Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du 27 novembre 2012 à 15h00
Ancrage démocratique du gouvernement économique européen — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

La proposition de résolution dont nous discutons aujourd'hui est d'une grande importance. Elle est aussi d'actualité.

Depuis plusieurs mois, le cadre dans lequel les Parlements nationaux, dont le nôtre, interviennent au sein de l'Union européenne a significativement évolué. Ce n'est pas le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire, dont nous avons débattu, qui l'a modifié : c'est un ensemble de dispositifs institutionnels et réglementaires qui ont progressivement construit de nouvelles relations entre l'Union et les États.

À nouveau dispositif, nous affirmons la nécessité de nouveaux droits pour affirmer la représentativité et la légitimité nationales.

Qu'est ce qui a changé ? Le cadre qui s'impose désormais à nous est constitué de ce que l'on appelle le semestre européen, ainsi que d'un ensemble de mesures à la fois contraignantes et collaboratives en direction des États membres.

Pour résumer brièvement le semestre, en janvier la Commission publie son examen annuel de croissance, en mars sont fixées les lignes directrices, en avril les États présentent leurs programmes de stabilité ou de convergence et leurs programmes de réforme et en juin, la Commission évalue ces programmes puis les chefs d'État les adoptent.

Parallèlement, le six-pack, soit cinq règlements et une directive européenne entrés en vigueur fin 2011, prévoit que les États membres qui sont en procédure de déficit excessif doivent se conformer aux recommandations spécifiques que leur adressera le Conseil européen en vue de corriger ce déficit, sous peine de sanctions financières.

Dans ce cadre, que pouvons-nous proposer ?

Dans sa résolution d'octobre dernier, « Semestre européen pour la coordination des politiques économiques : mise en oeuvre des priorités pour 2012 », le Parlement européen « note avec inquiétude que, dans de nombreux États membres, ni les Parlements nationaux, ni les partenaires sociaux, ni la société civile n'ont été associés au processus du semestre européen ». Il invite dès lors instamment la Commission à veiller à ce qu'une plus grande légitimité démocratique soit donnée au processus, par l'association de ces acteurs.

Cette même résolution rappelle qu'une coopération étroite entre le Parlement européen et les Parlements nationaux est essentielle pour établir la légitimité démocratique et l'appropriation nationale du processus du semestre européen, lesquelles sont absolument nécessaires. Elle demande aussi un renforcement du dialogue entre les niveaux européen et national, dans le respect de la répartition des tâches de chacun. Enfin, le Parlement indique qu'il est essentiel d'améliorer la légitimité du semestre européen, de dissiper les ambiguïtés juridiques qui, à défaut, pourraient donner lieu à des conflits de nature institutionnelle dans le futur, y compris en matière de superposition et duplication des compétences et responsabilités, et enfin de mettre fin au manque de clarté et à la complexité croissante du cadre institutionnel de l'Union.

C'est dans ce contexte volontariste, s'agissant des députés tant européens que français, que nous entendons défendre quelques principes simples mais indispensables.

Ainsi, notre proposition de résolution demande la mise en oeuvre de la Conférence interparlementaire prévue à l'article 13 du TSCG, qui se réunirait avant et après que les programmes aient été arrêtés au milieu d'année. Elle vise aussi à créer en son sein une commission de contrôle complémentaire dédiée à la zone euro.

Elle propose aussi que notre parlement puisse se saisir et débattre autant qu'il le souhaite des politiques budgétaires et économiques au cours du semestre. Sur ce point, notre résolution a déjà débouché puisqu'un amendement au projet de loi organique sur les finances publiques, devenu l'article 10 de la loi nouvelle, donne la possibilité au Parlement de débattre des documents produits par l'Union et le Gouvernement.

Enfin, logiquement, notre résolution propose une harmonisation des calendriers entre l'examen des lois de finances et de financement et les étapes du processus de convergence initié au niveau des États et de la Commission.

Ces éléments apparaissent à la fois comme des dispositions de rationalisation et de contrôle par notre Assemblée.

Ces premiers progrès sont nécessaires, ils ne seront probablement pas suffisants. Pourquoi faudra-t-il, tôt ou tard, aller plus loin ?

La situation en Europe est particulièrement grave. Entre 2008 et la mi-2012, le taux de chômage dans les vingt-sept États membres est passé d'environ 7 % à 10,4 %, ce qui correspond à quelque 25 millions de chômeurs. Plus d'un jeune sur cinq est au chômage : le taux de chômage des jeunes est de 22 % et dépasse 50 % dans plusieurs États membres ; 8,3 millions d'Européens âgés de moins de vingt-cinq ans ont quitté le système scolaire, sont sans emploi ou ne suivent pas de formation ; 115 millions de personnes sont en danger d'exclusion sociale dans l'Union européenne des Vingt-Sept, exposées à un risque aggravé de pauvreté, à un dénuement matériel extrême ou n'ayant pas accès au marché du travail.

La vie réelle montre que les programmes d'austérité extrême sont un contresens économique. L'examen particulier des situations en Europe ne montre pas de lien direct entre l'absence de compétitivité des industries et un État-providence trop gros ou trop grand. C'est ce que dit une nouvelle fois l'éminent économiste Paul Krugman, en partant de statistiques incontestables.

Dans ces conditions, la réintroduction des Parlements dans le dialogue avec l'Europe est une nécessité.

Il est clair qu'à terme l'examen des programmes de stabilité et convergence et des programmes de réforme devrait pouvoir faire l'objet d'une discussion par les Parlements nationaux.

De la même façon, les méthodes, hypothèses et paramètres qui sous-tendent les prévisions macroéconomiques et budgétaires de l'Union devront leur être transmis.

Par ailleurs les Parlements devraient être en mesure de donner un avis sur les évaluations des répercussions sociales des recommandations faites.

Enfin il convient que les Parlements puissent opposer aux instances européennes, quand cela est nécessaire, le principe de subsidiarité.

Ces exigences, qui vont au-delà de notre propre résolution, sont d'ores et déjà conformes à ce que le Parlement européen exige de la Commission. Il serait anormal que demain notre assemblée ne demande pas autant que ce que demande le Parlement européen pour nous.

Avec cette résolution, nous avançons, nous faisons un premier pas, mais il reste du chemin devant nous. De tous les Parlements nationaux monte aussi une demande : que la Commission cesse de recourir de plus en plus au règlement, qu'il y ait un vrai dialogue entre Parlements nationaux, Parlement européen et Commission européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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