.
Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser quelles actions seront mises en place par le Gouvernement dans ce plan global, et comment elles s'intégreront dans le prochain projet de loi-cadre sur l'égalité femmes-hommes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.
Madame Coutelle, merci à vous de continuer à donner de la résonance à ce sujet au-delà de la seule journée du 25 novembre.
Vous avez bien raison, car c'est tous les jours en France que l'on blesse, que l'on frappe, que l'on viole, voire que l'on tue des femmes, et pas uniquement le 25 novembre.
Vous constatez comme moi que les violences faites aux femmes, bien plus qu'une succession de faits divers, constituent en réalité un fait social, et qu'il nous faut le prendre comme tel si nous voulons mieux l'appréhender et mieux le combattre. Cela ne passe pas seulement par une mobilisation, mais par un véritable sursaut collectif.
Ce sursaut collectif viendra d'abord de l'État et des pouvoirs publics, raison pour laquelle le Président de la République a annoncé un grand plan global de protection des femmes victimes de violences. Certaines des mesures annoncées trouveront leur place dans la loi-cadre sur l'égalité entre les femmes et les hommes, qui sera déposée à l'Assemblée nationale au premier semestre 2013.
D'autres seront d'application immédiate, et porteront sur un meilleur accueil des femmes victimes grâce à une meilleure formation des professionnels et à la présence renforcée d'assistants sociaux dans les commissariats ; un meilleur accompagnement grâce au développement des unités médico-judiciaires sur le territoire ; une meilleure protection grâce à l'application effective de l'ordonnance de protection, laquelle sera renforcée, et à la généralisation des téléphones portables « grand danger » ; un meilleur hébergement grâce au développement des places d'hébergement. Le Président de la République a d'ailleurs rappelé que, sur les 5 000 places qui seront construites pendant le quinquennat, près d'un tiers sera réservé spécifiquement à ce public.
Mais, au-delà de la protection de ces femmes victimes, nous devons développer la prévention. Il faut éviter que les faits, les drames, les crimes, les délits se produisent. Cette meilleure prévention passera par une grande campagne d'information en 2013, ainsi que – j'y tiens – par l'éducation à l'égalité et à la sexualité dans les établissements scolaires.
Le Premier ministre dévoilera l'ensemble de ces mesures lors du comité interministériel qui se tiendra vendredi ; vous pouvez compter sur nous. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste ainsi que sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Vous ne posez pas de question sur l'aéroport de Notre-Dame des Landes ?
Alors que les victimes des sels d'aluminium dans les vaccins viennent de commencer une grève de la faim, que le procès des faucheurs volontaires s'est ouvert hier à Tours, que M. Séralini bouleverse chaque jour les analyses sur la toxicité du maïs génétiquement modifié NK603, que des milliers de personnes attendent l'interdiction totale du bisphénol A, ou encore que les victimes de l'amiante ou du Mediator continuent leur combat, la loi sur les lanceurs d'alerte adoptée la semaine dernière au Sénat démontre pleinement sa nécessité.
Aujourd'hui, la mise sur le marché d'aliments, de médicaments ou d'autres substances est validée en l'absence de certitude quant à l'innocuité des produits qui les composent ; or c'est le contraire qui devrait être vérifié. En effet, une mise sur le marché n'est acceptable que si l'absence de risque est démontrée. Parallèlement, la recherche publique doit disposer de moyens financiers suffisants et du temps nécessaire pour réaliser les études indépendantes.
Je vous demande, madame la ministre, de mobiliser toutes les compétences de votre ministère pour prévenir et éviter les risques, comme c'est le cas aujourd'hui pour les vaccins et les médicaments. Pouvez-vous garantir l'innocuité de ces produits ? Envisagez-vous une révision des processus d'autorisation et de contrôle des vaccins et des médicaments, afin de protéger la santé des citoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
Madame Allain, vous avez raison de souligner qu'il est absolument indispensable de mieux garantir la sécurité de la population face aux risques sanitaires, qui sont aujourd'hui de plus en plus nombreux dans notre environnement.
Pour atteindre cet objectif ont été mises en place des agences d'experts indépendantes qui doivent pouvoir donner une information transparente, objective et fiable ; je pense notamment à la Haute autorité de santé ou à l'Agence nationale de sécurité du médicament.
Toutefois, nous savons bien qu'il faut aller au-delà et se donner les moyens d'être particulièrement attentifs aux signaux d'alerte qui nous sont envoyés, même lorsque ces signaux sont de faible intensité. C'est dans cet esprit qu'a été discutée au Sénat, il y a quelques jours, une proposition de loi sur la Haute autorité de santé environnementale, et que demain l'Assemblée nationale discutera de nouveau de l'interdiction du bisphénol A.
Concernant la question des vaccins, sur laquelle vous m'interrogez plus spécifiquement, je vous indique que l'association E3M ainsi que les professeurs Gherardi et Authier, de l'INSERM, ont été reçus à mon cabinet afin d'évoquer la question des adjuvants aluminiques, qui fait encore l'objet de débats scientifiques.
Souhaitant que la recherche puisse se poursuivre, j'ai demandé à mes services de dresser un état des lieux pour l'ensemble des vaccins disponibles, qu'ils contiennent ou non de l'aluminium. Nous devons en effet garantir à l'opinion publique et aux Français une information fiable et indépendante, afin que les choix de la vaccination se fassent en toute sécurité et en toute transparence. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Risques sanitaires des adjuvants dans les vaccins
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)
Au titre des explications de vote, la parole est à Mme Annick Lepetit pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les députés du groupe socialiste voteront évidemment ce projet de loi, comme ils l'ont fait lors de son précédent examen par notre assemblée voici quelques semaines. Nous le voterons avec d'autant plus de satisfaction qu'il permet enfin la réalisation de propositions pour lesquelles nous nous sommes battus pendant des années.
Il marque ainsi une vraie rupture, attendue et assumée, avec la politique menée depuis dix ans et constitue une première étape vers la nécessaire refondation de la politique du logement. Il restaure les vraies priorités et commence par le plus urgent : créer les leviers nécessaires pour construire davantage de logements accessibles au plus grand nombre.
Pour cela, il s'attelle aux deux grands problèmes du logement : d'une part, le manque de terrains à construire, notamment dans les zones denses, qui tire les prix toujours plus haut ; d'autre part, la pénurie de logements sociaux, particulièrement pour nos concitoyens aux revenus les plus faibles.
La cession des terrains de l'État aux collectivités, avec une forte décote pouvant aller jusqu'à la gratuité, allégera le poids de la charge foncière. Le mécanisme adopté pour appliquer la décote permet aussi d'intégrer une notion que nous défendons sur ces bancs depuis longtemps : l'utilité sociale de chaque type de logement n'est pas identique. Ainsi, plus les programmes de construction seront vertueux, c'est-à-dire constitués principalement de logements réellement accessibles aux revenus les plus faibles, et plus l'effort de l'État, par l'effet de cette décote, sera important.
D'autre part, le renforcement de la loi SRU accélérera le mouvement de construction de logement social. Face aux grandes difficultés qu'éprouvent les classes moyennes et populaires à se loger à des prix abordables, il est plus que jamais nécessaire de faire passer le seuil de logement social de 20 % à 25 % et de multiplier par cinq les pénalités pour les maires récalcitrants.
Ce sont deux engagements forts pris par le Président de la République. Aujourd'hui nous respectons nos promesses, comme l'attendent les Français, en mettant en place ces outils puissants.
L'enjeu de cette loi, au-delà de l'objectif quantitatif de construction, c'est l'engagement de l'État et des collectivités locales, ensemble, au service de la cohésion nationale.
Cette loi étant la reprise quasi intégrale du texte précédemment adopté, nous y retrouvons également plusieurs mesures issues du débat parlementaire. Nous avons, par exemple, rendu plus efficace le mécanisme de mobilisation des terrains publics et fixé des clauses anti-spéculatives. Nous avons introduit des planchers pour les PLAI, les prêts locatifs aidés d'intégration, et des plafonds pour les PLS, les prêts locatifs sociaux. Les communes qui font l'objet d'un constat de carence seront désormais obligées de construire des logements pour les familles qui disposent de faibles revenus et qui attendent depuis longtemps. Voilà notre conception de la mixité sociale.
Cette loi s'inscrit dans une stratégie globale qui remet enfin le logement au centre des priorités de l'État. Dès que ce gouvernement a pris ses fonctions, l'une des toutes premières décisions a été la mise en oeuvre par décret de l'encadrement des loyers. Plus qu'un symbole, c'est une mesure qui montrera dans le temps toute son efficacité.
Puis le projet de loi de finances pour 2013 a apporté de nombreuses avancées. Je pense en particulier à l'extension de la taxe sur les logements vacants, à la refonte de la fiscalité sur les plus-values pour lutter contre la rétention foncière, à la taxe sur les friches commerciales ou encore au nouveau dispositif en faveur de l'investissement locatif intermédiaire, plus juste, mieux ciblé et moins dispendieux que ne l'était le dispositif Scellier.
Au printemps prochain, nous remettrons la main à l'ouvrage avec une grande loi sur le logement qui traitera tous les sujets que nous n'avons pas encore pu aborder. Vous le savez, madame la ministre, les députés socialistes seront aux côtés du Gouvernement à ce moment-là pour répondre aux attentes et aux besoins de nos concitoyens.
Aujourd'hui, la gauche donne enfin à l'État les moyens de conduire une politique volontaire et ambitieuse pour construire du logement social. Dans la continuité de ce qu'a été la loi SRU il y a douze ans, elle est la meilleure réponse à apporter à l'urgence de la situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jacques Krabal pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, permettez-moi de revenir, sans m'étendre plus que nécessaire, sur les questions qui nous ont mobilisés tout au long des débats et de reprendre les principaux points évoqués.
S'agissant du manque de logements et de leur insuffisante qualité, les études se suivent et malheureusement se ressemblent. Aucune tranche de la population n'est épargnée, qu'il s'agisse des chômeurs, des personnes âgées, des handicapés, des classes moyennes ou des salariés. Il y a quelques jours, le 21 novembre, une étude montrait que, pour 35 % des jeunes de 18 à 29 ans, le logement était un besoin prioritaire par rapport à la nourriture, le travail ou encore la santé. Cela prouve, s'il en est besoin, à quel point le logement, ou plutôt sa pénurie, est un problème grave dans notre pays.
Oui, notre pays a besoin de logements. Notre pays doit être à l'offensive pour la construction de logements sociaux. Vous l'avez d'ailleurs rappelé avec force, madame la ministre, lors de la présentation de ce nouveau projet de loi, en réaffirmant la volonté du Gouvernement d'aller vite et de le mettre en application dès janvier 2013 pour rattraper le temps perdu.
Vous l'avez également prouvé en renforçant l'article 55 de la loi SRU, portant ainsi à 25 % le seuil de logements sociaux dans les communes. Ce relèvement du seuil, parfaitement justifié, permettra de développer dans le parc social une offre plus ambitieuse, plus large, dont l'effort devra porter en priorité sur le logement à loyer modéré.
Même si nous aurions préféré un mécanisme de bonus-malus récompensant les bons élèves et non pas un unique système de sanctions, nous espérons que votre choix permettra une meilleure répartition de la construction de logements sociaux.
Mais il nous semble que le texte proposé est encore incomplet, et nous vous demandons d'approfondir les mesures qui permettront de construire encore plus de logements. Des logements pour tous, pour tous les revenus : c'est la mixité sociale.
Un simple constat devrait être partagé par tous les élus : oui, il faut construire, et c'est ainsi que l'on réduira la pénurie.
Construire, c'est trouver du foncier, et votre projet de loi est une bonne nouvelle, une avancée qui devrait être saluée par tous : du foncier partout où l'on peut en trouver, dans le foncier d'État mais aussi dans celui des entreprises publiques, qui ont déserté nos territoires, ou encore sur les friches industrielles.
Construire, c'est diminuer les contraintes administratives et faciliter la densification.
Construire, c'est sanctionner les recours abusifs contre les permis de construire.
Construire, c'est dégager des financements en priorité en faveur du logement social, mais c'est aussi ne pas décourager les investisseurs privés. En ce sens, je salue encore une fois la mise en place du nouveau dispositif Duflot de défiscalisation en remplacement du dispositif Scellier, avec les modifications que j'ai saluées lorsque vous l'avez présenté, madame la ministre. Par contre, je vous demande avec insistance de revoir les zonages ou de permettre des dérogations préfectorales afin de permettre aux communes en tension de la zone C de bénéficier du dispositif.
Il faut construire pour les locataires, mais aussi aider les primo-accédants en trouvant une solution de crédit immobilier ouverte au plus grand nombre et, surtout, aux salariés et aux classes moyennes.
Construire, c'est soutenir les entreprises du bâtiment, qui souffre. N'oublions pas l'adage : « Quand le bâtiment va, tout va ». Il n'est pas approprié d'alourdir les menaces qui pèsent sur ce secteur : maintenons donc le taux de TVA à 5,5 %.
Construire, c'est aussi réhabiliter les vieux logements, souvent situés en centre-ville. C'est ainsi que nous réussirons la transition énergétique. Le logement représente 40 % de l'énergie consommée.
Enfin, comme le souligne le rapport de la commission, le projet de loi n'aborde pas la question des pratiques des bailleurs sociaux en matière d'attribution, de rénovation ou de loyers, ni les problèmes d'habitat indigne ou d'intermédiation locative. Pourtant, de plus en plus de familles à faibles revenus sont logées par des marchands de sommeil dans des taudis à prix d'or. C'est cela, le mal-logement. Les sanctions doivent être exemplaires.
Ainsi, nous attendons la suite mais, pour toutes les raisons évoquées précédemment, et comme Jean de La Fontaine le disait dans la fable Le petit poisson et le pêcheur : « Un tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux tu l'auras ; L'un est sûr, l'autre ne l'est pas », le groupe RRDP votera le projet de loi, mais demeurera attentif aux réponses que vous voudrez bien donner aux questions que nous vous posons. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les députés communistes et du Front de gauche ont déjà expliqué à plusieurs reprises pourquoi ils soutenaient le projet de loi de mobilisation du foncier public en faveur du logement. Nous partageons les différents objectifs de ce texte et nous regrettons qu'il ait dû subir un second examen.
Dans cette explication de vote, il me paraît indispensable de revenir d'abord sur la question des réquisitions.
Alors que l'hiver arrive à grands pas, deux personnes sont déjà mortes de froid dans la rue. Dans le même temps, des dizaines de milliers de logements sont vacants dans notre pays. Aussi souhaitons-nous que la procédure de réquisition soit appliquée le plus rapidement possible.
C'est une procédure qui respecte le droit de propriété, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel. Cette procédure ne concerne que les personnes morales, elle est temporaire, donne lieu à l'indemnisation des bailleurs, leur offre la possibilité de faire des recours rapides et efficaces, n'est applicable que dans les zones tendues, permet le financement des travaux de mise en état d'habitabilité par l'État et laisse au préfet la marge d'arbitrage nécessaire au respect des droits des uns et des autres. Oui, il est urgent de dédiaboliser la réquisition.
Au cours de nos débats, à la suite d'amendements déposés par notre groupe, la ministre du logement a pris un engagement solennel : « Permettre au plus grand nombre de nos concitoyens, et notamment aux plus démunis, d'accéder à un logement passe aussi, quand c'est nécessaire, par la réquisition. Faites-moi confiance : compte tenu de la situation dans laquelle nous nous trouvons à la date du 20 novembre, je peux vous dire que nous réquisitionnerons dès cet hiver. »
Forts de cet engagement renouvelé, nous voterons le présent projet de loi en formant le voeu que des milliers de logements vides puissent servir à héberger les familles pauvres, les sans-abri, les femmes, les hommes et les enfants qui survivent dans la rue au risque d'en mourir.
Nous serons au côté de la ministre le jour où elle réquisitionnera le premier logement. Nous serons fiers de soutenir cet acte politique majeur, concret, républicain, à la hauteur des difficultés rencontrées par la population.
Les députés que je représente ne se contentent pas d'appuyer le renforcement de la loi SRU qu'ils ont si souvent demandé. Ils proposent de nouvelles solutions pour faire face à une crise du logement qui s'accélère avec les difficultés économiques.
C'est la raison pour laquelle je tiens à revenir sur les autres propositions portées par le Front de gauche sur le front du mal-logement.
Nous soutenons la mise à disposition du foncier public pour relancer la construction de logement social à travers une décote pouvant aller jusqu'à 100 %. Cependant, nous ne nous illusionnons pas sur la portée de cette mesure. Elle ne bouleversera pas la logique fortement spéculative qui touche les terrains constructibles. Pour apporter une solution pérenne, c'est sur les prix du foncier que nous devons agir. Il faut mettre en place une régulation de ces prix par la création d'une agence nationale foncière comme l'ont proposé les sénateurs communistes. Cette agence, représentant l'État, les collectivités, les bailleurs sociaux et les représentants des locataires, constituerait un domaine public de l'État, servant de support à la construction de logements sociaux. Sur sa propriété, les droits à construire ou à réhabiliter seraient confiés, par voie de baux, aux organismes HLM.
Il s'agirait également de créer ou de développer dans chaque région un outil de coopération entre les différents acteurs, sous la forme d'un établissement public foncier régional.
À l'opposé, plutôt que d'aller dans ce sens, l'actuel projet de loi permettra la cession du foncier public à des opérateurs privés, s'inscrivant ainsi, nous le regrettons, dans la logique de la marchandisation du logement.
Plus largement, pour permettre aux 150 000 sans-abri de retrouver un toit et aux 8 millions de mal-logés d'en finir avec la grande précarité, nous avons des propositions fortes : interdire les expulsions des familles de bonne foi qui ne peuvent plus faire face à leur loyer, abroger la loi Boutin et ses surloyers, véritable machine de guerre contre la mixité sociale dans nos HLM, supprimer le mois de carence des APL et rétablir leur rétroactivité, et, surtout, mettre en place un encadrement réel des loyers, afin de briser les reins de la spéculation immobilière et de permettre à tous de se loger à des prix décents.
Ce projet de loi, pour indispensable qu'il soit, doit être vu comme un premier pas. L'ensemble du groupe GDR le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin public dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. François de Mazières, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la censure du Conseil constitutionnel devait nous donner l'occasion de procéder à une nouvelle lecture, à défaut d'une deuxième lecture. Nous n'avons eu, hélas, qu'un simulacre de débat (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) : dépôt du texte en conseil des ministres le 14 novembre, examen en commission le 15 et en séance publique le 20. Cet empressement a fortement réduit le droit d'amendement et donc affaibli le Parlement.
Vous allez m'opposer qu'avec 150 amendements déposés nous avons eu toute latitude pour exercer notre droit, pour être dans notre rôle, mais permettez-moi de m'étonner, madame la ministre, que, sur ces 150 amendements, aucun n'ait émané des groupes SRC, écologiste et RRDP. Était-il entendu d'avance avec votre majorité que ce nouvel examen ne devait donner lieu à aucun débat ? On peut d'autant plus le penser que tous les amendements examinés ont été frappés d'un laconique « avis défavorable »…
Pour autant, vous nous avez vous-même démontré, à l'occasion de l'examen de ce nouveau texte, qui n'est pas, contrairement à ce que vous affirmez, exactement le même que celui qui avait été présenté avant son annulation par le Conseil constitutionnel, que nos arguments étaient pertinents, car la nouvelle rédaction de votre projet de loi intègre des modifications, et non des moindres, parfaitement conformes aux amendements portés par l'opposition parlementaire ici même en septembre dernier.
D'abord, vous plafonnez la décote des terrains publics à 50 % de leur valeur vénale pour les logements financés en prêts locatifs sociaux.
Ensuite et surtout, vous supprimez l'obligation, introduite par le groupe écologiste, pour les communes hors Île-de-France comptant entre 1 500 et 3 500 habitants et faisant partie d'une agglomération de plus de 50 000 habitants de disposer de 10 % de logements sociaux.
Enfin, après les recommandations du Conseil d'État, vous avez ramené le plafond des pénalités, que vous vouliez relever de 5 à 10 %, à 7,5 % des dépenses réelles de fonctionnement d'une commune.
Nous ne désespérons pas que, dans quelques semaines, devant le Sénat, vous vous rendiez compte de la pertinence de nos autres amendements. Nous avons ainsi proposé de prendre en compte l'accession sociale à la propriété, que vous ignorez, de déduire du montant des pénalités les dépenses de rénovation thermique des logements locatifs sociaux existants, auxquelles vous devriez pourtant être attentive, de maintenir le taux à 20 % sur le stock des logements, aucun autre pays européen n'ayant un taux supérieur et la France étant dans les cinq premiers pays européens pour le pourcentage de logements sociaux dans le total des logements. Nous avons encore proposé de n'appliquer les sanctions que sur le flux des nouvelles constructions, et non sur le stock, dont les maires ne sont pas responsables puisqu'ils héritent du passé, de compter double dans l'inventaire annuel des logements sociaux d'une commune ceux financés en prêts locatifs aidés d'intégration, les PLAI, mesure sociale fondée sur l'incitation et non sur la sanction.
Relever les curseurs de la loi SRU ne suffit pas à faire une grande loi, mais surtout, et c'est notre principale critique, vous prenez le risque de freiner la construction de logements au plus mauvais moment.
La vérité, c'est que le troisième trimestre est extrêmement mauvais pour la construction, et qu'avec vos mesures d'une extrême complexité vous allez freiner les processus de construction en cours. Elles sont en effet très lourdes pour certaines communes, vous le savez.
La vérité, c'est que le secteur de la construction attend des mesures de simplification et non pas une complexité supplémentaire.
La vérité, c'est que les professionnels de la construction nous disent de façon unanime être à même de construire 100 000 logements sociaux par an, mais que vous avez accumulé tous les signes les plus négatifs adressés aux investisseurs, qu'il s'agisse des mesures de réquisition ou de l'obligation de construire 30 % de logements sociaux pour toutes les opérations de plus de douze logements – ce qui aura pour résultat que l'on fera des opérations de onze logements…
Madame la ministre, nous espérons que vous serez plus sage devant le Sénat. Le groupe UMP et apparentés votera bien entendu contre ce texte. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe SRC. Quel groupe ?
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons de nouveau travaillé sur le logement, sujet qui nous intéresse tous, nos débats l'ont montré.
Il y a trois points sur lesquels, au nom du groupe UDI, je voudrais revenir.
Le premier, c'est l'état d'esprit dans lequel ce projet de loi est proposé. À l'heure où la problématique du logement s'impose à tous et où les solutions sont relativement complexes, nous aurions tout intérêt à essayer de construire une perspective et un projet autour du dialogue entre les collectivités et l'État.
Vous savez comme la problématique est différente d'un territoire à l'autre, d'une ville à l'autre, d'une région à l'autre, et combien ce projet de loi, construit sur la base de 25 % pour toutes les collectivités, avec des pénalités multipliées par cinq, sans distinguer la bonne ou la mauvaise foi des collectivités, se prive de l'ouverture et des outils qui auraient permis à l'État et aux collectivités d'engager un dialogue constructif pour mieux apprécier la réalité des territoires.
Ce que nous reprochons à ce projet, c'est que l'État, en fin de compte, se désengage en envoyant le problème vers les collectivités, en leur imposant un taux de 25 % et en leur disant de se débrouiller, avec les limites que l'on connaît et que certaines de nos communes ont mises en avant.
Nous regrettons que toute une série d'amendements que nous avions déposés pour essayer d'ajuster les perspectives n'aient pas été pris en compte.
Nous avions proposé, par exemple, que l'on travaille sur de nouvelles échelles quand l'objectif de 25 % paraît difficile, ou même quand celui de 20 % paraît hors d'atteinte.
J'ai du mal à comprendre, alors que nous nous apprêtons à travailler à un acte III de la décentralisation qui a vocation à donner davantage de capacités à nos communes pour qu'elles puissent mieux s'adapter à des situations économiques, démographiques et territoriales différentes, pourquoi aucune ouverture ne leur a été, dans ce projet de loi, proposée.
Nous avions, par exemple, suggéré une comptabilisation en « unités logements ». Nous avons tous des plans locaux de l'habitat, des PLH, par lesquels nous essayons de conduire des politiques de l'habitat. Dans le projet, rien n'est prévu pour permettre d'adapter un PLH aux objectifs de la loi SRU. À une commune qui a besoin de construire des logements familiaux, on continuera de dire : « Construisez des logements de 20 mètres carrés, vous en ferez plus que si vous construisez des logements de 50, 60 ou 70 mètres carrés », alors que la réalité devrait nous amener à envisager des logements plus grands.
Vous avez également refusé d'intégrer d'autres solutions d'hébergement à vocation sociale, tels que les établissements d'accueil du handicap, par exemple, qui entrent dans l'assiette des politiques éligibles au titre du logement social.
Enfin, le groupe UDI avait proposé, avec beaucoup de conviction, que le monde HLM soit mis à contribution dans ce projet de loi. Il y a aujourd'hui des milliards de fonds propres, des centaines de milliers de logements dans le parc HLM, et l'on sait qu'une gestion dynamique de cette réalité permettrait des effets de levier tout à fait intéressants, en proposant l'accession à la propriété, en dégageant des marges de manoeuvre pour investir dans de nouveaux logements, en intégrant dans le circuit les opérateurs du logement et les entreprises du BTP. Nous avions l'occasion de créer une nouvelle dynamique autour du parc HLM et de ses opérateurs. Ce n'est pas dans le texte et nous le regrettons.
Pour toutes ces raisons, le groupe UDI appelle à voter contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)
Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, cette loi constitue le premier volet d'un ensemble de mesures qui seront déployées au cours de l'année à venir pour favoriser la construction de logements et donner un nouveau souffle à l'aménagement du territoire. Mobilisation du foncier de l'État, renforcement de la loi SRU : autant d'éléments positifs attendus par 4 millions de personnes mal logées, selon la Fondation Abbé-Pierre, et par 1,7 million de personnes en attente d'un logement social.
Les politiques menées depuis dix ans constituent un véritable échec. Elles n'ont pu réduire ni le nombre de personnes à la rue ni le nombre de celles qui vivent dans des logements indignes ou insalubres, ou encore qui sont contraintes à la cohabitation forcée, chez des parents, chez des amis, dans des logements trop petits.
La partie consacrée à la mobilisation du foncier de l'État constituera un réel ballon d'oxygène pour la construction de logements sociaux. La décote qui sera appliquée est d'autant plus pertinente qu'elle encouragera le logement social et très social. Elle pourra ainsi atteindre 100 % pour les PLAI, c'est-à-dire les logements les plus sociaux, ceux qui manquent le plus, mais ne pourra dépasser 50 % pour la construction de PLS, qui s'apparentent davantage à du logement intermédiaire. Elle permettra aux collectivités locales et aux organismes HLM d'accélérer les mises en chantier. Les logements construits grâce à la décote resteront un patrimoine de l'État suffisamment longtemps pour éviter des profits contestables.
L'effort de l'État sera donc considérable, en cohérence avec le budget de la mission « Logement » pour 2013 tel qu'il a été présenté devant notre assemblée. En effet, il consacre plus de 9 milliards d'euros à la rénovation et à la construction, et près de 14 milliards d'euros aux dépenses fiscales. Le Gouvernement s'engage à nouveau dans le logement vraiment social, en prévoyant le financement de 30 000 PLAI, de 69 000 PLUS et de 51 000 PLS. Le Gouvernement a également annoncé sa volonté de poursuivre l'effort les années suivantes, pour parvenir à la construction de 750 000 logements sociaux en cinq ans. C'est la première fois depuis dix ans qu'il existe une réelle volonté de construire pour ceux qui ont les revenus les plus faibles.
Cette politique est indispensable si notre pays veut se donner les moyens de résorber ce véritable fléau qu'est le mal-logement. Cela passe par la construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, comme cela a été annoncé. Le logement est un facteur important pour l'éducation et la solidarité, pour la scolarité des enfants, la santé ou encore l'insertion sociale. Le droit au logement, voté au Parlement mais jamais mis en oeuvre, et l'égalité face au logement sont des éléments essentiels pour assurer la cohésion de notre pays.
Il est inadmissible que, douze ans après le vote de la loi SRU, un certain nombre d'élus locaux se permettent toujours de refuser d'appliquer la loi imposant la construction d'un pourcentage minimum de 20 % de logements sociaux. Les nouvelles mesures renforçant les pénalités pour les communes ne respectant pas la loi étaient, hélas, indispensables.
En portant à 25 % le pourcentage minimal de logements sociaux, la loi sur laquelle nous allons voter fait preuve d'un réalisme évident. C'est aussi du réalisme que de proposer à la société française une réelle mixité sociale.
Pour élargir mon propos, je vous assure, madame la ministre, que nous vous accompagnerons dans la réflexion sur les questions du zonage, en particulier pour les villes en zone C tendue, et de l'accès au crédit pour les plus démunis, ainsi que sur la vaste question de la rénovation thermique des logements. Je passerai rapidement sur le volet du Grand Paris, dans la mesure où la région Île-de-France vient de se doter d'un nouveau schéma directeur qui change en grande partie la donne. Le dossier est donc largement débloqué.
Au final, l'ensemble du projet nous permet d'espérer une amélioration très réelle de la situation du logement. Aussi notre groupe votera-t-il avec enthousiasme en faveur de cette loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 529
Nombre de suffrages exprimés 527
Majorité absolue 264
Pour l'adoption 316
contre 211
(Le projet de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures.)
La parole est à Mme Élisabeth Guigou, présidente et rapporteure de la commission des affaires étrangères.
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, mes chers collègues, le 26 septembre dernier, la commission des affaires étrangères approuvait le traité budgétaire et, le même jour, adoptait la proposition de résolution sur l'ancrage démocratique du gouvernement économique européen dont nous débattons aujourd'hui.
Cette concomitance ne doit évidemment rien au hasard. Le déficit démocratique est un problème ancien. Il est même consubstantiel à la construction européenne. La méthode graduelle des pères fondateurs de l'Europe, qui a consisté, après l'échec de la Communauté européenne de défense, à créer des interdépendances dans des domaines économiques forcément très techniques, portait en germe le risque d'une Europe éloignée des peuples.
La perspective d'une monnaie unique a été voulue et obtenue de haute lutte par François Mitterrand et Jacques Delors en 1989 ; puis le traité sur l'Union européenne, conclu à Maastricht en 1990 et entré en vigueur en 1992, a réuni dans un même texte, selon la volonté du chancelier Kohl, l'union économique et monétaire et l'union politique. À cette époque, celle de la chute du mur de Berlin, les dirigeants européens ont porté l'ambition d'une Europe politique plus proche des peuples européens : la création de la citoyenneté européenne par l'article 8 du traité sur l'Union européenne n'avait pas qu'une portée symbolique.
Vingt ans après, force est de constater que l'union économique qui devait compléter l'union monétaire n'a jamais existé, que l'union politique est restée à l'état d'ébauche et que, malgré la dévolution de prérogatives plus larges au Parlement européen, le lien entre les citoyens et l'Europe n'a cessé de s'affaiblir. Le déficit démocratique est devenu récurrent et inquiétant.
La crise que l'Europe traverse depuis trois ans impose un sursaut. Bien sûr, la zone euro va mieux depuis l'été dernier, mais pour parvenir à une consolidation durable, il faut créer une véritable union économique et sociale. La coordination budgétaire est indispensable, mais elle ne peut suffire. Le pacte de croissance négocié par le Président de la République lors du conseil européen des 28 et 29 juin derniers complète et légitime les règles fixées par le traité budgétaire, qui lui-même conditionne l'accès au mécanisme européen de stabilité. Ce conseil européen a aussi jeté les bases d'une union bancaire et d'une plus grande solidarité européenne en actant la création d'une taxe européenne sur les transactions financières.
Mais l'intégration accrue qui commence à se mettre en place en matière budgétaire et bancaire risque de ne pas remédier au déficit démocratique si elle ne porte pas en elle l'espoir d'un renouveau européen. Un gouvernement économique européen qui serait chargé de réaliser une union monétaire mais aussi budgétaire, bancaire, économique et sociale devra s'accompagner d'un contrôle parlementaire accru : une union économique et monétaire renforcée, stable et prospère doit intégrer la perspective d'une union politique dont les objectifs seraient connus et compris par les citoyens européens.
La construction européenne est un objet politique original, nous le savons. Nous avons donc la responsabilité d'inventer une forme de démocratie originale qui devra se fonder sur une double légitimité démocratique : celle des institutions européennes, qui s'exprime au Parlement européen, mais aussi celle des États nations, qui s'exprime au sein des Parlements nationaux. C'est précisément dans ces deux directions que la proposition de résolution que nous examinons aujourd'hui apporte des améliorations.
Au niveau des institutions européennes, l'article 13 du traité budgétaire, inspiré par la proposition de certains de nos collègues sous la précédente législature, prévoit la création d'une Conférence interparlementaire, qui réunira les représentants des commissions concernées du Parlement européen et des Parlements nationaux pour débattre des propositions de la Commission européenne et du Conseil sur la coordination des politiques budgétaires des États membres. Cet article ne fait toutefois que dessiner le contour de la Conférence sans en définir les modalités. Tel est précisément le premier objet de la proposition de résolution. Il nous paraît d'abord indispensable que cette Conférence soit mise sur pied dans les plus brefs délais afin que les parlementaires puissent être informés, échanger, débattre et prendre position en amont des moments clés du semestre européen. Il faudra donc que la Conférence interparlementaire se réunisse au plus tard pour la première fois au printemps 2013, avant que le Conseil de l'Union européenne n'adopte ses recommandations sur les programmes de stabilité et de réformes. Elle devra évidemment pouvoir se saisir des enjeux relatifs à l'Union économique et monétaire au sens large, c'est-à-dire non seulement de la coordination des politiques budgétaires mais aussi des politiques économiques, fiscales et sociales. En effet, pour nous, l'Union économique et monétaire doit conjuguer les nécessaires disciplines budgétaires et les politiques de soutien de la croissance et de l'emploi. Pour que cette Conférence exerce une influence dans les processus européens, elle devra pouvoir soumettre aux institutions européennes des contributions qui devront être prises en compte. Ces trois exigences sont exprimées par la proposition de résolution.
Mais il ne suffit pas que des représentants des Parlements nationaux participent à cette Conférence interparlementaire avec le Parlement européen. Il faut qu'auparavant chaque parlement national ait exercé son propre contrôle sur son gouvernement national. Il est particulièrement fondamental que notre parlement contrôle davantage un processus qui touche au coeur de ses pouvoirs. Il ne peut s'agir, bien entendu, de mettre en place un système de mandat impératif à l'allemande, qui provoquerait un blocage général de l'Union européenne, mais entre le mandat impératif, dont nous ne voulons pas, et l'absence actuelle de réel débat en amont sur les choix européens, une marge existe. C'est pourquoi la résolution propose que le Parlement français débatte non seulement de la coordination des budgets mais aussi de l'ensemble des enjeux relatifs à l'Union économique et monétaire. Elle invite à cette fin le Gouvernement à le consulter en amont des principales étapes du semestre européen, lequel est précisé dans le six-pack complété par le two-pack encore en cours de discussion. Il s'agit de renforcer l'harmonisation des procédures budgétaires nationales et la surveillance européenne. Ce sont les points 5 et 6 de la proposition de résolution.
Il est vrai qu'un premier pas a été fait dans le sens d'une meilleure association de notre assemblée aux choix du Gouvernement. En effet, la mise en oeuvre du semestre européen s'est accompagnée, dès cette année, d'un débat sur la prise en compte des orientations budgétaires européennes. Il a eu lieu le 15 octobre dernier à l'Assemblée nationale dans le cadre de la discussion budgétaire, dans des conditions de publicité identiques à celles de la séance publique et, pour la première fois, des représentants de la Commission et du Parlement européens y étaient conviés, aux côtés bien sûr des ministres. C'est un progrès, mais ce n'est pas encore tout à fait satisfaisant. À l'avenir, les modalités de l'association de notre parlement à ces procédures devront être précisées, formalisées et garanties. Il est en particulier indispensable, monsieur le ministre, que les calendriers budgétaires national et européen soient harmonisés de manière à rationaliser l'examen des textes et à garantir la cohérence entre les engagements européens et les décisions budgétaires nationales. C'est ce que la résolution propose dans son point 6. Le vote de la loi de programmation des finances publiques à l'automne quand les programmes de stabilité sont transmis au printemps ne peut à l'évidence suffire. J'ai demandé plusieurs fois des précisions sur cet important sujet qu'est l'articulation des calendriers, et je n'ai jusqu'ici reçu aucune réponse. Je sais, monsieur le ministre, que cette question ne relève pas de votre département ministériel, mais j'espère néanmoins que vous serez en mesure de m'indiquer, sinon aujourd'hui du moins sans tarder, quelles sont les propositions du Gouvernement à cet égard.
Enfin, je souhaite attirer l'attention sur un autre point de notre résolution : celui qui propose que la Conférence dispose en son sein d'une commission spéciale composée de représentants des Parlements des États de la zone euro. Celle-ci serait chargée d'examiner les questions propres à la gouvernance de la zone euro et à la mise en oeuvre des instruments européens de stabilité financière. L'existence d'une telle commission parlementaire propre à la zone euro me paraît indispensable.
La réponse à la crise de confiance qui ébranle la zone euro passe aussi par un approfondissement de l'Union économique et monétaire. Cette intégration plus forte débouchera nécessairement sur une nouvelle forme d'union politique. Remarquons d'ailleurs que l'union politique est déjà une réalité, incomplète certes, perfectible sûrement, puisque les États membres de l'Union européenne ont décidé de partager des compétences et ont mis en place des institutions communes. Il faut cependant aller plus loin pour donner toute son efficacité et toute sa légitimité démocratique à l'Union économique et monétaire dès lors que nous avons une intégration économique, monétaire et sociale plus forte. Concilier efficacité et légitimité nous impose, monsieur le ministre, d'admettre que l'architecture future de l'Union européenne soit fondée sur la différenciation. Les États membres ne veulent pas et ne peuvent pas tout faire ensemble au même moment. Certains ont d'ailleurs des objectifs différents et ne veulent pas adhérer à la monnaie unique. Nous devrons donc avancer en utilisant l'instrument des coopérations renforcées entre les États membres qui le souhaitent.
Il va être indispensable, dans les semaines et les mois qui viennent, d'esquisser la perspective d'une union politique plus étroite. Certes, les États membres ont des conceptions différentes de l'union politique. Pour nos amis allemands, depuis toujours, celle-ci passe essentiellement par les mécanismes institutionnels ; pour nous Français, et ceci depuis très longtemps, elle doit être fondée d'abord et avant tout sur des projets communs. C'est lorsque nous parvenons à concilier ces deux approches, comme ce fut le cas il y a vingt ans, que nous élaborons des compromis qui font avancer l'Union européenne. Je suis convaincue que ce n'est pas en rêvant d'un grand soir fédéral que nous réussirons à avancer.
C'est en approfondissant le fédéralisme fonctionnel, déjà amorcé et qui est fondé sur les compétences que les États décident de mettre en commun, sur les institutions européennes et sur la double légitimité démocratique de la fédération d'États nations, que nous réussirons à réconcilier l'Europe et les citoyens, monsieur Laurent.
Sans anticiper sur des débats futurs, il me semble, chers collègues, que nous devrions réfléchir dans deux directions.
Tout d'abord, quel contenu supplémentaire voulons-nous donner à l'Union économique et monétaire ? Il me semble indispensable d'en renforcer le pilier économique et de la compléter par une union fiscale et sociale qui serait dotée – pourquoi pas ? – d'un fonds d'intervention financière. Tous les États n'ont pas nécessairement ni le souhait, ni la vocation d'adopter la monnaie unique, et ce fut sans doute une erreur que d'avoir cherché à imposer à tous les nouveaux États membres l'entrée dans la zone euro. C'est pourquoi l'approfondissement, qui est inéluctable et que nous recherchons, ne doit pas conduire à négliger l'Union européenne au sens large, qu'il ne faut pas considérer comme une union de seconde zone. Nous avons besoin que s'exerce une bonne synergie entre l'Union économique et monétaire approfondie et l'Union européenne au sens large, ne serait-ce que parce que les deux points de rencontre que sont le budget et le marché unique sont incontournables. Il faudra donc trouver l'articulation adéquate entre la zone euro renforcée et le reste de l'Union, mais tout en positivant l'appartenance à l'Union européenne au sens large, et c'est là que doivent être prises des initiatives fortes : je pense à une communauté européenne de l'énergie pour développer les énergies renouvelables et les emplois qu'elle induit, et pour unifier les relations des États membres avec les pays fournisseurs d'énergie, en premier lieu la Russie. Une autre initiative serait bienvenue : renforcer Erasmus et le généraliser à tous les étudiants de master de l'Union européenne. Voilà pour le premier niveau, celui de l'Union économique et monétaire.
Mais il nous faut réfléchir à l'approfondissement du fonctionnement démocratique de l'Union européenne. À cet égard, celle-ci aura un rendez-vous crucial avec ses citoyens lors des élections européennes de 2014. Notre parlement aura la responsabilité d'animer ces débats, et la présentation pour la présidence de la Commission d'un candidat désigné par chaque grand parti européen serait un progrès notable.
Ces candidats incarneraient les projets politiques des grands partis et rendraient ainsi l'Europe plus lisible et plus accessible. Si nous parvenons à organiser ces débats, nous saurons redonner du sens au projet européen pour nos concitoyens.
Ces développements peuvent vous paraître éloignés du contenu de la résolution que nous examinons aujourd'hui, mais en réalité il n'en est rien car ce qui est en jeu c'est le renforcement de la légitimité démocratique de la fédération d'États nations qu'est déjà l'Union européenne.
Il est indispensable d'expliquer à nos concitoyens les enjeux auxquels notre pays et notre continent sont confrontés et notamment de faire valoir que la France a besoin de l'Europe pour se redresser et s'affirmer dans le monde car notre pays ne peut rien tout seul.
Le moment est venu de redonner confiance et espoir dans le projet européen et de poursuivre les efforts qu'a déjà entamé en ce sens le Président de la République et votre Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires européennes.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise économique et financière qui met à l'épreuve l'Europe conduit à s'interroger, sur le rôle et la place des Parlements, européen et nationaux, dans le processus d'élaboration et de contrôle des décisions qui sont prises au niveau européen.
On ne peut que s'alarmer – et cela a été fait à l'instant – du déficit démocratique qui caractérise aujourd'hui le fonctionnement de l'Union européenne. S'il était déjà sensible avant la crise, le traité constitutionnel étant une tentative, au demeurant malheureuse, d'y répondre, ce déficit s'est accentué avec la crise, sous l'effet d'un double mouvement.
C'est d'abord autour des États et de leurs gouvernements que s'est organisée la réponse à la crise. Le Conseil européen, institution qui a été renforcée par le traité simplifié de Lisbonne avec la désignation d'un président permanent renouvelable tous les deux ans, a vu son poids s'accroître fortement comme instance décisionnelle mais aussi comme instance d'impulsion. La succession des sommets européens a pu, certes, témoigner d'une certaine impuissance, mais elle a aussi donné clairement à voir où se situait la capacité d'agir.
Dans ce contexte, les autres instances européennes – à commencer par la Commission européenne qui semble s'en être accommodée – ont été reléguées au second plan, dans un rôle d'accompagnement ou d'expertise. Les pouvoirs du Parlement européen ont certes progressé avec le traité de Lisbonne, mais la coordination économique et budgétaire lui échappe. En outre, sa configuration géographique ne lui permet pas d'intervenir dans un format zone euro.
Il est manifeste que la gestion de la crise a accentué la dimension interétatique du fonctionnement de l'Europe. Certains le regretteront, mais il faut bien reconnaître que l'Europe, dans sa composante fédérale, n'était pas suffisamment achevée pour offrir un cadre convaincant à la résolution de la crise.
Cette évolution s'est accompagnée d'un renforcement très sensible de la gouvernance économique et budgétaire qui concerne directement les compétences des Parlements nationaux. La mise en oeuvre du semestre européen, d'une part, et du traité budgétaire, d'autre part, se traduit par un double encadrement de la procédure budgétaire.
Si les Parlements nationaux restent souverains, l'exercice budgétaire est désormais très balisé. Il y a tout lieu de penser que cette évolution vers un cadre budgétaire intégré à part entière va se poursuivre, notamment dans l'hypothèse où serait adoptée une mutualisation intégrale des dettes, par exemple sous la forme d'eurobonds. Le rapport Van Rompuy évoque très explicitement cette perspective.
Le paquet législatif relatif à la surveillance budgétaire, dit two-pack, actuellement en discussion, constitue un pas de plus dans cette direction avec le renforcement du pouvoir de contrôle de la Commission sur les budgets nationaux. Si cette évolution se confirmait, avec l'octroi à la Commission et au Conseil d'un véritable droit de vetosur les budgets nationaux, ce ne serait plus tenable.
Comme le dit de manière abrupte Jean Pisani-Ferry « conférer durablement pareille autorité à un comité de technocrates ou à un conclave de ministres ne serait naturellement pas envisageable. Cela contreviendrait aux principes fondamentaux de la démocratie parlementaire. Des décisions de ce type ne pourraient être prises que par une instance capable d'opposer à la décision d'un Parlement national celle d'une autre instance également légitime et reconnue comme telle par les États et par les peuples européens. »
Nous n'en sommes pas là, mais la nécessité d'associer le Parlement européen comme les Parlements nationaux au processus d'élaboration des orientations budgétaires décidées à Bruxelles est devenue une exigence.
C'est fort de cette conviction, que j'ai proposé à votre commission des affaires européennes, dès les débats relatifs à la ratification du traité sur la stabilité, de se saisir du gage démocratique prometteur que les rédacteurs du traité, sous l'influence déterminante de notre commission et de son ancien président Pierre Lequiller, que je salue même s'il n'est pas là, ont eu la sagesse d'intégrer en prévoyant la création d'une Conférence interparlementaire consacrée à la gouvernance économique et budgétaire européenne.
Animé de la volonté d'encourager sa rapide concrétisation, j'ai estimé utile de vous soumettre des recommandations précises et détaillées, aptes à lancer sans attendre un vaste débat avec nos vingt-six partenaires et le Parlement européen pour que cet organe puisse, dès 2013, jouer son rôle irremplaçable.
Certes, une Conférence interparlementaire ne saurait, à elle seule, combler les longs déficits accumulés d'une légitimité démocratique défaillante – à l'instant, Élisabeth Guigou a montré combien cette question était posée – mais elle constitue un premier pas, en nous poussant à nous approprier la nouvelle gouvernance européenne et en faisant poindre à Bruxelles l'indispensable voix des Parlements, c'est-à-dire celle des peuples.
Pour que cette Conférence assume cette mission, comme l'ont rappelé Mmes les présidentes, quelques conditions nous semblent devoir être réunies.
La première touche bien sûr à sa vocation. Le pire danger serait de sombrer dans de stériles et fastidieux débats généraux, sans prise sur le réel, qui parfois ont pu miner la crédibilité d'autres fora du même type dont nous avons tous des exemples en tête. C'est pourquoi il est indispensable que les représentants des Parlements débattent des vrais sujets, et je pense bien sûr en particulier aux recommandations que l'Europe émet sur les politiques économiques et budgétaires nationales au travers de l'examen des programmes de stabilité et de réforme.
La Commission européenne déposant fin mai ou début juin ses propositions de recommandations sur ces programmes avant que le Conseil ne les adopte définitivement en juillet, il serait cohérent que les parlementaires, qui concrétiseront ces engagements dans leurs budgets nationaux à l'automne, puissent présenter leurs observations collectives en juin chaque année.
Une seconde réunion permettant de discuter des futures grandes lignes directrices des politiques économiques nationales et européennes, par exemple à l'automne, viendrait opportunément compléter ce dispositif tourné vers l'efficacité.
Toutefois, la Conférence ne saurait se limiter à ces sujets. En perfectionnant son intégration, la zone euro ne manquera pas d'étendre son emprise à de nouveaux domaines décisifs, au plus près de nos compétences traditionnelles. Je pense évidemment à la fiscalité, qu'elle concerne de nouvelles ressources comme la taxe sur les transactions financières ou qu'elle recouvre l'impérieuse lutte contre le dumping fiscal, mais aussi à l'harmonisation sociale dont les faiblesses participent de ce sourd combat déloyal qui entame la cohésion de notre Union.
En parallèle, il serait à tout le moins naturel que les parlementaires nationaux puissent débattre entre eux et contrôler collectivement l'usage des mécanismes européens de stabilité financière qui prennent une place croissante dans les engagements financiers assumés par nos États, comme nous avons pu le constater hier encore pour la Grèce. Or ces coopérations se nouent aujourd'hui entre un nombre restreint d'États membres. Il est donc indispensable que seuls les parlementaires directement concernés aient la possibilité d'en débattre entre eux.
C'est ainsi que nous proposons que la Conférence se dote d'une commission spéciale, en format plus resserré donc plus réactif, limité aux Parlements de la zone euro et au Parlement européen.
Quelques questions ne sont volontairement pas abordées dans la résolution, afin de laisser de la place aux négociations avec nos partenaires. Rappelons que la Conférence ne verra le jour qu'après que tous les Parlements nationaux et le Parlement européen se seront entendus unanimement sur son format et ses missions. C'est dire le chemin qu'il reste à parcourir.
Ainsi en est-il des modalités concrètes d'organisation de ses travaux. Nous souhaitons que la Conférence puisse s'exprimer, c'est bien le moins, en adoptant des conclusions adressées aux institutions européennes. Mais nous ne proposons pas de prédéfinir ses règles de vote, par consensus ou à la majorité, dont il nous paraît essentiel de préserver le fait qu'elles puissent évoluer si l'expérience rencontre un succès en recueillant l'attention des médias et, partant, de nos concitoyens.
Dans un même esprit, la composition précise de la Conférence fera l'objet d'intenses négociations, nous le savons. La coutume veut que les fora de coopération interparlementaire reposent sur une représentation égalitaire de chaque pays, aussi resserrée que possible afin de préserver la fluidité des débats. C'est le cas notamment de la COSAC, la Conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires de l'Union, où chaque pays est représenté par six parlementaires, ce qui garantit la représentation de l'opposition dans le cas de Parlements bicaméraux.
Laissons la porte ouverte, là encore, en veillant simplement à ce qu'à tout le moins participent aux travaux de la Conférence les députés les plus concernés par l'enjeu. De même, la représentation du Parlement européen fera l'objet de discussions dont il n'apparaît guère utile de préempter les résultats. Nous aurons probablement cette discussion à Bruxelles où nous nous rendrons la semaine prochaine.
En dernier lieu, la résolution se conclut en tirant les conséquences cohérentes de nos ambitions européennes sur la conduite de nos travaux ici même, à l'Assemblée.
Nous devons bien convenir que, si beaucoup a été accompli, nous pouvons faire mieux encore pour nous approprier la dimension européenne dans chacun de nos travaux quotidiens. Je partage ainsi les suggestions avisées faites par Mme la présidente de la commission des affaires étrangères et Mme la présidente de la commission des affaires européennes, en me contentant de renouveler, monsieur le ministre, mon souhait qu'à l'avenir nos travaux nationaux, qui fondent et légitiment nos engagements européens, en particulier la loi de programmation triennale, soient examinés au plus près des textes transmis à Bruxelles qui les concrétisent, à savoir les programmes de stabilité.
En formant un dispositif cohérent et aussi complet que possible d'appropriation parlementaire de la nouvelle gouvernance économique européenne, la résolution qui vous est soumise participe de notre ambition déterminée de réorienter l'Europe et de renouer son lien dangereusement distendu avec ses peuples.
Étayée par la disponibilité de notre Assemblée, annoncée par notre Président, à organiser, si nos partenaires en sont d'accord, la première Conférence à Paris dès l'année prochaine, confortée par une large approbation dans tous nos rangs, inspirée du consensus avec lequel elle a été adoptée en commissions, elle manifestera avec force notre volonté d'affermir sans tarder l'ancrage démocratique de l'Union.
C'est pourquoi je vous demande, au nom de la commission des affaires européennes, de l'approuver. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)
La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
Mesdames les présidentes, monsieur le rapporteur, je voudrais d'abord vous remercier pour vos contributions très utiles à ce débat qui prolongent les réflexions que nous avons eues à l'occasion de la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance.
À plusieurs reprises, le Gouvernement a appuyé les démarches engagées par le Parlement et notamment par votre Assemblée, en vue de renforcer les prérogatives souveraines des députés et des sénateurs en matière de contrôle budgétaire, au moment où de nouvelles procédures sont mises en oeuvre, résultant notamment de l'entrée en vigueur du six-pack, du two-pack et du traité, qui vont conduire à un dialogue constant et itératif entre la Commission européenne, les Parlements nationaux et le Parlement européen, notamment dans le cadre de ce qu'on appelle le semestre européen, et dont vous avez l'un et l'autre parfaitement décrit les procédures et les modalités.
Il s'agira notamment, pour le Parlement français, d'avoir à connaître des conditions dans lesquelles le Gouvernement s'engage devant la Commission européenne à respecter une trajectoire budgétaire conforme au traité et au texte auquel je viens de faire référence, adopté dans le cadre du trilogue, et de s'employer ensuite à réajuster les budgets lorsqu'il existe un décalage entre les engagements qu'il a pris et les évolutions budgétaires effectives.
Cela ne peut se faire si vous ne vous emparez pas des prérogatives prévues par les traités, notamment par l'article 13 du TSCG auquel vous avez fait référence et qui permet la mise en place de cette Conférence interparlementaire.
Bien entendu, pour que ce dispositif soit efficace – et vous avez, madame la présidente comme monsieur le rapporteur, évoqué ce sujet –, il faut que nous parvenions à faire en sorte qu'il y ait une bonne articulation entre les calendriers budgétaires de l'Union, du Parlement européen et du Parlement de notre propre pays. Pour avoir un sens, cette harmonisation doit valoir pour tous les États parties à cet exercice. Vous conviendrez qu'il est difficile d'imaginer qu'une articulation entre le seul Parlement français et le Parlement européen suffirait à rendre efficiente la convergence et la coordination des politiques budgétaires. Cette harmonisation doit aussi se faire avec les Parlements des autres pays concernés pour que l'exercice ait un sens.
Disant cela, je ne suggère pas que nous devions nous soustraire à notre propre obligation en la matière, en répondant. Je voudrais esquisser des éléments de réponse à la question que vous avez posée, même si, comme vous l'avez dit vous-même, cela ne relève pas de ma compétence ministérielle.
D'abord, pour que cette articulation soit possible, il faut que l'ensemble des textes qui régiront le dialogue budgétaire entre la Commission et les Parlements des États soient définitivement adoptés. Ce n'est pas le cas : nous attendons encore la réunion du trilogue concernant le two-pack, qui n'a pas encore acquis sa forme définitive. Il sera difficile de prendre des décisions d'articulation et d'harmonisation tant que ce travail n'aura pas été terminé.
Mais, dès à présent, le gouvernement français commence à examiner toutes les modalités techniques qui permettront à la coordination des calendriers de devenir effective, afin que l'exercice prenne sa pleine et entière dimension dès que possible.
En tous les cas, cette proposition de résolution me donne l'occasion d'affirmer le soutien plein et entier du Gouvernement aux travaux conduits par votre assemblée pour faire en sorte, en matière budgétaire et dès lors qu'il s'agit des engagements pris par notre gouvernement devant l'Europe, de renforcer les prérogatives du parlement français en liaison avec celles du Parlement européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires européennes.
Je me réjouis à mon tour que nous discutions aujourd'hui, et pour la première fois en séance publique, de ce pas important vers une meilleure démocratisation de l'Union. Au vu de l'hémicycle, il ne s'agit que d'un succès d'estime aujourd'hui, mais j'espère que nous en ferons une habitude plus populaire ! (Sourires.)
En tout cas, cette démocratisation de l'Europe est un enjeu fondamental, qui englobe tous les autres.
Cette Europe qu'on décrit en panne, ayant perdu la confiance des peuples, a connu pourtant des avancées certaines malgré les crises – avec les crises, et peut-être même par moments grâce aux crises. Comme le dit Joschka Fischer, « surmonter une crise nécessite de prendre des mesures qui auparavant étaient inconcevables, et encore moins réalisables ».
L'Union de 2012 n'est plus celle de 2008. La solidarité s'y est renforcée, en tout cas pour l'avant-garde que représentent les pays de l'euro. Je suis ravie d'avoir accueilli tout à l'heure un ministre letton qui m'a dit la volonté de son pays d'entrer dans la zone euro. On voit bien que la crise n'est pas seule à entrer en ligne de compte dans cette démarche.
Face aux attaques de la spéculation, nous avons su faire sauter le tabou du marché considéré comme seule règle de tout. Ensemble, nous avons su construire des moyens efficaces pour endiguer le tsunami de la finance folle. La Banque centrale européenne a su sauvegarder notre monnaie unique. C'est essentiel, mais cela ne suffit pas. Il reste le refus des euro-obligations, un tabou qui devrait disparaître lui aussi.
Parallèlement, le gouvernement français arrive à proposer des réflexions et des actions concrètes pour une Europe plus solidaire.
Il reste d'autres terrains difficiles, tant sur le plan environnemental que sur le plan social. La transition énergétique se fait bien trop lentement. Les plans de rigueur nationaux, avec leur dogme de l'austérité, ont des conséquences désastreuses qui n'épargneront personne, pas même nos amis allemands.
La souffrance liée à la crise ne peut être le seul horizon des citoyens de l'Union. La discipline budgétaire ne peut être l'alpha et l'oméga du projet européen. De l'aveu même du FMI, trop de rigueur risque d'ailleurs d'étouffer toute relance économique.
Certes, avec le six-pack, bientôt le two-pack et les dispositions du traité sur la stabilité, l'Union encadre nos politiques budgétaires. Mais avant d'aller plus loin dans les disciplines collectives, il serait sage de prendre la mesure des contraintes réelles qu'impliquent ces nouveaux dispositifs.
Le vaste débat institutionnel qui s'engage en Europe devient prioritaire. L'Union économique et monétaire doit désormais, d'une manière ou d'une autre, se doter des moyens et des procédures pour se constituer en véritable gouvernement économique commun, comme Jacques Delors l'avait réclamé dès la signature du traité de Maastricht.
Le chantier essentiel de l'ancrage démocratique n'a jusqu'à présent guère connu de progrès quant à lui. Or, seul l'approfondissement démocratique de l'Union peut fonder la légitimité des décisions économiques et budgétaires prises ensemble, au niveau européen. Ne sommes-nous pas comptables aussi de leur impact sur la vie quotidienne de nos concitoyens ? Nous l'oublions trop souvent.
Nous ne pouvons faire l'impasse sur la question démocratique, sauf à laisser la déflation nourrir les illusions mortifères des replis nationalistes, comme cela est hélas en train de se produire en Grèce. Aussi me paraît-il plus impérieux que jamais de nous saisir enfin, et avec audace, de cette question.
Comme d'autres l'ont dit avant moi, le Parlement européen ne peut à lui seul remplir le vide de la souveraineté dans l'Union, car la souveraineté budgétaire lui fait défaut. Ce sont les Parlements nationaux qui détiennent cette souveraineté.
Le rôle désormais reconnu à l'Union dans la détermination des politiques économiques nous place, nous parlementaires nationaux, souverains budgétaires et interlocuteurs quotidiens des peuples européens, au centre des débats. L'Europe a plus que jamais besoin de nous, de notre lien privilégié avec nos concitoyens et de notre rôle d'animation dans les débats publics, pour expliquer et faire vivre les avancées et les projets européens.
La proposition de résolution qui vous est soumise prend d'ailleurs acte de cette nécessité, en appelant à une meilleure intégration des diverses étapes du semestre européen dans nos travaux.
Garder à l'esprit la vision européenne en bâtissant les budgets nationaux, voilà un élément important. Mais il ne peut suffire. Car, nous le savons bien, les orientations en matière économique et budgétaire sont intimement liées à nos choix en matière de politique sociale, fiscale et environnementale. Cela aussi devrait relever des préconisations de la Conférence budgétaire.
L'émergence d'une véritable Union des Parlements nationaux est le grand défi pour doter l'Europe de la force des débats nationaux et fédérer nos travaux. Une telle perspective suppose, dans une première étape, de donner rapidement corps à la Conférence, tout en rassurant le Parlement européen, toujours inquiet quant à la place de chacun.
L'intérêt et l'enjeu essentiel de cette Conférence est d'établir une structure stable de dialogue interparlementaire. Il s'agit ainsi de promouvoir, progressivement, des priorités de politiques économiques réellement partagées, au plus près de l'intérêt des citoyens européens.
L'intuition majeure de cette proposition, c'est la nécessité d'un décloisonnement des débats budgétaires nationaux et européens et de leur approfondissement démocratique.
À cet égard, je remercie le président Bartolone d'avoir accepté d'organiser la table ronde budgétaire du 15 octobre – une première dans la vie de notre assemblée. Elle a permis des échanges constructifs avec les représentants du Parlement européen et de la Commission.
Pour avancer, il nous faudra bien sûr convaincre nos partenaires des autres Parlements, à commencer par nos amis allemands. Ceux du Bundestag que nous avons rencontrés lundi ont encore besoin d'être convaincus.
Il est important que les travaux de la Conférence puissent se fonder sur du concret, en particulier sur les recommandations que la Commission adresse aux États concernant leurs programmes de stabilité et de réforme.
La résolution suggère aussi que cette Conférence se dote d'une commission spécifique à la zone euro. Affaire à suivre…
Dernier point important, il faut que la Conférence ait la possibilité d'adopter des conclusions, adressées aux institutions de l'Union. C'est ce que Christophe Caresche a rappelé tout à l'heure.
D'autres ajustements institutionnels seront sans doute nécessaires. Je pense notamment à l'élargissement du droit d'initiative, par exemple, du Parlement européen. De manière plus ambitieuse encore, il nous faudra traiter de l'incarnation de l'Europe et de la responsabilité de ses dirigeants, sans doute au travers de leur désignation par les peuples, dans des élections européennes, notamment pour le président – ou la présidente ! – de la Commission européenne. C'est pour 2014, autrement dit pour demain. Nous devons le préparer ensemble.
Mais ne nous leurrons pas : les progrès institutionnels ne pourront à eux seuls prétendre résoudre le déficit démocratique de l'Europe. Car la démocratie, plus encore que des procédures, c'est un principe qui veut que les peuples déterminent pour eux-mêmes les formes que prend leur destin collectif.
Nos concitoyens doivent pouvoir exprimer régulièrement ce qu'ils attendent de l'Union européenne. Sans cela, aucun bricolage institutionnel, aussi savant soit-il, ne permettrait la nécessaire appropriation collective de cette magnifique aventure. Cela pourrait peut-être constituer la mission d'une convention, dès lors que les peuples se seront exprimés en 2014 sur des projets politiques clairs.
Je conclurai sur cette projection vers l'avenir, car c'est bien dans la perspective de l'approfondissement démocratique de l'Europe que s'inscrit la création de la Conférence budgétaire, véritable avancée, qui pourra se révéler un instrument décisif. Pour plagier Danton, il nous faut de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace, et l'Europe sera sauvée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
La proposition de résolution dont nous discutons aujourd'hui est d'une grande importance. Elle est aussi d'actualité.
Depuis plusieurs mois, le cadre dans lequel les Parlements nationaux, dont le nôtre, interviennent au sein de l'Union européenne a significativement évolué. Ce n'est pas le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire, dont nous avons débattu, qui l'a modifié : c'est un ensemble de dispositifs institutionnels et réglementaires qui ont progressivement construit de nouvelles relations entre l'Union et les États.
À nouveau dispositif, nous affirmons la nécessité de nouveaux droits pour affirmer la représentativité et la légitimité nationales.
Qu'est ce qui a changé ? Le cadre qui s'impose désormais à nous est constitué de ce que l'on appelle le semestre européen, ainsi que d'un ensemble de mesures à la fois contraignantes et collaboratives en direction des États membres.
Pour résumer brièvement le semestre, en janvier la Commission publie son examen annuel de croissance, en mars sont fixées les lignes directrices, en avril les États présentent leurs programmes de stabilité ou de convergence et leurs programmes de réforme et en juin, la Commission évalue ces programmes puis les chefs d'État les adoptent.
Parallèlement, le six-pack, soit cinq règlements et une directive européenne entrés en vigueur fin 2011, prévoit que les États membres qui sont en procédure de déficit excessif doivent se conformer aux recommandations spécifiques que leur adressera le Conseil européen en vue de corriger ce déficit, sous peine de sanctions financières.
Dans ce cadre, que pouvons-nous proposer ?
Dans sa résolution d'octobre dernier, « Semestre européen pour la coordination des politiques économiques : mise en oeuvre des priorités pour 2012 », le Parlement européen « note avec inquiétude que, dans de nombreux États membres, ni les Parlements nationaux, ni les partenaires sociaux, ni la société civile n'ont été associés au processus du semestre européen ». Il invite dès lors instamment la Commission à veiller à ce qu'une plus grande légitimité démocratique soit donnée au processus, par l'association de ces acteurs.
Cette même résolution rappelle qu'une coopération étroite entre le Parlement européen et les Parlements nationaux est essentielle pour établir la légitimité démocratique et l'appropriation nationale du processus du semestre européen, lesquelles sont absolument nécessaires. Elle demande aussi un renforcement du dialogue entre les niveaux européen et national, dans le respect de la répartition des tâches de chacun. Enfin, le Parlement indique qu'il est essentiel d'améliorer la légitimité du semestre européen, de dissiper les ambiguïtés juridiques qui, à défaut, pourraient donner lieu à des conflits de nature institutionnelle dans le futur, y compris en matière de superposition et duplication des compétences et responsabilités, et enfin de mettre fin au manque de clarté et à la complexité croissante du cadre institutionnel de l'Union.
C'est dans ce contexte volontariste, s'agissant des députés tant européens que français, que nous entendons défendre quelques principes simples mais indispensables.
Ainsi, notre proposition de résolution demande la mise en oeuvre de la Conférence interparlementaire prévue à l'article 13 du TSCG, qui se réunirait avant et après que les programmes aient été arrêtés au milieu d'année. Elle vise aussi à créer en son sein une commission de contrôle complémentaire dédiée à la zone euro.
Elle propose aussi que notre parlement puisse se saisir et débattre autant qu'il le souhaite des politiques budgétaires et économiques au cours du semestre. Sur ce point, notre résolution a déjà débouché puisqu'un amendement au projet de loi organique sur les finances publiques, devenu l'article 10 de la loi nouvelle, donne la possibilité au Parlement de débattre des documents produits par l'Union et le Gouvernement.
Enfin, logiquement, notre résolution propose une harmonisation des calendriers entre l'examen des lois de finances et de financement et les étapes du processus de convergence initié au niveau des États et de la Commission.
Ces éléments apparaissent à la fois comme des dispositions de rationalisation et de contrôle par notre Assemblée.
Ces premiers progrès sont nécessaires, ils ne seront probablement pas suffisants. Pourquoi faudra-t-il, tôt ou tard, aller plus loin ?
La situation en Europe est particulièrement grave. Entre 2008 et la mi-2012, le taux de chômage dans les vingt-sept États membres est passé d'environ 7 % à 10,4 %, ce qui correspond à quelque 25 millions de chômeurs. Plus d'un jeune sur cinq est au chômage : le taux de chômage des jeunes est de 22 % et dépasse 50 % dans plusieurs États membres ; 8,3 millions d'Européens âgés de moins de vingt-cinq ans ont quitté le système scolaire, sont sans emploi ou ne suivent pas de formation ; 115 millions de personnes sont en danger d'exclusion sociale dans l'Union européenne des Vingt-Sept, exposées à un risque aggravé de pauvreté, à un dénuement matériel extrême ou n'ayant pas accès au marché du travail.
La vie réelle montre que les programmes d'austérité extrême sont un contresens économique. L'examen particulier des situations en Europe ne montre pas de lien direct entre l'absence de compétitivité des industries et un État-providence trop gros ou trop grand. C'est ce que dit une nouvelle fois l'éminent économiste Paul Krugman, en partant de statistiques incontestables.
Dans ces conditions, la réintroduction des Parlements dans le dialogue avec l'Europe est une nécessité.
Il est clair qu'à terme l'examen des programmes de stabilité et convergence et des programmes de réforme devrait pouvoir faire l'objet d'une discussion par les Parlements nationaux.
De la même façon, les méthodes, hypothèses et paramètres qui sous-tendent les prévisions macroéconomiques et budgétaires de l'Union devront leur être transmis.
Par ailleurs les Parlements devraient être en mesure de donner un avis sur les évaluations des répercussions sociales des recommandations faites.
Enfin il convient que les Parlements puissent opposer aux instances européennes, quand cela est nécessaire, le principe de subsidiarité.
Ces exigences, qui vont au-delà de notre propre résolution, sont d'ores et déjà conformes à ce que le Parlement européen exige de la Commission. Il serait anormal que demain notre assemblée ne demande pas autant que ce que demande le Parlement européen pour nous.
Avec cette résolution, nous avançons, nous faisons un premier pas, mais il reste du chemin devant nous. De tous les Parlements nationaux monte aussi une demande : que la Commission cesse de recourir de plus en plus au règlement, qu'il y ait un vrai dialogue entre Parlements nationaux, Parlement européen et Commission européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames les présidentes de commission, mes chers collègues, je me réjouis que nous soyons réunis cet après-midi dans l'hémicycle pour débattre de cette proposition de résolution européenne sur l'ancrage démocratique du gouvernement économique européen proposée par notre collègue de la commission des affaires européennes Christophe Caresche.
Je souhaite être très claire dès le début de cette intervention. Mettant un terme à ce qui pourrait être un insupportable suspense, je vous annonce que le groupe UMP votera cette proposition de résolution, pour plusieurs raisons que je vous exposerai rapidement.
Tout d'abord, nous avons activement participé à l'insertion dans le traité sur la stabilité et la gouvernance de l'Union européenne de l'article 13, qui prévoit l'organisation d'une Conférence budgétaire afin de débattre en commun des politiques budgétaires et d'autres questions régies par le traité.
Notre rapporteur l'a rappelé, c'est à l'initiative de l'ancien président de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer, de l'ancien président de la commission des finances Jérôme Cahuzac, de l'ancien rapporteur général du budget Gilles Carrez et de l'ancien président de la commission des affaires européennes Pierre Lequiller que cet article a été travaillé par l'Assemblée nationale et le Bundestag ; le Bundestag – Pierre Lequiller nous l'a rappelé en commission des affaires européennes – était, à l'origine, plutôt réticent à cette proposition.
L'examen de cette proposition de résolution s'inscrit donc dans le droit fil du traité européen que nous avons adopté il y a quelques semaines. Elle en est la suite logique.
Par ailleurs nous considérons qu'il est indispensable que les Parlements nationaux des vingt-sept pays de l'Union européenne s'approprient les questions budgétaires et financières relatives à l'Union. Les avancées importantes contenues dans le TSCG nécessitent cette implication.
Nous avons été plusieurs à la rappeler lors de nos débats en commission, il s'agit de la reconquête démocratique et du contrôle des politiques européennes par les citoyens de l'Union au travers de leurs instances parlementaires. C'est un enjeu majeur pour l'Union dans les années à venir ; nous en sommes, je pense, tous conscients, et ce projet de résolution consacre notre volonté de travailler sur ces questions, en étroite collaboration et concertation avec le Parlement européen.
Ensemble, les pays de l'Union se sont imposé des règles de discipline budgétaire strictes. Elles auront bien évidement des conséquences réelles sur notre autonomie en matière de choix budgétaires. Cela rend d'autant plus nécessaire la création rapide de la Conférence prévue à l'article 13 du TSCG. Certaines questions restent en suspens, et non des moindres, comme celle de la composition de cette fameuse Conférence dont les effectifs ne doivent pas être pléthoriques ; cela rendrait son travail difficile et peu efficace. Je rejoins notre rapporteur quand il nous dit que les négociations qui s'ouvrent devant nous à ce sujet risquent d'être difficiles.
Mes chers collègues, parce que cette résolution affirme des principes auxquels notre groupe est particulièrement attaché, à savoir la mise en oeuvre d'instances démocratiques représentatives au sein de l'Union européenne nous voterons cette résolution.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames les présidentes de commission, mes chers collègues, la construction européenne ne pouvait se faire en un jour et, la crise nous l'a montré, elle est encore loin d'être achevée.
L'Europe qui renaît, l'Europe qui se renforce pour lutter contre la menace qui pèse sur l'ensemble de ses États membres, se dessine pas à pas. Chaque étape franchie est un succès de plus pour une Europe politique, pour une Europe véritablement intégrée, où la solidarité serait le ciment commun des peuples.
Il y a quelques semaines, dans cet hémicycle, en approuvant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, nous avons brisé un tabou, celui du gouvernement économique européen, celui d'une union économique, ce pilier qui, depuis la création de l'euro, manquait tragiquement à l'union monétaire.
Les députés centristes, profondément européens et fédéralistes de toujours, ont toujours revendiqué la création d'une union politique, corollaire indispensable de l'Union économique et monétaire. Les transferts de compétences économiques majeures à l'échelon européen doivent s'accompagner d'un contrôle démocratique et d'une capacité de prise de décision suffisants car l'Europe ne peut se faire sans l'adhésion des peuples.
Or c'est précisément du manque de lisibilité et d'efficacité du système de prise de décision, du sentiment de l'opinion publique de n'être pas prise en compte, que naissent les craintes d'un abandon de la souveraineté budgétaire et la tentation du repli national.
Avant toute chose, cessons de faire croire à nos concitoyens que les institutions européennes ne sont pas légitimes. Elles le sont doublement, parce qu'elles procèdent du choix de chefs d'État et de gouvernement eux-mêmes élus et parce qu'elles sont investies par la majorité du Parlement européen, seule assemblée transnationale au monde à être élue par les citoyens au suffrage universel direct.
Pourtant, l'Europe souffre aujourd'hui d'un déficit démocratique.
D'une part, les citoyens ne sont pas suffisamment informés, pas suffisamment associés aux décisions prises à Bruxelles et à Strasbourg. Dans ces moments, nous devons faire preuve d'une pédagogie incessante, appuyée sur un discours de vérité, pour ne pas laisser le champ libre aux démagogues de tout poil qui veulent faire de l'Europe le bouc émissaire de tous les problèmes. Ce que nous demandons aux citoyens ne peut être accepté qu'à la condition d'être compris comme juste.
D'autre part, la démocratisation du fonctionnement de l'Union européenne implique dans une représentation parlementaire nationale effective. Un gouvernement économique européen ne peut se concevoir sans un contrôle parlementaire puissant, sans une participation effective des Parlements au processus d'élaboration des orientations économiques et budgétaires, à chacune des phases du dialogue entre les institutions européennes et les gouvernements.
Dans ces domaines, la valeur ajoutée que peuvent apporter les parlementaires nationaux au-delà du simple contrôle technique réside dans une approche politique des questions européennes. Il est urgent de remettre de la politique dans le débat européen…
…pour que les citoyens aient réellement le sentiment que leur vote peut changer le cours de la construction européenne.
Le « Groupe des quatre » – Hermann Van Rompuy, José Manuel Barroso, Mario Draghi et Jean-Claude Juncker – a clairement souligné cet enjeu dans son rapport intitulé « Vers une véritable union économique et monétaire », remis au mois de juin dernier : « Progresser vers une plus grande intégration des prises de décisions budgétaires et économiques entre les pays nécessitera de puissants mécanismes permettant l'instauration d'un processus décisionnel légitime et responsable. Il est essentiel de faire en sorte que l'opinion publique soutienne les décisions prises au niveau européen et ayant des répercussions importantes sur la vie quotidienne des citoyens. »
Certes, l'Europe a pris ces dernières années une place plus importante au sein de notre assemblée, que ce soit par l'organisation de débats préalables et postérieurs aux Conseils européens ou encore par une amélioration de la coordination des politiques budgétaires, dans le cadre du semestre européen, mais notre participation aux grands enjeux de la politique européenne est encore trop faible. En proposant de concrétiser le principe énoncé à l'article 13 du TSCG d'une Conférence parlementaire réunissant le Parlement européen et les Parlements nationaux sur les questions de politique budgétaire, la proposition de résolution européenne prend en compte le problème du déficit démocratique dont souffre aujourd'hui l'Europe. En proposant une harmonisation des calendriers budgétaires, national et européen, elle entend renforcer le poids des Parlements nationaux dans la prise de décision européenne.
L'exigence démocratique, l'élargissement de l'Union européenne et l'efficacité décisionnelle qu'impose la crise placent l'Europe face à un défi politique majeur. Les leaders européens devront nécessairement trouver les moyens de répondre aux critiques formulées à l'égard de son déficit démocratique et de son déficit exécutif, ou ils prendront le risque de voir l'euroscepticisme se renforcer.
C'est donc convaincus de la nécessité de renforcer l'ancrage démocratique du gouvernement économique européen que les députés du groupe UDI soutiendront la présente proposition de résolution, que nous devons pour une large part au travail entrepris au cours la précédente législature, notamment par Pierre Lequiller, alors président de notre commission des affaires européennes.
Mes chers collègues, la crise a révélé la nécessité d'une remise en cause profonde de l'architecture des institutions européennes. Nous sommes face à une Europe plus intergouvernementale que véritablement intégrée, où la somme des intérêts des États, des égoïsmes nationaux fait parfois office d'intérêt général.
Quel meilleur exemple que le triste constat d'échec de Bruxelles le 23 novembre dernier sur le projet de budget 2014-2020 ? En l'absence d'une vision commune de l'avenir de l'Europe, les négociations des vingt-sept les ont finalement menés à une impasse ! Aussi, afin de mettre en place une Europe véritablement politique et pour que l'Europe puisse parler d'une seule voix, nous proposons de doter l'Union européenne d'une présidence unique, issue de la fusion des fonctions de président du Conseil européen et de président de la Commission.
Plus généralement, nous continuons de penser que le vice de fabrication de l'euro, c'est l'absence de fédéralisme. Nous n'avons pas peur de ce mot, qui devra constituer le premier jalon d'une union politique plus étroite. Inévitablement, notre système sera voué à l'échec si nous n'allons pas vers une intégration politique, économique et fiscale.
Mes chers collègues, l'Europe est une belle aventure politique, un modèle unique au monde. Nous pouvons être fiers de ce qu'elle a accompli en si peu de temps.
Le nouveau visage de l'Europe est en train de s'esquisser. Dans ce contexte, faisons preuve de courage et faisons en sorte d'accompagner avec conviction cette Europe qui grandit.
Monsieur le rapporteur, vous avez mené avec conviction et ténacité un long travail sur les enjeux du projet de loi de ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire.
Si le vote du TSCG a donné lieu à des divergences d'appréciation, il ne doit pas masquer le désir d'Europe qui nous rassemble. Les écologistes sont attentifs à tous les efforts qui vont dans le sens de la construction d'une Europe vivable, viable et en paix ; d'une Europe politique, fédérale, démocratique, socialement juste et responsable vis-à-vis de l'environnement, sur une planète très peuplée, aux ressources rares, dans un monde en tension, dont certains dirigeants sont plus prompts à sortir les armes qu'à construire la paix.
Même dans la crise, et surtout dans la crise, nous avons besoin de construire un continent d'éthique, de dialogue et de respect, riche de sa diversité et de sa mémoire collective, attentif aux besoins des femmes et des hommes, maintenant les missions d'intérêt général et le service public en sécurité, hors du dumping social et environnemental engendré par la concurrence. Nous devons construire une Europe qui, de plus, ne construirait pas sa prospérité sur l'exploitation du Sud.
Vous nous invitez à mesurer l'impact des nouvelles règles de discipline budgétaire sur l'autonomie des choix budgétaires nationaux. Cela va dans le bon sens, dans le sens d'un équilibre qui renforce l'articulation entre les niveaux nationaux et européen, et porte une vision où chacun, dans un dialogue d'échelle à échelle, contribue au renforcement démocratique et au destin du peuple européen.
La crise a mis à jour les lignes de faille de la construction de l'euro et placé les économies les plus faibles de la zone euro en danger de faire défaut sur leurs dettes souveraines. Partagés entre leur désir de stabilité et le retour du populisme et de l'intolérance, les États ont été mis à rude épreuve pour maintenir leur équilibre financier, au prix de la réduction des déficits publics. D'autres choix étaient possibles. Je me permets de les rappeler : l'action de court terme ne remplace pas les propositions durables et plus fondamentales qui nous semblent oeuvrer à un véritable rétablissement.
En premier lieu, il s'agit de réguler l'industrie financière européenne. Des règles doivent établir une séparation claire et étanche entre l'activité bancaire stricto sensu, qui sert l'économie réelle, et les investissements plus risqués voire spéculatifs. L'usage de techniques comme les transactions à découvert et les transactions sur produits empruntés doit être interdit ou au moins fortement régulé. Nous avons besoin d'une stratégie fiscale européenne globale : nous devons agir pour mettre en place une taxe européenne sur les transactions financières. Il faut mettre en place une contribution climat énergie, une assiette consolidée des taxes sur les entreprises, associée à un taux minimum effectif d'imposition, de manière à assurer une contribution juste du secteur privé.
Nous pourrions aussi parler d'un traité de désarmement fiscal qui limiterait l'impact des paradis fiscaux et pousserait les États membres à s'engager fermement contre l'évasion fiscale. Ces mesures nécessitent la fin de la règle de l'unanimité en matière de fiscalité, celle-ci devant devenir un domaine de législation ordinaire régi par la codécision entre le Conseil européen et le Parlement européen.
La Banque européenne d'investissement, que l'on peut comparer à un Fonds monétaire européen, va lancer des project bonds pour un montant de 250 millions d'euros, dont l'effet levier espéré atteint les 4 milliards d'euros. C'est un effort substantiel, pour peu que ces moyens relancent des projets utiles et à forte valeur sociale et environnementale, et nous évitent d'exhumer les dossiers d'infrastructure classiques, coûteux et sans véritable impact pour l'emploi. Faisons preuve d'imagination : nous avons suffisamment de kilomètres d'autoroutes et d'infrastructures surdimensionnées.
Aujourd'hui, la formation, le lien social, les échanges culturels, le renforcement de l'accès à des soins de qualité nous semblent plus prometteurs. Pour nous, l'intelligence du redressement industriel ne passe pas par le soutien à la filière diesel, qui est obsolète. Nous pensons à un New Deal vert européen visant à investir pour reverdir notre énergie, nos modes de transport, nos infrastructures de production, la restauration de nos ressources naturelles, et l'amélioration de la cohésion sociale. Cette vision écologiste repose sur un impératif d'intégration politique renforcée pour l'Europe. Son fonctionnement requiert le renforcement de la participation citoyenne et du contrôle démocratique.
C'est pourquoi, monsieur Caresche, votre initiative tendant à hâter la réunion d'une convention associant des représentants des Parlements nationaux et du Parlement européen reçoit tout notre soutien. Il ne s'agit pas de créer une énième instance de dialogue et d'arbitrage, mais de rétablir un climat de confiance entre les citoyens et les institutions qui les représentent. Il s'agit de nous donner les moyens de confronter périodiquement et de façon vigilante les perceptions et les responsabilités des uns et des autres, tout en veillant à battre au même rythme que le pouls des populations.
La règle d'or, présentée comme la meilleure solution, ne peut exonérer ceux qui, par leur rapacité, nous ont conduits au marasme que nous connaissons, en faisant porter de manière toujours plus forte et sur le plus grand nombre l'effort de réparation et de mutation de l'économie. Nous ne pouvons pas non plus laisser l'avenir européen se dessiner au gré de la puissance des lobbies, toujours prompts à mettre sur le marché, parfois même avec notre complaisance, des substances nocives qui dégradent durablement la santé publique.
Les conflits d'intérêt doivent être résolument maîtrisés. Nous devons réaffirmer la solidarité financière, qui est clairement un gage de démocratie pour les citoyens. Ils attendent le maintien des fonds structurels utiles à nos régions devenus des déserts industriels, et la possibilité pour nos jeunes citoyens européens, grâce à des programmes comme Erasmus – qu'il convient de renforcer –, de s'épanouir dans la connaissance des cultures et le respect mutuel, gages de tolérance et d'épanouissement.
Oui, vous avez bien appelé à l'ancrage démocratique ! Monsieur Caresche, nous l'entendons comme un temps de répit après la tempête que nous venons de traverser. Le navire Europe est à l'arrêt, donnons lui un nouveau cap et reprenons la mer, mais sans laisser personne à quai. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)
Monsieur le ministre, la représentation nationale a ratifié le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire. Cette ratification a été effectuée, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 9 août 2012, sans révision préalable de notre Constitution. Le Conseil constitutionnel a considéré que, nonobstant le renforcement de la discipline budgétaire commune, la France ne consentait aucun transfert de souveraineté, car les objectifs de maîtrise des finances publiques préexistaient à ce traité, et étaient l'objet de dispositions incluses dans les traités de l'Union européenne, auparavant entérinées par le pouvoir constituant. Le débat est donc clos. Nos collègues de l'UMP, qui soutenaient qu'une révision constitutionnelle était indispensable, ont obtenu un démenti cinglant de la part du Conseil constitutionnel !
Cependant – je cite vos propos, madame la rapporteure –, « il est légitime et nécessaire que le contrôle démocratique des politiques et des institutions européennes soit renforcé chaque fois que la construction européenne fait de nouveaux pas ». La proposition de résolution présentée par Christophe Caresche, adoptée par les commissions des affaires européennes et des affaires étrangères dans la foulée de l'approbation du traité budgétaire, vient à point nommé. Ce texte intelligent demande la création de la Conférence parlementaire prévue à l'article 13 du traité, Conférence réunissant des représentants des commissions législatives des Parlements des États ayant ratifié le traité et des représentants des commissions du Parlement européen.
Nos commissions se sont saisies du pouvoir d'initiative parlementaire en un domaine où il n'est pas fréquent de l'utiliser, à savoir la ratification d'un traité. Le président de notre groupe, Roger-Gérard Schwartzenberg, avait en son temps proposé au Gouvernement d'assortir la ratification d'une réserve d'interprétation. Une telle réserve relève de la seule compétence du Gouvernement, qui aurait signifié ainsi les conditions auxquelles l'État français soumettait, non pas l'approbation du traité, mais l'exercice du contrôle extrêmement strict de la trajectoire de ses finances publiques prévu par le traité.
Cette résolution met donc la représentation nationale au coeur du débat. Cela a déjà été dit, et je le répète. Ce débat doit être démocratique, tant les enjeux sont importants pour les peuples européens. Les Parlements nationaux doivent se saisir des thèmes qui vont être bientôt abordés à l'échelon communautaire : la préservation de notre union monétaire, la réalisation de notre union budgétaire, la définition de notre union bancaire et l'édification de notre union économique. Nous devons être associés à la détermination de la stratégie destinée à faire pièce aux tentatives de déstabilisation incessantes de l'Union économique et monétaire, ainsi qu'à la spéculation dont le but est, selon toute vraisemblance, de faire chuter l'euro, seule monnaie à pouvoir rivaliser avec le dollar pour accéder au statut de monnaie de réserve internationale.
Comme vous le préconisez dans votre rapport d'information, monsieur Caresche, il est nécessaire de concrétiser au plus vite la Conférence budgétaire introduite par l'article 13 du traité budgétaire, en prenant l'initiative de formuler des propositions précises sur lesquelles entamer des négociations constructives avec nos partenaires européens. Cette Conférence pourrait ainsi se réunir à une date opportune et cohérente avec le processus du semestre européen. Il conviendrait, en effet, selon les termes employés dans votre rapport, « de veiller à ce que les délibérations de la Conférence puissent être pleinement prises en compte par les institutions européennes aux diverses étapes de la coordination économique et budgétaire ». Pour ce faire, alors que le Conseil européen formulera en mars prochain ses orientations stratégiques pour les politiques économiques, la fin de l'hiver pourrait voir la première réunion de cette Conférence budgétaire. Cette Conférence présenterait, en outre, l'avantage de placer tous les Parlements nationaux sur un pied d'égalité, quelle que soit l'organisation interne des États concernés, unitaire ou fédérale. L'exemple du Bundestag nous rappelle en effet que la représentation des collectivités fédérées au sein d'une chambre parlementaire donne beaucoup plus de poids au pouvoir législatif dans ses rapports avec le Gouvernement qu'il n'en a dans un État unitaire.
Parce que la résolution qui nous est aujourd'hui soumise propose une procédure d'échange féconde entre les Parlements nationaux, le Parlement européen et les autres institutions européennes, et parce qu'elle insiste sur l'opportunité d'engager sans plus tarder des discussions sur les orientations stratégiques qui détermineront, pour une large part, l'avenir de nos systèmes économiques et financiers, les députés du groupe RRDP voteront pour son adoption. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames les présidentes des commissions des affaires étrangères et des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de résolution est paradoxale. Elle revêt l'apparence d'une avancée démocratique, puisqu'elle tend à la création de la Conférence parlementaire prévue à l'article 13 du traité qui institue une « Conférence réunissant les représentants des commissions concernées du Parlement européen et les représentants des commissions concernées des Parlements nationaux afin de débattre des politiques budgétaires et d'autres questions régies par le présent traité ».
Cette disposition a le mérite de poser la question du contrôle démocratique du gouvernement économique européen. Toutefois, la réponse apportée est pour le moins insuffisante et artificielle. Elle consiste en effet à instiller une once de démocratie dans le dispositif foncièrement antidémocratique du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire. L'article 13 du traité n'est qu'un palliatif prenant la forme d'une Conférence interparlementaire, représentative certes, mais dont la fonction est purement délibérative et tribunitienne. Une fois de plus, les parlementaires sont invités en quelque sorte à jouer à un jeu de dupes, dans lequel ils n'exercent aucun pouvoir décisionnel !
Loin de créer un contrôle politique réel, la mise en place de la Conférence parlementaire n'est pas de nature à démocratiser la fameuse gouvernance économique européenne, véritable monstre technocratique et antidémocratique. Faut-il le rappeler : le contenu du traité ainsi que les modalités de sa ratification et de son entrée en vigueur sont empreints d'un déficit démocratique manifeste. Le traité prévoit le renforcement des mécanismes nationaux et supranationaux de contrôle de la discipline budgétaire des États.
Ce pacte budgétaire consacre une doctrine d'orthodoxie économique en renforçant la portée juridique de la règle d'or, qui pose le principe du retour à l'équilibre des comptes publics. Il complète, en les durcissant encore, les nouvelles dispositions de surveillance et les sanctions prévues par le pacte de stabilité récemment réformé. Ainsi, l'article 3 prévoit que les budgets des administrations publiques seront à l'équilibre ou en excédent, et que le déficit structurel annuel ne devra pas excéder 0,5 % du PIB nominal sur un cycle économique. En cas de dérapage, un mécanisme de correction sera déclenché automatiquement. Les projets de budgets nationaux se trouvent soumis à un contrôle européen au printemps de chaque année avant qu'ils ne soient présentés aux Parlements nationaux.
En pratique, des inspecteurs de la Commission pourront être dépêchés dans les États récalcitrants, comme c'est déjà le cas en Grèce, au Portugal et en Irlande. La crise offre une occasion historique à la technocratie de s'imposer à la démocratie et aux peuples souverains. Le spectre du gouvernement des juges européens se dessine également, puisqu'un contrôle juridictionnel supranational est prévu pour vérifier le respect des engagements des États. La Cour de justice européenne pourra être saisie par un État membre si celui-ci estime qu'un de ses partenaires n'a pas correctement transposé cette règle d'or dans sa Constitution.
La Cour pourra sanctionner financièrement le « contrevenant ». C'est pourquoi, faute d'avoir pu ou voulu renégocier ce pacte d'austérité budgétaire, il aurait été de bon aloi, au nom du respect de la démocratie et donc du peuple, de soumettre la ratification du pacte d'austérité budgétaire à un référendum populaire. Ni le Président ni la majorité ne l'ont voulu. Or, si vous souhaitiez véritablement apporter une réponse au déficit démocratique des institutions européennes, vous auriez dû organiser un débat démocratique sur les mesures préconisées par ce « pacte d'austérité » qui font payer la crise des marchés financiers aux salariés et aux peuples d'Europe. Cette Europe des marchés se construit loin des peuples et contre les peuples d'Europe qui, en dépit de tout, n'ont pas abdiqué. Ainsi, des manifestations contre les politiques d'austérité ont été organisées le 14 novembre dernier dans le cadre d'une journée européenne d'action et de solidarité pour l'emploi, la solidarité en Europe et contre l'austérité. Ce rassemblement des syndicats nationaux autour de slogans communs peut marquer – et je dis bien « peut marquer » – la naissance d'un syndicalisme européen puissant, susceptible de fédérer les revendications des salariés européens.
L'avenir de l'Union européenne doit passer, à l'évidence, par une prise de conscience de l'impératif social et démocratique, les deux aspects étant consubstantiels.
Se substituant à un grand débat démocratique, la proposition de résolution et l'article 13 du traité ne sont pas à la hauteur des enjeux politiques. Ce contraste révèle combien la démocratie est conçue comme un obstacle et non comme une solution à la crise. La représentation nationale a déjà eu l'occasion de l'apprécier. En atteste le débat relatif à la prise en compte des orientations budgétaires européennes par le projet de loi de finances dans le cadre du semestre européen, un débat qui s'est tenu en catimini, salle Lamartine, le 15 octobre dernier. Nous avons contesté son principe et ses modalités, lesquels portaient foncièrement atteinte à la dignité de la représentation nationale.
Sur le principe, d'abord, ce débat a confirmé le renforcement de la logique de contrôle budgétaire de notre pays par la Commission européenne. En ce sens, son existence même a porté atteinte à l'exercice de notre souveraineté budgétaire. Il a préfiguré, en effet, la mise en oeuvre du dispositif prévu par le projet de règlement, inclus dans le fameux two pack encore en discussion, qui entend harmoniser les procédures budgétaires des États membres afin de permettre un échange sur les projets de budget nationaux entre les États et la Commission. Ainsi, le semestre européen sera prolongé sur toute l'année avec toutes ses implications politiques en termes de souveraineté nationale.
Au-delà du principe même de ce débat, ses modalités ont conforté et confirmé l'abaissement de la représentation nationale. D'une part, l'ouverture du débat a été marquée par la prise de parole du représentant de la Commission, institution technocratique dont la légitimité démocratique reste à prouver. D'autre part, les députés se sont trouvés cantonnés dans une position purement passive. Pour ce qui concerne le groupe GDR, il n'a eu le droit de poser qu'une question de deux minutes, avant de devoir se satisfaire des réponses des « personnalités conviées » de Bruxelles...
Aussi, comprendrez-vous qu'à notre sens la volonté exprimée dans la présente proposition de résolution « sur la nécessité d'associer le Parlement, sans doute par le biais de l'organisation de débats aux dates opportunes, à ces procédures d'échanges entre les gouvernements et les institutions européennes », ne soit pas à la hauteur du déficit démocratique dont pâtit structurellement la construction européenne. La représentation nationale n'a pas à être « associée », elle doit décider ! Cette proposition de résolution conforte l'abaissement du Parlement au rôle de simple chambre d'enregistrement budgétaire des choix européens guidés par le dogmatisme libéral et l'orthodoxie budgétaire. Les modalités de cette simple « association » du Parlement à ces procédures d'élaboration du budget ne sont pas admissibles. Le fait même que les institutions européennes aient leur mot à dire avant même que les Parlements élus démocratiquement ne puissent se prononcer est de nature à fausser le débat national sur des orientations budgétaires préalablement fixées au niveau européen.
Nous sommes attachés à la reconstruction européenne et nous ne sommes pas pour une fermeture de la France, mais pour une société ouverte dans une Europe ouverte. Pour cela, un gouvernement économique européen chargé de réaliser une union non seulement monétaire, mais aussi budgétaire, bancaire et économique ne peut se concevoir sans un contrôle parlementaire effectif. Dans ces conditions, la création de la Conférence interparlementaire exigée par la proposition de résolution ne saurait cautionner les caractères iniques et antidémocratiques du traité.
C'est pourquoi le groupe GDR s'abstiendra sur ce texte.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux apporter mon soutien plein et entier à cette proposition de résolution relative à l'ancrage démocratique du gouvernement économique européen. Elle représente une chance unique à saisir pour approfondir la réorientation de l'Europe et ancrer le contrôle démocratique, tout en donnant plus de poids aux décisions de notre assemblée et de l'ensemble des Parlements nationaux.
L'approfondissement de l'intégration européenne ne peut qu'aller de pair avec un approfondissement démocratique. C'est le sens de la Conférence interparlementaire figurant à l'article 13 du traité budgétaire et dont nous demandons, aujourd'hui, la mise en oeuvre rapide.
La désaffection de nos concitoyens pour l'Europe est malheureusement aujourd'hui une réalité. Ce n'est ni le projet européen ni le principe de l'intégration qui sont en cause, mais bien leur orientation. Je veux redire ici la grande responsabilité de la droite française, absente de ces bancs, et de la droite européenne, qui ont, ces dernières années, accentué ce désamour en menant des politiques d'austérité destructrices avec, pour seule méthode de concertation, un directoire franco-allemand qui empêchait tout contrôle démocratique.
L'Europe doit revenir en phase avec la réalité : il nous faut une Europe sociale et durable qui protège, une Europe avec une vraie politique économique, budgétaire et monétaire cohérente avec les politiques nationales. La réorientation de l'Europe initiée par François Hollande, en remettant la croissance, la justice et le progrès social au coeur du projet européen, réconciliera les citoyens avec l'Europe. Cette réorientation doit s'accompagner d'un renouveau démocratique. C'est notre mission de parlementaires de conduire ce changement. C'est notre rôle de parlementaires nationaux de nous impliquer davantage pour nous faire l'écho des citoyens dans les décisions européennes et de l'Europe auprès des citoyens. L'Europe ne peut plus être un sujet de débats ponctuels, mais doit se situer au coeur de nos préoccupations d'élus. Une européanisation de nos débats nationaux permettra aussi une politisation des affaires européennes. L'Europe doit devenir un terrain d'affrontements politiques, car il est sain pour la démocratie de proposer des options différentes aux suffrages des citoyens, comme c'est le cas pour les autres niveaux de gouvernance. Dans ce cadre, le Parti socialiste européen proposera un programme commun et un candidat unique à la tête de la Commission européenne lors des prochaines élections européennes, car les citoyens doivent pouvoir se positionner sur le choix de l'Europe qu'ils veulent.
La présente résolution européenne, en proposant la consultation des Parlements nationaux dans le choix des orientations budgétaires et économiques et l'instauration de débats nationaux consacrés à la politique économique et monétaire européenne, répond bien à ce double enjeu : ancrer l'Europe dans nos débats nationaux et consulter les Parlements nationaux dans les choix européens.
Au niveau national, nous pourrions aller plus loin encore en systématisant les débats préalables aux Conseils européens, voire en votant des résolutions pour transmettre notre feuille de route au Gouvernement.
Au niveau européen, l'ancrage démocratique doit passer par un contrôle parlementaire, qui se traduira par une Conférence interparlementaire à laquelle participeront les Parlements nationaux et le Parlement européen. Nous ne voulons pas occulter le Parlement européen, puisque la résolution européenne propose de constituer une commission spéciale composée de représentants de Parlements nationaux de la zone euro et du Parlement européen. Ce nouveau rôle des Parlements nationaux s'inscrira bien en complémentarité de celui du Parlement européen. Il ne s'agit, en aucun cas, de revenir en arrière et au Parlement européen d'avant 1979, mais bien d'avancer vers un nouveau contrôle alliant les niveaux nationaux et européen.
On voit aujourd'hui se dessiner une Europe de cercles concentriques : vingt-sept États sont membres de l'Union européenne ; vingt-six participent à l'espace Schengen ; vingt-cinq ont ratifié le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance ; dix-sept appartiennent à la zone euro ; onze ont approuvé la taxe sur les transactions financières... Le Parlement européen n'est pourtant pas compétent sur tous ces sujets majeurs qui, à l'avenir, ne doivent plus échapper au contrôle démocratique des parlementaires des pays concernés.
C'est pourquoi je propose que l'on réfléchisse à une nouvelle règle à instituer pour toutes les politiques mises en oeuvre dans le cadre de coopérations renforcées ou de traités. Cette règle aurait pour objectif de généraliser le recours aux Conférences interparlementaires de ce type, associant Parlements nationaux des pays concernés et Parlement européen. C'est ce que nous proposons pour la zone euro dans cette résolution, généralisons-le aussi à toutes les coopérations renforcées et à tous les traités.
Le Parlement européen doit contrôler l'exécutif européen, les Parlements nationaux les exécutifs nationaux. Et ensemble, Parlements nationaux et Parlement européen contrôleront les coopérations intergouvernementales.
Dans cette optique, des mécanismes nationaux et européens doivent être instaurés pour garantir cet ancrage démocratique et rapprocher les citoyens de l'Europe. C'est le sens de la résolution européenne que nous voterons aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, mesdames, messieurs, je me permettrai, dans cette période de « décomplexion » complexe, de citer Freud qui disait que « si l'on cède sur les mots, on cède sur les choses ». Et je serais tenté de vous dire que ce n'est pas en raccommodant les mots que l'on raccommode la réalité !
L'intitulé même de la proposition de résolution européenne me laisse franchement pantois. Il y est question d'un gouvernement économique européen. Qui dit « gouvernement économique » dit « existence d'un État fédéral ou confédéral ». Je me permets de vous rappeler que le peuple français, le 29 mai 2005, a rejeté cette idée. L'étonnant glissement sémantique sur lequel vous patinez est significatif de quelque chose. Le traité du 2 mars 2012 n'évoque, lui, qu'une gouvernance de la zone euro et vous, prestidigitateurs de mots, passez à un gouvernement économique européen.
Pour domestiquer une réalité contraire maintenant fortement enracinée et quasiment indéracinable, vous parlez d'ancrage démocratique. Quel ancrage ? Quelle démocratie ? Arrêtez de jouer avec les mots comme avec des masques de carnaval, qui ne cachent pas la réalité du visage !
La réalité a été évoquée ici : on a dénoncé le déficit démocratique. On sait que les neuf premiers articles du traité ne confèrent un pouvoir décisionnel qu'à la seule Commission européenne et que c'est seulement à l'article 12 que sont autorisées des réunions informelles des chefs d'État et de gouvernement comme s'ils n'avaient même pas de forme tellement ils sont informels ! Mais s'invitent à la table de ces ministres intègres les réels décideurs, ceux qui décident pour nous. Ainsi à l'article 12, tapent à la porte et entrent le président de la Banque centrale européenne et le président de la Commission européenne ! En clair, qu'on le veuille ou non, ce sont les technocrates européens qui distribuent les cartes et ce sont les chefs d'État qui sont invités à fournir les jetons.
En vérité, le Parlement européen subit la pire humiliation ! Dans ce même article 12, au paragraphe 5, je le lis mot à mot, comme dans une marche funèbre : « Le président du Parlement européen peut être invité à être entendu. » Le pauvre homme devra attendre un bristol pour se voir offrir un strapontin !
La proposition de résolution de notre collègue Christophe Caresche essaie, excusez-moi de le dire, d'opérer un rétropédalage sémantique sur un pédalo humiliant ! Nous voici ravalés au rang de la supplique. Pourquoi ? Parce que, depuis le 9 octobre 2012, nous n'avons plus la main. L'article 13, qui porte peut-être malheur, dit tout : il évoque les parlements nationaux avec un petit « p » et le Parlement européen avec un grand « P ».
Cette proposition de résolution, qui tente de raccommoder la réalité par un raccommodage de mots, ne veut rien dire. En fait, si, elle dit quelque chose. Elle dit que vous avez constaté que vous vous êtes fait faire les poches et que vous courez après le voleur, lequel n'est, finalement, députés qui avez voté le traité, que vous-mêmes !
Vous avez été des souverains sourds à tous les arguments. Vous avez abdiqué notre souveraineté, et maintenant vous tentez par tous les moyens de la récupérer. C'est trop tard !
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, « si vous ne décidez pas vous-mêmes de votre sort, quelqu'un s'en chargera, soyez-en sûrs, mais ce ne sera pas forcément la meilleure solution ». Ces paroles prémonitoires furent prononcées devant le Conseil de l'Europe par François Mitterrand il y a près de vingt ans.
Aujourd'hui, nous traversons une crise de notre modèle de développement économique et social, qui menace et détruit nos emplois et jette des milliers d'Européens dans le chômage et la précarité. Dans ma circonscription des Ardennes, les salariés d'Electrolux à Revin et de Forge France à Nouzonville vivent la cruelle réalité de cette situation. Cette crise démontre de fait l'impuissance actuelle du politique face au monde de la finance, capable à lui seul de bafouer l'expression démocratique des peuples et, pire, de les faire taire en usant méthodiquement du chantage aux délocalisations.
Cette crise est la résultante d'un long processus où la notion même d'intérêt général a totalement disparu. Il faut bien le dire : si la crise frappe aussi durement en Europe, c'est que l'Europe a oublié ses ambitions et ses promesses. Le rêve européen s'est évaporé dans les méandres d'une technocratie peu soucieuse des fondamentaux de la construction européenne.
Le traité instituant la Communauté économique européenne posait pourtant les principes d'un « développement harmonieux et équilibré des activités économiques, une croissance durable et non inflationniste respectant l'environnement, un haut degré de convergence des performances économiques, un niveau d'emploi et de protection sociale élevé, le relèvement du niveau et de la qualité de vie, la cohésion économique et sociale et la solidarité entre les États membres ». Or, aujourd'hui, force est de constater que l'harmonisation sociale, fiscale et environnementale européenne reste un horizon lointain, et que l'absence d'une véritable politique industrielle à l'échelle de l'Europe ne semble déranger personne. Au contraire, le chômage de masse et le dumping social intra-européen semblent être regardés comme une fatalité nécessaire au maintien du château de cartes.
À cet égard, l'impulsion donnée par le Président de la République pour réorienter l'Europe vers plus de croissance et d'emploi est salutaire. Je connais par ailleurs la détermination de Bernard Cazeneuve à lui donner suite, en sa qualité de ministre chargé des affaires européennes. Néanmoins, l'échec du sommet européen du week-end dernier montre à quel point il est difficile de s'entendre lorsque la voix du repli national rend inaudible celle de l'intérêt commun.
C'est pourquoi j'ai la conviction que la réorientation attendue doit s'effectuer démocratiquement, dans le respect des peuples et de leurs organes représentatifs. Le déficit démocratique des institutions européennes est en effet l'une des raisons majeures de la défiance des citoyens envers la construction européenne, malgré leur attachement au projet européen.
À ce titre, la proposition de résolution européenne sur l'ancrage démocratique du gouvernement économique européen portée par Christophe Caresche et soutenue par l'ensemble des membres de la commission des affaires européennes est un premier pas vers une confiance retrouvée. Elle fonde le succès de la nécessaire réorientation de l'Europe vers la pleine participation des Parlements nationaux, rendant ainsi leurs voix aux peuples d'Europe.
En proposant de réunir collégialement les représentants du Parlement européen et des Parlements nationaux, elle poursuit l'objectif d'une plus grande concertation, permettant ainsi à l'Europe de se tenir au plus près des besoins des peuples. Ainsi sera-t-il possible d'orienter les politiques budgétaires de l'Union européenne en respectant chacun, dans le but de servir l'intérêt général européen. En rapprochant les citoyens européens des décisions qui les concernent, cette Conférence des Parlements nationaux et européen sera un élément déterminant dans la lutte contre les replis sur soi, les populismes et les peurs – celles-là mêmes que redoutaient les pères fondateurs de l'Europe, et contre lesquelles cette dernière devait être le rempart.
C'est dans cet esprit que je salue cette résolution en la considérant comme un premier pas vers encore plus de démocratie en Europe. Cet objectif constitue le seul moyen de rendre la confiance et de lutter efficacement contre la crise en appuyant l'Union économique et monétaire sur la volonté du peuple. Elle participe de la nécessité impérieuse de replacer l'humain avant l'économie.
Je conclurai en faisant mienne cette autre citation de François Mitterrand : « Plus il y aura d'Europe, plus cette Europe doit être démocratique, plus elle doit être parlementaire. Alors, travaillons-y ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, l'approfondissement de l'intégration européenne a conduit à un élargissement croissant des compétences communautaires en matière législative, conformément à la logique d'intégration fonctionnelle dite des « petits pas ». De nombreuses tranches de souveraineté nationale relèvent désormais de la compétence exclusive de l'Union ou de compétences partagées entre l'Union et les États membres.
D'autre part, il n'a peut-être jamais été aussi nécessaire d'accroître la légitimité démocratique de l'Europe, alors qu'elle est jusqu'ici essentiellement passée par le renforcement des institutions de l'Union : je veux évidemment parler de l'élection du Parlement européen au suffrage universel direct.
Au stade d'intégration actuel, l'insertion accrue des Parlements nationaux dans le système communautaire apparaît inévitable et indispensable, notamment dans le cadre de l'institutionnalisation des sommets de la zone euro où les décisions sont pour l'instant prises en l'absence de toute forme de légitimation démocratique. Un contrôle est devenu non seulement nécessaire, mais aussi urgent. C'est en partie l'objet de la Conférence interparlementaire, qui permettra d'associer la légitimité du Parlement européen et celle des Parlements nationaux. Je salue l'initiative de Christophe Caresche, soutenue par la présidente et par l'ensemble des membres de la commission des affaires européennes.
À l'heure de la gouvernance économique européenne, il est plus que jamais nécessaire que les citoyens européens s'approprient les débats économiques, financiers et budgétaires qui les concernent. Cette appropriation doit se faire notamment par l'intermédiaire de leurs représentants nationaux. C'est tout l'enjeu de la participation de notre assemblée à la procédure du semestre européen, qu'elle doit influencer au lieu de subir, notamment en anticipant les décisions des institutions communautaires par le biais de prises de position précoces, tant au niveau national qu'au niveau européen au sein de la Conférence interparlementaire. Des réunions sont prévues à ce titre, au printemps et à l'automne, par la proposition de résolution.
L'objectif n'est en aucun cas de remettre en cause la légitimité démocratique du Parlement européen, par ailleurs certaine depuis son élection au suffrage universel. Son éventuel renforcement passerait notamment par son pouvoir d'initiative, et non par sa remise en cause du fait de l'existence de ce cadre interparlementaire. Notre objectif est d'ancrer bien plus encore la légitimité démocratique de l'ensemble du système. À travers leurs députés nationaux, bien plus proches d'eux que les députés européens, les citoyens européens pourront développer une véritable culture européenne.
Je ne pourrais pas conclure mon intervention sans évoquer, en miroir de notre réflexion sur la trajectoire budgétaire et la possibilité de contrôle et de discussion avec les Parlements nationaux, l'actualité toute récente du Parlement européen, du budget européen et des avis de la Commission et du Conseil. Dans les tribunes, des jeunes gens nous regardent et scrutent nos débats. La situation en Europe est exceptionnelle : nous ne devons pas nous empêcher de réfléchir à des solutions exceptionnelles.
J'espère que la résolution dont nous discutons sera votée par tous, en tout cas soutenue par tous, y compris par les absents.
En guise de conclusion, je m'interrogerai sur la manière dont nous sommes capables de nous approprier le budget européen. Ma question est simple. Est-il normal que nous validions un budget européen pour plusieurs années lorsque nous savons que le Parlement européen sera élu quelques mois plus tard ? Est-il normal de discuter aujourd'hui d'un budget européen sans que les Parlements nationaux soient plus impliqués que cela dans la nécessaire légitimation des orientations qu'il doit porter ? Si nous voulons réconcilier les peuples d'Europe avec l'Europe elle-même, est-il normal de ne concevoir malheureusement ce débat sur le budget européen qu'au travers des intérêts nationaux ?
La réorientation de l'Europe portée par le Président de la République dans le cadre de ses engagements va dans ce sens, et je salue les efforts de notre ministre chargé des affaires européennes, Bernard Cazeneuve. L'objectif n'est pas de défendre l'intérêt particulier et la voix au chapitre des Parlements nationaux – de même que les discussions sur le budget européen n'ont pas pour objectif de défendre les intérêts égoïstes nationaux –, mais bien un intérêt général européen qui se confond avec justice, efficacité et démocratie, pour la période actuelle mais aussi pour les générations à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, l'article unique de la proposition de résolution.
La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l'amendement n° 1 .
Cette proposition de résolution est une bonne initiative, qui permet d'impliquer les Parlements nationaux dans la construction européenne, ce qui n'a jamais été le cas jusqu'à présent. La proposition de résolution est d'autant plus méritoire qu'elle est, à mes yeux, à contre-courant. Elle propose d'instaurer du dialogue et de la délibération là où la gouvernance de la zone euro a pris ces dernières années un tournant très coercitif et disciplinaire.
Notre amendement a pour objet de procéder à une accentuation de la solidarité plutôt que de la discipline. Par là même, il s'inscrit dans la nécessaire réorientation de la construction européenne. Nous le savons bien : la discipline est au coeur du traité que le Parlement a ratifié cet automne. Les procédures ont été inversées, et les mécanismes de déclenchement des sanctions, y compris financières, sont quasiment automatiques. C'est l'une des raisons qui m'ont amené à ne pas approuver la ratification du traité. Mais la proposition de résolution permet d'aller de l'avant. Vouloir remettre de la délibération démocratique est une bonne idée, car la démocratie ne peut pas se contenter des visites d'inspection de la Commission européenne, comme celle que nous avons vécue à l'Assemblée nationale le 16 octobre dernier.
Que le Parlement national, expression du peuple souverain mais malmené par la Ve République et par la construction européenne, joue son rôle est une bonne idée. Mais le concept de discipline est contradictoire avec l'objectif de la proposition de résolution d'impliquer les Parlements nationaux qui sont fondés sur le débat, l'argumentation contradictoire et la délibération. C'est pourquoi nous proposons de remplacer dans cette résolution les termes « la solidarité financière et les disciplines budgétaires » par les mots « les solidarités financière et budgétaire ».
Vous l'avez compris, mes chers collègues : en votant cet amendement, nous choisirons résolument la solidarité plutôt que la discipline.
Mon cher collègue, je vous remercie de votre appréciation très positive sur la proposition de résolution que nous avons présentée avec Christophe Caresche.
Je comprends évidemment le sens de votre amendement : il est d'ailleurs très cohérent avec les positions que vous exprimez de façon constante et que vous venez de rappeler. Cependant, je ne peux pas lui donner un avis favorable, d'abord parce que la proposition de résolution a été adoptée à l'unanimité par la commission des affaires étrangères ainsi que par la commission des affaires européennes. Par ailleurs, ce texte a déjà été présenté à nos partenaires européens. Je pense que sa rédaction actuelle établit un bon équilibre entre le respect des règles et la nécessité de faire prévaloir la solidarité, en cohérence avec les souhaits du Président de la République et la politique mise en oeuvre avec constance par le Gouvernement. Voilà pourquoi il ne me paraît ni opportun ni nécessaire de donner un avis favorable à votre amendement. Je le regrette, et j'espère que nous nous retrouverons sur d'autres propositions.
Même avis.
Je partage pleinement l'avis de Mme la présidente de la commission et de M. le ministre. Nous nous sommes engagés. Comme je le disais tout à l'heure, les pays de l'Union se sont imposé ensemble des règles de discipline budgétaire.
Vis-à-vis de nos partenaires, nous devons à la fois affirmer notre solidarité et notre volonté de discipline budgétaire. Je ne peux donc voter cet amendement.
Je mets aux voix l'article unique de la proposition de résolution européenne.
(L'article unique est adopté, ainsi que l'ensemble de la proposition de résolution européenne.)
(Applaudissements.)
Vote sur l'article unique
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-neuf heures cinq.)
Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, notre pays, comme d'autres, est confronté à la montée de la menace terroriste. Cette menace n'est certes pas nouvelle : la France en a déjà fait l'expérience dans sa chair, durement, tragiquement.
Mais la France et son peuple n'ont jamais cédé face à la terreur, à la violence aveugle et lâche. Avec une même constance, la France s'est opposée de toute sa force. Et sa force, la France, comme toutes les grandes démocraties, la tire de ses lois. C'est par la loi, c'est par l'État de droit, que nous devons nous donner les moyens – tous les moyens – de notre action. C'est la raison du projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui. Un projet de loi que le Sénat a approuvé, en première lecture, à une très large majorité, ce dont le Gouvernement se félicite.
Le Président de la République et le Premier ministre ont rappelé, à l'issue du démantèlement de la cellule terroriste qui avait agi contre une épicerie casher à Sarcelles, notre détermination à lutter contre tous ceux qui veulent s'en prendre à nos valeurs. L'esprit de ce texte, vous l'aurez compris, est celui du rassemblement, car il s'agit de défendre les fondements mêmes de nos institutions, de notre société. La République doit être unie contre les ennemis de la République.
Oui, la France fait face à une menace terroriste élevée. Elle doit donc, logiquement, impérativement, se défendre. Il lui faut pour cela adapter ses moyens de détection, d'identification et aussi de répression. Il lui faut renforcer ses dispositifs législatifs. Il lui faut également mieux armer son bras.
Les tragédies de Montauban et de Toulouse ont été les révélateurs des menaces nouvelles qui pèsent sur notre pays et qui viennent de notre sol. Ces menaces, nous devons les affronter avec lucidité, en nommant bien les choses, sans tomber bien évidemment dans le piège des raccourcis, sans stigmatiser. Les menaces nouvelles sont liées au djihadisme, à l'embrigadement d'individus souvent jeunes, parfois convertis de fraîche date à un islam radical, souvent lié aux dérives du salafisme, en totale contradiction – j'y insiste – avec le message que portent les musulmans dans notre pays. Ces individus habitant généralement des quartiers populaires passent à l'acte à l'issue de parcours plus ou moins longs, à l'issue d'un processus où peuvent se mêler antisémitisme virulent, instrumentalisation des conflits du Proche et du Moyen-Orient, passage en prison et séjour à l'étranger dans des camps d'entraînement. Ces individus, véritables ennemis de l'intérieur, représentent une menace diffuse qui réclame un travail de surveillance constant et approfondi.
Je ne veux établir aucune hiérarchie entre les menaces. Il n'y en a pas une qui serait moins condamnable qu'une autre. La République ne peut se résoudre à une telle éventualité. Ce serait renier ses fondements. Le terrorisme doit être combattu dans sa globalité. Combattu pour ce qu'il est : une attaque portée délibérément contre ce que nous sommes collectivement.
Notre pays, je le disais à l'instant, fait face à une montée des menaces liées avant tout au djihadisme global. Elles viennent simultanément de l'extérieur et de l'intérieur de notre pays. Les liens intenses qui existent entre un extérieur et un intérieur – ce qui est propre d'ailleurs à notre monde globalisé – constituent une caractéristique nouvelle, aggravante. Nous devons en prendre toute la dimension.
La zone afghano-pakistanaise demeure un territoire où des candidats au djihad viennent se former. Dans des camps, des combattants volontaires, souvent venus d'Europe ou du Maghreb, reçoivent une formation paramilitaire et idéologique. Elle leur donne les moyens d'une action violente à leur retour dans leur pays. C'est précisément ce que fit Mohamed Merah. Ce qu'il fit avec un passeport français, avec la ferme intention d'attaquer la France.
La justice, saisie par les familles de victimes, doit éclairer le processus qui l'a conduit à cette folie meurtrière. Les victimes et leurs familles ont droit à la vérité. Nous ne devons pas la craindre. C'est pourquoi le ministère de l'intérieur s'est tenu et se tient toujours à la disposition de la justice.
Le passage à l'acte de Mohamed Merah a révélé des failles incontestables dans notre système de renseignement, des failles qu'il convenait de regarder en face, avec lucidité, afin d'y remédier. Le 19 octobre, un rapport que j'avais commandé, réalisé par MM. Leonnet et Desprats, respectivement inspecteur général et contrôleur général de la police nationale, m'a été remis. Je l'ai alors rendu public et transmis d'abord aux commissions des lois du Parlement afin de permettre un débat objectif qui prenne en compte les faits, rien que les faits. C'était une exigence démocratique.
Ce rapport, fondé sur un retour d'expérience approfondi, établit un diagnostic et émet des propositions d'évolution concrètes pour renforcer l'efficacité de nos services de renseignements. Je dis bien pour renforcer, car nous devons être en même temps responsables, prudents. Nous ne devons pas, à travers l'indispensable recherche de la vérité, mettre en cause ceux qui travaillent pour la défense de nos intérêts.
J'entends mettre en oeuvre certaines de ces évolutions dans les meilleurs délais.
La création en 2008 de la direction centrale du renseignement intérieur, la DRCI, répondait à la nécessité de créer un service unique de renseignement et de sécurité intérieure. Ce choix se justifiait ; il n'y a pas à le remettre en cause, même si je suis toujours ouvert au débat. La DCRI a fait la démonstration et de sa cohérence, et de sa capacité d'action. Son organisation actuelle a également, pourquoi ne pas le dire, montré des limites qu'il convient de corriger.
Trois grandes évolutions doivent être mises en oeuvre. Il est primordial de s'assurer qu'au sein de la DCRI le dialogue entre le niveau central et les niveaux locaux se déroule dans les meilleures conditions. Ce dialogue permet la réactivité dans le suivi d'un individu ou d'un groupe d'individus. Une structure de coordination dédiée sera donc créée.
Le renforcement de la coordination entre le renseignement intérieur et l'information générale est également nécessaire. L'information générale constitue souvent un premier niveau d'alerte, et joue un rôle déterminant pour détecter les signaux faibles d'une menace. Des structures de liaison permanentes entre les services de la DCRI et de l'information générale seront mises en place.
Enfin, la coordination doit être renforcée entre les services territoriaux de la DCRI et les services locaux de la police et de la gendarmerie. Le maillage du territoire qu'ils assurent constitue, à condition qu'il soit exploité, une opportunité incomparable de collecte d'information et de détection.
Ces réformes à venir visent, par le renforcement de la coordination, à développer la capacité d'action territoriale. C'est essentiel pour mieux agir au contact du terrain, là où naît la menace terroriste intérieure et où s'organisent les actions radicales. La menace intérieure demande donc un travail de surveillance lourd et méticuleux, d'autant plus méticuleux que le processus de radicalisation des individus peut s'accomplir de façon très rapide, parfois en à peine quelques mois.
Les leçons tirées des crimes commis par Mohamed Merah permettront, j'en suis convaincu, de renforcer notre renseignement. La mission d'information créée à l'initiative de la commission des lois réfléchit au renforcement du contrôle parlementaire de l'activité du renseignement, et sans doute au-delà. Lors des questions au Gouvernement, cet après-midi, j'ai rappelé à M. Alain Marsaud, qui connaît bien ces sujets, que le renseignement agit pour la défense de notre démocratie. Il doit donc pouvoir disposer d'une totale légitimité démocratique.
Mais au-delà, soyons lucides : la lutte contre le terrorisme réclame une mobilisation de la société dans son ensemble. C'est essentiel pour déjouer les idéologies de haine qui veulent s'y propager. Elle doit mobiliser la communauté nationale, tous les Français, notamment les Français de confession musulmane qui, je les entends, condamnent à l'unisson les actes commis au nom de l'islam. Tous ceux qui font l'apologie du terrorisme, qui se rendent coupables de provocation à la haine religieuse et raciale, seront combattus de manière implacable par tous les moyens légaux, administratifs ou judiciaires.
Je n'ignore rien de l'activisme sectaire de groupes salafistes sur notre sol. Aussi n'hésiterai-je pas, comme je l'ai déjà fait, à procéder à des expulsions de prétendus prédicateurs qui tiennent des discours contraires à nos valeurs.
La menace extérieure vient d'autres zones géographiques que la zone afghano-pakistanaise. Elle vient notamment de la péninsule arabique, où l'organisation Al Qaïda a désigné la France comme une cible prioritaire, après les États-unis. Cette organisation en veut à la France pour, selon ses propres déclarations, les pratiques non islamiques qui caractériseraient notre pays.
La Syrie en guerre fournit également un terrain propice au développement du djihad, permettant de motiver mais aussi de préparer des combattants. Nous l'avons ainsi constaté lors du démantèlement de la cellule que j'évoquais il y a un instant, et qui préparait sans doute, si ce n'était pas déjà réalisé, le passage en Syrie d'un certain nombre d'individus pour le djihad.
En Égypte, en Libye, en Tunisie, les printemps arabes ont représenté des avancées dont il faut se féliciter. Ils ont été porteurs de liberté pour les peuples, et à tout le moins d'espoir démocratique. Ces printemps ont cependant introduit des facteurs incontestables d'instabilité. Dans ces pays, des groupes ultra radicaux – certains se revendiquant ouvertement du djihad – agissent. Leurs actions peuvent alors viser directement ou indirectement notre pays. Il nous faut donc impérativement renforcer notre coopération en matière de lutte anti-terroriste avec les autorités de ces pays. ; ce n'est pas toujours facile.
Le Mali traverse une crise qui dépasse ses frontières. Dans la zone sahélienne, des groupes terroristes, qui soumettent les populations, commettent des actes barbares et font peser une menace sur nos ressortissants – je pense ici évidemment à nos otages –, sur notre pays et sur ses intérêts. Al Qaïda au Maghreb islamique et le Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest ont ainsi désigné la France comme un ennemi.
Il faut agir avec détermination, comme le fait le Président de la République, pour que le Sahel ne devienne pas l'Afghanistan de l'Afrique, pour éviter la sanctuarisation de groupes terroristes dans cette région, et pour que le Mali retrouve son intégrité territoriale. La responsabilité de la communauté internationale est engagée. Elle doit se mobiliser – et elle se mobilise, à l'initiative de la France. Cette responsabilité, vous le savez, repose tout particulièrement sur les États africains.
Le terrorisme qui menace sur notre sol est lié au djihad, mais pas seulement. Il existe d'autres manifestations violentes, plus anciennes, qui doivent tout autant être enrayées.
L'organisation terroriste basque ETA doit ainsi faire l'objet d'une action déterminée, en coopération parfaite avec les autorités espagnoles. Samedi dernier, ETA a fait part une nouvelle fois de sa volonté d'abandonner la lutte armée et d'entamer un dialogue. Nous en prenons acte. C'est la conséquence, à n'en pas douter, de l'action menée, efficacement et sur le long terme, par les services français et espagnols.
Que les choses soient claires cependant : aucun dialogue ne pourra se faire, et aucun dialogue ne se fera, tant qu'ETA n'aura pas prononcé sa dissolution et rendu les armes qui sont en sa possession. L'interpellation de dirigeants importants de l'ETA il y a encore quelques semaines sur notre sol, en possession d'armes, est bien la démonstration de la nécessité de rester vigilant. La République ne peut pas composer avec ceux qui prônent la lutte armée, ceux qui opposent la logique de la violence aux choix démocratiques des citoyens.
La situation en Corse, complexe, où le recours à la violence terroriste reste une tentation prégnante, appelle évidemment la même fermeté. Mais ne soyons pas dupes : beaucoup de ceux qui se réclament de la cause indépendantiste cachent bien mal leurs intentions et leurs liens avec le grand banditisme et la criminalité organisée, et ce depuis longtemps. La détermination de l'État est donc totale. Je l'ai rappelé dimanche et lundi, lors d'un déplacement en Corse avec la garde des sceaux.
Ceux qui ont recours à la violence font mal à la Corse, font mal aux Corses. L'île a besoin d'apaisement pour assurer son développement, pour faire face à la crise, pour préparer son avenir.
La Corse, c'est la France. La Corse, c'est la République. Et on ne transige pas avec les valeurs de la République. Jamais l'action politique ne doit frayer avec la violence. Et le Gouvernement sait pouvoir compter sur le soutien d'une très large majorité des Corses, qui sont attachés à la place et à l'identité de la Corse – c'est légitime – au sein de la nation.
Aux menaces terroristes il faut enfin ajouter les risques liés à l'ultra-droite identitaire, ou à l'ultra-gauche anarchiste ou autonome, qui peuvent mener des actions violentes. Je ne les oublie pas.
La menace terroriste, nous l'avons vu, vient de zones géographiques identifiées ; mais elle se déploie aussi au travers du cyberespace. Aux quatre coins de la planète, des individus peuvent faire vivre ensemble par leurs interactions instantanées une idéologie de haine.
Internet est également devenu un outil de propagande, de recrutement, d'endoctrinement et d'action ; un outil de formation pour les apprentis terroristes ; un outil, enfin, de mise en relation à des fins logistiques entre individus et groupes agissants. Ce phénomène nécessite de prendre les mesures adaptées. J'y reviendrai.
Cet éventail de la menace, que j'ai voulu tracer devant vous, en montre le caractère mouvant. Ce constat souligne la nécessité permanente d'une adaptation de nos dispositifs pour garantir la sécurité des Français. Le présent projet de loi vise donc à garantir une constance dans l'efficacité de notre lutte anti-terroriste. Il se veut utile à la République, aux Français ; utile aux services de sécurité et aux magistrats qui, au quotidien, luttent contre le terrorisme.
Le 11 avril 2012, à la suite des attentats de Montauban et de Toulouse, un projet avait été déposé par le gouvernement précédent et adopté en conseil des ministres. Nous l'avons intégré dans notre réflexion ; le Premier ministre de l'époque, M. François Fillon, avait du reste indiqué que ce texte devrait être débattu quel que soit le résultat de l'élection présidentielle et des élections législatives.
Certaines dispositions ont été approfondies, renforcées – elles sont utiles, monsieur Marsaud –, contrairement à ce que vous avez dit cet après-midi. C'est le cas de la pénalisation des actes terroristes commis à l'étranger.
D'autres, à l'inverse, ont été abandonnées, soit pour des questions de constitutionnalité, comme pour le projet de pénalisation de la consultation habituelle de sites internet à caractère terroriste – nous y reviendrons –, soit parce qu'elles étaient redondantes avec des dispositions existant déjà dans notre droit, soit enfin parce qu'elles ne répondaient pas aux besoins des services anti-terroristes. Les besoins exprimés par les praticiens ont en effet guidé notre réflexion. Nous devons légiférer pour être utile dans l'action.
Le dispositif français de prévention et de répression du terrorisme est le fruit d'une expérience de 25 ans. Dès 1986, la pratique administrative, la loi et la jurisprudence ont forgé des instruments performants. La France s'est dotée d'un dispositif judiciaire spécifique, à forte composante préventive, dont le pivot est la répression de l'association de malfaiteurs à caractère terroriste – je m'exprime ici devant des parlementaires dont certains ont été juges, l'un d'entre eux est même un ancien ministre de l'intérieur : ils savent bien de quoi je parle.
Ce dispositif maintient le juge au coeur de la lutte anti-terroriste, tout en instaurant un équilibre entre l'efficacité de la lutte contre ce phénomène et les libertés publiques. La France a progressivement fait évoluer ce dispositif, en l'adaptant sans cesse à l'émergence de nouvelles menaces. Aujourd'hui, il faut donc à la fois préserver cet acquis et consolider son efficacité d'ensemble.
Le travail a été mené en étroite coopération avec la garde des sceaux. Je suis convaincu que la lutte contre le terrorisme ne peut être efficace que si elle associe pleinement les ministères de la justice et de l'intérieur ; que si elle s'appuie sur la complémentarité entre les services de renseignement, la police et les juridictions spécialisées, qui fait la force du modèle français.
Le présent projet de loi, fruit de ce travail commun, vise un équilibre entre efficacité de la lutte contre le terrorisme et nécessaire préservation des libertés publiques. C'est aussi l'expérience d'autres pays qui m'amène à vous dire combien il est important de préserver cet équilibre.
Ce texte vise la cohésion ; il entend, par le consensus, par le rassemblement, parachever les textes précédents. Cet état d'esprit qui a guidé son élaboration, son examen puis son vote au Sénat, guidera également, je n'en doute pas, son examen par l'Assemblée.
Permettez-moi de saluer le travail très constructif mené par Mme la rapporteure, Marie-Françoise Bechtel. Je veux également remercier Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois, pour la réflexion conduite en son sein : elle a permis d'enrichir ce texte, de le rendre encore plus en phase avec les exigences de la lutte antiterroriste.
Votre commission a adopté trois amendements du Gouvernement permettant de renforcer l'efficacité des mesures de gel des avoirs financiers. Il s'agit notamment de les étendre aux personnes qui incitent au terrorisme. Jusqu'à présent, ce gel des avoirs ne concernait que les personnes commettant, ou tentant de commettre, des actes de terrorisme. Il était logique que les propos, parce qu'ils sont annonciateurs du pire, soient visés autant que les actes.
Votre commission a en outre voté la ratification de l'ordonnance relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure, ce dont je me félicite et vous remercie
Ce projet de loi, qui se veut pragmatique, s'appuie sur deux volets. Le premier consiste à proroger les dispositions de la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme, qui, au fil du temps, ont apporté la preuve de leur utilité en matière de détection et d'identification. Un second volet, répressif, permet de sanctionner plus efficacement les activités terroristes.
Les contrôles d'identité préventifs dans des gares routières ou ferroviaires ainsi que sur des portions de lignes, notamment dans les trains à grande vitesse transfrontaliers, doivent être favorisés. Pour cela, l'action de contrôle des services de police ne doit pas être enfermée dans un délai trop court. Les dispositions en vigueur ont été un gage d'efficacité opérationnelle ; elles ont notamment permis l'augmentation du nombre de patrouilles mixtes à bord des trains internationaux sur les liaisons ferroviaires avec l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la Suisse et l'Italie. Cela a représenté une avancée positive, car certaines lignes ferroviaires, par leur caractère symbolique, ont pu constituer, ou constituent encore, des cibles d'action pour certains réseaux terroristes.
Le cyberespace, nous l'avons vu, est devenu un domaine permettant aux terroristes de communiquer entre eux, de recruter et de s'organiser. L'accès préventif des services de renseignement aux données techniques recueillies dans les communications électroniques ou lors de la consultation de sites internet est par conséquent un outil fondamental. Il permet notamment de vérifier ou recouper, de manière continue, y compris dans l'urgence, les informations recueillies à titre préventif. Cela constitue la base de toute activité de renseignement. Ainsi sont accumulés et étayés, ou au contraire écartés, les soupçons portant sur des personnes ou des réseaux potentiellement dangereux. Cette activité s'effectue sous le contrôle préalable d'une personnalité qualifiée directement subordonnée à une autorité administrative indépendante, la CNCIS. Ce modèle garantit la fluidité et la judiciarisation des informations accumulées dès que les faits détectés justifient l'ouverture d'un cadre d'enquête.
Le Gouvernement propose de proroger une dernière fois les dispositions de l'article 6 de la loi de 2006. Ce débat a eu lieu au Sénat mais aussi au sein de la commission des lois de votre assemblée. Il convient, dans une perspective de réunification, de repenser leur articulation avec les dispositions de la loi du 10 juillet 1991, chère à Michel Rocard. Je m'engage à ce que le Parlement soit étroitement associé à cette démarche qui s'inscrira à la suite du Livre blanc, définira les priorités stratégiques et opérationnelles propres à assurer la sécurité des Français et donnera toute sa place au renseignement intérieur. C'est dans ce cadre renouvelé qu'il faut mener une réflexion sereine et approfondie.
L'accès à certains traitements automatisés administratifs, cartes nationales d'identité, passeports ou encore permis de conduire, permet aux services spécialisés de procéder à de multiples vérifications et de contrôler, par exemple, si un titre d'identité saisi est vrai ou faux. Il permet également, dans une démarche d'anticipation, de suivre les déplacements internationaux d'individus, notamment ceux suspectés d'islamisme radical. D'une manière plus générale, ces consultations de fichiers participent de l'activité permanente de documentation des services habilités.
Le volet détection et identification vise donc, dans la continuité, à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste. Il propose de prolonger jusqu'à la fin de 2015 des dispositions qui ont fait la complète démonstration de leur utilité. À ce volet s'ajoute donc un volet répressif.
La législation française en matière de lutte contre le terrorisme est particulièrement complète. Elle comporte toutefois une insuffisance à laquelle seule la loi pouvait répondre. Il s'agit de poursuivre et de condamner les personnes résidant en France et qui participent à l'étranger à un acte terroriste ou à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste mais qui n'ont encore commis aucun acte délictueux en France. Concrètement, même si elle ne concerne que quelques individus, cette évolution permettra de poursuivre pénalement – et nous en avons vu toute la nécessité – des individus qui se rendraient à l'étranger pour y suivre des travaux d'endoctrinement ou pour intégrer des camps d'entraînement.
La commission des lois, et c'est une bonne chose, a souhaité substituer la notion de résident habituel à celle de personne titulaire d'un titre autorisant le séjour en France, mention qui figurait dans le texte issu du Sénat. Il est nécessaire en effet de rendre possibles les poursuites contre deux catégories de personnes étrangères pouvant vivre en France : les citoyens européens, qui, depuis 2006, sont dispensés de l'obligation de détenir un titre de séjour, et les personnes en situation irrégulière, qui, par définition, n'ont pas de titre de séjour.
Cette pénalisation des actes terroristes commis à l'étranger est une avancée importante. La neutralisation judiciaire des djihadistes revenant ou tentant de revenir sur notre sol est en effet un impératif. Il y a une continuité territoriale de la menace ; il faut une continuité territoriale des poursuites.
En matière de répression, ce projet de loi propose, dans son article 3, d'améliorer nos procédures d'expulsion visant les ressortissants étrangers qui, sur notre sol, soutiennent le terrorisme ou constituent une menace grave pour l'ordre public. Tous ceux qui se trouvent sur le territoire de la République avec l'intention de lui nuire doivent être expulsés sans ménagement.
Ce projet de loi entend également donner des moyens renouvelés aux services de lutte antiterroriste et aux magistrats. Tous font état d'une préoccupation récurrente. C'est également celle des parlementaires. J'ai pu m'en rendre compte lors des débats au Sénat – je pense à l'intervention de l'ancien garde des sceaux, Michel Mercier, et à celle de l'ancien ministre de la défense, Alain Richard – et au sein de votre commission des lois. Cette préoccupation, c'est la rencontre néfaste d'internet et du terrorisme, c'est-à-dire le cyberterrorisme. Les liens immédiats, directs et protégés que permettent les technologies de l'information ont amplifié les risques.
Certains ont pu exprimer leur volonté d'inscrire dans le code pénal, au chapitre consacré au terrorisme, le délit de provocation et d'apologie des actes de terrorisme, actuellement prévu par l'alinéa 6 de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881. J'entends cette logique et je la comprends, mais nous ne pouvions légiférer sur ce texte fondamental qu'est la loi de 1881 sans un consensus véritable. En la matière, le droit français repose sur un équilibre fragile, construit autour de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. Une « exfiltration » du délit d'apologie vers le code pénal pourrait remettre en cause cet équilibre.
Nous devons construire les conditions d'un débat éclairé et apaisé autour de la loi sur la liberté de la presse de 1881 à l'heure de l'internet, un débat qui dépasse le seul domaine de la lutte contre le terrorisme et qui s'inscrive dans le cadre plus large de la lutte contre la cybercriminalité. Ce débat est utile, nous le sentons bien.
En matière de lutte contre le cyberterrorisme, ce texte permet de trouver un équilibre entre l'exigence d'une plus grande efficacité et la garantie toujours nécessaire de la liberté d'expression. La prescription allongée à un an et la détention provisoire donnent des moyens procéduraux renforcés pour appréhender celles ou ceux qui se rendent coupables d'apologie ou de provocation au terrorisme sur internet.
Cette avancée s'inscrit dans le cadre d'une législation nationale qui dispose déjà de moyens importants pour détecter les infractions en lien avec le terrorisme. Aller plus loin nécessite d'abord d'évaluer dans quelle mesure et selon quelles modalités les services opérationnels se sont emparés de ces nouveaux outils de lutte contre le cyberterrorisme.
Je note que les spécialistes, les experts, les praticiens soulignent eux aussi la nécessité d'une réflexion sur les moyens mis à la disposition des services enquêteurs, mais aussi des magistrats, pour appréhender les mutations liées aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. Ce débat sur les moyens n'est pas mince. Il ne suffit pas de proclamer, de vouloir, encore faut-il pouvoir suivre et être efficace.
Il m'apparaît donc nécessaire de réfléchir à l'organisation, au plan national, d'une véritable stratégie de lutte contre la cybercriminalité. De ce point de vue, les sites internet posent un problème aux services antiterroristes car ils associent ou mélangent contenus éditoriaux et moyens de correspondance interindividuels.
C'est pourquoi, à l'heure d'internet, l'encadrement de la liberté d'expression, telle qu'elle a été conçue en 1881 par la loi sur la liberté de la presse, mérite sans doute de nouvelles approches. Je serai très attentif, mesdames, messieurs de la majorité et de l'opposition, aux arguments que vous avancerez lors de la discussion des amendements. Il y a sans doute là de vrais enjeux de réflexion et d'évaluation parlementaires, à l'heure où l'activité des services de renseignement suscite un fort regain d'intérêt.
Mesdames, messieurs les députés, la menace terroriste est là. Elle est diverse, en constante mutation. Nous l'avons combattue par le passé, sans jamais céder à la crainte, sans jamais céder sur nos principes.
Cette lutte, nous devons la poursuivre quotidiennement. Elle est nécessairement discrète, secrète, mais elle se fait sous le contrôle de la représentation nationale. Les Français doivent savoir que tout est mis en oeuvre pour garantir leur sécurité. Avant le 19 mars dernier, il y avait quinze ans que notre sol n'avait pas été atteint par des actes terroristes. Nous devons la vérité à nos concitoyens – la menace est là, extérieure ou intérieure –, aux victimes du terrorisme, à leurs familles, à leurs proches. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, a annoncé la création de la mention « mort pour le service de la nation » qui devrait être notamment, mais pas seulement, attribuée aux trois militaires tués en mars dernier par Mohamed Merah. Nous leur devons cette reconnaissance. C'est pourquoi nous présenterons un amendement qui va dans ce sens. C'est le souhait du Président de la République, chef des armées.
Je l'ai dit au Sénat et je le répète ici, je présente ce projet de loi dans un esprit de rassemblement. Au-delà de nos sensibilités, je vous invite à donner à la France une entière capacité d'action. Seule cette action permanente et résolue permet et permettra de défendre ce que nous sommes, donc nos valeurs et notre démocratie. (Applaudissements sur tous les bancs.)
La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, cela fait aujourd'hui une trentaine d'années que le terrorisme frappe notre pays sur fond d'instabilité croissante du monde. Ce premier constat, qui ne pousse pas à l'optimisme, se double d'un autre : les modifications de l'économie et de la société, loin de constituer un frein, semblent plutôt aujourd'hui alimenter les voies et moyens par lesquels la menace terroriste se manifeste. On pense bien sûr à la démultiplication et à l'instantanéité de la communication via internet. Mais on ne saurait oublier ce que la communautarisation, l'exaltation des différences, les soubresauts de certaines zones du monde, en particulier le monde oriental, nourrissent de confusion et de perte de repères, créant ainsi un terreau d'autant plus dangereux qu'il s'autoalimente tant de l'intérieur que de l'extérieur.
Face à la menace terroriste, notre pays s'est doté, depuis 1986, d'un dispositif qui a été ensuite amélioré par des dispositions législatives nombreuses – j'en ai dénombré une quinzaine. De l'avis général, ce dispositif, en tant qu'il est centré autour d'une incrimination qui est celle de l'association de malfaiteurs en vue de préparer un acte terroriste, est juridiquement à la fois solide et suffisant. Au demeurant, il a été largement repris depuis 2001 par la législation européenne.
Il n'en reste pas moins que l'expérience révèle des besoins qu'il ne faut pas sous-évaluer et qui doivent donc conduire, dans la mesure nécessaire, à adapter le dispositif à une certaine multiplication des menaces. C'est moins la quantité, chose difficile à évaluer, qui est ici en cause que, si j'ose dire, la qualité, en raison des comportements nouveaux que j'évoquais en commençant mon propos. La société numérique offre ainsi des possibilités, sciemment et même systématiquement utilisées, et ce qui n'est après tout qu'un instrument ne serait pas si nocif s'il ne venait à l'appui de dévoiements individuels, parfois de croisades plus collectives, et s'il ne permettait souvent à des groupes éclatés, caractéristique du terrorisme en ce début de xxie siècle, de recruter, former et encadrer.
La réflexion qui accompagne ces évolutions, parfois brusquée par des faits particulièrement graves tels ceux qui ont donné lieu à l'affaire Merah, a donc conduit le Gouvernement à saisir le Parlement d'un projet dont je dirai qu'il répond à un double équilibre : un équilibre interne entre la prévention et la répression. C'est ce qui a fait le succès de notre système et c'est cet équilibre qui, aux yeux de votre rapporteure, doit guider le législateur. Il doit être préservé. Ainsi, des dispositions qui viseraient à sanctionner trop tôt des comportements ou des actes sans avoir suffisamment réfléchi aux besoins des services risquent de se retourner contre la volonté de leurs auteurs. Pour afficher en effet une répression immédiate et accrue, de telles dispositions pourraient nuire à l'efficacité même de la lutte contre le terrorisme en substituant trop tôt la répression judiciaire à l'intervention des services de renseignement.
La tentation de saisir directement par la répression ce qui n'est qu'un stade de la menace terroriste doit donc être pondérée. Nous retrouverons ce dilemme à l'occasion de l'examen de certains amendements.
Le second équilibre est celui qui doit être recherché entre le souci de l'État de droit qui nous anime tous et le besoin de ne pas gommer la spécificité du dispositif antiterroriste.
Ce dispositif, on le sait, avait conduit le législateur à rechercher, par exception au droit commun, une centralisation dès le stade de l'enquête judiciaire et jusqu'au jugement. Une particularité autre résulte de la possibilité donnée aux services d'accéder aux informations contenues dans des fichiers administratifs, bien que, en réalité, cet accès se fasse largement sur habilitation du juge judiciaire, comme en d'autres matières. Mais il est vrai qu'il s'agit d'un accès large, justifié par le fait qu'il y a souvent lieu d'aller – si on me passe l'expression – « à la pêche ». L'idée est que la recherche doit être large et le dispositif de prévention-répression étroit, de manière à bien cibler les individus ou les groupes les plus dangereux.
Un système spécifique, donc, mais qui ne peut en aucune manière se comparer à un dispositif d'exception.
Cette spécificité reste aujourd'hui justifiée. De même qu'il n'est pas d'État de droit sans que la sûreté soit garantie à tous – c'est ce que dit notre Déclaration des droits de l'homme et du citoyen –, de même il n'est pas non plus d'État de droit sans que sa sécurité externe soit également assurée. À plus forte raison lorsque cette sécurité externe est directement liée à des menaces sur le sol national. C'est ce qui justifie, là encore, les particularités d'un droit du terrorisme qui ne s'assimile pas à la lutte contre la délinquance ou la criminalité organisée, même s'il en revêt parfois certains traits ou peut en prendre la forme.
Un droit spécifique est donc nécessaire et doit être adapté lorsque les circonstances l'exigent. Quant à l'idée selon laquelle frapper le terrorisme risquerait de conduire à des moyens qui pourraient être dévoyés par la lutte contre des mouvements de résistance légitime, cette idée qui n'est pas en elle-même une vue de l'esprit – notre propre histoire en témoigne – doit être apaisée par la considération suivante : la définition même du terrorisme dans notre pays, telle que trente ans de pratique judiciaire la font ressortir à travers l'association de malfaiteurs, n'a jamais porté sur des actes qui pourraient se revendiquer, fût-ce théoriquement, de la libération contre un ordre oppressif tel qu'il résulterait de l'occupation d'un pays soumis à un régime dictatorial. C'est la définition de la résistance légitime. Ainsi, toute personne ou tout mouvement qui serait en France mis en cause du chef de terrorisme ne le serait et ne continuerait à l'être qu'à raison d'actes qui ne peuvent se réclamer de la libération contre une oppression objective, démontrable en termes de droit et d'institutions. En d'autres termes, est terroriste une action qui vise, comme le dit une doctrine aujourd'hui assez répandue, à l'intimidation collective. Je le dirai d'une autre manière : qui met en péril la population sans que les victimes soient pré-désignées. C'est ce qui distingue le terrorisme de la délinquance meurtrière, même si cette dernière, comme l'illustre une triste actualité, peut avoir aussi des retombées de hasard.
C'est ce double équilibre du dispositif antiterroriste que votre rapporteure s'est pour sa part attachée à maintenir et préserver, comme l'a fait le Sénat, même si le texte voté au Palais du Luxembourg présente certaines différences – mais elles ne me semblent pas majeures – avec celui qui a été adopté par votre commission des lois.
Je le résumerai en disant que la lutte contre le terrorisme doit se donner tous les moyens nécessaires, mais rien que les moyens nécessaires. C'est selon ce critère que je vous invite, mes chers collègues, à examiner le texte qui est soumis à votre vote, car il me semble que nous sommes tous attachés tant à l'efficacité de notre droit qu'à son caractère exemplaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement ayant présenté son projet et notre rapporteure venant d'expliquer l'appui apporté par la commission, je voudrais concentrer mon propos sur ce que n'est pas ce texte.
J'ai en effet été assez surpris, déçu, heurté, par les propos de l'un de nos collègues qui, brisant le consensus qui avait accompagné la naissance de ce texte au Sénat, a estimé que son principe même, son annonce, son dépôt frisaient dangereusement les méthodes qui ont été battues il y a quelques mois aux élections présidentielle et législatives. Je voulais dire combien je trouve ce jugement inadapté.
D'abord, ce texte n'a pas été établi dans l'urgence, dans l'émotion d'une tragédie. Au contraire, il est le produit d'une analyse d'une situation existante, de la comparaison des législations pour repérer les éléments qui pourraient être améliorés, en prenant appui sur les commentaires, les pratiques de ceux qui sont des professionnels et que nous avons entendus.
En effet, ce qui marque la véritable genèse de ce texte, c'est la concertation active et fructueuse qu'il y a eu entre le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice. Elle s'est concrétisée par l'institution d'un groupe de travail associant des magistrats spécialisés, des policiers de la sous-direction antiterroriste, des membres de la DCRI et deux conseillers près la Cour de cassation. C'est je crois l'existence de ce groupe de travail, le rapprochement des méthodes, qui a permis de proposer des solutions pragmatiques et adaptées. Certaines, d'ailleurs, viennent d'un texte déposé par le précédent gouvernement qui a été passé au tamis du pragmatisme, en écartant celles qui paraissaient présenter un risque d'inconstitutionnalité.
C'est donc une méthode de travail fondée sur le dialogue et l'écoute qui aboutit à un texte correspondant véritablement aux attentes de ceux qui combattent le terrorisme.
C'est donc un texte tout simplement utile, qui évite le superflu, l'emphase, et apporte un soin particulier au respect des libertés publiques.
Il y a une rupture avec un certain passé, c'est vrai : c'est un texte qui n'institue pas de nouvelles incriminations. C'est un texte qui se contente d'étendre les dispositifs ayant montré leur efficacité.
La promulgation de nouveaux textes pénaux en réponse aux faits divers médiatiquement relayés est une facilité dont nous ne voulons pas. Nous préférons travailler sur la base de ce que nous disent les professionnels de la lutte contre le terrorisme. Nous savons que la France – la rapporteure l'a dit, le ministre aussi – dispose d'un arsenal juridique très impressionnant qui est envié à l'étranger, et que les besoins du moment n'excèdent pas certaines adaptations que le texte en discussion s'emploie justement à mettre en oeuvre.
Il n'est donc pas nécessaire de créer de nouvelles incriminations qui auraient pu fragiliser le dispositif, parce qu'il y avait un risque de censure de la part du Conseil constitutionnel, qui a déjà eu l'occasion de montrer qu'il n'hésitait pas à sanctionner toute infraction créée par le législateur qu'il ne jugeait pas absolument nécessaire.
La méthode que vous avez suivie, monsieur le ministre, ce n'est pas celle de la surenchère ni celle de la précarisation de notre arsenal législatif : c'est simplement le bon sens.
En plus, ce texte ne remet pas en cause l'équilibre entre l'efficacité de la réponse pénale et le respect des libertés fondamentales. Assez difficile à trouver, c'est un équilibre auquel tous les parlementaires, quel que soit le groupe auquel ils appartiennent, sont indéfectiblement attachés.
L'autorité judiciaire, vous l'avez rappelé, doit demeurer le pivot central de notre dispositif antiterroriste. C'est un principe, toujours menacé, au respect intangible duquel nous devons veiller, sinon la législation exceptionnelle s'appliquant dans ce domaine pourrait subrepticement se transformer en législation d'exception. Nous n'en voulons pas : il n'y pas cette tentation, d'autant que nous nous appuyons sur le texte de 2006 qui a été validé par le Conseil constitutionnel.
C'est un texte sur lequel les autorités administratives indépendantes n'ont pas émis de remarques qu'il s'agisse de la CNIL ou du Défenseur des droits. La sérénité de nos débats y gagne.
Enfin, ce texte ne stigmatise personne. Il prend la réalité, l'observe et propose des solutions.
Oui, ce texte n'a rien à voir avec des méthodes que nous avons connues. Au contraire, il inaugure une nouvelle approche de la question du terrorisme, moins tonitruante et plus empirique. Il ne s'agit plus, comme on dit trivialement, d'épater la galerie, mais d'apporter des solutions concrètes à des problèmes effectifs. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est une méthode adaptée aux importants défis qui nous attendent et je souhaite qu'elle prospère, dans l'intérêt de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme (suite).
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron